Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 10, 16 octobre 2025, n° 21/10151

PARIS

Autre

Autre

CA Paris n° 21/10151

16 octobre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 16 OCTOBRE 2025

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10151 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZ2Y

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 02 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/03629

APPELANT

Monsieur [V], [J], [M], [S] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Vincent ROCHE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. MONETA ASSET MANAGEMENT

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud GUYONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente

Madame Carine SONNOIS, Présidente

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Gwenaelle LEDOIGT Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sonia BERKANE

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame LEDOIGT Gwenaelle, Présidente de Chambre et par Madame Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [V] [R] a été engagé par la société Moneta asset management, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 7 novembre 2006, en qualité de Responsable commercial.

La société Moneta asset management a été créée en 2003 avec pour activité la gestion de portefeuilles pour le compte de tiers et la gestion de fonds d'investissement.

À compter de 2007, le salarié est entré au capital de l'entreprise en achetant des actions de préférence.

Par un avenant du 16 décembre 2016, la rémunération a été fixée à 6 666,66 euros bruts mensuels auxquels s'ajoutait une prime annuelle discrétionnaire.

Un nouveau contrat de travail a été conclu le 16 décembre 2016 afin de préciser la durée du travail et la rémunération. Il était, notamment, convenu que la somme de 6 666,66 euros corresponde à 169 heures de travail par mois, incluant 17,33 heures supplémentaires travaillées. Le principe d'une prime annuelle était maintenu.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective nationale des sociétés financières, M. [R] percevait une rémunération mensuelle brute de 15 633,49 euros.

Le 28 février 2020, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 mars suivant. Cette convocation était assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.

Le 13 mars 2020, M. [R] s'est vu notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :

"Le 28 février 2020, nous vous avons convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 9 mars 2020 en notre présence.

Lors de cet entretien, vous étiez assisté par [Z] [A], analyste gérant au sein de Moneta. Nous vous avons exposé les griefs retenus à votre encontre et vous nous avez fait part de vos explications.

Vous avez été engagé par Moneta à effet au 7 novembre 2006 en qualité de responsable commercial.

Vous êtes directement rattaché aux deux dirigeants de Moneta.

Au cours du mois de décembre 2019, compte tenu de tensions identifiées au sein de l'entreprise, un cabinet spécialisé a été diligenté par Moneta aux fins de mener un diagnostic sur les risques psychosociaux et la qualité de vie au travail. Un rapport nous a été communiqué le 13 janvier 2020. Dans le prolongement de ce diagnostic, les collaborateurs de Moneta ont été avisés par une note écrite diffusée le 23 janvier 2020, de la nécessité de porter à la connaissance des dirigeants de la société Moneta tout comportement inapproprié dont ils auraient été victimes ou témoins.

C'est dans ce contexte que des faits graves ont alors été portés à notre connaissance, vous concernant directement.

Une jeune collaboratrice nous a ainsi fait part d'attouchements que vous lui avez faits subir lors de la fête de Noël de 2018. Cette collaboratrice a précisé avoir relaté ce fait à plusieurs collègues de Moneta.

Les collaborateurs interrogés nous ont confirmé avoir été avisés de ces faits sans les avoir à l'époque rapportés à la Direction de Moneta.

La même collaboratrice a aussi indiqué "qu'au-delà de ce geste pervers", elle avait subi à de multiples occasions des propos à caractère sexuel de votre part n'ayant absolument pas lieu d'être au sein d'une entreprise et qu'elle avait pu constater que vous aviez tenu des propos sexuels avec toutes les stagiaires et alternantes de Moneta.

Nous avons alors questionné deux stagiaires, l'une en stage jusqu'au 28 février 2020 et l'autre ayant été en stage du 2 janvier au 30 juin 2019, qui nous ont confirmé avoir été placées dans des situations dans lesquelles elles s'étaient senties mal à l'aise, outre que vous leur avez tenu des propos gênants, voire déplacés.

