CA Bourges, 1re ch., 17 octobre 2025, n° 25/00293
BOURGES
Autre
Autre
SM/RP
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- SCP [Adresse 6]
NOTIFICATION AUX PARTIES
NOTIFICATION AU MINISTÈRE PUBLIC
LE : 17 OCTOBRE 2025
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2025
N° RG 25/00293 - N° Portalis DBVD-V-B7J-DXET
Décision déférée à la Cour :
Décision du juge commissaire du tribunal de commerce de NEVERS en date du 03 Mars 2025
PARTIES EN CAUSE :
I - S.A.S. CM-CIC LEASING SOLUTIONS agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 2]
[Localité 5]
N° SIRET : 352 862 346
Représentée par la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANTE suivant déclaration du 18/03/2025
II - S.A.S. [C] [V] agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 8]
[Localité 4]
N° SIRET : 304 487 770
non représentée
à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiés suivant actes de commissaire de justice des 26/03/2025 remis à étude et 27/05/205 ayant été transformés en procès-verbal de recherches infructueuses
INTIMEE
III - S.E.L.A.R.L. JSA ès qualité de mandataire au redressement judiciairede la S.A.S. [C] [V] agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 1]
[Localité 3]
N° SIRET : 419 488 655
non représentée
à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiés suivant actes de commissaire de justice des 26/03/2025 et 27/05/2025 remis à personne habilitée
INTIMÉE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. TESSIER-FLOHIC,Président chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Alain TESSIER-FLOHIC Président de Chambre
M. Richard PERINETTI Conseiller
Mme Marie-Madeleine CIABRINI Conseillère
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT
***************
Le dossier a été transmis au Ministère public qui a fait connaître son avis transmis par RPVA le 03/09/2023
***************
ARRÊT : RENDU PAR DEFAUT
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
**************
EXPOSÉ :
Selon jugement en date du 4 décembre 2023, le tribunal de commerce de Nevers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SAS [C] [V], désignant la SELARL JSA ès qualités de mandataire judiciaire et la SELARL AJUP ès qualités d'administrateur.
Dans le cadre de la procédure collective, la SAS CM CIC LEASING SOLUTIONS a déclaré le 13 décembre 2023 sa créance résultant d'un contrat de crédit-bail souscrit le 4 janvier 2023 par la société [C] [V] et portant sur un tracteur routier IVECO S WAY sur une durée de 60 mois avec des loyers mensuels de 1.806,68 € HT.
Cette déclaration de créance prévoyait une admission de la créance en application de ce contrat pour les sommes de 4.326,44 € à titre échu et 105.997,78 € à titre prévisionnel.
Par courrier en date du 22 mai 2024, la SELARL JSA, ès qualités de mandataire judiciaire, a contesté la créance de la société CM CIC LEASING SOLUTIONS au motif qu'il s'agit d'une créance née d'un contrat à exécution successive qui est régulièrement poursuivie et n'a pas à figurer sur l'état du passif au jour du redressement judiciaire.
La société CM CIC LEASING SOLUTIONS a répondu à cette correspondance par courrier en date du 31 mai 2024, aux termes duquel elle indiquait le caractère prévisionnel de la créance déclarée à échoir et constatait la reprise du règlement pendant la période d'observation ouverte dans le cadre du redressement judiciaire.
'
Selon jugement en date du 2 décembre 2024, le tribunal de commerce de Nevers a converti la procédure collective en liquidation judiciaire.
Par courrier du 18 décembre 2024, la société CM CIC LEASING SOLUTIONS a actualisé le montant de sa créance comme suit : la somme de 4.326,44 € à titre échu et la somme de 94.602,64 € à titre d'indemnité de résiliation.
Selon avis du 3 mars 2025, le juge commissaire désigné dans la procédure collective applicable à la société [C] [V] a admis à titre chirographaire la créance à hauteur de la somme de 4 326,44 €, mais rejeté la créance de la société CM CIC LEASING SOLUTIONS à hauteur de 105.997,98 €.
