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Décisions

CA Bordeaux, ch. soc. A, 15 octobre 2025, n° 23/02538

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 23/02538

15 octobre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 15 OCTOBRE 2025

PRUD'HOMMES

N° RG 23/02538 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NI6B

Madame [T] [R]

c/

S.A.S. SOCIETE D'ETUDES ET REALISATIONS ENERGETIQUES (SERE)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Me Laëtitia SCHOUARTZ de la SELARL SCHOUARTZ AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

Me Nicolas SANCHEZ de la SELARL TGS FRANCE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 avril 2023 (R.G. n°F 20/01734) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 30 mai 2023,

APPELANTE :

Madame [T] [R]

née le 29 Septembre 1985 à [Localité 4] (50)

de nationalité Française

Profession : Responsable qualité, demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Laëtitia SCHOUARTZ de la SELARL SCHOUARTZ AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.S. SOCIETE D'ETUDES ET REALISATIONS ENERGETIQUES (SER E)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 431 750 868

représentée et assistée par Me Nicolas SANCHEZ de la SELARL TGS FRANCE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE substitué par Me ELDUAYEN

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 septembre 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Paule Menu, présidente chargée d'instruire l'affaire, et de Madame Sylvie Tronche, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame [G] Collet, conseillère

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

1 - Mme [T] [R], née en 1985, a été engagée en qualité de secrétaire par la société d'études et réalisations énergétiques (SERE), par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 30 août 2010 ; les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale ETAM du bâtiment de la Gironde.

Le 1er juillet 2012, Mme [R] a été promue au poste de déléguée QSE - assistante administrative. Le 1er février 2016,Mme [R] a accédé aux fonctions de responsable qualité sécurité environnement (QSE), statut cadre, promotion confirmée par un avenant à son contrat du travail du 17 février 2016 régi par les dispositions de la convention collective nationale des ingénieus, assimilés et cadres du bâtiment.

2 - Mme [R] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 10 décembre 2019 au 20 décembre 2019; elle a posé ses congés payés du 21 décembre 2019 au 5 janvier 2020 ; elle a repris le travail le 6 janvier 2020 et a été de nouveau arrêtée pour maladie le 7 janvier 2020 ; le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste dans un avis le 25 août 2020 et précisé : ' l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi '.

3 - La société SERE a informé Mme [R] de l'impossibilité de procéder à son reclassement par un courrier du 28 août 2020. Elle l'a convoquée à un entretien préalable à son licenciement fixé au 9 septembre 2020 par un courrier du 31 août 2020 et l'a licenciée en raison de son inaptitude et de l'impossibilité de procéder à son reclassement par un courrier du 15 septembre 2020. A la date du licenciement, Mme [R] avait une ancienneté de dix ans et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

4 - Considérant son licenciement nul, à défaut dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux par une requête reçue le 17 novembre 2020. Dans un jugement rendu le 28 avril 2023, le conseil de prud'hommes a condamné la société SERE à verser à Mme [R] 5 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité, a débouté Mme [R] de l'ensemble de ses autres demandes, a condamné la société SERE à verser à Mme [R] 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné la société SERE aux dépens.

5 - Mme [R] en a relevé appel pour l'ensemble de ses dispositions, le 30 mai 2023 par voie électronique.

6 - Dans ses dernières conclusions - Conclusions d'appelant - , adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 juillet 2023, Mme [R] demande à la cour de :

' - dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Mme [R] à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 28 avril 2023 ; en conséquence,

- réformer le jugement rendu en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande principale de voir juger nul son licenciement rendu le 15 septembre 2020 que sa demande de dommages et intérêts et de sa demande subsidiaire de voir juger absuif son licenciement ainsi que sa demande de dommages et intérêts et en tout état de cause ses demandes de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat, d'indemnité de préavis, de RTT, participation et réparation du préjudice financier,

En conséquence,

A titre principal,

- dire et juger que la société SERE s'est rendue coupable de harcèlement moral à l'égard de Mme [R],

- dire et juger que son licenciement pour inaptitude en date du 15 septembre 2020 est nul,

- condamner la société SERE à lui verser :

* 39 500 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société SERE a manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [R],

- dire et juger que son licenciement pour inaptitude en date du 15 septembre 2020 est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société SERE à lui verser :

* 39 500 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- dire et juger que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité,

- condamner la société SERE à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

* 9 853, 17 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 985, 35 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

* 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur,

* 3 300 euros au titre des dommages et intérêts pour tardiveté de remise des documents de fin de contrat,

* 1 454, 50 euros au titre des RTT non versés,

* 193, 49 euros au titre de la participation,

* 500 euros au titre du préjudice financier,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SERE aux dépens et aux frais d'exécution éventuels'.