L'une des stagiaires nous a même rapporté que lors d'une rencontre Moneta/étudiants de l'école de commerce de [Localité 5] vous aviez ouvertement "dragué" une étudiante.

Tandis que l'autre stagiaire nous a spécifiquement relaté que des collaborateurs de la société Moneta avaient adopté une attitude protectrice à l égard des stagiaires en particulier en les mettant en garde contre le comportement inapproprié que vous pouviez adopter les concernant. À cet égard, la teneur d'un extrait du diagnostic sur les risques psychosociaux et la qualité de vie au travail a été confirmée.

S'est surajouté le 14 février 2020, le signalement d'un collaborateur en charge d'effectuer la migration de votre CRM à votre demande.

La CRM est un outil mis à votre disposition par Moneta dans le cadre de votre activité professionnelle, destiné à capter, traiter, analyser les informations relatives aux clients et aux prospects dans le but de les fidéliser.

Le collaborateur concerné a, à cette occasion, pris connaissance d'une note rédigée par vos soins incluse dans votre CRM concernant une cliente de Moneta, suffisamment choquante pour qu'il la transfère immédiatement à un autre collaborateur de Moneta qui en a informé sans attendre [Y] [N].

Vous avez ainsi écrit "le fait que j'ai essayé de l'embrasser trop vite en bas de chez elle, la gêne car elle dit qu'elle ne me connaît pas".

Il est donc apparu, qu'outre les collaboratrices de Moneta, vous n'hésitez pas à approcher les clients de Moneta.

C'est dans ce contexte que le 25 février 2020 nous avons sollicité un huissier de justice pour effectuer un constat sur votre outil de travail, dont notamment votre CRM.

S'agissant du CRM, nous avons découvert que vous aviez régulièrement détourné cet outil de travail de son objet professionnel notamment en y insérant des observations désobligeantes voire dégradantes portant sur les attributs réels ou supposés de certaines de vos rencontres féminines.

Par ailleurs, l'huissier de justice mandaté a accédé à un tableau Excel établi par vos soins avec un logiciel mis à votre disposition par Moneta dans le cadre de votre activité professionnelle, tableau Excel que vous avez enregistré sur le serveur de Moneta.

Ce tableau Excel, outre qu'il fiche illicitement les données personnelles de 2 200 femmes, comprend dans certaines hypothèses des commentaires particulièrement déplacés à leur endroit.

Compte tenu du volume des entrées que vous avez ainsi saisies, il ne fait nul doute que vous avez utilisé votre temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles vous percevez votre rémunération. Ceci se confirme de plus fort à l'aune de vos activités lors des salons professionnels "Patrimonia" lesquelles sont pour l'essentiel consacrés à vos rencontres féminines comme le démontre votre tableur Excel, qui en fait largement état.

Finalement, il apparaît donc qu'au temps et au lieu de travail vous êtes très loin de vous consacrer exclusivement à votre activité professionnelle et que l'accomplissement de vos missions est régulièrement perturbé par des "dérives" d'ordre personnel. Ces dérives portent en outre atteinte à la réputation et à l'image de Moneta ce qui nous a récemment été confirmé par l'un de nos clients.

Plus grave encore elles sont susceptibles de mettre en péril la santé et la sécurité des collaboratrices de Moneta.

Compte tenu de la gravité de la situation portée à notre connaissance il nous est apparu impossible dans le cadre de notre obligation de sécurité de résultat de vous maintenir au sein de Moneta plus longtemps.

C'est pourquoi une mise à pied à titre conservatoire vous a immédiatement été notifiée.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 9 mars ne peuvent en aucun cas justifier les agissements d'une gravité exceptionnelle dont vous êtes rendu coupable d'autant plus que vous avez, contre l'évidence, nié en bloc les faits précis qui vous sont reprochés.

Nous vous informons que nous avons en conséquence décidé de vous licencier pour faute grave".

Dans un courriel du 21 avril 2020, le salarié a contesté les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement.

Le 11 juin 2020, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour contester son licenciement et solliciter des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et un rappel de soldes de bonus différés au titre de l'année 2017.