'
LA SOCIETE CM-CIC LEASING SOLUTIONS - CCLS a interjeté appel le 18 mars 2025 dans les termes suivants : « Objet/Portée de l'appel : Il est formé appel nullité en raison de l'excès de pouvoir commis par le Juge Commissaire pour n'avoir pas rendu d'ordonnance suite à la contestation par le mandataire judiciaire de créance de la S.A.S. CM-CIC LEASING SOLUTIONS en date du 22 mai 2024 à laquelle le créancier a répondu en faisant valoir ses observations par courrier du 31 mai 2024, réceptionné le 5 juin 2024. Sans tenir compte de la procédure de vérification de créance contestée avec observations du créancier dans le délai de 30 jours, le Juge-commissaire a adressé un avis d'admission sans contestation au visa de l'article R624-3 du Code de Commerce daté du 3 mars 2025, avis qui informe du rejet de la créance en quasi-totalité. En l'absence de toute décision de Justice annexée à cet avis, il est joint au présent appel-nullité l'avis du 3 mars 2025 qui informe de la décision d'admission de la créance à hauteur de 4 326,44 euros et de son rejet à hauteur de 105 997,78 euros, décision dont il est sollicité la nullité ».
L'appelante demande à la cour, dans ses dernières écritures en date du 15 mai 2025, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, au visa des dispositions des articles L622-13 et suivants, L624-2 du Code de Commerce, 1103 du code civil, des conditions générales de location et de l'ordonnance du juge commissaire en date du 31 juillet 2024, de la recevoir en son appel nullité et en conséquence de :
- juger nul l'avis du tribunal de commerce de Nevers en date du 3 mars 2025 en ce qu'il a rejeté la créance de la société CM CIC LEASING SOLUTIONS à hauteur de 105.997,78 euros,
- constater qu'aucune contestation ne s'oppose à l'admission de la créance déclarée par la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS au passif de la procédure collective de la société [C] [V] SAS,
- constater que la société CM CIC LEASING SOLUTIONS justifie pleinement de la déclaration de sa créance au passif de sa locataire défaillante et ce dans le délai légal, et évoquant le fond :
- d'ordonner l'admission de la créance déclarée par la société CM CIC LEASING SOLUTIONS au passif de la procédure collective de la société [C] [V] pour un montant de 98.929,08 euros TTC,
- et de condamner in solidum la société [C] [V] SAS et la SELARL JSA, Mandataire judiciaire, par application des dispositions de l'article 700 du CPC à lui payer la somme de 2.500,00 €, et à les condamner aux entiers dépens.
'
LA SAS [C] [V] et la S.E.L.A.R.L. JSA agissant en qualité de mandataire judiciaire de la S.A.S. [C] [V], intimées, n'ont pas constitué avocat devant la cour.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 août 2025.
Par mention au dossier en date du 3 septembre 2025, le ministère public a indiqué s'en rapporter à droit.
SUR QUOI :
Selon l'article L. 641-3 du code de commerce, «le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux qui sont prévus en cas de sauvegarde par les premier et troisième alinéas du I et par le III de l'article L. 622-7, par les articles L. 622-21 et L. 622-22, par la première phrase de l'article L. 622-28 et par l'article L. 622-30 (...). Les créanciers déclarent leurs créances au liquidateur selon les modalités prévues aux articles L. 622-24 à L. 622-27 et L. 622-31 à L. 622-33 (') ».
En application de l'article L. 622-24 du même code, auquel il est ainsi expressément renvoyé, «à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. (...) La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. (...) La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation (...) ».
Les articles R. 624-3 et R. 624-7 du code de commerce disposent, par ailleurs, que les décisions d'admission «sans contestation» sont matérialisées par l'apposition de la signature du juge-commissaire sur la liste des créances établie par le mandataire judiciaire et que «le recours contre les décisions du juge-commissaire statuant sur l'admission des créances est formé devant la cour d'appel».
Il résulte en l'espèce des pièces du dossier que la société [C] [V] a conclu le 4 janvier 2023 avec la société CM CIC LEASING SOLUTIONS un contrat de crédit-bail référencé FA2367600 portant sur un tracteur routier neuf de marque IVECO modèle S WAY, sur une durée de 60 mois avec des loyers mensuels fixés à 1.806,68 € HT (pièce numéro 1 du dossier de l'appelante).
