CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 16 octobre 2025, n° 25/00949
AIX-EN-PROVENCE
Autre
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT
DU 16 OCTOBRE 2025
N°2025/
Rôle N° RG 25/00949 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BOIVZ
SASU GROUPE [Localité 3] MATIN
C/
S.A.R.L. VAR LITTORAL PRESSE
S.E.L.A.R.L. MJ [M]
Copie exécutoire délivrée le : 16 octobre 2025
à :
Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES,
Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ
Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - KARINE BUJOLI-TOLLINCHI AVOCATS ASSOCIES
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Tribunal de Commerce de FRÉJUS en date du 23 Janvier 2025 enregistrée au répertoire général sous le n° 2025 00202.
APPELANTE
SASU GROUPE [Localité 3] MATIN
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 2]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMEES
S.A.R.L. VAR LITTORAL PRESSE
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 4]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Valérie BONAUD CUNHA, avocat au barreau de NICE
S.E.L.A.R.L. MJ [M] prise en la personne de Maître [N] [M], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL VAR LITTORAL PRESSE désigné à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 14 avril 2025
dont le siège social est situé [Adresse 1]
représentée par Me Charles TOLLINCHI substitué par Me Karine BUJOLI-TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - KARINE BUJOLI-TOLLINCHI AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me July BECHTOLD substituée par Me Sandra SKORA de la SELAS STIFANI - FENOUD - BECHTOLD, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente, et Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, chargées du rapport.
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente rapporteure
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Madame Cecile BRAHIC-LAMBREY, Conseillere
Greffière lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025.
Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Selon deux contrats en date des 30 octobre 2005 et 17 avril 2012, la SARL Var Littoral Presse a été le dépositaire central de la SAS Groupe [Localité 3] Matin.
La relation contractuelle s'est progressivement dégradée.
Par acte extrajudiciaire en date du 28 août 2023, la SARL Var Littoral Presse a assigné la société Groupe Nice Matin devant le tribunal de commerce de Nice pour obtenir une révision de sa rémunération et la condamnation de la défenderesse en paiement de diverses sommes, notamment au titre de frais de transport, de pertes subies, de support informatique et de prêts souscrits.
Par jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 21 octobre 2024, la SARL Var Littoral Presse a été placée en redressement judiciaire.
Le 31 octobre 2024, la société Groupe [Localité 3] Matin a déclaré une créance d'un montant de 363.401,76 euros.
Par courrier recommandé du 16 décembre 2024, elle a noti'é à la SARL Var Littoral la résolution du contrat de dépositaire central conclu le 17 avril 2022.
Par acte extrajudiciaire du 10 janvier 2025, la SELARL MJ [M], en qualité de mandataire judiciaire de la SARL Var Littoral Presse, et la SARL Var Littoral Presse ont assigné, selon la procédure de référé d'heure à heure mise en oeuvre en vertu de l'ordonnance du 8 janvier 2025, la SAS Groupe [Localité 3] Matin à l'effet, à titre principal, de :
- condamner la société Groupe [Localité 3] Matin à remettre en oeuvre le contrat liant les parties et rétablir sans délai les effets du contrat résilié et respecter ses obligations contractuelles,
- assortir cette condamnation d'une astreinte de 10.000 euros par jour de retard passé le délai de 24 heures à compter de la signi'cation de la décision à intervenir.
Par ordonnance de référé en date du 23 janvier 2025, le président du tribunal de commerce de Fréjus s'est déclaré compétent pour connaître des demandes introductives d'instance et a :
- condamné la société Groupe [Localité 3] Matin à remettre en 'uvre le contrat de dépositaire central de presse la liant à la SARL Var Littoral Presse et rétablir sans délai les effets du contrat résilié, et respecter ses obligations contractuelles
- assorti cette condamnation d'une astreinte de 10.000 euros par jour de retard, passé le délai de 24 heures à compter de la signification de la décision,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Groupe [Localité 3] Matin aux dépens.
Le 24 janvier 2025, la SASU Groupe [Localité 3] Matin a relevé appel de cette décision.
Par jugement en date du 14 avril 2025, la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la SARL Var Littoral Presse a été convertie en liquidation judiciaire. La SELARL MJ [M] a été désignée en qualité de liquidateur.
* Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 28 juillet 2025, par lesquelles la SASU Groupe [Localité 3] Matin demande à la cour de :
Vu les articles 1102 et 1104 du code civil,
Vu les articles L 622-13 I, L 622-21 I et L 631-14 du code de commerce,
Vu les articles 872 et 873 du code de procédure civile,
Vu les articles R 3211-2 et R 3211-7 du code des transports,
Vu la réponse de la DREAL du 1er avril 2025,
- infirmer l'ordonnance du 25 janvier 2025,
- constater que la rupture du contrat-cadre liant la société Groupe [Localité 3] Matin à la société Var Littoral Presse ne repose pas sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Var Littoral Presse ;
- constater que la société Var Littoral Presse et son dirigeant social en la personne de M. [B] [S] ont multiplié les fautes et les comportements déloyaux, rompant ainsi tout lien de con'ance entre les parties et quelconque viabilité d'un lien professionnel ;
- constater que la rupture du contrat-cadre ne constitue pas un trouble manifestement illicite ;
- constater que la société Var Littoral Presse n'est ni titulaire d'une licence de transport comme l'impose le code du transport ni inscrite en qualité de commissaire de transport ;
- constater que la société Var Littoral Presse ne respecte pas les prescriptions légales notamment imposées par le code des transports notamment au titre de l'obligation visant à être inscrite au registre des entreprises de transport routier de marchandises,
- prendre acte que cette absence de licence de transport ou d'inscription en qualité de commissaire de transport ne permet pas à la société Groupe [Localité 3] Matin de pouvoir régulièrement conclure de contrat avec la société Var Littoral Presse ;
- prendre acte que la rupture du contrat-cadre était donc parfaitement légitime ;
Par conséquent :
- débouter de l'ensemble de leurs demandes, 'ns et conclusions la SELARL MJ [M] ès qualités ;
- condamner la société VLP représenté par la SELARL MJ [M] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 23 mai 2025, par lesquelles la SARL Var Littoral Presse demande à la cour de :
Vu l'article 872 et 873 al.1er du code de procédure civile,
Vu l'articles 1104 du code civil,
Vu les articles L 622-13 alinéa 1, L 626-2 et R 662-3 du code de commerce,
Vu les articles L 131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- débouter la SASU Groupe [Localité 3] Matin de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer l'ordonnance du 24 janvier 2025 ;
- condamner la SASU Groupe [Localité 3] Matin prise en la personne de son représentant légal à lui payer une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel avec distraction ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 1er septembre 2025, par lesquelles la SELARL MJ [M], prise en la personne de Me [N] [M] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Var Littoral Presse, désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Fréjus du 14 avril 2025 demande à la cour de :
Vu l'article 872 et 873 al. 1er du code de procédure civile,
Vu l'articles 1104 du code civil,
Vu les articles L 622-13 alinéa 1, L 626-2 et R. 662-3 du code de commerce,
Vu les articles L 131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- débouter la SASU Groupe [Localité 3] Matin de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer l'ordonnance du 24 janvier 2025 ;
- condamner la SAS Groupe [Localité 3] Matin à verser à la SELARL MJ [M] ès qualités la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile exposé en cause d'appel, outre les entiers dépens, ceux d'appel avec distraction ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 4 septembre 2025 ;
SUR CE
La SASU Groupe [Localité 3] Matin conclut à l'infirmation de l'ordonnance. Elle affirme qu'elle a été contrainte de rompre la relation contractuelle avec la SARL Var Littoral en raison des multiples comportements déloyaux de cette dernière, tels que l'acceptation de l'augmentation des coûts du sous-traitant Presstis, la violation du secret des échanges dans le cadre d'un protocole transactionnel, la facturation de prestations non réalisées par elle-même et la rétention, de manière illégale et illégitime, depuis le mois de juillet 2024 de sommes qui devaient lui être restituées. Elle exclut tout lien dans la rupture avec la procédure collective ouverte à l'égard de la SARL Var Littoral Presse. Elle indique qu'elle a également déposé une plainte pénale le 21 novembre 2024 à l'encontre du dirigeant de l'intimée, M. [B] [S], pour des infractions pénales. Elle fait valoir que les demandes de la SARL Var Littoral Presse ont été rejetées par jugement en date du 3 mars 2025 et qu'elle a obtenu la fixation de sa créance au passif de la société VLP. Elle soutient avoir demandé, à plusieurs reprises, les garanties et les licences de transport de la SARL Var Littoral Presse et avance une discordance entre son objet social et l'activité réellement exercée. Elle se prévaut du courrier de la DREAL en date du 1er avril 2025 selon lequel la SARL Var Littoral Presse doit être inscrite au registre des entreprises de transport routier de marchandises pour exercer son activité et invoque l'existence de sanctions si elle avait décidé de maintenir le contrat. Elle conteste tout abus de position dominante.
La SARL Var Littoral Presse expose que le contrat qui la lie à l'appelante est un contrat de commission. Elle développe les difficultés contractuelles survenues avec la SASU Groupe [Localité 3] Matin, l'absence de prise en charge des frais de transport, le non-respect du contrat de commissionnement signé qui ne prévoit pas que le commissionnaire doit remplir la mission à ses frais, l'insuffisance de sa rémunération et de sa commission par rapport aux charges exposées et le diktat économique imposé par l'appelante. Elle conteste tout comportement déloyal et les manquements reprochés. Elle indique avoir assigné devant le tribunal de commerce la SASU Groupe Nice Matin, laquelle n'a pas demandé la résiliation judiciaire du contrat, et précise qu'elle a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 3 mars 2025 l'ayant déboutée de ses demandes. Elle soutient que la rupture du contrat, fondée sur des impayés antérieurs à l'ouverture de la procédure collective, constitue indiscutablement un trouble manifestement illicite, d'autant que la SASU Groupe [Localité 3] Matin était son seul client et que l'adoption d'un plan de redressement supposé la poursuite du contrat, à défaut de quoi la liquidation judiciaire était inexorable. Elle note que cette dernière a racheté la société PPAT en juillet 2024, ce qui démontre sa volonté de reprendre à son compte les réseaux de distribution. Elle indique qu'elle a également déposé plainte.