Le 2 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Paris, dans sa section Encadrement, a statué comme suit :

- dit que le licenciement de M. [R] est fondé sur une faute grave

- condamne la société Moneta asset management, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [R] la somme suivante :

* 51 594,85 euros à titre de bonus différés pour l'année 2017

- dit que ces sommes sont exécutoires de droit à titre provisoire

- fixe la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 15 633,49 euros bruts

- dit que l'intérêt au taux légal sur ces sommes portera effet à compter de la réception par le défendeur de la convocation à l'audience du bureau de conciliation et d'orientation

- dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts à compter de la réception par le défendeur de la convocation à l'audience du bureau de jugement

- ordonne à la société Moneta asset management, prise en la personne de son représentant légal, de communiquer à M. [R] les documents de fin de contrat conformes à la présente décision

- condamne la société Moneta asset management, prise en la personne de son représentant légal, à régler à M. [R] la somme suivante :

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dit que M. [R] est infondé sur le surplus de ses demandes

- déboute la société Moneta asset management, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- met la totalité des dépens à la charge de la société Moneta asset management, prise en la personne de son représentant légal.

Par déclaration du 15 décembre 2021, M. [R] a relevé appel du jugement de première instance dont il a reçu notification à une date non déterminable.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 24 décembre 2024, aux termes desquelles M. [R] demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 2 septembre 2021, en ce qu'il a :

"- dit que le licenciement de Monsieur [R] reposait sur une faute grave

- dit que Monsieur [R] était infondé sur le surplus de ses demandes"

Puis, statuant à nouveau, de :

- juger que les notes issues du CRM invoquées par l'employeur à l'appui du licenciement sont irrecevables et doivent être écartées des débats

- juger que les notes issues du fichier Excel invoquées par l'employeur à l'appui du licenciement sont irrecevables et doivent être écartées des débats

- juger que la faute grave n'est pas caractérisée

- juger que le licenciement de Monsieur [R] est nul car en partie fondé sur un fichier Excel relevant de l'intimité de sa vie privée ou, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse

- juger que le licenciement de Monsieur [R] est intervenu dans des conditions déloyales, brutales et vexatoires

- juger que Monsieur [R] a subi une perte de chance de percevoir des dividendes compte tenu de son licenciement intervenu en l'absence de toute cause réelle et sérieuse

En conséquence, de,

- condamner la société au versement de 3 333,33 euros au titre des salaires dus pendant la période de mise à pied conservatoire

- condamner la société au versement de 333,33 euros au titre des congés payés y afférents

- condamner la société au versement de 104 744,38 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- condamner la société au versement de 20 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- condamner la société au versement de 2 000 euros au titre des congés payés y afférents

- condamner la société au versement de 179 785,14 euros au titre de dommages et intérêts au titre de la nullité ou, à défaut, de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement

- condamner la société Moneta asset management au paiement de la somme de 977 616 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de percevoir les dividendes

- condamner la société au versement de 46 900,47 euros au titre du caractère brutal, vexatoire et déloyal de la rupture du contrat de travail

- ordonner à la société Moneta asset management de publier le jugement rendu par la cour sur son site internet pendant une durée d'un an : "https://www.moneta.fr"

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 2 septembre 2021, en ce qu'il a :

"- condamné la société au versement de 51 594,85 euros à titre de bonus différé au titre de l'année 2017

- dit que ces sommes étaient exécutoires de droit à titre provisoire

- dit que l'intérêt au taux légal sur ces sommes porterait effet à compter de la réception par le défendeur de la convocation à l'audience du bureau de conciliation et d'orientation

- dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiraient intérêt à compter de la réception par le défendeur de la convocation à l'audience du bureau de jugement

- fixé la moyenne des salaires à la somme de 15 633,49 euros bruts

- mis la totalité des dépens à la charge de la société"

Et en tout état de cause,

- ordonner à la société la remise des documents suivants sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision à intervenir

- condamner la société au paiement de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société aux entiers dépens

- assortir l'ensemble des condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation

- ordonner la capitalisation des intérêts.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 7 janvier 2025, aux termes desquelles la société Moneta asset management demande à la cour d'appel de :

I- In limine litis

- déclarer irrecevable la demande de Monsieur [R] au titre de la perte de chance de

percevoir des dividendes, présentée pour la première fois devant la cour d'appel de Paris

II- Sur le fond

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 2 septembre 2021, en ce qu'il a :

"- condamné Moneta asset management au versement de 51 594,85 euros à titre de rappel de salaire sur bonus différé de l'année civile 2017

- ordonné à Moneta asset management de communiquer les documents de fin de contrat au titre de cette condamnation

- débouté Moneta asset management de sa demande d'amende civile pour un montant de 1 000 euros"

En conséquence,

- débouter Monsieur [V] [R] de sa demande de rappel de salaire sur bonus différé de l'année civile 2017 pour un montant de 51 594,85 euros

- débouter Monsieur [V] [R] de sa demande de communication de ses documents de fin de contrat au titre de cette condamnation

- condamner Monsieur [V] [R] à une amende civile pour un montant de 10 000 euros

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 2 septembre 2021, en ce qu'il a :

"- dit que le licenciement de Monsieur [V] [R] était fondé sur une faute grave

- dit que Monsieur [V] [R] était infondé sur le surplus de ses demandes"

En conséquence,

- débouter Monsieur [V] [R] de sa demande de rappel de salaire au titre de sa mise à pied à titre conservatoire pour un montant de 3 333,33 euros outre les congés payés y afférents pour un montant de 333,33 euros

- débouter Monsieur [V] [R] de sa demande d'indemnité de licenciement pour un montant de 104 744,38 euros

- débouter Monsieur [V] [R] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis pour un montant de 20 000 euros outre les congés payés y afférents pour un montant de 2 000 euros

- débouter Monsieur [V] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour un montant de 179 785,14 euros

- débouter Monsieur [V] [R] de sa demande de dommages et intérêts liée au caractère brutal, vexatoire et déloyal de la rupture de son contrat de travail pour un montant de 46 957 euros

- condamner Monsieur [V] [R] aux entiers dépens

En tout état de cause,

- débouter Monsieur [V] [R] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la nullité du licenciement d'un montant de 179 785,14 euros

- débouter Monsieur [V] [R] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance concernant le versement de dividendes sur la période courant de l'exercice 2020 à l'exercice 2024 pour un montant de 977 616 euros

- débouter Monsieur [V] [R] de sa demande de publier le jugement rendu par la cour de céans sur son site internet pendant une durée d'un an

- débouter Monsieur [V] [R] de sa demande d'indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouter Monsieur [V] [R] de sa demande visant à faire courir les intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation

- débouter Monsieur [V] [R] de sa demande de capitalisation des intérêts

- condamner Monsieur [V] [R] au versement d'une indemnité de 55 376,81 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner Monsieur [V] [R] aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 8 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur le licenciement pour faute grave

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est fait grief au salarié d'avoir adopté un comportement déplacé et inapproprié sur son temps et sur son lieu de travail. La société intimée rapporte que, dans les conclusions du rapport d'audit sur la qualité de vie au travail commandé à la société Interstices médiation et remis le 13 janvier 2020, il était évoqué des propos sexistes et grossiers ainsi que des gestes déplacés de la part d'un collaborateur envers les femmes et plus particulièrement à l'égard de stagiaires. il était souligné que "ces agissements, mettant en cause le genre et la sexualité, sont susceptibles de porter atteinte à la dignité de la personne visée en raison de leur caractère provoquant et dégradant" (pièce 17). Les deux dirigeants de la société ont donc décidé d'adresser, le 23 janvier 2020, une note à l'ensemble des collaborateurs les rappelant à leurs obligations et les invitant à dénoncer les faits dont ils auraient pu être victimes ou témoins (pièce 18). À la suite de cette diffusion, Mme [I], qui effectuait un stage entre le 2 décembre 2019 et le 29 février 2020 a exposé à l'un des dirigeants qu'elle avait été victime de propos et d'un comportement déplacé de M. [R] lors de la soirée de Noël organisée par l'entreprise le 6 décembre 2019. La jeune femme a réitéré ses propos dans un courriel du 3 février 2020 et une attestation du 25 février où elle évoque des questions successives du salarié sur son couple qui l'ont mise mal à l'aise en raison de leur caractère insistant et indiscret (pièces 19, 21). Elle ajoutait qu'elle avait d'ailleurs été mise en garde par d'autres collaborateurs sur des "précédents concernant un comportement inapproprié" de l'appelant. Lors de son entretien de mi-stage, Mme [I] avait évoqué cette situation avec son référent, M. [P], en lui demandant néanmoins de ne pas ébruiter cette situation auprès de la direction. M. [P] a confirmé avoir reçu les confidences de Mme [I] en décembre 2019 sur son malaise lors de la soirée de Noël 2019 (pièce 21).

