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Décisions

CA Rennes, 8e ch prud'homale, 15 octobre 2025, n° 21/07981

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 21/07981

15 octobre 2025

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°262

N° RG 21/07981 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-SKJC

M. [Y] [W]

C/

S.A.S. KALYDEA

Sur appel du jugement du C.P.H.de [Localité 9] du 09/12/2021

RG : F 19/01092

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me J.-D. CHAUDET,

- Me Christophe LHERMITTE

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à :

- le CGEA de [Localité 10]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Juillet 2025

En présence de Madame [S] [C], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 15 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT et intimée à titre incident :

Monsieur [Y] [W]

né le 12 Février 1959 à [Localité 11] (44)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 5]

Ayant Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et Me Grégory NAUD, Avocat au Barreau de NANTES, pour conseil

INTIMÉE et appelante à titre incident :

La S.A.S. KALYDEA aujourd'hui en liquidation judiciaire ayant eu son siège social :

[Adresse 6]

[Localité 4]

Ayant Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée par Me Nolwenn BRECHET substituant à l'audience Me Christelle VERDIER, Avocats plaidants du Barreau de NANTES

.../...

INTERVENANTS FORCÉS :

- La S.C.P. de Mandataire Judiciaire [H] [J] prise en la personne de Me [H] [J] ès qualités de Mandataire liquidateur de la SAS KALYDEA

[Adresse 2]

[Localité 9]

Ayant Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée par Me Nolwenn BRECHET substituant à l'audience Me Christelle VERDIER, Avocats plaidants du Barreau de NANTES

- L'Association UNEDIC DELEGATION CGEA AGS DE [Localité 10] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 3]

[Localité 10]

PARTIE NON CONSTITUÉE bien que régulièrement appelée à la cause

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

M. [Y] [W] a créé la société IDA Imprimerie en 1997.

Le 1er octobre 2014, la société IDA Imprimerie, ayant pour gérant M. [W] et la société Imprimloire, ayant pour gérant M. [I], se sont associées pour créer la société Kalydea. La société emploie plus de dix salariés.

M. [W] a été nommé Président de la société Kalydea, tandis que M. [I] a été nommé Directeur général.

La société Kalydea exploitait le fonds de commerce de la société IDA Imprimerie, dans le cadre d'un contrat de location gérance. La cession de ce fonds de commerce à la société Kalydea a été actée en avril 2018.

Dans ce contexte, M. [W] a démissionné de son mandat de Président de la société Kalydea et a été engagé par cette même société, selon contrat à durée indéterminée, le 2 juillet 2018, en qualité de commercial, statut cadre, groupe II de la classification de la convention collective des imprimeries de labeur et des industries graphiques. Sa rémunération était composée d'une partie fixe et d'une partie variable sous forme de commissions.

Le 19 juillet 2019, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique le 29 juillet 2019.

Le 27 juillet 2019, M. [I] a fait intervenir la gendarmerie dans les locaux de la société, ayant constaté que M. [W], accompagné d'une personne tierce, chargeait de nombreux dossiers d'archives dans sa voiture. Aucun procès-verbal n'a été établi.

Le 29 juillet 2019, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute le 06 août 2019 et a été mis à pied à titre conservatoire.

Par courrier en date du 07 août 2019, M. [W] a contesté la mise à pied à titre conservatoire.

Le 21 août 2019, date d'envoi de la lettre de licenciement, la société Kalydea a notifié à M. [W] son licenciement pour faute grave pour 'malversations et vols matériels' et 'tentative de détournement de fichiers informatiques'.

Par courrier en date du 02 septembre 2019, M. [W] a contesté les motifs de son licenciement.

M. [W] a reçu ses documents de fin de contrat arrêtés à la date du 21 août 2019 et a contesté son solde de tout compte par courrier daté du 26 septembre 2019. Par lettre recommandée du 04 octobre 2019, la société a mis en demeure M. [W] de cesser les pressions exercées sur les salariés de la structure, lettre à laquelle ce dernier a répondu le 09 octobre 2019 que cette mise en demeure était sans objet.

Le 19 novembre 2019, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :

- Dire et juger le licenciement dénué de toute cause réelle et sérieuse ;

- Rappel de salaire sur heures supplémentaires :11.857,26 € Bruts

- Congés payés afférents : 1.185,72 € Bruts

- Indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos : 881,39 €

- Congés payés afférents : 88,14 €

- Indemnité pour travail dissimulé : 27.842,03 €

- Indemnités kilométriques 2018 & 2019 : 4.823,25 €

- Rappel sur commissions pour les mois de juillet et août 2019 :1.389,64 € Bruts

- Congés payés afférents : 138,96 € Bruts

- Rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 2.417,07 € Bruts

- Congés payés afférents : 241,71 € Bruts

- Indemnité compensatrice de préavis : 9.655,46 € Bruts

- Congés payés afférents : 965,55 € Bruts

- Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 9.655,46 €

- Indemnité contractuelle de licenciement : 7.600,00 € Bruts

- Article 700 du code de procédure civile : 2.000,00 €

- Intérêts de droit ;

- Remise des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat modifiés conformes au jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé dans un délai de 15 jours suivant le prononcé du jugement, le Conseil se réservant compétence pour liquider ladite astreinte

- Fixer le salaire de référence à 4.827,73 € bruts ;

- Prononcer l'exécution provisoire sur le tout ;

- Condamner la société Kalydea aux éventuels dépens.

