CA Paris, Pôle 4 - ch. 8, 15 octobre 2025, n° 23/11089
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2025
(n° 2025/ , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/11089 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH25I
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 avril 2023-TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 15]- RG n° 20/04535
APPELANTS
Monsieur [B] [G]
né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 17]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Monsieur [T] [D]
né le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 14]
[Adresse 2]
[Localité 13]
Monsieur [J] [Y]
né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 16]
[Adresse 6]
[Localité 11]
Tous trois représentés par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34, ayant pour avocat plaidant Me Félix THILLAYE du LLP WHITE AND CASE LLP, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES
ASSOCIATION POUR LA GARANTIE SOCIALE DES CHEFS ET DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 9]
S.A. GAN ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de [Localité 15] sous le n° 542 063 797
[Adresse 12]
[Localité 10]
Toutes deux représentées par Me Laurence MAILLARD de la SELARL LAMBARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0169
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 juillet 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Madame FAIVRE, Présidente de Chambre
Monsieur SENEL, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame FAIVRE dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière lors des débats : Madame THEVARANJAN
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Madame MARCEL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
******
EXPOSÉ DU LITIGE
L'association GSC mise en place par le CNPF, la CGPME et l'UPA, a créé un régime d'assurance chômage pour les chefs et dirigeants d'entreprise non couverts par l'UNEDIC. En 1981, l'association GSC a passé avec les assureurs GROUPAMA, ALLIANZ IARD, GENERALI FRANCE, MMA IARD et SMABTP, une convention organisant un régime de protection en cas de chômage reconnu, ouvrant droit notamment au paiement d'indemnités journalières.
Ce régime géré par l'apériteur GROUPAMA, aux droits de laquelle vient aujourd'hui GAN ASSURANCES, comprend :
- des adhérents qui sont les groupements interprofessionnels, syndicats et fédérations membres de l'association contractante ;
- des participants qui sont les responsables d'entreprises affiliées.
Dans la suite de cet arrêt, GAN Assurances désignera tous les assureurs qu'il représente.
Le 14 mars 2017, la société DRUST, par l'intermédiaire de son président M. [J] [S], a procédé à son affiliation et à celle de M. [B] [G] et M. [T] [D], au régime GSC en tant que dirigeants ' respectivement président et directeurs généraux.
Le 18 juin 2019, à la suite d'un rachat de la société, M. [B] [G], M. [T] [D] et M. [J] [S] ont été révoqués de leurs fonctions.
Ils ont déclaré la révocation de leur mandat social à l'assureur et sollicité la mise en 'uvre de la garantie GSC.
Par courrier du 30 août 2019, l'assureur leur a opposé un refus de garantie au motif que la situation financière de l'entreprise n'était pas conforme à la déclaration indiquée dans les demandes d'affiliation.
PROCEDURE
Par acte du 15 mai 2020, MM. [G], [D] et [S] ont fait assigner l'association GSC devant le tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir sa condamnation à leur verser respectivement la somme de 42 085 euros au titre des indemnités dues en application de la police d'assurance dirigeant à laquelle ils ont souscrit.
GAN ASSURANCES est intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement du 18 avril 2023, le tribunal judiciaire de Paris a':
- DONNE acte à la SA GAN ASSURANCES de son intervention';
- MIS hors de cause l'association ASSOCIATION POUR LA GARANTIE SOCIALE DES CHEFS ET DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISE (GSC);
- DEBOUTE Monsieur [B] [G], Monsieur [T] [D] et Monsieur [J] [S] de l'ensemble de leurs demandes';
- CONDAMNE Monsieur [J] [S] à payer à l'association ASSOCIATION POUR LA GARANTIE SOCIALE DES CHEFS ET DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISE (GSC) et à la SA GAN ASSURANCES la somme de 2'000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- CONDAMNE Monsieur [J] [S] aux dépens de la présente instance';
- RAPPELE que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Par déclaration électronique du 22 juin 2023, enregistrée au greffe le 5 juillet 2023, MM. [G], [D], [S] ( les appelants) ont interjeté appel, intimant l'association GSC et la SA GAN ASSURANCES, en précisant que l'appel tend à la réformation et/ou l'annulation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause l'association GSC, a débouté MM. [G], [D] et [S] de l'ensemble de leurs demandes, et condamné M. [J] [S] à payer à l'association GSC et la SA GAN ASSURANCES la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec exécution provisoire.
Par conclusions d'appel notifiées par voie électronique le 22 septembre 2023, MM. [G], [D], [S] demandent à la cour, au visa notamment des articles 1103 du code civil et L. 113-8 et L. 113-9 du code des assurances, de :
- INFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 18 avril 2023 en toutes ses dispositions';
Et, statuant à nouveau :
- CONDAMNER solidairement l'association GSC et GAN ASSURANCES à verser à Messieurs [B] [G], [T] [D] et [J] [S] la somme de 42.085 euros chacun ;
- DEBOUTER l'association GSC et GAN ASSURANCES de leurs demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER l'association GSC et GAN ASSURANCES à verser à Messieurs [B] [G], [T] [D] et [J] [S] la somme de 2.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER solidairement l'association GSC et GAN ASSURANCES aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions d'intimées notifiées par voie électronique le 6 décembre 2023, l'association GSC et GAN ASSURANCES demandent à la cour, au visa notamment des articles 325 et suivants du code de procédure civile et l'article L. 113-8 du code des assurances, de :
- Mettre hors de cause l'Association GSC,
- Déclarer nulles les affiliations de Messieurs [G], [D] et [S] à la Convention GSC,
- Dire et juger que Messieurs [G], [D] et [S] ne démontrent ni leurs recherches d'emploi ni l'absence de reprise d'activité professionnelle,
EN CONSEQUENCE,
- CONFIRMER le jugement du tribunal Judiciaire de PARIS du 18 avril 2023, en toutes ses dispositions,
Et statuant de nouveau,
- CONDAMNER Messieurs [G], [D] et [S] à verser à la GSC et à la société GAN ASSURANCES la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance';
- Condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance.