Deux autres stagiaires ont, également, dénoncé un comportement inadapté du salarié. La première a signalé qu'il ramenait "la conversation à des sujets relatifs à la vie affective voire sexuelle, allant jusqu'à questionner parfois avec insistance face à refus d'évoquer <> ma vie intime" et qu'il lui avait envoyé un sms sur son téléphone personnel dont elle avait pris le soin de ne pas lui communiquer les coordonnées (pièce 91). La seconde a expliqué que l'appelant s'amusait à la présenter comme "sa copine" et que lors d'une rencontre organisée entre la société et des étudiants à l'université de [Localité 5], M. [R] avait ouvertement "dragué" une étudiante (pièce 22).

Une collaboratrice de la société, Mme [U] a, aussi, signalé verbalement le 11 février 2020, puis dans un courriel du 20 février suivant, qu'elle avait été victime d'un attouchement sexuel de la part de l'appelant lors de la soirée de Noël de l'entreprise en 2018 (pièce 23).

D'autres salariés de l'entreprise ont attesté que Mme [U] s'était confiée à eux sur ce geste déplacé (pièces 24, 78, 107) et pour l'un d'entre eux, qui avait quitté la société, il a ajouté qu'il n'avait pas été surpris par ces faits puisqu'il avait lui-même pu constater le comportement inapproprié de M. [R] à l'égard des femmes, notamment lors de déplacements. Une partenaire de la société a, aussi, signalé que l'appelant avait tenu des propos déplacés à sa fille âgée de 21 ans à l'occasion d'une soirée (pièce 108). L'employeur souligne que le nombre de témoignages, faisant écho aux faits déjà relevés dans le rapport d'Interstices Médiation sans précision de leur auteur, mais dont la description en termes d'ancienneté et de perception de dividendes correspondait à l'appelant, l'obligeait à mettre un terme au contrat de travail du salarié pour protéger la sécurité et la dignité de son personnel féminin et notamment des plus vulnérables en raison de leur jeune âge ou de leur statut de stagiaire.

Il est, aussi, fait grief au salarié d'avoir utilisé ses outils de travail et notamment son outil de gestion, dit CRM et un tableau Excel pour y insérer des notes licencieuses. L'intimée explique, que le 14 février 2020, un assistant du responsable des systèmes d'information a signalé à la direction qu'en effectuant la migration des contacts clients de l'Outlook de M. [R] sur le CRM, entre la fin de l'année 2018 et le premier trimestre de l'année 2019, il avait découvert une note du salarié qui faisait référence au fait qu'il avait cherché à embrasser une cliente de l'entreprise (pièces 25, 78, 79).