Par jugement en date du 09 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Nantes a :

- Dit le licenciement pour faute grave de M. [W] est justifié ;

- Condamné la Société Kalydea à verser à M. [W] les sommes suivantes :

- 4.636,00 € au titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 463,60 € au titre des congés payés afférents,

- 300,96 € au titre du rappel de commissions,

- 30,09 € au titre des congés payés afférents,

- 7.600,00 € au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement,

Lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité, les intérêts produisant eux-mêmes des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- Ordonné à la Société Kalydea de remettre à M. [W] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes dues et les documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent jugement,

- Dit qu'il n'y a pas lieu d'assortir la remise desdits documents d'une astreinte,

- Condamné la Société à verser à M. [W] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rappelé qu'en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, l'exécution provisoire du présent jugement est de droit, le salaire mensuel moyen de référence étant fixé à 4.627,50 €,

- Débouté M. [W] de ses autres demandes,

- Débouté la Société Kalydea de ses demandes reconventionnelles,

- Condamné la Société Kalydea aux dépens éventuels.

M. [W] a interjeté appel le 22 décembre 2021.

Par jugement du 23 juin 2022 du Tribunal de commerce de Nantes, la société Kalydea a été placée en liquidation judiciaire.

M. [W] a assigné en intervention forcée les 12 et 17 août 2022 la SELARL [J] et associés prise en la personne de Me [J] ainsi que l'AGS CGEA de [Localité 10].

L'AGS-CGEA de [Localité 10], pris en la personne de son représentant légal intervenant forcé, ne s'est pas constituée.

Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 04 juin 2025, l'appelant sollicite de :

- Déclarer M. [W] bien fondé en son appel

- Débouter la SELARL [J] et associés es qualité de liquidateur de la société Kalydea de son appel incident

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Nantes le 09 décembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Kalydea à verser à M. [W] la somme de 7.600 € à titre d'indemnité contractuelle de licenciement de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Réformer le jugement déféré pour le surplus

- Juger le licenciement dénué de toute cause réelle et sérieuse

- Fixer les créances de M. [W] au passif de la société Kalydea aux sommes suivantes :

- Rappel de salaire sur heures supplémentaires : 11.857,26 € Bruts

- Congés payés afférents : 1.185,72 € Bruts

- Indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos : 881,39 €

- Congés payés afférents : 88,14 €

- Indemnité pour travail dissimulé : 27.842,03 €

- Indemnités kilométriques 2018 & 2019 : 4.823,25 €

- Rappel sur commissions pour les mois de juillet et août 2019 :1.389,64 € Bruts

- Congés payés afférents : 138,96 € Bruts

- Rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 2.417,07 € Bruts

- Congés payés afférents : 241,71 € Bruts

- Indemnité compensatrice de préavis : 9.655,46 € Bruts

- Congés payés afférents : 965,55 € Bruts

- Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 9.655,46 €

- Indemnité contractuelle de licenciement : 7.600,00 € Bruts

- Article 700 du code de procédure civile : 2.000,00 €

- Dépens Mémoire

- Juger que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes à caractère salarial et à compter de leur fixation judiciaire pour les sommes à caractère indemnitaire, et se capitaliseront

- Juger que l'arrêt à intervenir sera opposable :

- à la SELARL [J] et associés, en la personne de Me [J], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Kalydea

- aux AGS CGEA, qui garantiront les créances dans les limites applicables

Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 29 juin 2023, l'intimée et appelante à titre incident la Selarl [J] et associés es qualité de liquidateur de la société Kalydea sollicite de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Dit que le licenciement pour faute grave de M. [W] était justifié ;

- Débouté M. [W] de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

- Débouté M. [W] de sa demande au titre du travail dissimulé ;

- Débouté M. [W] de sa demande au titre du paiement des indemnités kilométriques ;

- Limité le rappel de commissions à la somme de 300,96 € et 30,09 € au titre des congés payés afférents ;

- Réformer pour le surplus en ce qu'il a :

- Condamné la Société Kalydea à verser à M. [W] les sommes suivantes :

- 4.636,00 € titre de rappel d'heures supplémentaires ;

- 463,60 € au titre des congés payés afférents ;

- 7.600,00 € titre d'indemnité contractuelle de licenciement ;

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la Société Kalydea de sa demande reconventionnelle de remboursement ;

- Débouté la Société Kalydea de sa demande d'article 700 du Code de procédure civile.

En tout état de cause,

- Débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes fins et prétentions ;

- Condamner M. [W] à verser à la somme de 144,83 euros au titre du remboursement ;

- Condamner M. [W] à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [W] aux entiers dépens d'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 05 juin 2025.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

* * *

* MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur les heures supplémentaires

M. [W] expose que l'accord du 29 janvier 1999 de réduction et d'aménagement du temps de travail de la branche des imprimeries de labeur, prévoit dans son article 4-1 que 'la durée hebdomadaire est de 35 heures de travail effectif'. Il soutient qu'il a été amené à travailler au-delà de 152,25 heures par mois en produisant des fiches d'heures remplies par ses soins, dont la trame était fournie par la Direction, et remises à la société le 9 mai 2019. Il ajoute que la société ne produit pas les éléments propres à établir la durée du travail qu'il a réalisée et qu'elle se contente de produire un mail de M. [I] s'interrogeant sur les décomptes transmis sans les contester. Il prétend que c'est M. [O], responsable production/planning/fabrication qui établissait en grande partie les devis réalisés et expose qu'il en a réalisé presque autant que M. [I], pour preuve de son investissement au sein de la société. Il prétend que la société ne pouvait pas ignorer sa charge de travail et qu'il était contraint de travailler au-delà de 152,25 heures mensuelles.