Le matériel faisant l'objet de ce contrat a été livré le 4 janvier 2023 selon procès-verbal de réception régulièrement tamponné et signé par la société [C] [V] (pièce numéro 3) .
Par jugement en date du 4 décembre 2023, le tribunal de commerce de Nevers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société [C] [V], désignant la SELARL JSA ès qualités de mandataire judiciaire et la SELARL AJUP ès qualités d'administrateur.
Il est par ailleurs établi que par courrier recommandé avec avis de réception en date du 13 décembre 2023 (pièce numéro 5), soit dans le délai qui lui était imparti par les textes précités, la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS a déclaré sa créance auprès de la SELARL JSA pour un montant total de 110 324,22 € TTC à titre chirographaire, correspondant, d'une part, à la somme de 4326,44 € au titre des loyers échus, et, d'autre part, à la somme de 105 997,78 € à titre provisionnel concernant les 49 loyers à échoir.
Par courrier recommandé en réponse en date du 22 mai 2024, la SELARL JSA, mandataire judiciaire, a indiqué que cette déclaration de créance était contestée s'agissant du montant de 105 997,78 € pour le motif suivant : « il s'agit d'une créance née d'un contrat à exécution successive qui est régulièrement poursuivi et n'a pas à figurer sur l'état du passif au jour du redressement judiciaire » (pièce numéro 6 du dossier de l'appelante), ce courrier rappelant en outre à la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS qu'elle disposait, en application de l'article L.622-27 du code de commerce, d'un délai de 30 jours pour faire valoir ses explications à ce sujet.
Le 31 mai 2024, la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS a répondu à la SELARL JSA en ces termes : «en réponse : nous sommes d'accord avec votre position, nous avons mentionné cette somme à échoir, simplement à titre d'information. Le contrat est poursuivi pendant la période d'observation et les loyers sont réglés. En conséquence, nous sollicitons notre admission au passif de la procédure collective de [C] [V] SAS pour le contrat FA2367600 pour la somme de 4326,44 € TTC en qualité de créancier chirographaire» (pièce numéro 7).
Il ne résulte d'aucune pièce du dossier que le juge-commissaire aurait statué, en application de l'article L. 624-2 du code de commerce, sur l'admission de la créance ainsi déclarée par la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS avant le jugement rendu le 2 décembre 2024, publié au BODACC le 13 décembre suivant, par lequel le tribunal de commerce de Nevers a ordonné la conversion de la procédure de redressement judiciaire applicable à la société [C] [V] en procédure de liquidation judiciaire, désignant la SELARL JSA en la personne de Me [H] [M] en qualité de liquidateur (pièce numéro 8).
La société CM-CIC LEASING SOLUTIONS a alors adressé le 18 décembre 2024 un courrier recommandé à la SELARL JSA, précisant que suite au jugement de conversion de redressement judiciaire en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité, le contrat en cours avait été résilié, et indiquant déclarer dans ces conditions une créance chirographaire totale de 98 929,08 € TTC sous réserve d'encaissement du loyer en cours, correspondant, d'une part, aux loyers échus pour la somme de 4326,44 € TTC et, d'autre part, à une indemnité contractuelle de résiliation d'un montant de 94 602,64 € TTC (pièce numéro 9).
Le 3 mars 2025, le juge commissaire désigné dans la procédure collective applicable à la société [C] [V] a indiqué à la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS, par l'avis dont appel, pris en application de l'article R. 624-3 précité du code de commerce, qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire il avait décidé de l'admission au passif de la société débitrice de la somme de 4326,44 € à titre chirographaire, mais du rejet de la somme de 105 997,78 € (pièce numéro 10).
Il convient de rappeler que l'article R. 624-3 du code de commerce, sur lequel est fondé l'avis dont appel, n'est applicable qu'aux décisions d'admission de créances «sans contestation», et résulte des dispositions du décret du 12 février 2009 ayant entériné la jurisprudence antérieure selon laquelle la seule signature de la liste par le juge-commissaire valait admission des créances lorsque les créances n'étaient pas contestées (Cass. com., 23 nov. 2004, n° 03-14.810).