A TITRE SUBSIDIAIRE,
- LIMITER la condamnation de GAN ASSURANCES aux sommes suivantes :
19 341,35 € pour Monsieur [G]
3 628,38 € pour Monsieur [D]
19 255,10 € pour Monsieur [S]
- DEBOUTER Messieurs [G], [D] et [S] de leurs plus amples demandes, fins et conclusions';
- CONDAMNER Messieurs [G], [D] et [S] à verser à la GSC et à la société GAN ASSURANCES la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 février 2025.
Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
A la suite d'une panne électrique qui a affecté tous les services de la cour d'appel et entraîné la fermeture de la cour d'appel, la présente affaire n'a pu être plaidée à l'audience du 23 juin 2025 et a été renvoyée à l'audience du 8 juillet 2025 où elle a été mise en délibéré à ce jour, sans plaidoirie des parties conformément à leur accord.
REPONSE de la COUR
I Sur la mise en cause de GSC
Les appelants demandent l'infirmation du jugement qui a mis hors de cause GSC et demandent la condamnation solidaire de GSC avec l'assureur mais n'articulent aucun moyen à l'appui de leur prétention.
En réplique, l'assureur demande la confirmation du jugement sur ce point. Il rappelle que c'est à lui qu'incombera la mise en oeuvre des éventuelles garanties souscrites.
Sur ce,
Il ressort des dernières conclusions des appelants qu'ils reconnaissent que la GSC est un intermédiaire d'assurance. Or leurs prétentions a pour objet l'exécution du contrat d'assurance souscrit auprès du GAN ASSURANCES.
Il en résulte qu'ils n'ont pas d'intérêt à agir à l'égard du GSC qui n'est pas l'assureur.
Il convient donc d'approuver la décision du tribunal qui a mis hors de cause la GSC.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
II Sur la nullité des affiliations à la convention d'assurance
A l'appui de leur appel, les appelants rappellent que la société DRUST a été créée en 2014 et quelques mois après sa création, l'association GSC a démarché ses dirigeants pour qu'ils s'affilient à la convention d'assurance chômage GSC, qu'ils se sont affiliés le 14 mars 2017 alors qu'ils estimaient ne pas en avoir besoin dès lors qu'au début de la même année, leur société était en phase de négociation avec la MACIF pour réaliser une nouvelle levée de fonds de plusieurs millions d'euros et qu'après cette levée de fonds, la société qui continuait son développement, obtenait, à nouveau, des fonds entre mars et août 2018. Mais ils reconnaissent que la MACIF a quitté la société en 2018, conduisant à son rachat puis finalement à sa liquidation amiable, le 18 juin 2019, qui a entraîné la révocation des trois dirigeants. Ils expliquent qu'à la date de la souscription des affiliations, leur déclaration était exacte et dans tous les cas, exemptes de mauvaise foi, qu'en effet, à cette date, les éléments comptables de 2016 étaient en cours de traitement par le comptable de la société DRUST qui ne les a arrêtés que le 15 mai 2017 et l'assemblée générale de la société ne les a approuvés que le 7 juillet 2017. Dans ces conditions, les comptes annuels sur lesquels ils se sont appuyés étaient ceux de 2015 qui étaient conformes aux critères de la convention. Ils tiennent à préciser que leur mauvaise foi n'est pas démontrée et qu'il n'est pas non plus établi que l'absence ou la fausseté de leur déclaration a changé ou diminué l'objet du risque ou son opinion. Ils font valoir que la situation de la société DRUST n'était pas obérée en mars 2017, s'agissant d'une start-up dont les perspectives de développement ne peuvent s'apprécier au regard des critères traditionnels de résultat d'exploitation ou de résultat net, qu'au regard des investissements injectés à cette période dans la société par les investisseurs, l'avenir s'annonçait prometteur, démontrant que les appelants n'ont pas voulu tromper l'assureur sur la santé financière de la société.
S'agissant de l'appréciation du risque par l'assureur, les appelants font valoir que celui-ci a déclaré à l'été 2019 savoir que «'les start up présentent des comptes ne répondant pas nécessairement à la déclaration d'entreprise'».
En réplique, GAN ASSURANCES demande la confirmation du jugement qui a annulé les affiliations pour fausse déclaration intentionnelle en application de l'article L.113-8 du code des assurances. Elle rappelle qu'une obligation de sincérité incombe à l'assuré, qu'en l'espèce, les comptes de la société à laquelle appartenaient les appelants, clôturés le 31 décembre 2016, ne correspondent pas à la déclaration d'entreprise signée par le dirigeant pour lui-même et pour les deux autres dirigeants, qu'il s'agit donc d'une fausse déclaration que les dirigeants ne pouvaient ignorer d'autant que le résultat déficitaire découle d'une perte d'exploitation. GAN ASSURANCES précise que la communication des comptes n'est pas en cause en l'espèce.