La société soutient qu'elle n'a pas demandé la réalisation d'heures supplémentaires et que sa charge de travail ne le nécessitait pas. Elle ajoute que le décompte produit pas l'appelant n'a pas force probante et que seule une partie de celui-ci a été adressé à la société le 09 mai 2019. Elle affirme que le décompte compte des heures supplémentaires pour les semaines comportant des jours fériés et que l'appelant a effectué un remplissage d'heures par journée sans aucun horaire ou précisions sur l'activité ayant généré ces heures supplémentaires. Elle précise que l'appelant n'a jamais sollicité avant la rupture de son contrat une demande d'heures supplémentaires et qu'il consacrait une partie de son temps professionnel à des activités personnelles notamment pour des tâches en lien avec des associations dans les locaux de la société. Elle conclut que l'appelant était peu investi dans son travail en ce qu'il n'a été à l'origine que de 296 devis sur 4386 pour la structure entière alors qu'il occupait la fonction de commercial et qu'il était commissionné à ce titre.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [W] produit des décomptes de son temps de travail au fil des semaines et des mois, ce qui est suffisamment précis pour permettre à l'employeur de justifier de la réalité du temps de travail réalisé par le salarié, d'autant qu'il ressort des pièces de la procédure que ces décomptes ont été communiqués à son employeur dès le 9 mai 2019.

Il importe peu que le décompte ne soit pas réalisé au jour le jour, pourvu qu'il soit suffisamment précis comme c'est le cas en l'espèce. Sauf à faire peser la charge de la preuve exclusivement sur le salarié, l'employeur ne peut soutenir une absence d'étayement ou de fiabilité de ce décompte pour écarter les heures supplémentaires. En effet en présence d'un décompte suffisamment précis, il lui appartient d'apporter la preuve de la réalité des heures effectuées par le salarié, ce qu'il ne fait pas en l'espèce.

Force est de constater que la société Kalydea se limite à communiquer un mail de M. [I] dans lequel il s'interroge sur les décomptes transmis sans les contester, mais ne produit aucune pièce de nature à contredire les décomptes produits.

Ce n'est que par voie d'affirmation que la société prétend que le temps de travail de M. [W] était en partie consacré à ses activités personnelles.

Si la société produit deux attestations de salariés, M. [O] et Mme [V], il ne ressort d'aucun de ces témoignages que M. [W] n'aurait pas accompli d'heures supplémentaires, et le fait qu'il ne s'occupe pas du suivi des dossiers en cours de production et sans incidence sur la discussion relative aux heures supplémentaires.

Par conséquent, la cour fait droit à l'intégralité des demandes de rappel d'heures supplémentaires de M. [W], soit 108 heures de juillet à octobre 2018, 174,85 heures de novembre 2018 à mai 2019 et 64,5 heures de juin à juillet 2019.

En l'absence de dispositions conventionnelles sur la majoration d'heures supplémentaires pour les salariés cadres, il convient de se référer à l'article L. 3121-36 du code du travail qui prévoit qu'à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire 'xée à l'article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

La cour réforme le jugement entrepris quant au quantum des heures retenues et fixe la créance de M. [W] au titre des heures supplémentaires qu'il a accomplies entre juillet 2018 et juillet 2019 au passif de la société Kalydea à la somme de 11.857,26 € bruts, outre 1.185,72 € bruts au titre des congés payés y afférents.

Sur la contrepartie obligatoire au repos

Le salarié appelant soutient qu'il a réalisé des heures supplémentaires au-delà du contingent d'heures supplémentaires sans bénéficier des repos correspondants et que l'employeur ne peut prétendre écarter certaines heures sans produire les justificatifs des heures travaillées. Il précise avoir accompli sur l'année 2018, 165 heures supplémentaires soit 35 heures au-delà du contingent conventionnel de 130 heures annuelles. S'agissant de l'année 2019, il fait valoir avoir accompli 182,35 heures supplémentaires soit 52,35 heures au-delà du contingent. Il soutient qu'il n'a jamais bénéficié de contrepartie obligatoire en repos.

L'employeur fait valoir que l'appelant n'apporte pas la preuve des heures supplémentaires.

En application de l'article L. 3121-30 du code du travail, toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel donne droit à une contrepartie obligatoire en repos.

Sauf dispositions conventionnelles plus favorables, cette contrepartie est fixée en application des articles L. 3121-33 et L. 3121-38 du même code à :

- 50 % pour les entreprises de 20 salariés au plus ;

- 100 % pour les entreprises de plus de 20 salariés.

Le repos compensateur de remplacement permet de remplacer tout ou partie du paiement des heures supplémentaires et des majorations afférentes par un repos compensateur équivalent.

L'accord du 29 janvier 1999 de réduction et d'aménagement du temps de travail de la convention collective des imprimeries de labeur fixe, en son article 9.5, le contingent annuel à 130 heures, mais ne prévoit pas de taux pour la contrepartie obligatoire en repos.

La société Kalydea employant moins de 20 salariés, M. [W] peut donc prétendre au paiement d'une indemnité correspondant à 50 % des heures supplémentaires qu'il a effectuées au-delà du contingent annuel, calculée comme suit :

- au titre de l'année 2018 : 35 heures X 20,1071 € X 50 % = 351,87 €,

- au titre de l'année 2019 : 52,35 heures x 20,2299 € x 50 % = 529,52 €.

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, la créance de M. [W] à titre d'indemnité pour perte de contrepartie obligatoire en repos sera fixée au passif de la société pour un montant de 881,39 €, à laquelle s'ajoute 88,14 € correspondant aux congés payés, et en définitive une somme totale de 969,53 euros.