Les dispositions de ce texte ne sauraient, dans ces conditions et sauf excès de pouvoir, constituer le fondement d'une décision rejetant une déclaration de créance, de sorte que l'avis du juge-commissaire en date du 3 mars 2025 ayant rejeté la déclaration de créance de la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS pour un montant de 105 997,78 € - c'est-à-dire un montant au demeurant non-conforme à l'actualisation de la créance de celle-ci par courrier recommandé du 18 décembre 2024-, devra nécessairement être annulé.
La société CM-CIC LEASING SOLUTIONS justifie être créancière à l'égard de la société [C] [V], d'une part, de la somme de 4326,44 € au titre des loyers échus impayés et, d'autre part, d'une indemnité contractuelle de résiliation calculée sur le fondement de l'article 11 des conditions générales du contrat de crédit-bail numéro [Localité 7] 2367600 d'un montant de 94 602,64 €.
Il résulte par ailleurs de ce qui précède que celle-ci a dûment déclaré cette créance au passif de la procédure collective dans le délai imparti par l'article L. 622-24 du code de commerce.
Dans ces conditions, en évoquant, il y a lieu d'ordonner l'admission de la créance déclarée par la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS au passif de la procédure collective de la société [C] [V] pour un montant total de 98 929,08 € TTC.
Aucune considération d'équité ne commande, enfin, de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS .
Les dépens doivent être passés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
' Annule l'avis rendu le 3 mars 2025 sur le fondement de l'article R. 624-3 du code de commerce par le juge-commissaire désigné dans la procédure collective applicable à la société [C] [V],
et évoquant,
' Ordonne l'admission de la créance déclarée par la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS au passif de la procédure collective de la société [C] [V] pour un montant de 98 929,08 € TTC
' Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
' Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.
L'arrêt a été signé par A. TESSIER-FLOHIC, Président, et par V. SERGEANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
V. SERGEANT A. TESSIER-FLOHIC
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- SCP [Adresse 6]
NOTIFICATION AUX PARTIES
NOTIFICATION AU MINISTÈRE PUBLIC
LE : 17 OCTOBRE 2025
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2025
N° RG 25/00293 - N° Portalis DBVD-V-B7J-DXET
Décision déférée à la Cour :
Décision du juge commissaire du tribunal de commerce de NEVERS en date du 03 Mars 2025
PARTIES EN CAUSE :
I - S.A.S. CM-CIC LEASING SOLUTIONS agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 2]
[Localité 5]
N° SIRET : 352 862 346
Représentée par la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANTE suivant déclaration du 18/03/2025
II - S.A.S. [C] [V] agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 8]
[Localité 4]
N° SIRET : 304 487 770
non représentée
à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiés suivant actes de commissaire de justice des 26/03/2025 remis à étude et 27/05/205 ayant été transformés en procès-verbal de recherches infructueuses
INTIMEE
III - S.E.L.A.R.L. JSA ès qualité de mandataire au redressement judiciairede la S.A.S. [C] [V] agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 1]
[Localité 3]
N° SIRET : 419 488 655
non représentée
à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiés suivant actes de commissaire de justice des 26/03/2025 et 27/05/2025 remis à personne habilitée
INTIMÉE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. TESSIER-FLOHIC,Président chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Alain TESSIER-FLOHIC Président de Chambre
M. Richard PERINETTI Conseiller
Mme Marie-Madeleine CIABRINI Conseillère
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT
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Le dossier a été transmis au Ministère public qui a fait connaître son avis transmis par RPVA le 03/09/2023
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ARRÊT : RENDU PAR DEFAUT
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSÉ :
Selon jugement en date du 4 décembre 2023, le tribunal de commerce de Nevers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SAS [C] [V], désignant la SELARL JSA ès qualités de mandataire judiciaire et la SELARL AJUP ès qualités d'administrateur.