7 - Dans ses dernières conclusions - Conclusions d'intimée et d'appel incident -, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 octobre 2023, la société SERE demande à la cour de':

' - déclarer l'appel incident interjeté par la société SERE recevable et bien fondé,

Sur la demande formulée à titre principal

Sur la demande visant à déclarer nul le licenciement

- confirmer le jugement du 28 avril 2023 après avoir jugé que Mme [R] n'établit aucun fait susceptible ni de présumer un harcèlement moral, ni de constituer un manquement de l'employeur à la préservation de la santé de la salariée,

En conséquence, statuant à nouveau :

- débouter Mme [R] de sa demande visant à prononcer la nullité du licenciement,

- débouter Mme [R] de sa demande en paiement d'une somme de 39 500 euros à titre de dommages et intérêts,

Sur la demande formulée à titre subsidiaire

Sur la demande subsidiaire de Mme [R] en licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- confirmer le jugement du 28 avril 2023 en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande visant à juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence, statuant à nouveau,

- débouter Mme [R] de sa demande en paiement d'une somme de 39 500 euros à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause

- confirmer le jugement du 28 avril 2023 en ce qu'il a débouté Mme [R] de ses demandes, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, de dommages et intérêts pour tardiveté de remise des documents de fin de contrat, de remboursement de 1 454, 50 euros au titre des RTT non versés, de 500 euros au titre du préjudice financier,

- infirmer le jugement du 28 avril 2023, en ce qu'il a condamné la société SERE à verser à Mme [R] 5 000 euros de dommages et intérêts pour manquement l'obligation de sécurité et statuant à nouveau juger que la société SERE n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité,

En conséquence, statuant à nouveau,

- débouter Mme [R] de sa demande en paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Sur la demande reconventionnelle de la société SERE,

- infirmer le jugement du 28 avril 2023 en ce qu'il a condamné Mme [R] à 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- statuant à nouveau, condamner Mme [R] à verser à la société SERE une somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile' .

8 - La clôture a été prononcée le 8 août 2025 et l'affaire fixée à l'audience du 2 septembre 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Sur la demande de nullité du licenciement

Moyens des parties

9 - Mme [R] fait valoir que le licenciement est nul dès lors que l'inaptitude sur le fondement de laquelle il a été décidé résulte des faits de harcèlement moral dont elle a été victime dans le cadre de la restructuration du groupe Soflux dont la société SERE faisait partie, que l'employeur, qui en était informé, a fait le choix d'ignorer.

10 - La société SERE objecte que Mme [R] ne rapporte pas la preuve des faits dont elle se prévaut et ni celle que son état de santé est en lien avec sa situation professionnelle.

Réponse de la cour

11 - Lorsque l'inaptitude du salarié est la conséquence directe des agissements de harcèlement moral, l'employeur ne peut pas s'en prévaloir pour rompre le contrat de travail et le licenciement est nul.

12 - Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Le juge, après s'être assuré de leur matérialité, doit analyser les faits invoqués par le salarié dans leur ensemble et les apprécier dans leur globalité afin de déterminer s'ils permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Dès lors que des faits de harcèlement sont avérés, la responsabilité de l'employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.

13 - Au cas particulier, Mme [R] se prévaut, de première part de l'impossibilité de connaître le nouveau périmètre de ses attributions, singulièrement en matière de ressources humaines, de deuxième part de l'injonction qui lui a été faite le 8 novembre 2019 de réaliser un meilleur chiffre d'affaires à la tête du centre de formation [3] afin d'assurer le paiement de son salaire alors que la vente de formations ART33 en externe n'avait jamais été l'objectif premier du projet, de troisième part des propos proférés par la directrice des ressources humaines de la holding mise en place à la suite du rachat de la société SNEE le lendemain, singulièrement ' dans un travail comme dans un couple, quand on regarde pas dans la même direction, il faut divorcer', de quatrième part de sa mise à l'écart qui a suivi et des reproches injustifiés de la part de la directrice des ressources humaines jusqu'à son départ en arrêt pour maladie le 10 décembre 2019, de dernière part de l'annonce le 6 janvier 2020 devant ses deux collaboratrices de la perte de ses missions d'encadrement et de responsable de formation, de l'emménagement de ses deux assistantes dans un nouveau bureau situé en étage à proximité de la directrice des ressources humaines en même temps qu'elle resterait dans le sien.

14 - S'agissant de l'impossibilité de connaître le nouveau périmètre de ses attributions, singulièrement en matière de ressources humaines, sur la période courant du mois de juillet 2019 à la suspension de son contrat de travail le 10 décembre 2019, Mme [R] renvoie la cour au témoignage de Mme [O], salariée de l'entreprise, et au courrier qu'elle a adressé à l'employeur le 16 janvier 2020.