La SELARL MJ [M] explique que l'appel est dépourvu d'objet du fait de la cessation d'activité de la SARL Var Littoral Presse et, à titre subsidiaire, conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise. Elle argue de l'existence d'un trouble manifestement illicite. Elle invoque la rupture fautive du contrat-cadre par la SASU Groupe [Localité 3] Matin en violation des règles d'ordre public régissant le droit des entreprises en difficulté. Elle fait valoir que l'ouverture de la procédure collective de la SARL Var Littoral Presse excluait toute action en résolution du contrat fondé sur le défaut de paiement de commissions liées à des prestations antérieures. Elle souligne que l'appelante tente de s'exonérer de sa responsabilité par de nouveaux motifs de résiliation et prétend qu'il n'appartient pas la juridiction des référés d'entrer dans le débat au fond relatif à la licence de transport et elle conteste les allégations de la SASU Groupe [Localité 3] Matin. Elle indique que la résolution précipitée abusive du contrat a privé la SARL Var Littoral Presse des produits qu'elle distribuait et qui constituaient le socle de son activité, la conduisant inévitablement à la liquidation judiciaire, tandis que son seul client, la SASU Groupe [Localité 3] Matin, a, au lendemain de la résolution, confié la distribution un prestataire interne, la société PPAT rachetée par l'éditeur en juillet 2024.
Aux termes de l'article 873 du code de procédure civile, "Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »
Le trouble manifestement illicite est caractérisé par toute violation évidente d'une règle de droit.
La juridiction des référés, tant en appel qu'en première instance, doit se placer à la date à laquelle elle prononce sa décision pour apprécier l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent. Toutefois, si la demande est devenue sans objet au jour où elle statue, il appartient à la cour d'appel de déterminer si cette demande était justifiée et si le trouble manifestement illicite ou le dommage imminent existait au jour où le premier juge a statué.
L'article L 622-13 du code de commerce dispose que :
Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.
Selon l'article L 622-21 du code de commerce :
I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Le 15 octobre 2024, la SASU Groupe [Localité 3] Matin a demandé, par courrier recommandé avec accusé de réception signé, à la SARL Var Littoral la restitution de sommes encaissées pour son compte : 207 628,15 euros au titre de la facturation jusqu'au 30 septembre 2024 et 76 502, 91 euros au titre de la facturation du 1er au 15 octobre 2024, et a qualifié cette situation d'anormale. Les relevés joints font ressortir le détail de ces sommes, lesquelles sont clairement antérieures à la procédure collective.
Suivant mail du 23 octobre 2024, la société [Localité 3] Matin a indiqué à la SARL Var Littoral Presse que le prélèvement de 50 000 euros correspondant à la facturation du mois de septembre était revenu impayé « provision insuffisante ».
Le 31 octobre 2024, la SASU Groupe [Localité 3] Matin a effectué une déclaration de créance pour la somme de 363 401,76 euros, outre 5 % d'intérêts contractuels soit 18 170,09 euros, au titre du montant encaissé pour son compte en application du contrat de dépositaire central, puis le même jour une déclaration complémentaire pour 90 000 euros (dommages-intérêts et article 700)
Dans le courrier de résolution du contrat du 16 décembre 2024, la SASU Groupe [Localité 3] Matin a rappelé que la SARL Var Littoral Presse a collecté des sommes qui sont sa propriété et que le dépositaire central encaisse pour le compte de l'éditeur le prix de vente des journaux à charge pour lui de restituer ces sommes à l'éditeur. Il est mentionné :
« Dans les faits, nous ne pouvons que déplorer que vous utilisiez désormais le contentieux par vous initié devant le tribunal de commerce de Nice pour illégitimement retenir les sommes nous appartenant.
C'est pourquoi en date du 15 octobre 2024, un courrier vous a d'ailleurs été adressé en ce sens afin que vous puissiez sans délai restituer lesdites sommes.
Ce dernier ne sera suivi d'aucun effet.
Vous comprendrez aisément que cette situation nous cause inévitablement du tort et un préjudice certain et exclusif porté à notre structure qui ne saurait perdurer.
Raison pour laquelle en date du 21 novembre 2024 une plainte pour abus de confiance et abus de biens sociaux le cas échéant a été déposée par devant M. le procureur de la république près le tribunal judiciaire de Draguignan.
Pire ! Désormais et alors que vous avez fait le choix de placer votre structure en procédure de redressement judiciaire le 21 octobre 2024, il est désormais porté à la connaissance de la société [Localité 3] Matin, par courrier du conseil de la société Presstis en date du 27 novembre 2024 que vous avez accepté une majoration de plus de 90 % des facturations de cette dernière.
Cette acceptation, à la hussarde et au détriment - une fois encore - exclusif de la société [Localité 3] Matin ne saurait être accepté.
L'acception d'une telle augmentation- quasiment le double- du coût initial de la prestation de la société Presstis conduit nécessairement à une aggravation de la situation de votre structure pouvant engager la responsabilité personnelle du dirigeant social.