Dans le cadre de la procédure collective, la SAS CM CIC LEASING SOLUTIONS a déclaré le 13 décembre 2023 sa créance résultant d'un contrat de crédit-bail souscrit le 4 janvier 2023 par la société [C] [V] et portant sur un tracteur routier IVECO S WAY sur une durée de 60 mois avec des loyers mensuels de 1.806,68 € HT.
Cette déclaration de créance prévoyait une admission de la créance en application de ce contrat pour les sommes de 4.326,44 € à titre échu et 105.997,78 € à titre prévisionnel.
Par courrier en date du 22 mai 2024, la SELARL JSA, ès qualités de mandataire judiciaire, a contesté la créance de la société CM CIC LEASING SOLUTIONS au motif qu'il s'agit d'une créance née d'un contrat à exécution successive qui est régulièrement poursuivie et n'a pas à figurer sur l'état du passif au jour du redressement judiciaire.
La société CM CIC LEASING SOLUTIONS a répondu à cette correspondance par courrier en date du 31 mai 2024, aux termes duquel elle indiquait le caractère prévisionnel de la créance déclarée à échoir et constatait la reprise du règlement pendant la période d'observation ouverte dans le cadre du redressement judiciaire.
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Selon jugement en date du 2 décembre 2024, le tribunal de commerce de Nevers a converti la procédure collective en liquidation judiciaire.
Par courrier du 18 décembre 2024, la société CM CIC LEASING SOLUTIONS a actualisé le montant de sa créance comme suit : la somme de 4.326,44 € à titre échu et la somme de 94.602,64 € à titre d'indemnité de résiliation.
Selon avis du 3 mars 2025, le juge commissaire désigné dans la procédure collective applicable à la société [C] [V] a admis à titre chirographaire la créance à hauteur de la somme de 4 326,44 €, mais rejeté la créance de la société CM CIC LEASING SOLUTIONS à hauteur de 105.997,98 €.
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LA SOCIETE CM-CIC LEASING SOLUTIONS - CCLS a interjeté appel le 18 mars 2025 dans les termes suivants : « Objet/Portée de l'appel : Il est formé appel nullité en raison de l'excès de pouvoir commis par le Juge Commissaire pour n'avoir pas rendu d'ordonnance suite à la contestation par le mandataire judiciaire de créance de la S.A.S. CM-CIC LEASING SOLUTIONS en date du 22 mai 2024 à laquelle le créancier a répondu en faisant valoir ses observations par courrier du 31 mai 2024, réceptionné le 5 juin 2024. Sans tenir compte de la procédure de vérification de créance contestée avec observations du créancier dans le délai de 30 jours, le Juge-commissaire a adressé un avis d'admission sans contestation au visa de l'article R624-3 du Code de Commerce daté du 3 mars 2025, avis qui informe du rejet de la créance en quasi-totalité. En l'absence de toute décision de Justice annexée à cet avis, il est joint au présent appel-nullité l'avis du 3 mars 2025 qui informe de la décision d'admission de la créance à hauteur de 4 326,44 euros et de son rejet à hauteur de 105 997,78 euros, décision dont il est sollicité la nullité ».
L'appelante demande à la cour, dans ses dernières écritures en date du 15 mai 2025, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, au visa des dispositions des articles L622-13 et suivants, L624-2 du Code de Commerce, 1103 du code civil, des conditions générales de location et de l'ordonnance du juge commissaire en date du 31 juillet 2024, de la recevoir en son appel nullité et en conséquence de :
- juger nul l'avis du tribunal de commerce de Nevers en date du 3 mars 2025 en ce qu'il a rejeté la créance de la société CM CIC LEASING SOLUTIONS à hauteur de 105.997,78 euros,
- constater qu'aucune contestation ne s'oppose à l'admission de la créance déclarée par la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS au passif de la procédure collective de la société [C] [V] SAS,
- constater que la société CM CIC LEASING SOLUTIONS justifie pleinement de la déclaration de sa créance au passif de sa locataire défaillante et ce dans le délai légal, et évoquant le fond :
- d'ordonner l'admission de la créance déclarée par la société CM CIC LEASING SOLUTIONS au passif de la procédure collective de la société [C] [V] pour un montant de 98.929,08 euros TTC,
- et de condamner in solidum la société [C] [V] SAS et la SELARL JSA, Mandataire judiciaire, par application des dispositions de l'article 700 du CPC à lui payer la somme de 2.500,00 €, et à les condamner aux entiers dépens.