Sur le travail dissimulé

Le salarié affirme que le fait, pour l'employeur, de ne pas régler ni déclarer les heures supplémentaires est constitutif du travail dissimulé.

Il déduit l'élément intentionnel du travail dissimulé de ce que l'employeur ne pouvait sérieusement ignorer l'amplitude de travail de son salarié, notamment en ce qu'il avait envoyé un mail à M. [I] le 9 mai 2019 récapitulant ses décomptes d'heures.

En réponse, l'employeur relève que lors de la communication d'une partie du décompte, il a émis une contestation démontrant son désaccord avec le décompte produit. Il ajoute que l'appelant ne démontre aucun élément intentionnel du travail dissimulé.

Il résulte de l'article L. 8221-1 du code du travail qu'est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Il résulte de l'article L. 8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il revient au salarié de rapporter la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé.

La dissimulation d'emploi prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail, à l'occasion de l'omission d'heures de travail sur le bulletin de salaire, n'est caractérisée que si l'employeur a agi de manière intentionnelle, le caractère intentionnel du travail dissimulé ne pouvant se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l'espèce, la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé n'est pas rapportée au vu des éléments produits par le salarié, le courriel adressé à M. [I] trois mois avant la rupture étant insuffisant à caractériser une telle intention.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée sur ce fondement.

Sur les indemnités kilométriques

M. [W] soutient que son contrat de travail stipule le remboursement des frais kilométriques. Il prétend avoir complété des fiches de frais kilométriques faisant apparaître le nombre de kilomètres parcourus pour ses déplacements professionnels, et transmises par mail à la société les 4 janvier et 7 mai 2019. Il affirme que l'exigence de la communication 'mensuelle' d'un relevé alléguée par la société n'est prévue ni dans le contrat de travail, ni dans le mail de M. [I] du 24 juillet 2018.

L'employeur expose notamment que le contrat de travail stipule que les frais sont validés tous les mois par la fourniture d'un relevé précis des déplacements réalisés et selon les modalités fixées par l'entreprise, telles qu'une communication mensuelle, ce qui n'a pas été observé par le salarié.

En matière de frais professionnels, le salarié justifiant avoir exposé des frais pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doit se voir rembourser des sommes avancées, sans qu'elles puissent être imputées sur la rémunération.

En l'espèce, le contrat de travail de M. [W] prévoit, en son article VIII que 'Monsieur [Y] [W] sera remboursé des kilomètres professionnels parcourus pour réaliser sa mission en fournissant à la société un relevé précis des déplacements réalisés et selon les modalités fixées par l'entreprise'.

Il ressort des échanges de mails communiqués par l'employeur que les modalités fixées entre les parties étaient les suivantes :

- Utilisation du véhicule personnel de M. [W] avec une participation forfaitaire au frais réels de 200 euros mensuellement, en utilisant la carte professionnelle de la Société à sa disposition ;

- Prise en charge de la prime d'assurance de son véhicule personnel ;

- Possibilité d'utiliser le véhicule de Société avec, dans ce cas, minoration de la somme de 200 euros mensuels.

S'il est ainsi établi que M. [W] devait communiquer à la société un relevé précis des déplacements, il ne ressort toutefois ni du contrat du travail ni d'aucun échange de mails porté à la connaissance de M. [W] que les frais devaient être validés tous les mois.

La seule mention de la validation mensuelle ressort d'un échange de mails entre M. [I] et deux salariées, [Z] et [A], dont la lecture des boîtes mail structurelles laisse penser à la cour qu'elles étaient affectées aux services administratifs et à l'accueil de la société ([Courriel 8] ; [Courriel 7]).

Le contrat de travail faisant seulement référence au caractère précis des relevés, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les indemnités kilométriques devaient être déclarées mois par mois et que M. [W] ne s'est pas plié à cette règle.

C'est à tort que l'employeur fait valoir que M. [W] avait à sa disposition un véhicule de société Citröen C3 en ce qu'il ressort de l'acte de cession de fonds de commerce en date du 11 avril 2019 que les parties avaient prévu que le véhicule Citröen C3 immatriculé BJ 807 NT restait la propriété de M. [W], sans être compris dans ladite cession au titre des biens meubles. Si M. [W] est devenu salarié de la société à compter du 2 juillet 2018, l'employeur ne démontre pas que l'utilisation de ce véhicule entre le 2 juillet 2018 et la date de cession a eu un impact sur les frais kilométriques réellement engagés par M. [W]. Il ressort en outre d'un échange de mails entre M. [I] et M. [W] en date du 6 décembre 2018 que M. [I] indiquait à M. [W] qu'il acceptait de lui concéder ledit véhicule sans qu'il ne ressorte de cet échange une quelconque contrepartie sur les règles appliquées à M. [W] au sein de la société en matière de frais kilométriques.

Si l'employeur fait valoir que le salarié avait la possibilité d'utiliser un véhicule de société, il ne ressort pas plus des pièces de la procédure que cette faculté était une obligation contractuelle à laquelle M. [W] ne s'est pas plié.