GAN ASSURANCES estime que cette fausse déclaration est intentionnelle. Elle rappelle que l'appréciation de l'opportunité des déclarations n'appartient pas au futur affilié tenu de répondre strictement, sans omission, ni dissimulation, à l'ensemble des questions qui lui ont été clairement posées lors de l'adhésion. L'assureur ajoute qu'il doit pouvoir connaître la situation exacte du risque à assurer et qu'il se détermine seul au vu des déclarations sincères et complètes pour accorder ou non la garantie, qu'en l'espèce, au regard de la situation financière très précaire de la société, la fausse déclaration a nécessairement exercé une influence sur l'appréciation du risque par l'assureur. GAN ASSURANCES estime donc qu'il y a lieu de déclarer nulles les trois affiliations.
Sur ce,
Vu les articles L.113-8 et L.113-9 du code des assurances,
Il est constant que la nullité pour fausse déclaration du risque repose sur trois éléments constitutifs':
- la preuve de la fausseté de la déclaration ;
- la preuve du caractère intentionnel de cette fausse déclaration';
- la preuve de l'incidence de cette fausse déclaration sur le risque à assurer';
a) Sur la fausseté des trois déclarations de risque
En l'espèce, la cour relève que les trois demandes d'affiliation à la convention d'assurance chômage GSC communiquées aux débats par les appelants, incluent un paragraphe particulier relatif aux déclarations de l'entreprise : ces déclarations préimprimées par l'assureur sont établies au nom du représentant légal de l'entreprise qui remplit manuscritement ses éléments personnels d'identité, coche manuscritement les cases NON ou OUI relatives à la situation financière de l'entreprise, date et signe la déclaration. ( pièces 4-1,4-2,4-3)
En l'occurrence, il n'est pas contesté que le représentant légal de la société a déclaré que «'la situation financière de l'entreprise est la suivante'» en cochant NON à chacune des quatre cases relatives à la situation financière de l'entreprise :
- report à nouveau débiteur ;
- dernier résultat d'exercice déficitaire supérieur à 50% du capital social ;
- perte d'exploitation supérieure à 50% du capital social ;
- situation nette comptable négative.
La cour constate que la totalité du paragraphe relatif à la situation financière de l'entreprise est rédigée en caractères gras.
Immédiatement après ce paragraphe, une phrase est écrite en italique préimprimée et surlignée : elle énonce que « Si vous avez coché au moins une case OUI à la déclaration concernant la santé financière de l'entreprise, joindre impérativement pour étude préalable les 2 derniers bilans et comptes de résultats de l'entreprise, ainsi que les rapports des commissaires aux comptes ['].»
Immédiatement après cette phrase, est énoncée la phrase préimprimée suivante: «'J'accepte que la situation comptable de l'entreprise fasse l'objet d'une vérification, tant à la date de signature de la demande d'affiliation qu'au moment de l'instruction d'un dossier de demande d'indemnisation, et j'ai connaissance que conformément aux dispositions de l'article L.113-8 du code des assurances toute réticence ou fausse déclaration intentionnelle entraîne la nullité de l'affiliation ».
Suit immédiatement après, la signature du représentant légal de la société.
Il n'est pas contesté que le représentant légal de la société a coché pour chacune des questions la case NON, il n'est pas non plus contesté que ces questions sont précises et intelligibles.
Bien que les appelants affirment dans leurs conclusions, qu'ils ne disposaient que de la situation de l'exercice comptable 2015 à la date de la déclaration et que celle de 2016 n'avait pas encore été établie, il n'en reste pas moins que le questionnaire visait «'le dernier résultat d'exercice'» or, il n'est pas contesté que les affiliations ont été souscrites en 2017, que dès lors le dernier exercice est celui de 2016 clôturé le 31 décembre 2016.
A cet égard, le bilan et le compte de résultat de l'exercice 2016 mettent en évidence, une situation financière négative avec :
- dernier résultat d'exercice déficitaire supérieur à 50% du capital social : - 591 976 euros (le capital social est égal à'13 906 euros)
- perte d'exploitation supérieure à 50% du capital social :'- 858 106 euros ;
- situation nette comptable négative :'- 591 976 euros.
Ainsi, les appelants ne sont pas fondés à affirmer que les comptes n'étant pas encore établis à la date des affiliations en mars 2017, ils n'étaient pas en mesure de connaître leur contenu et de répondre au questionnaire sur la base de ces comptes alors qu'il n'est pas contesté que tous les comptes de l'exercice 2016 étaient clos à cette date, même s'ils n'étaient pas encore arrêtés par l'expert comptable, qui le fera en mai 2017 et qu'ils n'étaient pas encore approuvés par l'assemblée générale.
En effet, une société a l'obligation d'établir des états comptables au fil de son activité et par conséquent, chaque mois, elle dispose d'une connaissance de sa situation comptable qui s'appuie sur les données comptables des mois précédents auxquelles sont agrégées les nouvelles données recueillies pendant le mois'; les données comptables s'enchaînent ainsi les unes après les autres depuis le début de l'activité de la société et l'arrêté annuel de comptes est une synthèse formalisée par l'expert comptable après vérification de l'exactitude des données comptables.
En sa qualité de représentant légal de la société qui a signé les déclarations d'affiliation, M. [S] devait donc savoir que la comptabilité de la société s'établissait au fil des mois et non pas seulement après la clôture de l'exercice.
Il s'en déduit que bien que les appelants n'aient pu livrer les comptes et le bilan de l'exercice 2016 avant le 19 mai 2017, ce que ne remet pas en cause l'assureur, son représentant légal devait néanmoins connaître, à la date du 14 mars 2017, la situation comptable de la société qu'il présidait, dans la mesure où comme le fait exactement observer l'assureur, le résultat déficitaire résulte de la perte d'exploitation et non d'une perte exceptionnelle ou d'opérations postérieures à la clôture de l'exercice.