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LA SAS [C] [V] et la S.E.L.A.R.L. JSA agissant en qualité de mandataire judiciaire de la S.A.S. [C] [V], intimées, n'ont pas constitué avocat devant la cour.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 août 2025.
Par mention au dossier en date du 3 septembre 2025, le ministère public a indiqué s'en rapporter à droit.
SUR QUOI :
Selon l'article L. 641-3 du code de commerce, «le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux qui sont prévus en cas de sauvegarde par les premier et troisième alinéas du I et par le III de l'article L. 622-7, par les articles L. 622-21 et L. 622-22, par la première phrase de l'article L. 622-28 et par l'article L. 622-30 (...). Les créanciers déclarent leurs créances au liquidateur selon les modalités prévues aux articles L. 622-24 à L. 622-27 et L. 622-31 à L. 622-33 (') ».
En application de l'article L. 622-24 du même code, auquel il est ainsi expressément renvoyé, «à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. (...) La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. (...) La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation (...) ».
Les articles R. 624-3 et R. 624-7 du code de commerce disposent, par ailleurs, que les décisions d'admission «sans contestation» sont matérialisées par l'apposition de la signature du juge-commissaire sur la liste des créances établie par le mandataire judiciaire et que «le recours contre les décisions du juge-commissaire statuant sur l'admission des créances est formé devant la cour d'appel».
Il résulte en l'espèce des pièces du dossier que la société [C] [V] a conclu le 4 janvier 2023 avec la société CM CIC LEASING SOLUTIONS un contrat de crédit-bail référencé FA2367600 portant sur un tracteur routier neuf de marque IVECO modèle S WAY, sur une durée de 60 mois avec des loyers mensuels fixés à 1.806,68 € HT (pièce numéro 1 du dossier de l'appelante).
Le matériel faisant l'objet de ce contrat a été livré le 4 janvier 2023 selon procès-verbal de réception régulièrement tamponné et signé par la société [C] [V] (pièce numéro 3) .
Par jugement en date du 4 décembre 2023, le tribunal de commerce de Nevers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société [C] [V], désignant la SELARL JSA ès qualités de mandataire judiciaire et la SELARL AJUP ès qualités d'administrateur.
Il est par ailleurs établi que par courrier recommandé avec avis de réception en date du 13 décembre 2023 (pièce numéro 5), soit dans le délai qui lui était imparti par les textes précités, la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS a déclaré sa créance auprès de la SELARL JSA pour un montant total de 110 324,22 € TTC à titre chirographaire, correspondant, d'une part, à la somme de 4326,44 € au titre des loyers échus, et, d'autre part, à la somme de 105 997,78 € à titre provisionnel concernant les 49 loyers à échoir.
Par courrier recommandé en réponse en date du 22 mai 2024, la SELARL JSA, mandataire judiciaire, a indiqué que cette déclaration de créance était contestée s'agissant du montant de 105 997,78 € pour le motif suivant : « il s'agit d'une créance née d'un contrat à exécution successive qui est régulièrement poursuivi et n'a pas à figurer sur l'état du passif au jour du redressement judiciaire » (pièce numéro 6 du dossier de l'appelante), ce courrier rappelant en outre à la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS qu'elle disposait, en application de l'article L.622-27 du code de commerce, d'un délai de 30 jours pour faire valoir ses explications à ce sujet.
Le 31 mai 2024, la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS a répondu à la SELARL JSA en ces termes : «en réponse : nous sommes d'accord avec votre position, nous avons mentionné cette somme à échoir, simplement à titre d'information. Le contrat est poursuivi pendant la période d'observation et les loyers sont réglés. En conséquence, nous sollicitons notre admission au passif de la procédure collective de [C] [V] SAS pour le contrat FA2367600 pour la somme de 4326,44 € TTC en qualité de créancier chirographaire» (pièce numéro 7).
