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Décisions

CA Angers, ch. a - civ., 14 octobre 2025, n° 23/01556

ANGERS

Arrêt

Autre

CA Angers n° 23/01556

14 octobre 2025

COUR D'APPEL

D'[Localité 7]

CHAMBRE A - CIVILE

IG/ILAF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 23/01556 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FGZC

ordonnance du 29 septembre 2023

Juge de la mise en état du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 22/01333

ARRET DU 14 OCTOBRE 2025

APPELANT :

Monsieur [G] [B] [R]

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 8] (LIBAN)

[Adresse 3]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2025-003149 du 12/05/2025 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 7])

Représenté par Me Alexandra REPASKA de la SELARL CABINET AR, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :

S.A. CREDIT LYONNAIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Yves BENOIST de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20111758

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 16 juin 2025 à 14'H'00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme GANDAIS, conseillère, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Madame GANDAIS, conseillère

Madame REUFLET, conseillère

Greffier : Monsieur DA CUNHA

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 14 octobre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Isabelle GANDAIS, conseillère, pour la présidente empêchée et par Tony DA CUNHA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé en date du 21 avril 2008, le Crédit Lyonnais (ci-après l'établissement bancaire) a consenti à M. [G] [B] [R] (ci-après l'emprunteur) un prêt immobilier d'un montant de 187.000 euros, destiné'à financer l'acquisition d'un bien immobilier sis [Adresse 4] et ce, moyennant un remboursement en 240 échéances mensuelles d'un montant de 1.273,89 euros chacune.

Par jugement réputé contradictoire en date du 2 février 2012, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par l'établissement bancaire, a notamment condamné l'emprunteur à payer les sommes de 193.989,83 euros assorties des intérêts au taux de 4,75 % à compter du 23 février 2011 et 4.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision au titre de l'indemnité de résiliation, pour le prêt précité.

Dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière diligentée depuis mai 2011 à la requête de la direction générale des finances publiques, le juge de l'exécution du Mans a, suivant jugement rendu le 20 mars 2018, constaté le désistement d'instance de la Trésorerie, subrogé l'établissement bancaire dans les droits de la Trésorerie dans les poursuites de saisie immobilière à l'encontre de l'emprunteur, autorisé en conséquence l'établissement bancaire à poursuivre la saisie immobilière aux lieu et place de la Trésorerie et constaté la suspension de plein droit de la procédure de saisie immobilière en raison de la décision de recevabilité en date du 8 septembre 2017 de la demande de surendettement présentée par l'emprunteur.

Suivant jugement rendu le 25 mai 2021, le juge de l'exécution du Mans a ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi par l'établissement bancaire sur l'emprunteur et fixé les modalités de son adjudication. Cette décision a été confirmée suivant arrêt de la cour d'appel d'Angers du 14 décembre 2021.

Par jugement en date du 24 mai 2022, le juge de l'exécution a procédé à l'adjudication du bien immobilier saisi.

C'est dans ce contexte que par acte de commissaire de justice en date du 18 mai 2022, l'emprunteur a fait assigner l'établissement bancaire devant le tribunal judiciaire du Mans aux fins de voir, au visa des articles 478 alinéa 1, 648 et suivants et 654 et suivants du code de procédure civile, 1240 du code civil :

- in limine litis

- dire et juger que l'acte intitulé 'Signification de l'acte à personne physique' du 22 février 2012 est nul ;

- dire et juger en conséquence que le jugement réputé contradictoire du tribunal de grande instance de Paris du 2 février 2012 est non avenu ;

- en conséquence, déclarer recevable son action ;

- sur le fond

- dire et juger que l'établissement bancaire a engagé sa responsabilité en ne sollicitant pas l'intervention de l'organisme de caution mutuelle CAMCA ;

- dire et juger que l'établissement bancaire a engagé sa responsabilité bancaire en ne mobilisant pas la garantie d'assurance perte de revenus';

- en conséquence condamner l'établissement bancaire à lui verser la somme de 187.000 euros en réparation de son préjudice financier ;

- condamner l'établissement bancaire à lui verser la somme de 50.000'euros en réparation de son préjudice moral ;

- condamner l'établissement bancaire à lui verser la somme de 10.000'euros pour mauvaise foi ;

- condamner l'établissement bancaire à lui payer la somme de 10.000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'établissement bancaire aux entiers dépens.