Au vu des relevés produits en procédure et non utilement contestés en leur quantum, il sera alloué à M. [W] la somme due au titre des frais kilométriques pour les deux années considérées, de laquelle il conviendra de déduire les frais de carburants réglés avec la carte bancaire de la société, soit un montant de 4.823,25 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur le rappel de commissions

M. [W] expose que l'article 6 de son contrat de travail prévoit que sa rémunération comprend une partie variable sous forme de commissions en fonctions d'objectifs de chiffres d'affaires. Il soutient que le montant des commissions qui lui ont été versées n'intègre pas un certain nombre d'affaires acceptées par la société avant la cessation effective de la relation de travail, ce que stipule son contrat de travail. Il affirme que la société ne produit aucun document justificatif à ce sujet.

L'employeur fait valoir que la commission n'est due qu'une fois le dossier totalement finalisé et facturé. La société KALYDEA reconnaît devoir les commissions réclamées par M. [W] concernant les dossiers TOTAL France pour un montant de 81,57 €, SERIS pour un montant de155,39 € et SOFIA pour un montant de 64,00 €. L'employeur ne reconnaît pas devoir de commissions concernant les autres dossiers, soit en ce qu'elle prétend que les dossiers n'ont pas généré de commissions, qu'ils ont généré des commissions mais postérieurement au départ de M. [W] ou encore que les dossiers ont été suivis par d'autres que lui.

Lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire. Il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.

En l'espèce, il ressort de l'article VI du contrat de travail de M. [W] que 'Le versement de cet intéressement s'effectuera sous forme de commission sur le bulletin du mois suivant la date de facturation. Une régularisation sera faite par la Direction après encaissement avec prise en compte d'éventuels impayés. Monsieur [Y] [W] ne pourra prétendre à aucune commission sur les commandes non acceptées par la société pour un motif légitime. [...] En cas de rupture du contrat de travail, quel qu'en soit le motif monsieur [Y] [W] perdra tout droit à commissions, à l'exception de celles correspondant aux affaires acceptées par la société avant la cessation effective de la relation contractuelle'.

L'annexe au contrat de travail indique que l'objectif de chiffre d'affaires mensuel minimum à réaliser pour 2018 et 2019 est de 43.000 € HT et que les commissions allouées à M. [W] sont de '2% du chiffre d'affaires HT réalisé auprès des clients démarchés par ses soins y compris auprès des clients du portefeuille au nom de [Y] [W].'

Sur le dernier bulletin de paie d'août 2019, la société KALYDEA a versé à M. [W] à titre de commissions les sommes de 1.160,10 € bruts pour le mois de juillet et 287,80 € bruts pour le mois d'août.

S'agissant de rémunérations variables, pour des commissions dont les montants sont calculés sur le chiffre d'affaire réalisé, il revenait à l'employeur de justifier des chiffres d'affaires réalisés afin d'établir le montant des commissions dues à M. [W]. Or, la société se contente d'affirmer que les commissions ne sont pas dues pour les dossiers litigieux, principalement en ce que M. [W] était parti de la société au moment de la facturation.

La société confond en l'espèce les conditions d'octroi des commissions - affaires acceptées par la société - et les conditions de versement des commissions - une fois le chiffre d'affaires HT réalisé, soit une fois la facture acquittée.

Il ressort pourtant du contrat de travail de M. [W] que les commissions sont dues sur toutes les 'affaires acceptées par la société avant la cessation effective de la relation contractuelle', tandis que le versement des commissions a lieu le mois suivant la date de facturation.

C'est ainsi à tort que l'employeur affirme, pour chaque commission sollicitée, que la facturation est intervenue postérieurement à la rupture du contrat de travail ou à la mise à pied disciplinaire, ou encore que la livraison a été réalisée par un autre salarié que M. [W], en ce que les commissions sont dues, même après la rupture du contrat de travail, pour les affaires apportées.

En conséquence, au vu de la liste actualisée des commissions manquantes produite par M. [W], et des preuves de ce qu'il a produit les devis relatifs aux commandes acceptées par la société avant la rupture de son contrat de travail, la cour lui alloue la somme de 1.389,64 euros et 138,96 euros de congés payés afférents à ce titre, en infirmation du jugement entrepris.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement pour faute grave

La société soutient que M. [W] a été licencié pour : - malversations, vol de matériels, tentative de détournement de fichiers informatiques et intrusion dans les locaux d'une personne étrangère à la structure, - non remise à la comptabilité d'un chèque fournisseurs de 900 euros, - remise gracieuse à certains clients sans autorisation de la direction, -utilisation de la carte bancaire de la société à des fins personnelles.

La société prétend que l'appelant s'est rendu dans les locaux de la société un samedi non pas pour commencer à faire le tri de ses affaires mais pour éviter de rencontrer quelqu'un. La société soutient que les archives emportées ne lui appartenaient pas, que la photo du coffre de sa voiture montre des cartons de dossiers appartenant à la société Kalydea, et que son bureau était complètement vidé. M. [I] a évoqué avoir surpris M. [W] sauvegarder des fichiers informatiques des données de la société.

M. [W] dément tout vol de matériel et toute tentative de détournement de fichiers informatiques et explique qu'il anticipait seulement les conditions matérielles d'un départ proche, en dehors des heures habituelles afin de ne pas empiéter sur le restant des jours ouvrables pour lui permettre de solder ses différents dossiers en cours. Il affirme qu'il conservait dans son bureau des archives de la société IDA et de sa SCI les Glenans (dont il est gérant et dont il a loué son immeuble à la société IDA puis Kalydea), outre divers autres documents personnels (agendas, photos etc). Il ajoute qu'il n'avait aucune intention de concurrence déloyale à l'encontre de la société. Il prétend avoir retrouvé un chèque de 900 euros de caution datant de 2017 lorsqu'il faisait du tri et qu'il l'a remis spontanément à M. [I] pour destruction.