Dans son témoignage en date du 28 août 2020, Mme [W] [O] atteste : ' (...) Durant l'été 2019, j'ai été témoin de la dégradation des conditions de travail de Mme [R] : communication de plus en plus difficile, directives peu claires et changeantes, retrait de certaines fonctions qui étaient les siennes depuis plusieurs années, déménagement des bureaux de notre équipe (...) Mme [R] se sentait exclue par la direction avec qui elle entretenait jusqu'alors une relation de confiance. Mme [R] a été arrêtée par son médecin courant décembre 2019. (...)', ce dont, en l'absence de faits précis, il ne ressort pas la preuve que Mme [R] était tenue dans l'ignorance de la place qui lui serait réservée dans la future organisation, étant précisé que le retrait des fonctions et le changement de bureaux allégués sont intervenus au mois de janvier 2020, que la société ART33 est mentionnée comme relevant du périmètre du groupe Soflux à court et moyen terme dans le powerpoint Soflux Ambition 2025 diffusé à la réunion du 12 avril 2019 à laquelle Mme [R] participait, que la place de la société ART33 au sein du groupe Soflux est confirmée dans le powerpoint diffusé à la réunion du 2 juillet 2019 à laquelle Mme [R] participait, en même temps que Mme [R] y est positionnée au sein de la direction de la production à la Qualité Environnement Qualification, qu'il ressort de l'ordre du jour de la réunion du 2 juillet 2019 que Mme [R] y a fait à la demande de la direction un point avancé sur la société ART33 alors en formation, que la société ART33 figure aux côtés de la société SERE et de la société SNEE comme relevant du groupe Soflux et Mme [R] comme sa responsable dans le powerpoint présenté lors du séminaire des 11 et 12 octobre 2019.

Le manque d'information sur le périmètre de ses attributions allégué n'est pas établi, la présentation par l'employeur dans le cadre de la restructuration induite par le rachat de la société SNEE de plusieurs projets d'organisation n'en relevant pas et les courriers que Mme [R] a adressés à l'employeur le 16 janvier 2020 et le 9 juin 2020 n'y suppléant pas.

15 - S'agissant de l'exigence d'un chiffre d'affaires et des propos inappropriés de la directrice des ressources humaines, Mme [R] se prévaut du courrier que [J] et [V] [N] lui ont adressé le 17 février 2020.

Le 17 février 2020, [J] et [V] [N] ont écrit : '(...) En revanche, votre 'vision étroite' de la stratégie de développement d'un centre de formation démontre votre difficulté à en appréhender tous les différentes aspects stratégiques, notamment lorsque vous écrivez que la vente de formation n'a jamais été l'objectif premier d'ART33 et que vous n'avez pas été embauchée sur un poste de commerciale. Lorsque vous avez demandé à être salariée de la société ART33, nous vous avons exposé des réalités évidentes, à savoir notamment qu'il faut que l'activité au sein de cette société puisse financer votre salaire. En effet un centre de profit ne peut pas se contenter de collecter des fonds internes,d'où la nécessité de 'vendre'des formations. Aussi, votre argument selon lequel en mutualisant au sein du groupe Soflux la formation SNEE et SERE, les coûts salariaux n'augmentaient pas, démontre votre méconnaissance des réalités économiques d'une entreprise, ce que nous ne saurions d'ailleurs vous reprocher. En réalité, vous voulez, en tant que cadre responsable QSE, devenir salariée d'ART33 mais sans vous impliquer dans le développement de cette structure de formation (...)'. Il en ressort que l'exigence d'un développement à l'externe de la société ART33 a été effectivement affirmée lors de la réunion organisée le 8 novembre 2019 entre Mme [R] et la direction de la société SERE, en la présence, non discutée par l'employeur, de la directrice des ressources humaines du groupe Soflux.

Mme [R] ne rapporte en revanche pas la preuve qui lui incombe d'avoir été empêchée de présenter ses observations, pas plus celle que la directrice des ressources humaines lui a tenu le lendemain les propos qu'elle allègue, ses courriers à l'employeur du 16 janvier 2020 et du 9 juin 2020 n'y suppléant pas.

16 - La preuve de la mise à l'écart de Mme [R] à la suite de la réunion du mois de novembre 2019, jusqu'au 10 décembre 2019, et des reproches formulés à son adresse par la directrice des ressources humaines ne ressort pas des éléments communiqués, la communication de plus en plus difficile avec la direction rappportée Mme [O] et la dégradation de son état de santé psychique et son mal être relatés par M. [Y] et par Mme [D] n'y suppléant pas.