Un huissier de justice ayant été sollicité pour faire un constat sur l'outil CRM utilisé par le salarié, il est apparu, qu'à de multiples reprises, M. [R] y avait inséré des observations désobligeantes voire dégradantes, et consigné les attributs réels ou supposés de ces nombreuses rencontres féminines, qualifiées de "target" (cible). En saisissant le nom d'une de ces cibles dans la messagerie professionnelle du salarié, l'huissier de justice a été renvoyé sur un fichier Excel, dénommé "[Adresse 6]2011" adressé de cette messagerie vers la messagerie personnelle du salarié, le 7 février 2020 et recensant les données personnelles de plus de 2 200 femmes avec leurs coordonnées et des commentaires sur leurs statuts de célibataire ou non, leurs physiques ("mimi" ou pas), leurs couleurs de cheveux et la taille de leurs attributs sexuels (pièce 77). Il est apparu que certaines des femmes mentionnées dans ce fichier travaillaient pour l'intimée ou pour des sociétés clientes de l'intimée (pièces 25, 81, 82, 83, 85) et que d'autres avaient été abordées à l'occasion des salons "Patrimonia" où l'appelant était supposé représenter l'entreprise.

L'employeur considère, donc, que M. [R] a détourné de leur finalité des outils mis à sa disposition par l'entreprise mais qu'il a, également, consacré une partie de son temps de travail à chercher à conquérir les femmes qui croisaient son chemin, y compris dans le cadre professionnel puis à renseigner son fichier de 2 200 "targets". Lorsqu'il a compris que les investigations sur les risques psychosociaux au sein de la société pouvaient aboutir à la divulgation de son fichier le salarié s'est empressé de le transférer sur sa messagerie personnelle.

La société intimée rapporte, encore, que les comportements du salarié contrevenaient à toutes ses obligations contractuelles mais aussi à son règlement intérieur interdisant de porter atteinte à la sécurité ainsi qu'à la santé d'autres salariés et prohibant les faits de harcèlement (pièce 50). M. [R] s'est également exonéré des prescriptions de la charte informatique de l'entreprise et notamment de son article 4 qui exige de chaque collaborateur qu'il s'engage à effectuer une utilisation rationnelle et loyale des moyens informatiques mis à sa disposition (pièce 53).

L'employeur ajoute que les comportements de M. [R] tant vis-à-vis de ses collègues féminines que des clientes, partenaires et prospects ont mis en péril sa réputation puisqu'il évolue dans un secteur d'activité où la probité doit être une règle de conduite permanente.

M. [R] invoque, à titre liminaire, le fait que la société intimée fonde l'essentiel de ses accusations sur des notes insérées dans son CRM et sur un fichier Excel alors que ces éléments sont irrecevables et doivent être écartés des débats.

Il rappelle que la charte informatique de l'entreprise ne prévoit à aucun moment la possibilité pour l'employeur de contrôler l'outil de travail d'un salarié en son absence et en ayant recours aux services d'un huissier de justice (pièce 13). Cette charte dispose, également, que les contrôles mis en 'uvre par l'employeur doivent intervenir uniquement dans certaines finalités comme la prévention de toute atteinte aux systèmes d'information. Le salarié appelant constate, donc, que l'employeur s'est affranchi du texte qu'il avait lui-même adopté.

S'agissant plus particulièrement du fichier Excel exploité par la société intimée, M. [R] précise qu'il était identifié comme "personnel" puisqu'il était intitulé "[Adresse 6]", ce qui correspondait à son adresse de résidence et qu'il ne pouvait donc être ouvert hors sa présence. De surcroît, ce fichier était rangé dans un dossier réseau intitulé à l'époque "Perso" dans un espace réservé à chaque salarié pour y ranger ses fichiers personnels. Le salarié souligne que la quasi-totalité des rencontres féminines recensées dans ce document ont eu lieu dans un cadre purement privé, ce qui démontre le caractère personnel de ce fichier dont personne n'avait connaissance au sein de l'entreprise. Or, un employeur ne peut utiliser des éléments relevant de la vie privée d'un salarié, même lorsqu'ils se trouvent sur des fichiers non identifiés comme personnels, pour le sanctionner disciplinairement.