En outre, l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne permettra pas d'éluder les sommes illégalement détournées par vos soins et qui engage, en tout état de cause, votre responsabilité pénale.
Le principe d'un plan de remboursement des créanciers n'a pas vocation à offrir des délais de restitution à cet argent illégitimement retenu et appartenant à la société [Localité 3] Matin.
En tout état de cause il s'agit là de sommes retenues en fraude des droits de la société [Localité 3] Matin. »
La rupture du contrat est donc fondée sur des impayés antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective et la référence cette dernière est explicite : « Pire ! Désormais et alors que vous avez fait le choix de placer votre structure en procédure de redressement judiciaire le 21 octobre 2024 », « l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne permettra pas d'éluder les sommes illégalement détournées par vos soins », « le principe d'un plan de remboursement des créanciers n'a pas vocation à offrir des délais de restitution à cet argent illégitimement retenu et appartenant à la société [Localité 3] Matin ».
Dès le lendemain, le 17 décembre 2024, la SELARL MJ [M] a mis en demeure, en vain, la SASU Groupe [Localité 3] Matin de reprendre l'exécution du contrat et d'autoriser à nouveau l'accès aux ressources informatiques afin de pouvoir poursuivre l'activité « car ces faits entravent le bon déroulement de la procédure ».
Aucune difficulté liée à la licence de transport de la SARL Var Littoral n'a été évoquée dans le courrier de résolution du contrat et les courriers adressés par la SASU Groupe [Localité 3] Matin à ce sujet sont postérieurs à l'assignation en référé d'heure à heure du 10 janvier 2025. Bien plus, il convient d'observer que dans l'instance au fond engagée par l'intimée, les conclusions en défense de la SASU Groupe [Localité 3] Matin indiquent « le contrat-cadre liant les parties n'est pas un simple contrat de transporteur ou de livraison mais bel et bien un contrat visant à assurer dans son entièreté la logistique, la distribution, le développement commercial des journaux [Localité 3] Matin dans le département du Var par la SARL Var Littoral Presse.
La SARL Var Littoral Presse ne saurait rechercher la qualité de transporteur au sens propre du terme, pour preuve, le code des transports ne lui étant d'ailleurs pas applicable. »
Dans un courrier du 10 mars 2025, l'intimée a fait valoir que le transport est accessoire à son activité principale et ne constitue pas un service de transport indépendant rémunéré et que le contrat de dépositaire de presse n'est pas un contrat de transport.
Dans un autre courrier du 9 avril 2025, son conseil a écrit à la DREAL pour contester l'obligation d'inscription au registre des entreprises de transport routier de marchandises.
En toute hypothèse, l'analyse du litige entre les parties, tel qu'il ressort des correspondances échangées en 2025 et de leurs écritures quant à l'activité de transporteur de la SARL Var Littoral Presse et à son inscription sur un registre, excède les pouvoirs du juge des référés.
Par ailleurs, les difficultés avec la société Presstis, sous-traitant, sont apparues avant la résolution litigieuse. Dans un courrier du 29 juillet 2024 adressé à la société VLP, son conseil a fait état du redressement judiciaire de la société prononcé le 4 octobre 2023, du déséquilibre économique significatif dans l'exécution des contrats, de la nécessité de modifier les tarifs pratiqués avec la proposition d'une augmentation tarifaire de 90 % pour éviter la résiliation du contrat. De plus, suivant courrier du 14 novembre 2024, la société Presstis a réclamé à la société [Localité 3] Matin le paiement direct d'une facture d'un montant de 12 474,19 € émise le 31 octobre 2024.
Enfin, il y a lieu de relever que l'abus de position dominante de la société [Localité 3] Matin et l'examen des obligations des parties, en particulier en ce qui concerne les sommes indûment retenues par la société VLP, fait l'objet d'un débat au fond puisque cette dernière a interjeté appel du jugement du 3 mars 2025.
Ainsi, l'appelante ne peut utilement se retrancher en référé derrière la rupture de tout lien de confiance pour tenter de justifier la résolution du contrat-cadre, laquelle est intervenue dans les circonstances ci-dessus rappelées.
Or, la rupture des relations contractuelles constitue un trouble manifestement illicite comme le soutiennent les intimées.
Le président du tribunal de commerce a, à juste titre, retenu, lorsqu'il a statué, la violation des dispositions de l'article L 622-13 I et de l'article L 622-21 I du code de commerce pour ordonner la remise en 'uvre du contrat de dépositaire central.
Le montant de l'astreinte n'est pas présentement discuté et une procédure relative à sa liquidation est en cours devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice, une audience étant fixée le 24 novembre 2025.
Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance du 23 janvier 2025 sera confirmée en toutes ses dispositions et il sera alloué aux intimées une indemnité au titre de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe,
Confirme l'ordonnance de référé du 23 janvier 2025 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamme la SASU Groupe [Localité 3] Matin à payer à la SARL Var Littoral Presse et à la SELARL MJ [M] prise en la personne de M. [N] [M] en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Var Littoral Presse, chacune, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASU Groupe [Localité 3] Matin aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière La présidente
Chambre 3-1
ARRÊT
DU 16 OCTOBRE 2025
N°2025/
Rôle N° RG 25/00949 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BOIVZ
SASU GROUPE [Localité 3] MATIN
C/
S.A.R.L. VAR LITTORAL PRESSE
S.E.L.A.R.L. MJ [M]
Copie exécutoire délivrée le : 16 octobre 2025
à :
Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES,
Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ
Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - KARINE BUJOLI-TOLLINCHI AVOCATS ASSOCIES
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Tribunal de Commerce de FRÉJUS en date du 23 Janvier 2025 enregistrée au répertoire général sous le n° 2025 00202.
APPELANTE
SASU GROUPE [Localité 3] MATIN
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 2]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMEES
S.A.R.L. VAR LITTORAL PRESSE
représentée par son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 4]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Valérie BONAUD CUNHA, avocat au barreau de NICE
S.E.L.A.R.L. MJ [M] prise en la personne de Maître [N] [M], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL VAR LITTORAL PRESSE désigné à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 14 avril 2025
dont le siège social est situé [Adresse 1]
représentée par Me Charles TOLLINCHI substitué par Me Karine BUJOLI-TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - KARINE BUJOLI-TOLLINCHI AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me July BECHTOLD substituée par Me Sandra SKORA de la SELAS STIFANI - FENOUD - BECHTOLD, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente, et Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, chargées du rapport.
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente rapporteure
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Madame Cecile BRAHIC-LAMBREY, Conseillere
Greffière lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025.
Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Selon deux contrats en date des 30 octobre 2005 et 17 avril 2012, la SARL Var Littoral Presse a été le dépositaire central de la SAS Groupe [Localité 3] Matin.
La relation contractuelle s'est progressivement dégradée.
Par acte extrajudiciaire en date du 28 août 2023, la SARL Var Littoral Presse a assigné la société Groupe Nice Matin devant le tribunal de commerce de Nice pour obtenir une révision de sa rémunération et la condamnation de la défenderesse en paiement de diverses sommes, notamment au titre de frais de transport, de pertes subies, de support informatique et de prêts souscrits.
Par jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 21 octobre 2024, la SARL Var Littoral Presse a été placée en redressement judiciaire.
Le 31 octobre 2024, la société Groupe [Localité 3] Matin a déclaré une créance d'un montant de 363.401,76 euros.
Par courrier recommandé du 16 décembre 2024, elle a noti'é à la SARL Var Littoral la résolution du contrat de dépositaire central conclu le 17 avril 2022.
Par acte extrajudiciaire du 10 janvier 2025, la SELARL MJ [M], en qualité de mandataire judiciaire de la SARL Var Littoral Presse, et la SARL Var Littoral Presse ont assigné, selon la procédure de référé d'heure à heure mise en oeuvre en vertu de l'ordonnance du 8 janvier 2025, la SAS Groupe [Localité 3] Matin à l'effet, à titre principal, de :
- condamner la société Groupe [Localité 3] Matin à remettre en oeuvre le contrat liant les parties et rétablir sans délai les effets du contrat résilié et respecter ses obligations contractuelles,
- assortir cette condamnation d'une astreinte de 10.000 euros par jour de retard passé le délai de 24 heures à compter de la signi'cation de la décision à intervenir.
Par ordonnance de référé en date du 23 janvier 2025, le président du tribunal de commerce de Fréjus s'est déclaré compétent pour connaître des demandes introductives d'instance et a :
- condamné la société Groupe [Localité 3] Matin à remettre en 'uvre le contrat de dépositaire central de presse la liant à la SARL Var Littoral Presse et rétablir sans délai les effets du contrat résilié, et respecter ses obligations contractuelles
- assorti cette condamnation d'une astreinte de 10.000 euros par jour de retard, passé le délai de 24 heures à compter de la signification de la décision,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Groupe [Localité 3] Matin aux dépens.
Le 24 janvier 2025, la SASU Groupe [Localité 3] Matin a relevé appel de cette décision.
Par jugement en date du 14 avril 2025, la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la SARL Var Littoral Presse a été convertie en liquidation judiciaire. La SELARL MJ [M] a été désignée en qualité de liquidateur.
* Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 28 juillet 2025, par lesquelles la SASU Groupe [Localité 3] Matin demande à la cour de :
Vu les articles 1102 et 1104 du code civil,
Vu les articles L 622-13 I, L 622-21 I et L 631-14 du code de commerce,
Vu les articles 872 et 873 du code de procédure civile,
Vu les articles R 3211-2 et R 3211-7 du code des transports,
Vu la réponse de la DREAL du 1er avril 2025,
- infirmer l'ordonnance du 25 janvier 2025,
- constater que la rupture du contrat-cadre liant la société Groupe [Localité 3] Matin à la société Var Littoral Presse ne repose pas sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Var Littoral Presse ;
- constater que la société Var Littoral Presse et son dirigeant social en la personne de M. [B] [S] ont multiplié les fautes et les comportements déloyaux, rompant ainsi tout lien de con'ance entre les parties et quelconque viabilité d'un lien professionnel ;
- constater que la rupture du contrat-cadre ne constitue pas un trouble manifestement illicite ;
- constater que la société Var Littoral Presse n'est ni titulaire d'une licence de transport comme l'impose le code du transport ni inscrite en qualité de commissaire de transport ;
- constater que la société Var Littoral Presse ne respecte pas les prescriptions légales notamment imposées par le code des transports notamment au titre de l'obligation visant à être inscrite au registre des entreprises de transport routier de marchandises,
- prendre acte que cette absence de licence de transport ou d'inscription en qualité de commissaire de transport ne permet pas à la société Groupe [Localité 3] Matin de pouvoir régulièrement conclure de contrat avec la société Var Littoral Presse ;
- prendre acte que la rupture du contrat-cadre était donc parfaitement légitime ;
Par conséquent :
- débouter de l'ensemble de leurs demandes, 'ns et conclusions la SELARL MJ [M] ès qualités ;
- condamner la société VLP représenté par la SELARL MJ [M] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 23 mai 2025, par lesquelles la SARL Var Littoral Presse demande à la cour de :
Vu l'article 872 et 873 al.1er du code de procédure civile,
Vu l'articles 1104 du code civil,
Vu les articles L 622-13 alinéa 1, L 626-2 et R 662-3 du code de commerce,
Vu les articles L 131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- débouter la SASU Groupe [Localité 3] Matin de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer l'ordonnance du 24 janvier 2025 ;
- condamner la SASU Groupe [Localité 3] Matin prise en la personne de son représentant légal à lui payer une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel avec distraction ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 1er septembre 2025, par lesquelles la SELARL MJ [M], prise en la personne de Me [N] [M] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Var Littoral Presse, désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Fréjus du 14 avril 2025 demande à la cour de :
Vu l'article 872 et 873 al. 1er du code de procédure civile,
Vu l'articles 1104 du code civil,
Vu les articles L 622-13 alinéa 1, L 626-2 et R. 662-3 du code de commerce,
Vu les articles L 131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- débouter la SASU Groupe [Localité 3] Matin de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer l'ordonnance du 24 janvier 2025 ;
- condamner la SAS Groupe [Localité 3] Matin à verser à la SELARL MJ [M] ès qualités la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile exposé en cause d'appel, outre les entiers dépens, ceux d'appel avec distraction ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 4 septembre 2025 ;
SUR CE
La SASU Groupe [Localité 3] Matin conclut à l'infirmation de l'ordonnance. Elle affirme qu'elle a été contrainte de rompre la relation contractuelle avec la SARL Var Littoral en raison des multiples comportements déloyaux de cette dernière, tels que l'acceptation de l'augmentation des coûts du sous-traitant Presstis, la violation du secret des échanges dans le cadre d'un protocole transactionnel, la facturation de prestations non réalisées par elle-même et la rétention, de manière illégale et illégitime, depuis le mois de juillet 2024 de sommes qui devaient lui être restituées. Elle exclut tout lien dans la rupture avec la procédure collective ouverte à l'égard de la SARL Var Littoral Presse. Elle indique qu'elle a également déposé une plainte pénale le 21 novembre 2024 à l'encontre du dirigeant de l'intimée, M. [B] [S], pour des infractions pénales. Elle fait valoir que les demandes de la SARL Var Littoral Presse ont été rejetées par jugement en date du 3 mars 2025 et qu'elle a obtenu la fixation de sa créance au passif de la société VLP. Elle soutient avoir demandé, à plusieurs reprises, les garanties et les licences de transport de la SARL Var Littoral Presse et avance une discordance entre son objet social et l'activité réellement exercée. Elle se prévaut du courrier de la DREAL en date du 1er avril 2025 selon lequel la SARL Var Littoral Presse doit être inscrite au registre des entreprises de transport routier de marchandises pour exercer son activité et invoque l'existence de sanctions si elle avait décidé de maintenir le contrat. Elle conteste tout abus de position dominante.
La SARL Var Littoral Presse expose que le contrat qui la lie à l'appelante est un contrat de commission. Elle développe les difficultés contractuelles survenues avec la SASU Groupe [Localité 3] Matin, l'absence de prise en charge des frais de transport, le non-respect du contrat de commissionnement signé qui ne prévoit pas que le commissionnaire doit remplir la mission à ses frais, l'insuffisance de sa rémunération et de sa commission par rapport aux charges exposées et le diktat économique imposé par l'appelante. Elle conteste tout comportement déloyal et les manquements reprochés. Elle indique avoir assigné devant le tribunal de commerce la SASU Groupe Nice Matin, laquelle n'a pas demandé la résiliation judiciaire du contrat, et précise qu'elle a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 3 mars 2025 l'ayant déboutée de ses demandes. Elle soutient que la rupture du contrat, fondée sur des impayés antérieurs à l'ouverture de la procédure collective, constitue indiscutablement un trouble manifestement illicite, d'autant que la SASU Groupe [Localité 3] Matin était son seul client et que l'adoption d'un plan de redressement supposé la poursuite du contrat, à défaut de quoi la liquidation judiciaire était inexorable. Elle note que cette dernière a racheté la société PPAT en juillet 2024, ce qui démontre sa volonté de reprendre à son compte les réseaux de distribution. Elle indique qu'elle a également déposé plainte.