Le représentant légal de la société DRUST ne pouvait donc répondre négativement aux questions précises du formulaire d'affiliation, qui n'exigeait qu'une réponse affirmative ou négative et non des données comptables exactes.
Il convient donc d'approuver le tribunal qui a constaté l'inexactitude des informations relatives à la santé financière de la société à laquelle appartenaient les appelants, dans chacun des trois formulaires d'adhésion.
b) Sur le caractère intentionnel de cette fausse déclaration
En ayant coché toutes les cases NON et en signant ces déclarations, le représentant légal de la société a assumé sans équivoque ses réponses à des questions claires et précises sur des éléments comptables qu'un dirigeant d'entreprise comprend aisément.
De surcroît, au regard de la typographie en caractères gras des déclarations sur la santé financière de l'entreprise dans le formulaire d'affiliation et des conditions d'affiliation rappelées dans la notice d'information de la «'convention GSC Travailleur non salarié'» énoncées dans l'article 15 B) qui spécifie que «'l'entreprise s'engage à déclarer ['] ne pas connaître l'une des situations suivantes : report à nouveau débiteur ou dernier résultat d'exercice déficitaire et/ou perte d'exploitation supérieure à 50% du capital social ou situation nette comptable négative'», il en ressortait que la situation financière de l'entreprise était une condition essentielle de l'acceptation de la demande d'adhésion par l'assureur.
Si comme le soutiennent les appelants, son représentant légal a rempli les cases relatives à la situation financière de l'entreprise en se fondant exclusivement sur les résultats comptables de 2015 dans l'ignorance des résultats comptables de l'exercice 2016, il a, de ce fait, accepté en toute connaissance de cause, de prendre le risque de tromper l'assureur sur la situation financière de l'entreprise.
En effet, il appartient au souscripteur de répondre exactement aux questions posées qui, en l'espèce étaient claires et précises, en ce qu'elles portaient sur le dernier résultat d'exercice.
L'argument des appelants sur le fait que les données comptables et la situation financière d'une start up qui a un parcours de développement essentiellement lié aux investissements externes ne s'apprécient pas de la même manière que dans une société mature, est sans effet sur l'obligation de sincérité et d'exactitude à laquelle est tenu le dirigeant d'une société qui souscrit une assurance.
Il est donc établi que les fausses déclarations étaient intentionnelles de la part du souscripteur tant pour son compte que pour celui des deux autres dirigeants.
En tout état de cause, à supposer que le représentant n'ait connu à la date des affiliations que les comptes de l'exercice 2015, il appartenait aux appelants dès l'approbation des comptes 2016 par l'assemblée générale de la société d'en informer l'assureur dans la mesure où les résultats négatifs constituaient une circonstance nouvelle et ce, en application de l'article L. 113-2, 3°) du code des assurances. Or, il n'est pas démontré que l'information sur l'exercice comptable 2016 ait été portée spontanément à la connaissance de l'assureur.
c) Sur l'incidence de cette fausse déclaration sur le risque à assurer'
D'après les termes énoncés dans le formulaire d'adhésion et dans les stipulations de la notice d'information, les appelants connaissaient l'importance pour l'assureur d'avoir des informations exactes sur la situation financière de l'entreprise puisque le risque pour l'assureur d'avoir à garantir la perte de fonction des dirigeants dépendait de la situation financière de l'entreprise.
Les appelants ne sont pas fondés à tirer argument de la lettre de GAN ASSURANCES déclarant que «'nous savons que les start up présentent des comptes ne répondant pas nécessairement à la déclaration d'entreprise'» pour considérer que l'assureur aurait accordé sa garantie puisqu'il était de notoriété publique en 2017, que les investisseurs accordaient à la société DURST leur confiance. ( pièce 19 - MM. [S], [G], [D])
En effet, il est constant que c'est à l'assureur seul d'apprécier au regard des informations exactes et sincères sur l'état financier de la société, s'il accorde ou non sa garantie, quand bien même il s'agirait d'une start up ayant de ce fait un parcours de développement essentiellement lié au refinancement des actionnaires.
Ainsi que le fait valoir à juste titre l'assureur, le mode de fonctionnement d'une start up étant particulièrement risqué puisqu'elle développe dans les premières années des activités non rentables, il est important que l'assureur connaisse la situation exacte du risque à assurer et ce, d'autant qu'en l'espèce, les pertes étaient importantes dès 2016 et qu'il lui était demandé d'assurer trois dirigeants de la même société.
En définitive, pour ces motifs et ceux retenus par le tribunal, il est établi que les appelants ont fait trois fausses déclarations intentionnelles qui ont diminué l'opinion du risque pour l'assureur.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a':
- Débouté'MM. [S], [G], [D] de l'ensemble de leurs demandes et de compléter le jugement en déclarant nulles les adhésions de MM. [S], [G], [D] au contrat d'assurance de groupe facultative souscrite par l'association GSC à effet du 1er avril 2017.
Compte tenu de la solution donnée au litige, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes au regard de l'article L.113-9 du code des assurances.
III Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de l'issue du litige, les dispositions du jugement relatives au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.
Parties perdantes en appel, MM. [S], [G], [D] sont condamnés aux dépens d'appel.
Pour des motifs d'équité, il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de GAN ASSURANCES.