Le salarié appelant mentionne encore que la société Moneta asset management n'ayant pas respecté ses obligations en matière de RGPD, elle ne pouvait pas produire les extractions de son CRM ou le fichier Excel. En effet, il affirme qu'il n'a jamais été informé de l'identité et des coordonnées du responsable de traitement de ces données personnelles, ni des coordonnées du délégué à la protection des données, ni de la base juridique de traitement etc.... En outre, lorsqu'il a demandé la communication de l'intégralité de ses données personnelles à la société intimée celle-ci a refusé de lui communiquer les notes issues du CRM et du fichier Excel qui étaient pourtant invoquées dans la lettre de licenciement. Ce n'est finalement qu'un an après son départ et dans le cadre de l'instance prud'homale, qu'il a obtenu la communication de ces éléments, ce qui lui a causé un préjudice.

M. [R] considère qu'il a été sanctionné pour des faits relevant de sa vie personnelle ce qui est formellement prohibé. Il demande à ce que son licenciement soit dit nul en raison de l'atteinte portée à l'intimité de sa vie privée ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il affirme que l'employeur a diligenté une enquête uniquement à charge sans lui permettre d'y participer ou de faire entendre ses propres témoins et que ce comportement déloyal et non contradictoire rend son licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.

M. [R] rappelle que, jusqu'à la date de son licenciement, il n'avait jamais fait l'objet de la moindre sanction disciplinaire et soupçonne l'employeur d'avoir recherché des griefs à lui imputer pour se débarrasser de lui en raison de sa proximité avec l'un des dirigeants que l'on voulait évincer de la société.

M. [R] s'insurge, enfin, contre les accusations formées à son encontre dans la lettre de licenciement et conteste avoir pratiqué le moindre attouchement sur la personne de Mme [U] lors d'une soirée de Noël de l'entreprise en décembre 2018. Le salarié relève que les déclarations de cette "supposée victime" sont retranscrites dans un unique e-mail et n'ont pas fait l'objet d'une attestation en bonne et due forme et que les salariés qui ont reçu ses "confidences" conviennent qu'ils n'ont pas été témoins des faits litigieux. En outre, aucune confrontation n'a été organisée entre les salariés concernés et il n'y a eu aucune plainte pénale, ni signalement auprès du défenseur des droits, ni auprès de l'Inspection du travail. Le salarié observe, en outre, que les dires de Mme [U] doivent être appréhendés avec précaution puisque cette salariée s'est rendue coupable d'un photomontage à caractère à la fois antisémite et harcelant à l'encontre d'un autre collaborateur de l'entreprise.

Le salarié appelant réfute, également, avoir eu un comportement inapproprié à l'encontre de stagiaires et constate que leurs témoignages ne précisent ni la date, ni le lieu, ni la teneur des propos qui lui sont reprochés. Son nom n'est même pas cité par l'une des deux stagiaires concernées. Il rapporte que, conscient de la fragilité de ses accusations, l'employeur n'a pas hésité à aller rechercher le témoignage d'une partenaire de la société, qui a été établi plus de deux années après son licenciement et concerne des faits non évoqués dans la lettre de licenciement.

L'appelant fournit pour sa part 30 témoignages, dont une grande majorité de femmes ayant travaillé avec lui pendant plusieurs années, qui attestent de la qualité de leurs relations et de l'absence de tout comportement irrespectueux à leur égard mais, également, vis-à-vis des autres femmes (pièces 23 à 60).

S'agissant des notes personnelles issues du fichier Excel et du CRM, M. [R] rappelle que ces éléments n'ont jamais eu le moindre retentissement sur l'activité et sur l'image de la société intimée, contrairement à ce qu'elle avance, puisque personne n'en avait connaissance. À cet égard, le salarié appelant dénonce la version proposée par l'employeur de la découverte inopinée d'une note tendancieuse par un assistant du responsable des services d'information lors d'une opération technique. En effet, il relève, que lors de l'entretien préalable, il avait été indiqué que cette note avait été retrouvée par un stagiaire et que l'assistant qui aurait supposément découvert cette note n'a jamais été en charge de la migration des contacts du salarié (pièce 57).