Il résulte des dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise. Il est de principe que la charge de la preuve incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l'article 12 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La lettre de licenciement, en date du 21 août 2019, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

'[...] Au cours de la semaine du 22 au 26 juillet, des salariés de l'établissement de [Localité 12] ont été amenés à me faire part de leurs remarques et inquiétudes sur votre attitude.

Le samedi 27 juillet dernier, dans le doute et face à des soupçons concernant une malversation éventuelle de votre part, je me suis rendu à l'établissement de [Localité 12], où j'ai pu constater que vous étiez présent sur les lieux en compagnie d'une personne étrangère à l'entreprise, une de vos anciennes salariées, et que vous effectuiez des allées et venues entre le bureau et votre véhicule, chargeant de nombreux dossiers appartenant à l'entreprise.

Une fois dans les bureaux de l'entreprise, je vous ai surpris en flagrant délit et intercepté alors que vous étiez sur le point de réaliser des sauvegardes informatiques de fichiers de l'entreprise (ordinateur portable, disque dur et clé USB sur le bureau ainsi qu'un post-it avec des noms de projet de société), avec l'aide de la personne étrangère à l'entreprise. Les armoires contenant les dossiers classés en boite d'archives étaient vidées.

J'ai donc fait intervenir les gendarmes de [Localité 12] qui se sont déplacés dans nos locaux afin de constater ce vol de données d'entreprise, ce que vous n'avez pas nié en leur présence.

Ce n'est qu'après l'intervention des gendarmes et à leur demande, que vous avez remis en place tous les dossiers subtilisés. Une plainte a été déposée en ce sens auprès de la gendarmerie de [Localité 12].

Je considère ces malversations et vols de matériels ainsi que la tentative de détournement de fichiers informatiques, dans un but flagrant de faire de la concurrence déloyale envers votre employeur, comme une faute grave ne permettant pas le maintien dans l'entreprise.

De surcroît, une fois le constat effectué, vous m'avez remis un chèque fournisseur d'un montant de 900 euros daté de 2017, établi sans ordre et que vous n'aviez pas remis à la comptabilité ce qui laisse à penser que vos agissements frauduleux ne sont pas récents.

Par ailleurs, sur divers dossiers clients, nous avons pu établir que vous aviez réalisé des remises gracieuses sur des facturations effectuées à des clients sans pour autant avoir mon autorisation préalable.

Enfin, vous vous êtes permis d'utiliser à des fins personnelles la carte bancaire de la société mise à votre disposition pour vous défrayer uniquement de vos frais professionnels. [...]'

Sur le grief tiré des malversations et vols de matériels, tentative de détournement de fichiers informatiques

La société ne rapporte pas la preuve que les dossiers chargés dans son véhicule n'appartenaient pas à M. [W]. Les gendarmes n'ont pas dressé de procès-verbal à son encontre. Il ressort en outre de la photographie du bureau de M. [W], versée en procédure, ainsi que de la liste des éléments remis à M. [W] le 22 novembre 2019 par M. [I], que des boîtes d'archives lui ont été remises lors de son départ et qu'ainsi elles lui revenaient.

De même, il ressort de l'acte de cession du fonds de commerce que seul le fonds de commerce de la société I.D.A. a été cédé à la société Kalydea mais que M. [W] restait président de la société I.D.A. C'est donc à tort que les premiers juges ont retenu ce grief motif pris que M. [W] ne pouvait emporter des documents de la société I.D.A. sans l'accord de la société Kalydea.

Le fait que M. [W] soit venu un week-end n'est pas plus la preuve d'une volonté de dissimulation en ce qu'il a été établi que M. [W] avait de nombreux documents à rapatrier en vue de son licenciement économique dont la procédure avait été lancée par son employeur.

C'est encore par voie d'affirmation que la société expose que M. [W] a reconnu devant les gendarmes avoir tenté de voler son employeur.

Concernant le comportement qualifié d'inhabituel de M. [W], la semaine précédant le samedi 27 juillet 2019, la cour constate qu'aucune attestation circonstanciée ne vient décrire un comportement qui apporterait un éclairage particulier au grief considéré. A cet égard, les attestations versées aux débats par la société et établies par des salariés de l'entreprise, ne peuvent caractériser la volonté de M. [W] de voler son employeur et d'emporter des données sensibles de l'entreprise en vue d'exercer une concurrence déloyale à son encontre.

Mme [V], infographiste, indique ainsi :

'On a du coup imaginé que si M. [W] souhaitait ces 'chiers, c'est peut-être qu'il envisageait de partir avec les dossiers de calendriers ainsi que les contacts de chaque CIS répertoriés proprement ;

- Etant de plus en plus suspicieux, nous avons tendu l'oreille,

- Il nous parvenait des bribes de conversations,

- Nous avons pensé qu'il était prudent d'en informer Monsieur [I], en émettant la réserve que n'ayant entendu que des fragments, peut-être qu'on interprétait mal'.

M. [O], responsable fabrication, atteste :

'La situation entre M. [I] et M. [W] était très conflictuelle à cause d'un entretien pour une procédure de licenciement économique, M. [I] nous avait demandé à mes collègues et moi de lui remonter tout comportement suspect de M. [W]'.

Ainsi, les attestations des salariés de l'entreprise ne permettent pas de corroborer les déclarations de l'employeur concernant les vols et tentatives de vol, malversations ou détournement. Elles permettent seulement de conclure que la situation entre M. [W] et son employeur était tendue, dans le contexte du licenciement économique à intervenir.