MM. [S], [G], [D] seront déboutés de leur demande formée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour';
Y ajoutant,
Déclare nulles les adhésions de MM. [S], [G], [D] au contrat d'assurance de groupe facultative souscrite par l'association GSC à effet du 1er avril 2017';
Condamne MM. [S], [G], [D] aux dépens d'appel';
Déboute les parties de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffiere La présidente de chambre
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2025
(n° 2025/ , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/11089 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH25I
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 avril 2023-TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 15]- RG n° 20/04535
APPELANTS
Monsieur [B] [G]
né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 17]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Monsieur [T] [D]
né le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 14]
[Adresse 2]
[Localité 13]
Monsieur [J] [Y]
né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 16]
[Adresse 6]
[Localité 11]
Tous trois représentés par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34, ayant pour avocat plaidant Me Félix THILLAYE du LLP WHITE AND CASE LLP, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES
ASSOCIATION POUR LA GARANTIE SOCIALE DES CHEFS ET DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 9]
S.A. GAN ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de [Localité 15] sous le n° 542 063 797
[Adresse 12]
[Localité 10]
Toutes deux représentées par Me Laurence MAILLARD de la SELARL LAMBARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0169
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 juillet 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Madame FAIVRE, Présidente de Chambre
Monsieur SENEL, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame FAIVRE dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière lors des débats : Madame THEVARANJAN
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Madame MARCEL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
******
EXPOSÉ DU LITIGE
L'association GSC mise en place par le CNPF, la CGPME et l'UPA, a créé un régime d'assurance chômage pour les chefs et dirigeants d'entreprise non couverts par l'UNEDIC. En 1981, l'association GSC a passé avec les assureurs GROUPAMA, ALLIANZ IARD, GENERALI FRANCE, MMA IARD et SMABTP, une convention organisant un régime de protection en cas de chômage reconnu, ouvrant droit notamment au paiement d'indemnités journalières.
Ce régime géré par l'apériteur GROUPAMA, aux droits de laquelle vient aujourd'hui GAN ASSURANCES, comprend :
- des adhérents qui sont les groupements interprofessionnels, syndicats et fédérations membres de l'association contractante ;
- des participants qui sont les responsables d'entreprises affiliées.
Dans la suite de cet arrêt, GAN Assurances désignera tous les assureurs qu'il représente.
Le 14 mars 2017, la société DRUST, par l'intermédiaire de son président M. [J] [S], a procédé à son affiliation et à celle de M. [B] [G] et M. [T] [D], au régime GSC en tant que dirigeants ' respectivement président et directeurs généraux.
Le 18 juin 2019, à la suite d'un rachat de la société, M. [B] [G], M. [T] [D] et M. [J] [S] ont été révoqués de leurs fonctions.
Ils ont déclaré la révocation de leur mandat social à l'assureur et sollicité la mise en 'uvre de la garantie GSC.
Par courrier du 30 août 2019, l'assureur leur a opposé un refus de garantie au motif que la situation financière de l'entreprise n'était pas conforme à la déclaration indiquée dans les demandes d'affiliation.
PROCEDURE
Par acte du 15 mai 2020, MM. [G], [D] et [S] ont fait assigner l'association GSC devant le tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir sa condamnation à leur verser respectivement la somme de 42 085 euros au titre des indemnités dues en application de la police d'assurance dirigeant à laquelle ils ont souscrit.
GAN ASSURANCES est intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement du 18 avril 2023, le tribunal judiciaire de Paris a':
- DONNE acte à la SA GAN ASSURANCES de son intervention';
- MIS hors de cause l'association ASSOCIATION POUR LA GARANTIE SOCIALE DES CHEFS ET DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISE (GSC);
- DEBOUTE Monsieur [B] [G], Monsieur [T] [D] et Monsieur [J] [S] de l'ensemble de leurs demandes';
- CONDAMNE Monsieur [J] [S] à payer à l'association ASSOCIATION POUR LA GARANTIE SOCIALE DES CHEFS ET DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISE (GSC) et à la SA GAN ASSURANCES la somme de 2'000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- CONDAMNE Monsieur [J] [S] aux dépens de la présente instance';
- RAPPELE que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Par déclaration électronique du 22 juin 2023, enregistrée au greffe le 5 juillet 2023, MM. [G], [D], [S] ( les appelants) ont interjeté appel, intimant l'association GSC et la SA GAN ASSURANCES, en précisant que l'appel tend à la réformation et/ou l'annulation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause l'association GSC, a débouté MM. [G], [D] et [S] de l'ensemble de leurs demandes, et condamné M. [J] [S] à payer à l'association GSC et la SA GAN ASSURANCES la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec exécution provisoire.
Par conclusions d'appel notifiées par voie électronique le 22 septembre 2023, MM. [G], [D], [S] demandent à la cour, au visa notamment des articles 1103 du code civil et L. 113-8 et L. 113-9 du code des assurances, de :
- INFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 18 avril 2023 en toutes ses dispositions';
Et, statuant à nouveau :
- CONDAMNER solidairement l'association GSC et GAN ASSURANCES à verser à Messieurs [B] [G], [T] [D] et [J] [S] la somme de 42.085 euros chacun ;
- DEBOUTER l'association GSC et GAN ASSURANCES de leurs demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER l'association GSC et GAN ASSURANCES à verser à Messieurs [B] [G], [T] [D] et [J] [S] la somme de 2.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER solidairement l'association GSC et GAN ASSURANCES aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions d'intimées notifiées par voie électronique le 6 décembre 2023, l'association GSC et GAN ASSURANCES demandent à la cour, au visa notamment des articles 325 et suivants du code de procédure civile et l'article L. 113-8 du code des assurances, de :
- Mettre hors de cause l'Association GSC,
- Déclarer nulles les affiliations de Messieurs [G], [D] et [S] à la Convention GSC,
- Dire et juger que Messieurs [G], [D] et [S] ne démontrent ni leurs recherches d'emploi ni l'absence de reprise d'activité professionnelle,
EN CONSEQUENCE,
- CONFIRMER le jugement du tribunal Judiciaire de PARIS du 18 avril 2023, en toutes ses dispositions,
Et statuant de nouveau,
- CONDAMNER Messieurs [G], [D] et [S] à verser à la GSC et à la société GAN ASSURANCES la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance';
- Condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance.