La SELARL MJ [M] explique que l'appel est dépourvu d'objet du fait de la cessation d'activité de la SARL Var Littoral Presse et, à titre subsidiaire, conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise. Elle argue de l'existence d'un trouble manifestement illicite. Elle invoque la rupture fautive du contrat-cadre par la SASU Groupe [Localité 3] Matin en violation des règles d'ordre public régissant le droit des entreprises en difficulté. Elle fait valoir que l'ouverture de la procédure collective de la SARL Var Littoral Presse excluait toute action en résolution du contrat fondé sur le défaut de paiement de commissions liées à des prestations antérieures. Elle souligne que l'appelante tente de s'exonérer de sa responsabilité par de nouveaux motifs de résiliation et prétend qu'il n'appartient pas la juridiction des référés d'entrer dans le débat au fond relatif à la licence de transport et elle conteste les allégations de la SASU Groupe [Localité 3] Matin. Elle indique que la résolution précipitée abusive du contrat a privé la SARL Var Littoral Presse des produits qu'elle distribuait et qui constituaient le socle de son activité, la conduisant inévitablement à la liquidation judiciaire, tandis que son seul client, la SASU Groupe [Localité 3] Matin, a, au lendemain de la résolution, confié la distribution un prestataire interne, la société PPAT rachetée par l'éditeur en juillet 2024.
Aux termes de l'article 873 du code de procédure civile, "Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »
Le trouble manifestement illicite est caractérisé par toute violation évidente d'une règle de droit.
La juridiction des référés, tant en appel qu'en première instance, doit se placer à la date à laquelle elle prononce sa décision pour apprécier l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent. Toutefois, si la demande est devenue sans objet au jour où elle statue, il appartient à la cour d'appel de déterminer si cette demande était justifiée et si le trouble manifestement illicite ou le dommage imminent existait au jour où le premier juge a statué.
L'article L 622-13 du code de commerce dispose que :
Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.
Selon l'article L 622-21 du code de commerce :
I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Le 15 octobre 2024, la SASU Groupe [Localité 3] Matin a demandé, par courrier recommandé avec accusé de réception signé, à la SARL Var Littoral la restitution de sommes encaissées pour son compte : 207 628,15 euros au titre de la facturation jusqu'au 30 septembre 2024 et 76 502, 91 euros au titre de la facturation du 1er au 15 octobre 2024, et a qualifié cette situation d'anormale. Les relevés joints font ressortir le détail de ces sommes, lesquelles sont clairement antérieures à la procédure collective.
Suivant mail du 23 octobre 2024, la société [Localité 3] Matin a indiqué à la SARL Var Littoral Presse que le prélèvement de 50 000 euros correspondant à la facturation du mois de septembre était revenu impayé « provision insuffisante ».
Le 31 octobre 2024, la SASU Groupe [Localité 3] Matin a effectué une déclaration de créance pour la somme de 363 401,76 euros, outre 5 % d'intérêts contractuels soit 18 170,09 euros, au titre du montant encaissé pour son compte en application du contrat de dépositaire central, puis le même jour une déclaration complémentaire pour 90 000 euros (dommages-intérêts et article 700)
Dans le courrier de résolution du contrat du 16 décembre 2024, la SASU Groupe [Localité 3] Matin a rappelé que la SARL Var Littoral Presse a collecté des sommes qui sont sa propriété et que le dépositaire central encaisse pour le compte de l'éditeur le prix de vente des journaux à charge pour lui de restituer ces sommes à l'éditeur. Il est mentionné :
« Dans les faits, nous ne pouvons que déplorer que vous utilisiez désormais le contentieux par vous initié devant le tribunal de commerce de Nice pour illégitimement retenir les sommes nous appartenant.
C'est pourquoi en date du 15 octobre 2024, un courrier vous a d'ailleurs été adressé en ce sens afin que vous puissiez sans délai restituer lesdites sommes.
Ce dernier ne sera suivi d'aucun effet.
Vous comprendrez aisément que cette situation nous cause inévitablement du tort et un préjudice certain et exclusif porté à notre structure qui ne saurait perdurer.
Raison pour laquelle en date du 21 novembre 2024 une plainte pour abus de confiance et abus de biens sociaux le cas échéant a été déposée par devant M. le procureur de la république près le tribunal judiciaire de Draguignan.
Pire ! Désormais et alors que vous avez fait le choix de placer votre structure en procédure de redressement judiciaire le 21 octobre 2024, il est désormais porté à la connaissance de la société [Localité 3] Matin, par courrier du conseil de la société Presstis en date du 27 novembre 2024 que vous avez accepté une majoration de plus de 90 % des facturations de cette dernière.
Cette acceptation, à la hussarde et au détriment - une fois encore - exclusif de la société [Localité 3] Matin ne saurait être accepté.
L'acception d'une telle augmentation- quasiment le double- du coût initial de la prestation de la société Presstis conduit nécessairement à une aggravation de la situation de votre structure pouvant engager la responsabilité personnelle du dirigeant social.
