CA Lyon, 8e ch., 15 octobre 2025, n° 24/06093
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Immorente (SCPI)
Défendeur :
Novita (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mme Drahi, M. Goursaud
Avocats :
Me Sourbe, Me Bardin Lahalle, Me Richard
Exposé du litige
Par acte sous seing privé du 28 mai 2018, la société Preim Retail 1 aux droits de laquelle vient la société Immorente, a loué à la société Novita selon bail dérogatoire, un local commercial (lot 30) dépendant du [Adresse 3].
Par acte sous seing privé du 30 juin 2020, les parties ont régularisé un contrat de bail commercial portant sur les mêmes locaux, pour une durée de douze années entières et consécutives à compter du 1er juillet 2020 pour terminer le 30 juin 2032.
Par acte d'huissier du 6 mars 2024, la société Immorente a assigné en référé la société Novita devant le tribunal judiciaire de Saint-Etienne aux fins de solliciter la résiliation du bail par l'acquisition de la clause résolutoire, l'expulsion et la condamnation de la société Novita au paiement de sa dette locative d'un montant de 83.593,62 €
Par ordonnance de référé du 11 juillet 2024, le président du tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :
Dit n'y avoir lieu à référé,
Débouté les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du CPC,
Condamné la société Immorente aux dépens.
En substance, le premier juge a retenu l'existence d'une contestation sérieuse sur le montant de la créance.
Par déclaration au greffe du 23 juillet 2024, la société Immorente a interjeté appel de cette décision et sollicite l'infirmation de l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Saint-Etienne du 11 juillet 2024 en toutes ses dispositions.
Selon ordonnance de la présidente de chambre et avis du greffe du 29 août 2024, les plaidoiries ont été fixées au 7 octobre 2025 et la clôture le même jour.
En ses dernières conclusions régularisées au RPVA, le 30 août 2024, la SCPI Immorente demande à la cour :
Déclarer recevable et bien fondée la société Immorente en son appel,
Y faisant droit,
Infirmer l'ordonnance de référé rendue le 11 juillet 2024 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Constater qu'à la suite du commandement délivré le 16 octobre 2023, la clause résolutoire est acquise faute par la société Novita d'avoir régularisé la situation,
Constater la résiliation du bail et déclarer la société Novita occupant sans droit ni titre, Ordonner l'expulsion des lieux loués de la société Novita ainsi que de celle de tous occupants de son chef et si besoin avec l'assistance de la force publique, ainsi que la séquestration, à ses frais, risques et péril, des marchandises et objet garnissant les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira à Mme, M. le Président de désigner,
Condamner provisionnellement la société Novita à payer en principal à la société Immorente la somme de 102.444,50 € au titre des loyers et charges impayés, augmenté d'un intérêt de retard calculé au taux fixe de 5% annuel, lesquels seront payables avec la somme principale (article 7.1 du contrat de bail),
Condamner provisionnellement la société Novita à payer en principal à la société Immorente la somme de 10.244,45 € au titre de l'article 7.1 du contrat de bail,
Dire que le dépôt de garantie sera conservé par la société Immorente à titre de premiers dommages et intérêts (Article 17 du contrat de bail),
Fixer et condamner provisionnellement la société Novita à payer à la société Immorente une indemnité d'occupation établie forfaitairement sur la base d'une somme hors taxe égale au double du loyer augmenté de la redevance RIE, le cas échéant et de la provision sur charges de la dernière année de location (Article 17 du contrat de bail), outre le règlement des charges et taxe, jusqu'à la remise des clés,
Condamner la société Novita à payer à la société Immorente la somme de 4.500 € au titre de l'article 700 du CPC,
Condamner la société Novita aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel en ce compris le coût du commandement de payer.
En ses dernières conclusions régularisées au RPVA le 6 septembre 2024, la SAS Novita demande à la cour :
Juger qu'existe une contestation plus que sérieuse,
A titre subsidiaire,
Rappelant les dispositions de l'article 1218 alinéa 2 du Code civil,
Juger que la période de COVID caractérise un cas de force majeure,
Juger que la société Immorente a bien eu conscience de tout ceci puisqu'elle a proposé un règlement atermoyé outre l'annulation pure et simple d'une grande partie de l'arriéré de loyer,
Retenant que tout ceci caractérise la contestation plus que sérieuse,
En tout état de cause,
Condamner Immorente au paiement d'une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
La condamner aux entiers dépens que Maître Richard pourra recouvrer directement en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile,
La Cour confirmera sur le débouté des prétentions d'Immorente,
A titre subsidiaire, la Cour ne pourra que désigner un médiateur, lequel ne pourra que
concilier les parties.
Pour plus ample exposé des moyens développés par les parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile il sera fait référence à leurs écritures.
Par message au RPVA du 12 septembre 2025, le conseil de l'appelante indiquait que la société Novita avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire avec désignation de MJ Alpes, Me [B] [X]. Il demandait la radiation de l'affaire à défaut de reprise spontanée par le mandataire liquidateur.
Par message du 6 octobre 2025, le conseil de l'intimée répondait qu'interrogé, le mandataire liquidateur n'entendait pas intervenir dans la procédure.
MOTIFS
Sur la demande de provision':
L'article L.622-21 du code de commerce pose le principe d'ordre public de l'interruption ou l'interdiction de toute action en justice exercée par un créancier contre un débiteur faisant l'objet d'une procédure collective ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent, dont la créance est antérieure à la procédure collective.
Au sens de l'article L.622-22 du code de commerce, l'instance en cours, interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir, de la juridiction saisie du principal, une décision définitive sur le montant et l'existence de cette créance.
Dès lors, l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, n'est pas interrompue par la survenance de la procédure collective mais la créance faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire.
En l'espèce, selon l'avis Bodacc produit, par jugement du 23 juillet 2025, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a prononcé la liquidation judiciaire de la société Novita et désigné la Selarl MJ Alpes, prise en la personne de Me [B] [X], en qualité de liquidateur.
Dès lors, la demande de l'appelante est devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par le texte susvisé.
La cour confirme par substitution de motifs, la décision attaquée disant n'y avoir lieu à référé.
Sur la demande en constat de la résiliation du bail':
L'article L.145-41 du code de commerce énonce : « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».
Combiné au principe de l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers, cet article emporte que le jeu de la clause résolutoire insérée au contrat de bail est paralysé dès lors qu'à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, l'action n'a pas encore été engagée ou que la décision ordonnant la résiliation du bail pour défaut de paiement de loyers n'est pas encore passée en force de chose jugée.
En l'espèce, la SCI Immorente a engagé l'action visant le constat de la résiliation du bail avant l'ouverture de la procédure collective du preneur. Néanmoins, l'ordonnance de référé rendue le 11 juillet 2024, dès lors qu'elle a été frappée d'appel, n'était pas passée en force de chose jugée au jour de l'ouverture de la procédure collective. Dès lors, en vertu de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, la juridiction des référés ne peut pas accueillir la demande en constat de la résiliation de bail.
La cour confirme par substitution de motifs la décision attaquée ayant dit n'y avoir lieu à référé.
Sur les demandes accessoires
La SCI Immorente succombant, la cour confirme sur les dépens la décision déférée y ajoutant la condamnation de l'appelante aux dépens à hauteur d'appel.
En équité, la cour confirme également ladite décision sur la non application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, y ajoutant sa non application à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans les limites de l'appel,
La cour d'appel,
Confirme l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne la SCI Immorente aux dépens à hauteur d'appel.
Rejette toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.