A TITRE SUBSIDIAIRE,
- LIMITER la condamnation de GAN ASSURANCES aux sommes suivantes :
19 341,35 € pour Monsieur [G]
3 628,38 € pour Monsieur [D]
19 255,10 € pour Monsieur [S]
- DEBOUTER Messieurs [G], [D] et [S] de leurs plus amples demandes, fins et conclusions';
- CONDAMNER Messieurs [G], [D] et [S] à verser à la GSC et à la société GAN ASSURANCES la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 février 2025.
Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
A la suite d'une panne électrique qui a affecté tous les services de la cour d'appel et entraîné la fermeture de la cour d'appel, la présente affaire n'a pu être plaidée à l'audience du 23 juin 2025 et a été renvoyée à l'audience du 8 juillet 2025 où elle a été mise en délibéré à ce jour, sans plaidoirie des parties conformément à leur accord.
REPONSE de la COUR
I Sur la mise en cause de GSC
Les appelants demandent l'infirmation du jugement qui a mis hors de cause GSC et demandent la condamnation solidaire de GSC avec l'assureur mais n'articulent aucun moyen à l'appui de leur prétention.
En réplique, l'assureur demande la confirmation du jugement sur ce point. Il rappelle que c'est à lui qu'incombera la mise en oeuvre des éventuelles garanties souscrites.
Sur ce,
Il ressort des dernières conclusions des appelants qu'ils reconnaissent que la GSC est un intermédiaire d'assurance. Or leurs prétentions a pour objet l'exécution du contrat d'assurance souscrit auprès du GAN ASSURANCES.
Il en résulte qu'ils n'ont pas d'intérêt à agir à l'égard du GSC qui n'est pas l'assureur.
Il convient donc d'approuver la décision du tribunal qui a mis hors de cause la GSC.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
II Sur la nullité des affiliations à la convention d'assurance
A l'appui de leur appel, les appelants rappellent que la société DRUST a été créée en 2014 et quelques mois après sa création, l'association GSC a démarché ses dirigeants pour qu'ils s'affilient à la convention d'assurance chômage GSC, qu'ils se sont affiliés le 14 mars 2017 alors qu'ils estimaient ne pas en avoir besoin dès lors qu'au début de la même année, leur société était en phase de négociation avec la MACIF pour réaliser une nouvelle levée de fonds de plusieurs millions d'euros et qu'après cette levée de fonds, la société qui continuait son développement, obtenait, à nouveau, des fonds entre mars et août 2018. Mais ils reconnaissent que la MACIF a quitté la société en 2018, conduisant à son rachat puis finalement à sa liquidation amiable, le 18 juin 2019, qui a entraîné la révocation des trois dirigeants. Ils expliquent qu'à la date de la souscription des affiliations, leur déclaration était exacte et dans tous les cas, exemptes de mauvaise foi, qu'en effet, à cette date, les éléments comptables de 2016 étaient en cours de traitement par le comptable de la société DRUST qui ne les a arrêtés que le 15 mai 2017 et l'assemblée générale de la société ne les a approuvés que le 7 juillet 2017. Dans ces conditions, les comptes annuels sur lesquels ils se sont appuyés étaient ceux de 2015 qui étaient conformes aux critères de la convention. Ils tiennent à préciser que leur mauvaise foi n'est pas démontrée et qu'il n'est pas non plus établi que l'absence ou la fausseté de leur déclaration a changé ou diminué l'objet du risque ou son opinion. Ils font valoir que la situation de la société DRUST n'était pas obérée en mars 2017, s'agissant d'une start-up dont les perspectives de développement ne peuvent s'apprécier au regard des critères traditionnels de résultat d'exploitation ou de résultat net, qu'au regard des investissements injectés à cette période dans la société par les investisseurs, l'avenir s'annonçait prometteur, démontrant que les appelants n'ont pas voulu tromper l'assureur sur la santé financière de la société.
S'agissant de l'appréciation du risque par l'assureur, les appelants font valoir que celui-ci a déclaré à l'été 2019 savoir que «'les start up présentent des comptes ne répondant pas nécessairement à la déclaration d'entreprise'».
En réplique, GAN ASSURANCES demande la confirmation du jugement qui a annulé les affiliations pour fausse déclaration intentionnelle en application de l'article L.113-8 du code des assurances. Elle rappelle qu'une obligation de sincérité incombe à l'assuré, qu'en l'espèce, les comptes de la société à laquelle appartenaient les appelants, clôturés le 31 décembre 2016, ne correspondent pas à la déclaration d'entreprise signée par le dirigeant pour lui-même et pour les deux autres dirigeants, qu'il s'agit donc d'une fausse déclaration que les dirigeants ne pouvaient ignorer d'autant que le résultat déficitaire découle d'une perte d'exploitation. GAN ASSURANCES précise que la communication des comptes n'est pas en cause en l'espèce.