Suivant conclusions d'incident, l'établissement bancaire a soulevé l'irrecevabilité de l'action de l'emprunteur à titre principal pour autorité de chose jugée et méconnaissance du principe de concentration des moyens et à titre subsidiaire, pour prescription quinquennale.

Suivant ordonnance rendue le 29 septembre 2023, le juge de la mise en état a :

- déclaré irrecevable la présente action

- condamné l'emprunteur à payer à l'établissement bancaire une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné l'emprunteur aux dépens.

Suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 2 octobre 2023, l'emprunteur a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions, intimant l'établissement bancaire.

L'ordonnance de clôture, prévue initialement pour être rendue le 21 mai 2025, a été reportée au 4 juin 2025, conformément aux avis de clôture et de fixation adressés par le greffe aux parties les 28 octobre 2024 et 21 mai 2025. L'affaire a été retenue à l'audience du 16 juin 2025.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures reçues le 15 mai 2025, l'emprunteur demande à la cour, au visa des articles 122 et 478 al.1 du code de procédure civile, 1240 et suivants, 2224 et suivants, 2241 et suivants du code civil, de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

En conséquence y faire droit,

- infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions en ce quelle a :

- déclaré irrecevable la présente action,

- condamné l'emprunteur à payer à l'établissement bancaire une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'emprunteur aux dépens.

Et statuant à nouveau,

- le déclarer recevable et bien fondé en ses conclusions d'incident,

A titre principal

- dire et juger que la date de départ de la prescription de son action est la date du jugement du juge de l'exécution du Mans autorisant l'établissement bancaire à poursuivre la saisie immobilière aux lieu et place de la trésorerie principale du 12ème arrondissement 1ère division, soit le 20 mars 2018,

- en conséquence, dire et juger que son action n'est pas prescrite,

- à titre subsidiaire

- dire et juger que la prescription de son action a été interrompue par assignation en date du 25 juillet 2011 et par la déclaration de la créance de l'établissement bancaire dans le cadre de la procédure de saisie immobilière entamée à son encontre,

- en conséquence, dire et juger que son action n'est pas prescrite,

- dire et juger que son action n'est pas atteinte par l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 2 février 2012,

- et par voie de conséquence, dire et juger que son action est recevable,

- débouter l'établissement bancaire de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner l'établissement bancaire à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures reçues le 27 mai 2025, l'établissement bancaire demande à la cour, au visa de l'article 2224 du code civil, de :

- juger l'emprunteur mal fondé en son appel et en conséquence l'en débouter,

- confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire du Mans le 29 septembre 2023 en ce qu'elle a déclaré l'action de l'emprunteur devant le tribunal judiciaire du Mans irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée, et condamné l'emprunteur à lui payer une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et'condamné l'emprunteur aux dépens,

- condamner l'emprunteur au paiement d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,

- condamner l'emprunteur aux entiers dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés devant la cour,

- débouter l'emprunteur de toute prétention contraire.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, la cour constate que pour soutenir la recevabilité de son action, l'emprunteur répond aux deux fins de non-recevoir qui lui ont été opposées en première instance par l'établissement bancaire dans un ordre distinct de celui présenté par ce dernier devant le premier juge.

Il convient d'examiner les deux fins de non-recevoir dans l'ordre dans lequel elles ont été soumises à l'appréciation du juge de la mise en état.

I- Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée

Le juge de la mise en état a constaté que contrairement aux allégations de l'emprunteur, le jugement du 2 février 2012 rendu par le tribunal de grande instance de Paris a été signifié à sa personne, l'acte de signification du 22 février 2012 comportant l'ensemble des mentions exigées par le code de procédure civile. Il a dès lors considéré que dès la signification de cet acte d'huissier, l'emprunteur avait connaissance des condamnations prononcées contre lui et ne les a donc pas découvertes avec le jugement du juge de l'exécution de 2018. Le'juge a ensuite retenu qu'il n'est pas démontré que l'emprunteur a exercé les voies de recours pour faire valoir toute son argumentation en vertu du principe de concentration de moyens, lesquels pouvaient d'ailleurs porter sur la nullité de l'acte de signification et les motifs de l'assignation, à savoir la responsabilité de l'établissement bancaire qui n'aurait pas mis en 'uvre ni la garantie CAMCA ni l'assurance souscrite et alors que ces mises en 'uvre devaient intervenir avant sa condamnation et non avant la poursuite par saisie immobilière. Le juge a dès lors considéré qu'en l'absence de recours contre le jugement du 2 février 2012, celui-ci est devenu définitif, bénéficie de l'autorité de chose jugée et ce sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale, observant à cet égard que l'arrêt de la cour d'appel d'Angers mentionne l'existence de cette prescription.

L'emprunteur considère que son action est recevable et ne se heurte pas à l'autorité de chose jugée, faisant valoir que :

- le jugement du 2 février 2012 n'a pas autorité de chose jugée dès lors qu'il engage, dans le cadre de la présente instance, la responsabilité de la banque pour ne pas avoir sollicité l'intervention de l'assureur au titre de la garantie perte de revenus ni actionné le dispositif de la caution mutuelle préalablement à la poursuite de la saisie immobilière entamée par le trésor public ;

- il n'était ni présent ni représenté lors de l'instance ayant conduit au jugement du 2 février 2012 dont il n'a pas reçu signification ; ce jugement est dès lors non avenu ;

- il ne pouvait en tout état de cause évoquer la faute reprochée à l'établissement bancaire dans le cadre de la procédure précitée dès lors que la subrogation de ce dernier dans les droits de la trésorerie, créancier poursuivant, n'a eu lieu que le 20 mars 2018 ;

- au moment du jugement rendu le 2 février 2012, il était en tout état de cause irrecevable à évoquer l'intervention de la caution mutuelle puisqu'aux termes de l'acte de cautionnement, la mise en jeu de cette caution simple ne pouvait intervenir qu'à la seule initiative du prêteur, après que ce dernier ait épuisé tous les recours contre l'emprunteur ;

- à la date du 2 février 2012, il ne pouvait pas savoir que l'établissement bancaire allait poursuivre la procédure de saisie immobilière aux lieu et place du trésor public ;

- concernant les procédures devant le juge de l'exécution, ce dernier est de tout évidence incompétent pour statuer sur la responsabilité de l'établissement bancaire qui relève de la compétence du juge du fond.

L'établissement bancaire conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise, observant que :

- le jugement rendu le 2 février 2012 par le tribunal de grande instance de Paris est définitif et aucunement non avenu comme soutenu à tort par l'appelant ; ledit jugement a bien été signifié à ce dernier à sa personne le 22 février 2012 ; il lui appartenait alors de régulariser appel à l'encontre de cette décision afin de développer tous arguments visant à une éventuelle responsabilité de l'organisme prêteur dans le cadre de cette précédente instance qui a conduit à sa condamnation au paiement de diverses sommes en exécution du prêt immobilier';

- il est désormais impossible pour l'appelant de contester de façon recevable sa créance laquelle a d'ailleurs été fixée par le juge de l'exécution dans le cadre de l'audience d'orientation ; cette situation rend également toute contestation de l'appelant irrecevable sur le fondement du principe de concentration des moyens qui l'obligeait à exposer, dans le cadre de l'instance initiale, tous ses moyens de contestation, en ce compris les moyens liés à une éventuelle responsabilité de la partie adverse qu'il entendait voir reconnaître.

Sur ce, la cour

Il résulte de l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

D'autre part, l'article 480 du code de procédure civile énonce que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure ou une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Il est constant que le principe de la concentration des moyens qui a émergé en premier lieu pour le seul demandeur (voir en ce sens l'arrêt d'Assemblée Plénière du 7 juillet 2006, pourvoi n° 04-10672), a été étendu en second lieu au défendeur (voir en ce sens Com. 20 février 2007, pourvoi n°05-18322, Civ. 2ème 24 septembre 2015, pourvoi n°14-20.009 ), obligeant ce dernier à présenter dès l'instance initiale qui oppose les parties, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à emporter le rejet total ou partiel de la demande.