17 - S'agissant de la réunion du 6 janvier 2020, Mme [R] se prévaut, outre du courrier qu'elle a adressé à l'employeur le 16 janvier 2020 et des notes prises durant la réunion :

- du témoignage de Mme [W] [O] qui atteste : ' (...) A sa reprise le 6 janvier 2020, une réunion a été planifiée afin d'échanger sur la nouvelle organisation du service ressources humaines. Étaient présentes Mme [I] (DRH), Mme [R] ( Responsable Formation et QSE), Mme [D] ( Assistante QSE) et moi-même (Assistante Formation). Il nous a été présenté un organigramme sur lequel Mme [R] était au même niveau que ses deux assistantes. Nous étions à présent toutes les trois rattachées à la DRG avec des intitulés de poste différents. Il m'a été demandé d'exprimer comment je voyais la répartition des tâches liées à la [Z]

( incluant la formation) entre Mme [R] et moi alors que j'étais son assistante.

Cette réunion et l'organisation qui nous a été présentée m'ont mise très mal à l'aise et je n'ose imaginer ce qu'a pu ressentir Mme [R], qui n'est d'ailleurs jamais revenue travailler ( arrêtée dès le lendemain par son médecin et prolongée jusqu'à sa procédure de licenciement).(...) Mme [D] et moi-même avons de nouveau déménagé nos bureaux pour remonter à l'étage de la direction (...) ' ;

- du témoignage de Mme [G] [D] qui atteste : ' (...) J'étais présente lors de la réunion du 06/01/2020. Mme [R] reprenait le travail le même jour. Cette réunion était organisée par Mme [I], en présence de Mme [R], Mme [O] et moi-même. L'objet de cette réunion était de nous présenter le nouvelle organisation du service RH. Nous avons pu constater que nous étions toutes les trois au même niveau sous la responsabilité de Mme [I]. Mme [R] qui était notre responsable jusqu'à présent devenait uen collaboratrice. Lors de cette réunion, aucune convention n'a été présentée, à aucune de nous. Les conventions étaient signées, individuellement avec M. [N] [J] (...)' ;

- de l'embauche le 6 janvier 2020, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, soit jusqu'au 30 juin 2020, par la société SERE, de M. [L], par ailleurs le compagnon de la directrice des ressources humaines, pour l'emploi de Responsable formation ;

- de l'établissement par son médecin traitant le 7 janvier 2020 d'un certificat d'arrêt de travail mentionnant ' syndrome dépressif, harcèlement moral pro caractérisé, recherche de solution de départ ' et des prolongations ultérieures.

18 - De l'ensemble, il résulte que Mme [R] établit la matérialité des faits précis et concordants suivants pouvant laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral à son égard, singulièrement son déclassement et son remplacement alors que la relation de travail n'avait pas pris fin. Il appartient dès lors à l'employeur d'établir que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement mais qu'ils sont justifiés par des objectifs étrangers à tout harcèlement.

19 - Pour s'opposer à la demande de Mme [R], la société SERE expose que :

- aucun organigramme établissant que Mme [R] aurait été placée au même niveau que Mme [O] et Mme [D] dans la nouvelle organisation n'est produit ;

- la mention ' formation remontée (') DRH' figurant dans les notes dont Mme [O] se prévaut ne traduit aucun déclassement en ce que la direction des ressources humaines est dans toutes les entreprises chargée à la fois du recrutement et des questions liées à la formation, outre les relations avec les syndicats et la répartition du temps de travail, en ce que la création du poste de DRH dans le cadre la création de la holding Soflux, ayant pour but la gestion des trois filiales - SERE, SNEE et ART33- impliquait que le poste occupé par Mme [R] soit rattachée hiérarchiquement à la direction des ressources humaines de plus fort dès lors que l'intéressée en sa qualité de qualiticienne s'occupait uniquement du plan et du budget de formation de la société SERE en lien avec la direction ;

- Mme [R] n'a en réalité pas accepté de travailler au sein d'un groupe, avec une nouvelle organisation qui l'éloignait des deux gérants, par ailleurs accaparés par plus de responsabilités ;

- il ne résulte aucune rétrogradation des notes dont Mme [R] se prévaut en ce qu'elles indiquent ' [B] Sécurité (SNEE) [X],[A],[H] [E] et [S],[W] [Z], [T] Formation (SERE, SNEE et ART33), [G] assistante/formation /Com ressources humaines et recutement ( SERE et SNEE) [K] recrutement' et que Mme [R] est la seule de tous les collaborateurs ainsi mentionnés à ne pas avoir signé la convention de mutation ;

- Mme [O] fait simplement état d'un organigramme dans lequel Mme [R], dont elle ne fait en réalité que reprendre les allégations figurant dans ses courriers du 16 janvier 2020 et du 9 juin 2020, aurait été retrogradée ;