GAN ASSURANCES estime que cette fausse déclaration est intentionnelle. Elle rappelle que l'appréciation de l'opportunité des déclarations n'appartient pas au futur affilié tenu de répondre strictement, sans omission, ni dissimulation, à l'ensemble des questions qui lui ont été clairement posées lors de l'adhésion. L'assureur ajoute qu'il doit pouvoir connaître la situation exacte du risque à assurer et qu'il se détermine seul au vu des déclarations sincères et complètes pour accorder ou non la garantie, qu'en l'espèce, au regard de la situation financière très précaire de la société, la fausse déclaration a nécessairement exercé une influence sur l'appréciation du risque par l'assureur. GAN ASSURANCES estime donc qu'il y a lieu de déclarer nulles les trois affiliations.
Sur ce,
Vu les articles L.113-8 et L.113-9 du code des assurances,
Il est constant que la nullité pour fausse déclaration du risque repose sur trois éléments constitutifs':
- la preuve de la fausseté de la déclaration ;
- la preuve du caractère intentionnel de cette fausse déclaration';
- la preuve de l'incidence de cette fausse déclaration sur le risque à assurer';
a) Sur la fausseté des trois déclarations de risque
En l'espèce, la cour relève que les trois demandes d'affiliation à la convention d'assurance chômage GSC communiquées aux débats par les appelants, incluent un paragraphe particulier relatif aux déclarations de l'entreprise : ces déclarations préimprimées par l'assureur sont établies au nom du représentant légal de l'entreprise qui remplit manuscritement ses éléments personnels d'identité, coche manuscritement les cases NON ou OUI relatives à la situation financière de l'entreprise, date et signe la déclaration. ( pièces 4-1,4-2,4-3)
En l'occurrence, il n'est pas contesté que le représentant légal de la société a déclaré que «'la situation financière de l'entreprise est la suivante'» en cochant NON à chacune des quatre cases relatives à la situation financière de l'entreprise :
- report à nouveau débiteur ;
- dernier résultat d'exercice déficitaire supérieur à 50% du capital social ;
- perte d'exploitation supérieure à 50% du capital social ;
- situation nette comptable négative.
La cour constate que la totalité du paragraphe relatif à la situation financière de l'entreprise est rédigée en caractères gras.
Immédiatement après ce paragraphe, une phrase est écrite en italique préimprimée et surlignée : elle énonce que « Si vous avez coché au moins une case OUI à la déclaration concernant la santé financière de l'entreprise, joindre impérativement pour étude préalable les 2 derniers bilans et comptes de résultats de l'entreprise, ainsi que les rapports des commissaires aux comptes ['].»
Immédiatement après cette phrase, est énoncée la phrase préimprimée suivante: «'J'accepte que la situation comptable de l'entreprise fasse l'objet d'une vérification, tant à la date de signature de la demande d'affiliation qu'au moment de l'instruction d'un dossier de demande d'indemnisation, et j'ai connaissance que conformément aux dispositions de l'article L.113-8 du code des assurances toute réticence ou fausse déclaration intentionnelle entraîne la nullité de l'affiliation ».
Suit immédiatement après, la signature du représentant légal de la société.
Il n'est pas contesté que le représentant légal de la société a coché pour chacune des questions la case NON, il n'est pas non plus contesté que ces questions sont précises et intelligibles.
Bien que les appelants affirment dans leurs conclusions, qu'ils ne disposaient que de la situation de l'exercice comptable 2015 à la date de la déclaration et que celle de 2016 n'avait pas encore été établie, il n'en reste pas moins que le questionnaire visait «'le dernier résultat d'exercice'» or, il n'est pas contesté que les affiliations ont été souscrites en 2017, que dès lors le dernier exercice est celui de 2016 clôturé le 31 décembre 2016.
A cet égard, le bilan et le compte de résultat de l'exercice 2016 mettent en évidence, une situation financière négative avec :
- dernier résultat d'exercice déficitaire supérieur à 50% du capital social : - 591 976 euros (le capital social est égal à'13 906 euros)
- perte d'exploitation supérieure à 50% du capital social :'- 858 106 euros ;
- situation nette comptable négative :'- 591 976 euros.
Ainsi, les appelants ne sont pas fondés à affirmer que les comptes n'étant pas encore établis à la date des affiliations en mars 2017, ils n'étaient pas en mesure de connaître leur contenu et de répondre au questionnaire sur la base de ces comptes alors qu'il n'est pas contesté que tous les comptes de l'exercice 2016 étaient clos à cette date, même s'ils n'étaient pas encore arrêtés par l'expert comptable, qui le fera en mai 2017 et qu'ils n'étaient pas encore approuvés par l'assemblée générale.
En effet, une société a l'obligation d'établir des états comptables au fil de son activité et par conséquent, chaque mois, elle dispose d'une connaissance de sa situation comptable qui s'appuie sur les données comptables des mois précédents auxquelles sont agrégées les nouvelles données recueillies pendant le mois'; les données comptables s'enchaînent ainsi les unes après les autres depuis le début de l'activité de la société et l'arrêté annuel de comptes est une synthèse formalisée par l'expert comptable après vérification de l'exactitude des données comptables.
En sa qualité de représentant légal de la société qui a signé les déclarations d'affiliation, M. [S] devait donc savoir que la comptabilité de la société s'établissait au fil des mois et non pas seulement après la clôture de l'exercice.
Il s'en déduit que bien que les appelants n'aient pu livrer les comptes et le bilan de l'exercice 2016 avant le 19 mai 2017, ce que ne remet pas en cause l'assureur, son représentant légal devait néanmoins connaître, à la date du 14 mars 2017, la situation comptable de la société qu'il présidait, dans la mesure où comme le fait exactement observer l'assureur, le résultat déficitaire résulte de la perte d'exploitation et non d'une perte exceptionnelle ou d'opérations postérieures à la clôture de l'exercice.