En l'espèce et en premier lieu, il ressort des pièces produites aux débats que le jugement rendu le 2 février 2012 par le tribunal de grande instance de Paris a été signifié à la personne de l'emprunteur par acte d'huissier délivré le 22 février 2012. Ce dernier, qui développe dans ses conclusions d'appel, au paragraphe dédié à la fin de non-recevoir tirée de la prescription, des moyens relatifs à la nullité de l'acte de signification de la décision précitée, ne formule pas de demande de nullité au dispositif de ses écritures. Dans la mesure où en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, l'emprunteur ne peut dès lors prétendre que le jugement 2 février 2012 serait non avenu en raison de la nullité de sa signification qu'il n'a pas sollicitée.

Dans ces conditions, ledit jugement a été régulièrement signifié et l'emprunteur n'en a pas relevé appel. Il s'ensuit qu'il est devenu définitif et constitue le titre exécutoire au bénéfice de l'établissement bancaire lui ayant d'ailleurs permis de mettre en oeuvre des actes d'exécution forcée à son égard.

En second lieu, l'emprunteur recherche la responsabilité de l'établissement bancaire qui n'aurait pas sollicité l'intervention de l'assureur au titre de la garantie perte de revenus, ni celle de l'organisme de caution mutuelle, demandant à ce titre l'octroi de dommages et intérêts.

Cette nouvelle procédure intervient entre les mêmes parties agissant sous la même qualité, cette identité de parties n'est pas discutée.

S'agissant de la cause et l'objet de la demande de dommages et intérêts présentée dans la présente instance par l'emprunteur, la cour relève qu'il y a identité entre ceux-ci et les moyens de défense ou la demande reconventionnelle qu'aurait valablement pu opposer ou former l'emprunteur pour contester le règlement des sommes réclamées en exécution du prêt immobilier si ce dernier avait comparu devant le tribunal de grande instance de Paris ou avait interjeté appel du jugement rendu le 2 février 2012.

La présente demande indemnitaire de l'emprunteur formée à l'encontre de l'établissement bancaire vise en définitive à remettre en cause par un moyen nouveau, non invoqué dans le cadre de l'instance initiale, ledit jugement qui l'a condamné à payer des sommes en vertu du contrat de prêt liant les parties. En'cela, ladite demande est susceptible de se heurter à la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement sauf pour l'emprunteur à démontrer que des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.

A cet égard, c'est de manière inopérante que l'emprunteur tente de faire admettre qu'il ne pouvait pas porter à la connaissance de la juridiction initialement saisie par l'établissement bancaire une demande visant à faire reconnaître la responsabilité de ce dernier pour défaut de mise en oeuvre de l'assurance perte de revenus. En effet, il résulte de ses propres écritures que début 2009, il a rencontré d'importantes difficultés professionnelles et n'a pu faire face à son obligation de remboursement que jusqu'en août 2009. Il ajoute que l'établissement bancaire 'savait qu'[il] avait perdu son emploi, situation qui aurait dû déclencher la prise d'effet du contrat d'assurance, [l'établissement bancaire] a prononcé la déchéance du terme le 21 février 2011.' Il se déduit ainsi des déclarations de l'emprunteur que dès les premiers impayés et a fortiori une fois la déchéance du terme du prêt prononcée en février 2011, l'emprunteur était en mesure, à supposer qu'il considère l'établissement bancaire fautif pour ne pas avoir cherché à mobiliser la garantie perte de revenus, de rechercher sa responsabilité dans le cadre de l'instance initiale engagée contre lui, en 2011.