- l'attestation de Mme [O] comporte des inexactitudes puisque Mme [R] n'a jamais été Responsable de formation et occupait toujours le poste de Responsable QSE au jour de son licenciement de sorte que Mme [O] n'était nullement placée sous son autorité hiérarchique ;

- M. [L] a été recruté par la société SERE et non par la société ART33, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel conclu pour un accroissement d'activité, afin de conclure le plan de formation à la finalisation duquel Mme [R] en arrêt maladie depuis le 10 décembre 2019 n'avait pas procédé ;

- présente dans l'entreprise le 6 janvier 2020, Mme [R] n'aurait pas manqué de réagir si M. [L] avait comme allégué occupé son bureau ;

- M. [L], ayant eu connaissance que Mme [R] ne souhaitait plus intégrer la société ART33 et qu'elle restait ainsi au poste QSE qu'elle occupait au sein de la société SERE, a ensuite postulé et obtenu le poste de Responsable formation ART33 eu égard à son profil.

20 - [Localité 5] est de relever que:

- les témoignages de Mme [O] et de Mme [D] établissent qu'elles étaient l'une et l'autre les assistantes de Mme [R] , la première à la formation, la seconde à la QSE et il ne ressort d'aucun des éléments du dossier le dépôt par l'employeur d'une plainte pour faux ou usage de faux ; l'offre d'emploi pour le poste d'Assistant(e) Formation(H/F) publiée le 17 janvier 2019 à laquelle Mme [O] a répondu mentionne d'ailleurs expressément ' Directement rattaché(e) à la Responsable Formation (...)' ;

- si l'employeur se prévaut des notes prises par Mme [R] durant la réunion du 6 janvier 2020 pour souligner que la mention ' formation remontée (') DRH' ne traduit aucun déclassement et qu'il résulte de leur contenu ' [B] Sécurité (SNEE) [X], [A],[H] [E] et [S] , [W] [Z], [T] Formation (SERE, SNEE et ART33), [G] assistante/formation /Com ressources humaines et recrutement (SERE et SNEE) [K] recrutement' l'absence de rétrogradation, la situation est toutefois différente à l'étude desdites notes libellées en réalité comme suit :

' Rdv du 6 janvier 2020- Point organisation

Formation remontée à la DRH

DRH

I

I Formation/ComRH [K]

[B] [X] [W] -[Z] Recrutement

Sécurité [A] } [E] [M] - Formation

[H] [G] - Formation/ComRH

(...) ', en ce qu'il en ressort que Mme [O] et Mme [D] n'y figurent aucunement comme assistantes de Mme [R], en même temps que celle-ci y est présentée comme occupant le même niveau qu'elles ;

- le témoignage de Mme [D], dont la cour observe qu'il n'a pas fait l'objet d'une plainte pour faux de la part de l'employeur, établit qu'aucune convention de mutation n'a été présentée lors de la réunion du 6 janvier 2020, ce dont il se déduit que Mme [R] occupait toujours le poste de Responsable QSE à l'issue et lorsque son médecin traitant lui a délivré un certificat d'arrêt de travail ;

- celui-ci, nonobstant son libellé, comportait de façon certaine une dimension formation ; Mme [R] est ainsi désignée comme responsable de formation au sein de l'entreprise SERE dans la convention simplifiée de formation conclue par la société SERE avec la société Cegos le 20 décembre 2018 pour l'action de formation RESPONSABLE FORMATION ET DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES d'une durée de 63 heures dont les éléments du dossier établissent que la salariée l'a suivie dans son intégralité et elle apparaît comme responsable de formation en charge de la création des catalogues de formation, de l'organisation des formations internes en collaboration avec les dirigeants Soflux et du développement externe, au sein de la société ART33, sous l'autorité directe de M. [N], dans le document Organisation Soflux annexé au compte rendu du séminaire des 11 et 12 octobre 2019 ;

- or, outre que la preuve de l'accroissement temporaire d'activité dont elle se prévaut n'est pas rapportée, l'absence de Mme [R] à compter du 10 décembre 2019 n'y suppléant pas, il se déduit du courrier daté du 6 janvier 2020 qu'elle a adressé à M. [L] pour lui confirmer son embauche que la société SERE avait engagé le processus de recrutement dès avant le retour de Mme [R] de son arrêt de travail puis de ses congés et la présentation de la convention de mutation de la société SERE à la société Soflux dont l'employeur (conclusions intimée page 6) indique qu'elle a eu lieu le 6 janvier 2020.