Le représentant légal de la société DRUST ne pouvait donc répondre négativement aux questions précises du formulaire d'affiliation, qui n'exigeait qu'une réponse affirmative ou négative et non des données comptables exactes.
Il convient donc d'approuver le tribunal qui a constaté l'inexactitude des informations relatives à la santé financière de la société à laquelle appartenaient les appelants, dans chacun des trois formulaires d'adhésion.
b) Sur le caractère intentionnel de cette fausse déclaration
En ayant coché toutes les cases NON et en signant ces déclarations, le représentant légal de la société a assumé sans équivoque ses réponses à des questions claires et précises sur des éléments comptables qu'un dirigeant d'entreprise comprend aisément.
De surcroît, au regard de la typographie en caractères gras des déclarations sur la santé financière de l'entreprise dans le formulaire d'affiliation et des conditions d'affiliation rappelées dans la notice d'information de la «'convention GSC Travailleur non salarié'» énoncées dans l'article 15 B) qui spécifie que «'l'entreprise s'engage à déclarer ['] ne pas connaître l'une des situations suivantes : report à nouveau débiteur ou dernier résultat d'exercice déficitaire et/ou perte d'exploitation supérieure à 50% du capital social ou situation nette comptable négative'», il en ressortait que la situation financière de l'entreprise était une condition essentielle de l'acceptation de la demande d'adhésion par l'assureur.
Si comme le soutiennent les appelants, son représentant légal a rempli les cases relatives à la situation financière de l'entreprise en se fondant exclusivement sur les résultats comptables de 2015 dans l'ignorance des résultats comptables de l'exercice 2016, il a, de ce fait, accepté en toute connaissance de cause, de prendre le risque de tromper l'assureur sur la situation financière de l'entreprise.
En effet, il appartient au souscripteur de répondre exactement aux questions posées qui, en l'espèce étaient claires et précises, en ce qu'elles portaient sur le dernier résultat d'exercice.
L'argument des appelants sur le fait que les données comptables et la situation financière d'une start up qui a un parcours de développement essentiellement lié aux investissements externes ne s'apprécient pas de la même manière que dans une société mature, est sans effet sur l'obligation de sincérité et d'exactitude à laquelle est tenu le dirigeant d'une société qui souscrit une assurance.
Il est donc établi que les fausses déclarations étaient intentionnelles de la part du souscripteur tant pour son compte que pour celui des deux autres dirigeants.
En tout état de cause, à supposer que le représentant n'ait connu à la date des affiliations que les comptes de l'exercice 2015, il appartenait aux appelants dès l'approbation des comptes 2016 par l'assemblée générale de la société d'en informer l'assureur dans la mesure où les résultats négatifs constituaient une circonstance nouvelle et ce, en application de l'article L. 113-2, 3°) du code des assurances. Or, il n'est pas démontré que l'information sur l'exercice comptable 2016 ait été portée spontanément à la connaissance de l'assureur.
c) Sur l'incidence de cette fausse déclaration sur le risque à assurer'
D'après les termes énoncés dans le formulaire d'adhésion et dans les stipulations de la notice d'information, les appelants connaissaient l'importance pour l'assureur d'avoir des informations exactes sur la situation financière de l'entreprise puisque le risque pour l'assureur d'avoir à garantir la perte de fonction des dirigeants dépendait de la situation financière de l'entreprise.
Les appelants ne sont pas fondés à tirer argument de la lettre de GAN ASSURANCES déclarant que «'nous savons que les start up présentent des comptes ne répondant pas nécessairement à la déclaration d'entreprise'» pour considérer que l'assureur aurait accordé sa garantie puisqu'il était de notoriété publique en 2017, que les investisseurs accordaient à la société DURST leur confiance. ( pièce 19 - MM. [S], [G], [D])
En effet, il est constant que c'est à l'assureur seul d'apprécier au regard des informations exactes et sincères sur l'état financier de la société, s'il accorde ou non sa garantie, quand bien même il s'agirait d'une start up ayant de ce fait un parcours de développement essentiellement lié au refinancement des actionnaires.
Ainsi que le fait valoir à juste titre l'assureur, le mode de fonctionnement d'une start up étant particulièrement risqué puisqu'elle développe dans les premières années des activités non rentables, il est important que l'assureur connaisse la situation exacte du risque à assurer et ce, d'autant qu'en l'espèce, les pertes étaient importantes dès 2016 et qu'il lui était demandé d'assurer trois dirigeants de la même société.
En définitive, pour ces motifs et ceux retenus par le tribunal, il est établi que les appelants ont fait trois fausses déclarations intentionnelles qui ont diminué l'opinion du risque pour l'assureur.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a':
- Débouté'MM. [S], [G], [D] de l'ensemble de leurs demandes et de compléter le jugement en déclarant nulles les adhésions de MM. [S], [G], [D] au contrat d'assurance de groupe facultative souscrite par l'association GSC à effet du 1er avril 2017.
Compte tenu de la solution donnée au litige, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes au regard de l'article L.113-9 du code des assurances.
III Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de l'issue du litige, les dispositions du jugement relatives au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.
Parties perdantes en appel, MM. [S], [G], [D] sont condamnés aux dépens d'appel.
Pour des motifs d'équité, il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de GAN ASSURANCES.
MM. [S], [G], [D] seront déboutés de leur demande formée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour';
Y ajoutant,
Déclare nulles les adhésions de MM. [S], [G], [D] au contrat d'assurance de groupe facultative souscrite par l'association GSC à effet du 1er avril 2017';
Condamne MM. [S], [G], [D] aux dépens d'appel';
Déboute les parties de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffiere La présidente de chambre