De même, s'agissant de l'absence de mobilisation par l'établissement bancaire de l'engagement de caution souscrit par la société Camca Assurance, l'emprunteur ne peut soutenir qu'il ne pouvait pas agir dans cette instance à l'encontre du prêteur au motif qu'il était alors dans l'ignorance de ce qu'ultérieurement, en mars 2018, ce dernier allait poursuivre la procédure de saisie immobilière aux lieu et place du Trésor Public. La contestation de l'emprunteur consiste en définitive à reprocher à l'établissement bancaire de ne pas avoir actionné la caution de l'organisme alors qu'il reprenait les poursuites à son encontre dans le cadre de la saisie immobilière. Or, celle-ci était déjà en cours lors de l'introduction de l'instance ayant conduit au jugement du 2 février 2012. En outre, ainsi que l'établissement bancaire le souligne, ce dernier avait régularisé, dans le cadre de cette procédure devant le juge de l'exécution, une déclaration de créance, dénoncée au débiteur par acte d'huissier signifié en l'étude le 6 octobre 2011. La circonstance qu'en mars 2018, l'établissement bancaire ait été subrogé dans les droits du créancier poursuivant n'a en rien modifié la situation de l'emprunteur qui, dès le prononcé de la déchéance du terme du prêt immobilier en février 2011, a pu envisager les poursuites qui pourraient être mises en oeuvre par le créancier, après obtention d'un titre à son encontre et dont les suites, si elles s'avéraient inefficaces, étaient la condition pour mobiliser la caution. A cet égard, les développements concernant les modalités de mise en jeu du cautionnement, à savoir à l'initiative du prêteur et après épuisement de tous les recours contre le débiteur, sont inopérants dès lors qu'ils relèvent d'une analyse du fond du litige. En définitive, il apparaît que la responsabilité de l'établissement bancaire que l'emprunteur entend rechercher de ce chef, pouvait être engagée dès l'instance où s'est trouvée examinée la demande en condamnation à paiement au titre du solde du prêt litigieux. La mise en oeuvre de la caution ne constitue dès lors pas un élément nouveau qui ne pouvait pas être soumis au juge avant le prononcé du jugement du 2 février 2012.

Du tout, il résulte que c'est à bon droit que le premier juge a accueilli la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée et du principe de concentration des moyens, soulevée par l'établissement bancaire. L'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action en responsabilité engagée par l'emprunteur à l'encontre de l'établissement bancaire.

II- Sur la demande indemnitaire pour appel abusif

L'établissement bancaire expose que l'emprunteur ne pouvait ignorer que la présente procédure était vouée à l'échec comme ne comportant que des demandes sur lesquelles les juridictions avaient déjà répondu ou frappées d'évidentes prescriptions. Il estime que la motivation du juge de la mise en état dans l'ordonnance entreprise est si précise qu'elle rend abusif, de façon évidente, l'appel de son contradicteur.

L'emprunteur n'a formulé aucune observation relativement à cette demande.

Sur ce, la cour

Il résulte des articles 1240 du code civil et 559 du code de procédure civile que seule une faute de l'appelant faisant dégénérer en abus l'exercice de la voie de recours qui lui était ouverte peut donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts pour appel abusif.

Les moyens développés par l'intimé tenant à l'évidence de l'irrecevabilité de l'action engagée contre lui par l'emprunteur sont insuffisants pour démontrer que l'appel de ce dernier procède d'un abus du droit d'agir en justice, à défaut d'établir en quoi cette voie de recours n'a été exercée que par malice, mauvaise foi ou légèreté blâmable, ce qui suppose d'établir à la fois que les prétentions de l'appelant étaient vouées à l'échec et qu'il en avait parfaitement conscience ou ne pouvait l'ignorer.

Il convient en conséquence de rejeter cette demande de dommages et intérêts.

III- Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'ordonnance déférée sera confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'appelant qui succombe en son appel devra supporter les dépens. Il sera par ailleurs débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de l'établissement bancaire les frais engagés pour la défense de ses intérêts en cause d'appel. L'appelant sera condamné à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire du Mans du 29 septembre 2023,

Y ajoutant,

Déboute la SA Crédit Lyonnais LCL de sa demande indemnitaire pour appel abusif,

Condamne M. [G] [B] [R] à régler à la SA Crédit Lyonnais LCL la'somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [G] [B] [R] de sa demande formée au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

Condamne M. [G] [B] [R] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER P/LA PRESIDENTE, empêchée

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