Il en ressort que la société SERE, que l'absence de réclamation de la part de la salariée durant la période antérieure à la suspension du contrat de travail n'est pas de nature à exonérer, échoue à rapporter la preuve que l'établissement puis la présentation à Mme [R], devant ses assistantes, d'un organigramme la privant de ses responsabilités d'encadrement et le recrutement pendant son absence d'un salarié pour exercer au sein de l'entreprise qui l'employait encore ses missions de formation sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

21 - En l'état des éléments médicaux produits, dont la lecture établit que aussi bien l'arrêt de travail en date du 7 janvier 2020 que les prolongations ultérieures ont pour motif un syndrome dépressif en lien avec les conditions de travail, la cour dispose des éléments suffisants pour juger que l'inaptitude de Mme [R] est la conséquence directe du harcèlement moral qu'elle a subi. Il s'en déduit que le licenciement est nul. Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières du licenciement nul

Moyens des parties

22 - Mme [R] fait valoir qu'il a résulté de la perte de son emploi un préjudice financier, moral et professionnel considérable que seule une indemnité équivalente à 12 mois de salaire peut réparer ; que l'indemnité compensatrice de préavis s'établit à trois mois de salaire en application des dispositions conventionnelles.

23 - La société SERE objecte que Mme [R], qui a été indemnisée au titre du chômage sur la période comprise entre le 25 octobre 2020 et le 30 septembre 2021 et qui ne justifie pas de sa situation postérieure, peut prétendre au mieux à la somme équivalente à la rémunération qu'elle a perçue au cours des six derniers mois d'activité soit les mois de juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre 2020.

Réponse de la cour

24 - Son licenciement étant nul, Mme [R] peut prétendre à la fois à la réparation du préjudice qui a résulté de la perte de son emploi et au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis.

25 - Suivant les dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail, le salarié, qui ne demande pas sa réintégration ou dont comme en l'espèce la réintégration est impossible, a droit à une indemnité qui ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Suivant les dispositions de l'article 7.1 de la convention collective applicable, en cas de licenciement autre que pour faute grave, la durée du préavis d'un salarié cadre est fixée à 3 mois à partir de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise.

26 - Il se déduit des dispositions susmentionnées que compte tenu de son âge, des circonstances de la rupture, de la rémunération qu'elle a perçue au cours des six derniers mois d'activité, de l'absence d'information sur sa situation pour la période postérieure au 30 septembre 2021, de son ancienneté et du salaire qu'elle aurait perçu si elle avait poursuivi son activité durant la période de préavis, Mme [R] peut prétendre, de première part à la somme de 19 560,80 euros en réparation du préjudice qui a résulté de la perte de son emploi, de deuxième part à la somme de

9 853,17 euros, majorée de la somme de 985,32 euros pour les congés payés afférents, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, au paiement desquelles la société SERE est condamnée. Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

27 - En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, dont les dispositions sont d'ordre public et sont donc dans les débats, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

II - Sur la demande en dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

Moyens des parties

28 - Mme [R], après avoir rappelé sa mise à l'écart de la gestion du centre de formation qu'elle avait initié, son déclassement, le retrait de ses missions et les reproches récurrents qu'elle a endurés y compris pendant son arrêt de travail, fait valoir que le comportement de l'employeur ayant consisté à la réception du courrier qu'elle lui a adressé le 16 janvier 2020 à lui opposer une fin de non recevoir plutôt qu'à odiligenter une enquête interne caractérise un manquement à l'obligation de sécurité, qu'il en a résulté un préjudice dont elle est fondée à demander la réparation.

29 - La société SERE objecte que les griefs dont Mme [R] se prévaut sont les mêmes que ceux qu'elle allègue au titre du harcèlement moral, qu'ils ne sont au surplus pas établis, qu'il ne peut pas valablement lui être fait reproche de ne pas avoir diligenter une enquête à la réception du courrier de Mme [R] dès lors que celle-ci

y indique uniquement ressentir du stress.

Réponse de la cour

30 - Il est admis que l'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail et de l'article L. 4121-2 du même code, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail.

Suivant les dispositions de l'article L.4121-1, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, lesquelles comprennent des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'article L.4121- 2 poursuit: ' L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs '.

31 - Au cas particulier, Mme [R] a écrit le 16 janvier 2020 : ' (...) Ces derniers mois ont aussi été marqués par l'arrivée d'une directrice des ressources humaines et d'un directeur pour la société SERE. Cette nouvelle organisation est source d'interrogations