En outre, l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne permettra pas d'éluder les sommes illégalement détournées par vos soins et qui engage, en tout état de cause, votre responsabilité pénale.
Le principe d'un plan de remboursement des créanciers n'a pas vocation à offrir des délais de restitution à cet argent illégitimement retenu et appartenant à la société [Localité 3] Matin.
En tout état de cause il s'agit là de sommes retenues en fraude des droits de la société [Localité 3] Matin. »
La rupture du contrat est donc fondée sur des impayés antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective et la référence cette dernière est explicite : « Pire ! Désormais et alors que vous avez fait le choix de placer votre structure en procédure de redressement judiciaire le 21 octobre 2024 », « l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne permettra pas d'éluder les sommes illégalement détournées par vos soins », « le principe d'un plan de remboursement des créanciers n'a pas vocation à offrir des délais de restitution à cet argent illégitimement retenu et appartenant à la société [Localité 3] Matin ».
Dès le lendemain, le 17 décembre 2024, la SELARL MJ [M] a mis en demeure, en vain, la SASU Groupe [Localité 3] Matin de reprendre l'exécution du contrat et d'autoriser à nouveau l'accès aux ressources informatiques afin de pouvoir poursuivre l'activité « car ces faits entravent le bon déroulement de la procédure ».
Aucune difficulté liée à la licence de transport de la SARL Var Littoral n'a été évoquée dans le courrier de résolution du contrat et les courriers adressés par la SASU Groupe [Localité 3] Matin à ce sujet sont postérieurs à l'assignation en référé d'heure à heure du 10 janvier 2025. Bien plus, il convient d'observer que dans l'instance au fond engagée par l'intimée, les conclusions en défense de la SASU Groupe [Localité 3] Matin indiquent « le contrat-cadre liant les parties n'est pas un simple contrat de transporteur ou de livraison mais bel et bien un contrat visant à assurer dans son entièreté la logistique, la distribution, le développement commercial des journaux [Localité 3] Matin dans le département du Var par la SARL Var Littoral Presse.
La SARL Var Littoral Presse ne saurait rechercher la qualité de transporteur au sens propre du terme, pour preuve, le code des transports ne lui étant d'ailleurs pas applicable. »
Dans un courrier du 10 mars 2025, l'intimée a fait valoir que le transport est accessoire à son activité principale et ne constitue pas un service de transport indépendant rémunéré et que le contrat de dépositaire de presse n'est pas un contrat de transport.
Dans un autre courrier du 9 avril 2025, son conseil a écrit à la DREAL pour contester l'obligation d'inscription au registre des entreprises de transport routier de marchandises.
En toute hypothèse, l'analyse du litige entre les parties, tel qu'il ressort des correspondances échangées en 2025 et de leurs écritures quant à l'activité de transporteur de la SARL Var Littoral Presse et à son inscription sur un registre, excède les pouvoirs du juge des référés.
Par ailleurs, les difficultés avec la société Presstis, sous-traitant, sont apparues avant la résolution litigieuse. Dans un courrier du 29 juillet 2024 adressé à la société VLP, son conseil a fait état du redressement judiciaire de la société prononcé le 4 octobre 2023, du déséquilibre économique significatif dans l'exécution des contrats, de la nécessité de modifier les tarifs pratiqués avec la proposition d'une augmentation tarifaire de 90 % pour éviter la résiliation du contrat. De plus, suivant courrier du 14 novembre 2024, la société Presstis a réclamé à la société [Localité 3] Matin le paiement direct d'une facture d'un montant de 12 474,19 € émise le 31 octobre 2024.
Enfin, il y a lieu de relever que l'abus de position dominante de la société [Localité 3] Matin et l'examen des obligations des parties, en particulier en ce qui concerne les sommes indûment retenues par la société VLP, fait l'objet d'un débat au fond puisque cette dernière a interjeté appel du jugement du 3 mars 2025.
Ainsi, l'appelante ne peut utilement se retrancher en référé derrière la rupture de tout lien de confiance pour tenter de justifier la résolution du contrat-cadre, laquelle est intervenue dans les circonstances ci-dessus rappelées.
Or, la rupture des relations contractuelles constitue un trouble manifestement illicite comme le soutiennent les intimées.
Le président du tribunal de commerce a, à juste titre, retenu, lorsqu'il a statué, la violation des dispositions de l'article L 622-13 I et de l'article L 622-21 I du code de commerce pour ordonner la remise en 'uvre du contrat de dépositaire central.
Le montant de l'astreinte n'est pas présentement discuté et une procédure relative à sa liquidation est en cours devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice, une audience étant fixée le 24 novembre 2025.
Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance du 23 janvier 2025 sera confirmée en toutes ses dispositions et il sera alloué aux intimées une indemnité au titre de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe,
Confirme l'ordonnance de référé du 23 janvier 2025 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamme la SASU Groupe [Localité 3] Matin à payer à la SARL Var Littoral Presse et à la SELARL MJ [M] prise en la personne de M. [N] [M] en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Var Littoral Presse, chacune, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASU Groupe [Localité 3] Matin aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière La présidente