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Décisions

CA Colmar, ch. 1 a, 15 octobre 2025, n° 24/04060

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 24/04060

15 octobre 2025

MINUTE N° 411/25

Copie exécutoire à

- Me Laurence FRICK

- Me Thierry CAHN

Copie à M. le PG

Arrêt notifié aux parties

Le 15.10.2025

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 15 Octobre 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/04060 - N° Portalis DBVW-V-B7I-INFU

Décision déférée à la Cour : 21 Octobre 2024 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - Greffe des procédures collectives civiles

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

Madame [K] [D] épouse [P]

[Adresse 3]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

Représentée par Me Thierry CAHN de la SCP CAHN ET ASSOCIES, avocat à la Cour

INTIMES :

S.E.L.A.R.L. MJ AIR, prise en la personne de Me [X] [A], mandataire judiciaire de Mme [K] [P] [Adresse 1]

non représentée, assignée par le commissaire de justice à domicile le 12.02.2025

Monsieur le Procureur général près la cour d'appel de COLMAR

[Adresse 6]

assigné par le commissaire de justice à personne habilitée le 18.02.2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Septembre 2025, en chambre du conseil, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme RHODE, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

Ministère Public :

représenté lors des débats par Mme RIEGERT, substitut général, qui a fait connaître son avis et dont les conclusions écrites ont été communiquées aux parties.

ARRET :

- Rendu par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, cadre greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Vu le jugement du 21 octobre 2024 du tribunal judiciaire de'Strasbourg, qui a':

Constaté l'état d'insolvabilité notoire de Mme [D] épouse [P],

Constaté que le centre des intérêts principaux de Mme [D] épouse [P] est situé dans le ressort du tribunal,

Ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de Mme [D] épouse [P] demeurant [Adresse 3], conformément aux dispositions des articles L. 631-1 et suivants du code de commerce et du règlement communautaire 2015/848 du 20 mai 2015,

Fixé à six mois la période d'observation,

Dit que cette procédure est une procédure principale au sens du règlement précité,

Fixé provisoirement la date d'insolvabilité notoire au 1er septembre 2024 ;

Désigné':

1) Mme [M] [Y], en qualité de juge-commissaire titulaire et Mme [T] [U], en qualité de juge-commissaire suppléant,

2) La Selarl MJ AIR, prise en la personne de Me [X] [A] - [Adresse 2] en qualité de mandataire judiciaire,

Fait défense à la partie débitrice de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture,

Dit que le mandataire, avec le concours de la partie débitrice, dressera dans un rapport le bilan économique et social de la partie débitrice et proposera soit un plan de redressement, soit la liquidation judiciaire,

Renvoyé, conformément à l'article L. 631-15 du code de commerce, l'affaire à l'audience du lundi 16 décembre 2024 à 09H15, Salle 101, au Palais de Justice de STRASBOURG, Quai Finkmatt, lors de laquelle il sera statué sur le rapport précité, et à laquelle la partie débitrice et le Mandataire Judiciaire devront comparaître.

Dit qu'il sera dressé un inventaire prévu par les articles L. 641-1 et L. 622-6 du code de commerce,

Désigné Me [B] [E] - [Adresse 5], commissaire de justice, avec mandat de réaliser l'inventaire et la prisée des actifs mobiliers corporels du débiteur en ce compris les stocks, en y annexant la liste remise par le débiteur des biens grevés de sûretés ou susceptibles d'être revendiqués par des tiers, établie conformément à l'article R. 622-4 al.2 du code de commerce ;

Invité le commissaire de justice à prendre attache avec le mandataire judiciaire pour les modalités pratiques de l'accomplissement de sa mission,

Fixé à douze mois à compter du terme du délai de déclaration des créances, le délai dans lequel le mandataire judiciaire établira la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente,

Ordonné l'exécution des formalités de publicité conformément à la loi,

Débouté Mme [D] épouse [P] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Ordonné la notification du jugement à tous les intéressés,

Rappelé que le jugement est exécutoire par provision,

Mis les dépens à la charge du redressement judiciaire.