et de stress (...) L'organigramme du siège Soflux n'étant ni défini ni communiqué malgré les demandes des collaborateurs (...) J'ai continué tant bien que mal dans ce contexte à assurer mes missions (...) Je ressens de plus en plus une 'gêne' quant à la définition de mon poste (...) Ce rendez-vous début novembre, en présence de la direction et de la directrice des ressources humaines était peu clair (...) Je n'ai pas osé poser beaucoup de questions car on m'a clairement fait comprendre que j'étais là uniquement 'pour écouter'. Le lendemain la directrice des ressources humaines m'a indiqué 'que nous ne nous comprenions pas avec la direction'. Elle a ajouté ' dans un travail, comme dans un couple, quand on ne regarde plus dans la même direction, il faut divorcer' . Depuis les orientations et le devenir d'ART33 ne me sont plus communiquées. Je vis cette situation comme une véritable placardisation (...) Bien que lasse et perdue j'ai continué à travailler (...) J'ai fini par me mettre en arrêt du 10 au 20 décembre 2019 car épuisée psychologiquement, mon état de santé se dégradant et nécessitant une prise de recul ainsi qu'un traitement (...) Je vis cela comme une véritable humiliation (...) La situation, à nouveau dégradée et l'annonce lors de cette dernière réunion font que la limite de ma résistance psychologique a été atteinte et je suis aujourd'hui profondément affectée par ces agissements à mon encontre qui relèvent selon moi du harcèlement moral, dès lors qu'ils ont pour effet d'altérer ma santé physique et mentale (...)'. Il s'en déduit que Mme [R], dont la cour juge au surplus qu'elle a été victime de harcèlement moral, a fait appel à [J] et [V] [N] en leur qualité de directeurs de la société SERE pour les alerter sur les difficultés qu'elle rencontrait pour appréhender les enjeux de la nouvelle organisation et sur la dégradation de son état de santé qui en résultait.

Force est de relever qu'en se contentant de lui adresser un courrier le 17 février 2020, dont il n'est pas discutable qu'il n'a été précédé d'aucune vérification, la société SERE, que le fait que la salariée était en arrêt de travail n'est pas de nature à exonérer, a manqué à l'obligation de sécurité qui incombe à l'employeur. Le jugement déféré est confirmé dans ses dispositions qui condamnent la société SERE à payer à Mme [R] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qui en a résulté.

III - Sur la demande en dommages et intérêts au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat

Moyens des parties

32 - Mme [R] fait valoir que licenciée le 15 septembre 2020 elle n'a reçu les documents de fin de contrat que le 30 octobre 2020, après avoir dû adresser une mise en demeure à l'employeur qui ne lui avait pas fixé de rendez-vous pour qu'elle vienne les récupérer et n'avait donné suite à aucune de ses sollicitations, par téléphone ou par mail ; que la période pendant laquelle elle n'a pas été indemnisée s'en est trouvée allongée ; qu'il en a résulté un préjudice financier dont elle est fondée à demander la réparation.

33 - La société SERE objecte qu'elle a tenu, comme elle en a l'obligation, les documents de fin de contrat à la disposition de Mme [R] qui n'est pas venue les chercher une fois le licenciement notifié et qu'elle s'est exécutée dès le 30 octobre 2020 soit quatre jours seulement après avoir reçu son courrier recommandé ; que Mme [R] a en réalité été indemnisée à compter du 25 octobre 2020, sachant que l'indemnisation chômage ne débute pas immédiatement après la fin du contrat de travail ; que Mme [R] ne justifie pas du préjudice dont elle demande la réparation.

Réponse de la cour

34 - L'article L. 1234-19 du code du travail prévoit qu'à l'expiration du contrat de travail, l'employeur délivre au salarié un certificat dont le contenu est déterminé par voie réglementaire.

L'article L. 1234-20 du même code précise que le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au

salarié lors de la rupture du contrat de travail.

L'article R. 1234-9 prévoit que l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à l'opérateur, singulièrement France Travail

Il en ressort que l'employeur délivre au salarié, au moment de la rupture de son contrat de travail, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et les attestations permettant au salarié d'exercer ses droits aux prestations sociales.

Le salarié licencié pour inaptitude ne peut pas effectuer de préavis. Il s'en déduit que la date de la cessation des effets du contrat de travail est celle de le notification du licenciement.

Il est admis qu'une remise tardive des documents de fin de contrat ouvre droit à des dommages et intérêts en présence d'un préjudice.

35 - Au cas de l'espèce, il ressort de son courrier correspondant qu'à la date du 22 octobre 2020, Mme [R] dont le contrat de travail avait pris fin le 15 septembre 2020, n'était en possession ni du certificat de travail ni du solde de tout compte ni de l'attestation destinée à Pôle Emploi devenu France Travail, prévus aux articles L.1234-19, L.1234-20 et R.1234-9 du code du travail. Mme [R] ne justifie toutefois pas du préjudice dont elle demande la réparation. Le jugement déféré est confirmé dans ses dispositions qui déboutent Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts.

IV- Sur la demande au titre des RTT

Moyens des parties

36 - Mme [R] fait valoir que les 10 jours de RTT auxquels elle avait droit en application de la convention de forfait en jours conclue avec l'employeur et mentionnés sur son bulletin de salaire du mois de septembre 2020 ne lui ont pas été réglés.