Si Mme [R], salariée de l'entreprise, expose que Mme [W] a reconnu, lors d'un appel téléphonique, les faits de vol imputés à son époux, Mme [W] nie fermement avoir tenu les propos qui lui sont attribués. Il ne peut dès lors être tiré aucune conclusion de l'attestation de Mme [R].

S'il n'est pas contesté que l'amie de M. [W] qui l'accompagnait lors de son passage dans les locaux le samedi 27 juillet 2019 était en possession d'un ordinateur portable, la société n'apporte pas la preuve de ce qu'il était destiné à procéder à des sauvegardes de données informatiques. Au surplus, la cour rappelle que le fait pour un salarié en cours de licenciement de procéder à des photocopies ou sauvegardes de fichiers dans le cadre de la préparation de sa défense en contestation d'un licenciement n'est pas un fait fautif de la part du salarié.

Enfin, la société ne prouve pas plus que M. [W] a tenté de voler les données de l'entreprise dans le but d'exercer des actes de concurrence déloyale. Il ne ressort ainsi aucunement du mail adressé par M. [W] le 6 septembre 2019 à certains de ses confrères du GIO (Groupement des Imprimeurs de l'Ouest) pour leur annoncer son départ de l'entreprise, qu'il projetait de créer une entreprise concurrente. La cour rappelle au demeurant que M. [W] était soumis à une clause de non-concurrence lui interdisant d'exploiter un fonds de commerce ou une branche d'activité similaire et de s'intéresser directement ou indirectement, même à titre de salarié, dans l'exploitation d'un tel fonds, ainsi que d'entrer, même à titre gracieux, au service d'une société concurrente.

Ce premier grief n'est pas établi.

Sur la remise du chèque de caution de 900 euros en 2017

Il est constant que M. [W] a remis spontanément ce chèque lors de l'entretien avec M. [I].

L'employeur échoue à démontrer que la possession de ce chèque par M. [W] provenait d'un dessein frauduleux.

Les explications de M. [W] selon lesquelles il s'agissait d'un chèque de caution destiné à être détruit et non à être encaissé, qu'il a retrouvé lors de son opération de tri de son bureau du 27 juillet 2019, n'est pas utilement remise en cause par l'employeur.

Ce grief n'est pas caractérisé et sera également écarté.

Sur les remises accordées à certains clients

M. [W] expose que les remises accordées à certains clients fidèles et/ou importants correspondent à une pratique courante et ancienne dans l'entreprise, ce que ne conteste pas cette dernière.

M. [W] fait également état de ce qu'il n'avait jamais reçu la consigne d'obtenir l'aval préalable de M. [I] pour octroyer ces remises habituelles.

La société Kalydéa échoue par ailleurs à démontrer qu'elle a émis des consignes ou directives en cette matière. Il ne ressort pas plus des pièces de la procédure que les remises gracieuses listées par la société Kalydea ont été octroyées à l'initiative de M. [W].

La société Kalydéa échoue ainsi à démontrer une faute de M. [W] en l'espèce, se contentant d'énumérer des remises accordées plus de deux mois avant la procédure de licenciement, sans jamais avoir pu démontrer que la pratique de M. [W] n'était pas connue de la société, ni même encouragée par elle.

Le grief n'est pas caractérisé.

Sur l'utilisation de la carte bancaire de la société à des fins personnelles

Concernant l'utilisation de la carte bancaire le 1er août 2019, M. [W] reconnaît avoir utilisé la carte bancaire de la société, par erreur, dans le cadre d'une consultation médicale, en paiement de la somme de 58 euros.

Il ressort d'un échange de mails du 1er août 2019, soit le jour du paiement litigieux, que M. [W] a averti la comptable de l'entreprise et a procédé au remboursement dans la journée.

Concernant l'utilisation de la carte bancaire le 29 août 2019, M. [W] reconnaît avoir fait le plein de carburant pour un montant de 91,10 € . Il ressort de l'extrait du relevé bancaire produit que l'achat date bien du 29 juillet et non du 30 juillet 2019, date d'enregistrement de l'opération par la banque. Cet achat est donc antérieur à sa mise à pied à titre conservatoire et constitue un achat de carburant, dans le cadre de l'utilisation normale de la carte bancaire mise à sa disposition par la société.

Ces faits ne peuvent caractériser une faute de M. [W], s'agissant pour les premiers d'une erreur réparée dans la journée et portée à la connaissance de la comptable dans les meilleurs délais, et pour les seconds, d'une utilisation de la carte bancaire telle que prévue dans le cadre de la relation contractuelle, le jour de la mise à pied à titre conservatoire, et non le lendemain, contrairement à ce que soutient l'employeur.

Quant aux autres utilisations de la carte bancaire invoquées par l'employeur, la cour constate qu'elles remontent à plus de deux mois avant la convocation de M. [W], pour être réalisées les 27 juillet 2018, 11 octobre 2018, 5 février 2019, et 15 mai 2019, et que la société ne pouvait avoir pris connaissance tardivement de ces utilisations, ainsi qu'elle le déclare vainement, alors qu'elle recevait chaque mois le relevé des comptes bancaires de l'entreprise.

Ces faits sont ainsi prescrits.

Ce grief n'est pas retenu.

La cour constate que le licenciement de M. [W] est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur la demande reconventionnelle de remboursement

La société Kalydea demande le remboursement de la somme de 144,83 € au titre des sommes indûment payées avec la carte professionnelle.