Vu la déclaration d'appel de Mme [D] épouse [P] effectuée le 7 novembre 2024 par voie électronique,

Vu la constitution d'intimée de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne effectuée le 24 février 2025 par voie électronique,

Vu l'acte de commissaire de justice délivré à domicile le 12 février 2025 à la requête de Mme [D] épouse [P], à la SELARL MJ AIR, prise en la personne de Me [X] [A], es qualité de mandataire judiciaire de Mme [K] [P], lui signifiant la déclaration d'appel du 7 novembre 2024, l'avis de fixation à bref délai du 7 février 2025 et les conclusions d'appel du 6 février 2025, accompagnées du bordereau de pièces,

Vu l'acte de commissaire de justice délivré à personne habilitée le 14 février 2025 à la requête de Mme [D] épouse [P], à la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, lui signifiant la déclaration d'appel du 7 novembre 2024, l'avis de fixation à bref délai du 7 février 2025 et les conclusions du 6 février 2025, accompagnées du bordereau de pièces,

Vu l'acte de commissaire de justice délivré à personne habilitée le 18 février 2025 à la requête de Mme [D] épouse [P], à M. le procureur général, lui signifiant la déclaration d'appel du 7 novembre 2024, le récapitulatif de la déclaration d'appel, l'avis de fixation à bref délai du 7 février 2025 et les conclusions d'appel du 6 février 2025, accompagnées du bordereau de pièces,

Vu l'acte de commissaire de justice délivré à personne habilitée le 16 avril 2025 à la requête de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, à la SELARL MJ AIR, mandataire judiciaire de Mme [K] [P], lui signifiant les conclusions de réplique portant appel incident du 14 avril 2025, accompagnées du bordereau de pièces,

Vu l'acte de commissaire de justice délivré à personne habilitée le 25 avril 2025 à la requête de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, à M. le procureur général, lui signifiant les conclusions de réplique portant appel incident du 14 avril 2025, accompagnées du bordereau de pièces,

Vu l'acte de commissaire de justice délivré à personne morale le 20 juin 2025 à la requête de Mme [D] épouse [P], à la SELARL MJ AIR, prise en la personne de Me [X] [A], es qualité de mandataire judiciaire de Mme [K] [P], lui signifiant les conclusions du 10 juin 2025, accompagnées du bordereau de pièces,

Vu les dernières conclusions de Mme [D] épouse [P] du 10 juin 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, aux termes desquelles il est demandé à la cour de':

'Sur appel principal

Déclarer l'appel de Mme [P] recevable et bien fondé,

Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a :

- constaté l'état d'insolvabilité notoire de Mme [D] épouse [P] ;

- ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de Mme [D] épouse [P] ;

- fixé à 6 mois la période d'observation ;

- fixé provisoirement la date d'insolvabilité notaire au 1er septembre 2024 ;

- désigné le juge-commissaire et les organes de la procédure et fixer leurs missions ;

- fixé à 12 mois à compter du terme du délai de déclaration des créances le délai dans lequel le mandataire judiciaire établira la liste des créances déclarée avec ses propositions d'admission de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétence ;

- ordonné l'exécution des formalités de publicité conformément à la loi ;

- débouté Mme [D] épouse [P] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- rappelé que le jugement est exécutoire par provision ;

- mis les dépens à la charge du redressement judiciaire.

Statuant à nouveau,

Déclarer la demande de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne mal fondée,

Dire n'y avoir lieu à ouverture ni d'une liquidation judiciaire, ni d'un redressement judiciaire,

Débouter la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de ses fins et conclusions,

Condamner la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à payer à Mme [D] épouse [P] un montant de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

Condamner la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à un montant de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les deux instances,

Sur appel incident,

Déclarer l'appel incident de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne mal fondé,

Débouter la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de son appel incident et de ses demandes.

Condamner la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens de l'appel incident.'

Vu les dernières conclusions du 19 mai 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, aux termes desquelles la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne a demandé à la cour de':

'Rejeter l'appel et le dire mal fondé ;

Rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de Mme [P] ;

Confirmer le jugement sauf en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ;

Recevoir l'appel incident et le dire bien fondé ;

Et statuant à nouveau :

Ordonner l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de Mme [P] ;

Condamner Mme [P] d'avoir à payer la somme globale de 4.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance.

Subsidiairement :

Confirmer l'entier jugement ;

En tout état de cause :

Condamner Mme [P] aux entiers frais et dépens ;

Condamner Mme [P] d'avoir à payer la somme globale de 6 .000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.'

Vu les conclusions de M. l'avocat général du 7 juillet 2025, transmises par voie électronique le 13 août 2025, aux termes desquelles il sollicite la confirmation du jugement rendu le 21 octobre 2024 en toutes ses dispositions,

Vu l'ordonnance de clôture du 2 septembre 2025,

Vu l'audience du 15 septembre 2025 à laquelle l'affaire a été appelée,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

L'article L. 670-1 du code de commerce dispose que les dispositions du présent titre sont applicables aux personnes physiques, domiciliées dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et à leur succession, qui ne sont ni des agriculteurs, ni des personnes exerçant une activité commerciale, artisanale ou toute autre activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire, lorsqu'elles sont de bonne foi et en état d'insolvabilité notoire. Les dispositions des titres II à VI du présent livre s'appliquent dans la mesure où elles ne sont pas contraires à celles du présent titre.