37 - La société SERE objecte que Mme [R] bénéficiait selon la convention de forfait signée en sa qualité de cadre autonome d'une rémunération forfaitaire calculée sur la base forfait annuel de 214 jours ce qui exclut l'octroi de RTT.

Réponse de la cour

38 - Le salarié en forfait en jours est en droit, en contre partie des heures de travail effectuées au-delà de la durée légale du travail, de bénéficier de jours de repos qui s'ajoutent aux congés payés annuels. Le calcul du nombre de jours s'effectue comme suit : nombre de jours dans l'année - ( nombre de jours de repos hebdomadaires+ nombre de jours ouvrés de congés + déduction des jours fériés).

39 - Au cas particulier, suivant les dispositions prévues à la convention de forfait en jours conclue entre les parties, le forfait annuel en jours est de 214 jours travaillés pour la période de référence conformément au forfait de référence fixé à 218 jours donnant droit à 25 jours (ouvrés) de congés annuels et 11 jours de repos ; en cas de départ de l'entreprise, la régularisation du forfait est effectuée au moment du départ et le cas échéant, à l'occasion de l'établissement du solde de tout compte.

En l'état des bulletins de salaire produits, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 10 jours le nombre de jours de repos ouverts à Mme [R] au jour de la rupture de son contrat de travail. La société SERE, qui ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de leur règlement, reste redevable de la somme de 1 454,50 euros, qu'elle est condamnée à payer à Mme [R]. Le jugement déféré est infirmé dans ses dispositions qui déboutent Mme [R] de sa demande à ce titre.

V - Sur les demandes au titre de la participation

Moyens des parties

40 - Mme [R] fait valoir que le chèque d'un montant de 193,49 euros qu'elle a adressé le 19 août 2020 à la société SERE au titre d'un versement libre a été débité sans pour autant être transmis à REGARD BTP ; que la somme correspondante ayant finalement été versée le 27 octobre 2021, soit après son départ, il lui est impossible de la récupérer, de même que l'abondement de l'employeur de 200 % s'agissant d'un versement libre, soit la somme de 500 euros ; que ces sommes, dont elle a besoin compte tenu de la perte de son emploi, sont indisponibles puisque bloquées pour de nombreuses années.

41 - La société SERE rétorque que la demande a été bien été adressée à REGARD BTP; que les assemblées générales et les bilans 2020 ont été décalés dans le temps en raison de la pandémie et que tous les salariés ont été concernés ; que la demande en paiement d'une indemnité de 500 euros n'est pas étayée.

Réponse de la cour

42 - Il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que Mme [R] a sollicité le déblocage de son épargne à l'occasion de son départ, ni que les sommes non débloquées ne seront pas disponibles à la survenance d'un nouveau fait générateur. Elle est en conséquence déboutée de ses demandes. Le jugement déféré est confirmé de ce chef.

VII - Sur les frais du procès

43 - Le jugement déféré mérite confirmation dans ses dispositions tenant aux dépens et aux frais irrépétibles.

44 - La société SERE, qui succombe devant la cour, doit supporter les dépens d'appel. Elle ne peut en conséquence pas prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et doit être ainsi déboutée de la demande qu'elle forme à ce titre.

45 - L'équité commande de ne pas laisser à Mme [R] la charge de ses frais irrépétibles. La société SERE est condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

46 - Il n'y a en revanche pas lieu de se prononcer actuellement sur les frais d'exécution forcée d'une décision dont l'exposé reste purement hypothétique et qui sont réglementés par l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution qui prévoit la possibilité qu'ils restent à la charge du créancier lorsqu'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés, étant rappelé qu'en tout état de cause, le titre servant de fondement à des poursuites permet le recouvrement des frais d'exécution forcée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré dans ses dispositions :

- qui condamnent la société SERE à payer à Mme [R] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- qui déboutent Mme [R] de sa demande en dommages et intérêts au titre de la remise des documents de fin de contrat et de ses demandes au titre de la participation,

- qui condamnent la société SERE aux dépens ;

Infirme le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Juge que Mme [R] a été victime de harcèlement moral ;

Juge le licenciement de Mme [R] nul ; en conséquence, condamne la société SERE à payer à Mme [R] la somme de 19 560,80 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L.1235-3-1 du code du travail et la somme de 9 853,17 euros, majorée de la somme de 985,32 euros pour les congés payés afférents, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

Condamne la société SERE à payer à Mme [R] la somme de 1 454,50 euros au titre des jours de réduction du temps de travail acquis ;

Condamne la société SERE aux dépens d'appel ; en conséquence la déboute de sa demande au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne la société SERE à payer à Mme [R] la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les frais d'exécution éventuels.

Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps MP. Menu

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