Il ne résulte d'aucune pièce du dossier que le juge-commissaire aurait statué, en application de l'article L. 624-2 du code de commerce, sur l'admission de la créance ainsi déclarée par la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS avant le jugement rendu le 2 décembre 2024, publié au BODACC le 13 décembre suivant, par lequel le tribunal de commerce de Nevers a ordonné la conversion de la procédure de redressement judiciaire applicable à la société [C] [V] en procédure de liquidation judiciaire, désignant la SELARL JSA en la personne de Me [H] [M] en qualité de liquidateur (pièce numéro 8).
La société CM-CIC LEASING SOLUTIONS a alors adressé le 18 décembre 2024 un courrier recommandé à la SELARL JSA, précisant que suite au jugement de conversion de redressement judiciaire en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité, le contrat en cours avait été résilié, et indiquant déclarer dans ces conditions une créance chirographaire totale de 98 929,08 € TTC sous réserve d'encaissement du loyer en cours, correspondant, d'une part, aux loyers échus pour la somme de 4326,44 € TTC et, d'autre part, à une indemnité contractuelle de résiliation d'un montant de 94 602,64 € TTC (pièce numéro 9).
Le 3 mars 2025, le juge commissaire désigné dans la procédure collective applicable à la société [C] [V] a indiqué à la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS, par l'avis dont appel, pris en application de l'article R. 624-3 précité du code de commerce, qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire il avait décidé de l'admission au passif de la société débitrice de la somme de 4326,44 € à titre chirographaire, mais du rejet de la somme de 105 997,78 € (pièce numéro 10).
Il convient de rappeler que l'article R. 624-3 du code de commerce, sur lequel est fondé l'avis dont appel, n'est applicable qu'aux décisions d'admission de créances «sans contestation», et résulte des dispositions du décret du 12 février 2009 ayant entériné la jurisprudence antérieure selon laquelle la seule signature de la liste par le juge-commissaire valait admission des créances lorsque les créances n'étaient pas contestées (Cass. com., 23 nov. 2004, n° 03-14.810).
Les dispositions de ce texte ne sauraient, dans ces conditions et sauf excès de pouvoir, constituer le fondement d'une décision rejetant une déclaration de créance, de sorte que l'avis du juge-commissaire en date du 3 mars 2025 ayant rejeté la déclaration de créance de la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS pour un montant de 105 997,78 € - c'est-à-dire un montant au demeurant non-conforme à l'actualisation de la créance de celle-ci par courrier recommandé du 18 décembre 2024-, devra nécessairement être annulé.
La société CM-CIC LEASING SOLUTIONS justifie être créancière à l'égard de la société [C] [V], d'une part, de la somme de 4326,44 € au titre des loyers échus impayés et, d'autre part, d'une indemnité contractuelle de résiliation calculée sur le fondement de l'article 11 des conditions générales du contrat de crédit-bail numéro [Localité 7] 2367600 d'un montant de 94 602,64 €.
Il résulte par ailleurs de ce qui précède que celle-ci a dûment déclaré cette créance au passif de la procédure collective dans le délai imparti par l'article L. 622-24 du code de commerce.
Dans ces conditions, en évoquant, il y a lieu d'ordonner l'admission de la créance déclarée par la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS au passif de la procédure collective de la société [C] [V] pour un montant total de 98 929,08 € TTC.
Aucune considération d'équité ne commande, enfin, de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS .
Les dépens doivent être passés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
' Annule l'avis rendu le 3 mars 2025 sur le fondement de l'article R. 624-3 du code de commerce par le juge-commissaire désigné dans la procédure collective applicable à la société [C] [V],
et évoquant,
' Ordonne l'admission de la créance déclarée par la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS au passif de la procédure collective de la société [C] [V] pour un montant de 98 929,08 € TTC
' Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
' Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.
L'arrêt a été signé par A. TESSIER-FLOHIC, Président, et par V. SERGEANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
V. SERGEANT A. TESSIER-FLOHIC