Si la société expose que les justificatifs d'achats qu'elle produit en procédure permettent de confirmer que la carte bancaire a été indûment utilisée à des fins personnelles par le salarié pour un montant de 144,83 €, c'est à raison que les premiers juges ont considéré que les pièces versées au dossier ne permettent pas de déterminer si les sommes dépensées l'ont été à titre personnel ou professionnel.

En conséquence, la cour déboute la société Kalydea de sa demande reconventionnelle, en confirmation du jugement entrepris.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, ainsi qu'à celui d'une indemnité contractuelle de rupture, un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire

Il est constant que M. [W] a été mis à pied à titre conservatoire par courrier du 29 juillet 2019. La faute grave n'ayant pas été retenue, M. [W] avait droit au paiement du salaire afférent à cette période jusqu'à son licenciement.

M. [W] peut dès lors prétendre au paiement d'un rappel de salaire de 2.417,07 euros, outre 241,71 euros de congés payés afférents.

Il sera ajouté au jugement à ce titre.

L'indemnité de préavis

Il ressort de l'article 508 de la convention collective des imprimeries de labeur, que la durée de préavis est de deux mois jusqu'à deux ans de présence.

La créance de M. [W] à titre d'indemnité compensatrice de préavis est fixée au passif de la société Kalydea à la somme de 9.655,46 euros, outre 965,55 euros au titre des congés payés afférents.

Il sera ajouté au jugement de ce chef.

L'indemnité contractuelle de rupture

M. [W] sollicite une indemnité contractuelle de rupture d'un montant de 7.600 euros, ainsi que le prévoit son contrat de travail.

L'employeur fait valoir que cette disposition s'analyse en une clause pénale et qu'elle doit être réduite, son caractère étant manifestement excessif au regard de ce que M. [W] pourrait percevoir dans le cadre de l'indemnité légale de licenciement, au regard de son ancienneté de 13 mois.

Dans le cadre de la cession du fonds de commerce d'I.D.A. à la société Kalydea et du passage de M. [W] au statut de salarié, les parties ont convenues à l'article VII du contrat de travail du versement d'une indemnité de rupture en ces termes :

'En cas de rupture du contrat de travail de [Y] [W] intervenant dans la période de dix-huit mois à compter de la signature du contrat de travail, entraînera le versement d'une indemnité brute selon les conditions suivantes :

2.495 € à 17 mois d'ancienneté,

3.040 € à 16 mois d'ancienneté,

4.560 € à 15 mois d'ancienneté,

6.000 € à 14 mois d'ancienneté,

7.600 € à 13 mois d'anclenneté [...].'

Il ne ressort pas des pièces de la procédure que le versement de l'indemnité prévue contractuellement était soumis à d'autres conditions que la rupture du contrat du travail dans les 18 mois suivant la date de signature du contrat de travail.

L'indemnité contractuelle de rupture ne s'analyse pas en une clause pénale manifestement excessive, au regard du contexte dans lequel M. [W] est devenu salarié dans le cadre d'une cession de fonds de commerce.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Kalydea a verser à M. [W] la somme de 7.600 € bruts à titre d'indemnité contractuelle de rupture. Au vu de la liquidation judiciaire intervenue depuis la date du jugement de première instance, il sera ajouté au jugement en ce que la créance sera fixée au passif de la société.

Les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article L. 1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d'emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l'ancienneté du salarié.

En l'espèce, M. [W] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de une année entière et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, s'agissant d'une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 0,5 mois et 2 mois de salaire.

En ce que M. [W] n'a pas retrouvé d'emploi compte tenu de son âge et subi un préjudice en terme de départ à la retraite, la créance de M. [W] sera fixée de ce chef en réparation de son préjudice à la somme de 4800 euros.

Il sera ajouté au jugement de ce chef.

Sur l'anatocisme

En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée ; il sera donc fait droit à cette demande du salarié, jusqu'au 23 juin 2022, date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens de première instance et d'appel seront mis au passif de la liquidation judiciaire de la société.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. La somme de 1500 euros est fixée au passif de la société Kalydea au titre de ses frais irrépétibles en d'appel.

* * *

* PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties

Confirme le jugement en ses dispositions sur le travail dissimulé, la demande reconventionnelle de la société Kalydea, l'indemnité contractuelle de licenciement, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ses dispositions relatives aux dépens,

Y ajoutant,

Fixe la créance de M. [W] de 7.600 euros au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement au passif de la société Kalydea,

Infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y additant,

Dit que le licenciement de M. [W] est dénué de cause réelle et sérieuse,

Fixe les créances de M. [W] au passif de la société Kalydea aux sommes suivantes :

- 11.857,26 € de rappel de salaire sur heures supplémentaires ;

- 1.185,72 € au titre des congés payés afférents ;

- 969,53 € au titre de l'indemnité réparant le préjudice résultant de la privation de contrepartie obligatoire en repos ;

- 4.823,25 € d' indemnités kilométriques ;

- 1.389,64 € de rappel de commissions ;

- 138,96 € de congés payés afférents ;

- 2.417,07 € de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire ;

- 241,71 € au titre des congés payés afférents ;

- 9.655,46 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 965,55 € de congés payés afférents ;

- 4.800 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

- 1.500 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rappelle qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce jusqu'au 23 juin 2022 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts à compter de la demande et jusqu'au 23 juin 2022 ;

Déboute la SELARL [J] et associés, en la personne de Me [J], es-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Kalydea de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 10] et dit qu'elle ne sera tenue à garantir les sommes allouées dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17 du code du travail, et D. 3253-2 à D. 3263-5 du code du travail ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront mis au passif de la liquidation judiciaire de la société Kalydea.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

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