Sur l'état d'insolvabilité notoire de Mme [D] épouse [P] :

Les notions de cessation des paiements et d'insolvabilité notoire sont différentes (Com., 10 mars 1976).

La condition d'insolvabilité notoire est caractérisée lorsque des faits et circonstances extérieurs, notamment des mesures d'exécution demeurées infructueuses, sont de nature à accréditer l'opinion que cette insolvabilité existe et révèlent, en outre, non seulement un arrêt matériel des paiements et une insuffisance d'actif, mais une situation patrimoniale durablement compromise et sans autre issue, notamment par l'obtention de garanties, de crédit, de délais de paiement, de report ou de rééchelonnement des dettes.

En l'espèce, suivant contrat de prêt notarié reçu le 10 janvier 2002, la Banque Populaire a consenti à la SARL [P] un prêt d'un montant de 26 000 € et Mme [D] épouse [P] s'est portée caution solidaire de l'emprunteur, pour le remboursement de toutes les sommes qui seront dues en principal, intérêts, commissions, frais et autres accessoires, à raison du prêt consenti.

Le 26 mars 2014, la Banque Populaire a fait signifier à Mme [D] épouse [P] un commandement aux fins de vente forcée immobilière au titre du contrat de prêt portant sur la somme de 24'808,86 €.

Par ordonnance rendue le 29 mai 2012, confirmée par la cour d'appel de Colmar le 29 mai 2012, le tribunal d'instance de Strasbourg a ordonné la vente forcée des biens des époux [P] à la requête des époux [G].

Par ordonnance rendue le 8 avril 2014, confirmée par la cour d'appel de Colmar le 13 février 2015, le tribunal d'instance de Strasbourg a ordonné l'adhésion de la Banque Populaire à la procédure de vente forcée. La cour a relevé que les requis ne contestaient ni la déchéance du terme, ni la régularité du titre exécutoire et du commandement qui leur avait été signifié, ni les intérêts décomptés à compter du 5 octobre 2004.

L'arrêt rendu par la cour d'appel de Colmar a acquis l'autorité de la chose jugée.

Il en résulte que Mme [D] épouse [P] n'est plus recevable à critiquer la créance de la banque par des moyens qu'elle n'a pas soulevés en temps utile dans le cadre de l'instance ayant conduit à la décision de vente forcée.

La créance de la banque est en conséquence certaine, liquide et exigible.

Concernant l'actif dont dispose Mme [D] épouse [P] pour payer sa créance, cette dernière ne fait état d'aucun bien mobilier.

A ce titre, la banque produit un certificat d'irrecouvrabilité mobilière établi par Me [V], commissaire de justice, le 13 février 2024, duquel il résulte que':

- Les comptes bancaires affichent chroniquement des soldes débiteurs ou inférieurs au SBI,

- Le SIV mentionne un véhicule ancien dont l'enlèvement et la vente engendreraient des frais supérieurs au produit de vente potentiel,

- Il n'a connaissance d'aucun employeur,

- Il y a carence mobilière.

Néanmoins, Mme [D] épouse [P] est propriétaire, avec son conjoint, d'un bien immobilier composé d'un appartement, d'une cave et d'un garage situés [Adresse 7] à [Localité 8]. L'appartement, au 6ème étage d'un immeuble en copropriété, est composé de cinq pièces et présente une surface de 117,35 m2.

Dans le cadre de la procédure de vente forcée immobilière en cours, la mise à prix de ce bien, grevé de plusieurs hypothèques, a été fixée à 140'000 €, somme très inférieure à sa valeur réelle.

Néanmoins, la vente forcée de ce bien, ordonnée le 29 mai 2012, n'est toujours pas intervenue 13 ans après.

Est ainsi caractérisée la paralysie du droit au paiement du créancier et l'insolvabilité de la débitrice.

Au regard du montant de la dette de Mme [D] épouse [P], l'impossibilité du redressement n'est pas établie.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 21 octobre 2024 par le tribunal judiciaire de'Strasbourg, en toutes ses dispositions,

Y ajoutant':

Déboute la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de sa demande tendant à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire,

Dit que les dépens de la procédure d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire,

Déboute les parties de leurs prétentions au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le cadre greffier : le Président :

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