M. [R] observe que le fichier Excel était un fichier personnel et qu'il n'est établi par aucun élément qu'il aurait été renseigné pendant les heures de travail. De la même façon, les quatre notes figurant dans le CRM et qui ont été extraites du téléphone qu'il utilisait à des fins personnelles et professionnelles, sont des notes relatives à des contacts personnels qui ont été transférées par erreur lors des opérations de migration des contacts Outlook vers le nouvel outil CRM. Le salarié joint, en outre, une attestation du Responsable informatique de l'entreprise qui affirme que les notes litigieuses ont toujours été en libre accès pour les dirigeants et qu'ils ne peuvent valablement soutenir en avoir eu connaissance en 2019. Ce témoin explique, également, que si M. [R] avait défini des critères de séparation entre contacts professionnels et privés, des erreurs ont pu être commises lors des opérations de migration.

Concernant les allégations selon lesquelles, il aurait consacré une partie importante de son temps de travail à des activités personnelles et qu'il aurait, notamment, mis à profit les salons "Patrimonia" où il représentait l'entreprise, pour effectuer des rencontres féminines, M. [R] relève que le propre de ces salons c'est qu'ils constituent des lieux de rencontres et d'échanges avec des femmes comme avec des hommes et qu'il n'est démontré par aucune pièce qu'il aurait consacré son temps de travail à des activités personnelles.

M. [R] souligne que son licenciement est intervenu trois semaines après un entretien de recadrage en date du 11 février 2020 par les deux dirigeants de la société intimée qui présentait déjà un caractère disciplinaire ainsi que cela ressort du compte rendu qui a été établi (pièce 76 employeur). Alors qu'aucune sanction n'avait été envisagée à ce stade, le 28 février il a été décidé de lui notifier à la fois une convocation à un entretien préalable et une mise à pied conservatoire sans aucune raison valable. Le salarié considère que l'écoulement d'un délai de 17 jours entre les deux dates excluait la possibilité de le licencier pour faute grave.

Le salarié appelant reproche encore à l'employeur de ne lui avoir laissé aucune possibilité de se défendre utilement avant son licenciement. Il prétend que le véritable motif de son licenciement est à rechercher dans le conflit qui a opposé les deux dirigeants de la société intimée, M. [N] (Président de la société) et M. [D] (Directeur général). Il précise que ce dernier a finalement été contraint de quitter la société ainsi que certains des collaborateurs dont il était proche, dont M. [R].

La cour rappelle qu'il résulte des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et L. 1121-1 du code du travail que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée. Celle-ci implique en particulier le secret des correspondances.

Les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir le caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence. Toutefois, le droit reconnu à l'employeur de prendre connaissance de fichiers non-identifiés comme personnels par le salarié ne signifie pas pour autant qu'il peut toujours se prévaloir de leur contenu dans une procédure disciplinaire. Ainsi, si le contenu de ces fichiers relève de la sphère privée, l'employeur ne peut, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, les utiliser à l'encontre du salarié. En l'espèce, il est incontestable que les commentaires rédigés par le salarié sur ses rencontres féminines, dont il n'est pas discuté qu'ils étaient destinés à son seul usage, étaient sans rapport avec son activité professionnelle et se rapportaient à sa vie privée et intime.

En application des dispositions des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, son licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. En l'espèce, le fait pour l'appelant de formuler des commentaires sur les attributs sexuels des femmes qu'il pouvait rencontrer et même s'il s'agissait de ses collègues ne constitue pas un manquement du salarié à ses obligations contractuelles pas plus que le fait d'avoir cherché à embrasser une cliente de la société qui ne s'est pas plainte d'un comportement inadapté du salarié.

L'importation dans le CRM de notes du salarié lors d'une opération de migration de contacts Outlook dont il est établi qu'elle a pu englober des données privées se trouvant sur le téléphone personnel du salarié et l'édition d'un fichier Excel comportant des indications personnelles ne constituent pas un mésusage des applications et ressources informatiques en violation de la charte informatique de la société.

Il ne peut davantage être fait grief au salarié d'avoir consacré son temps de travail au renseignement du fichier Excel listant 2 200 "targets", dès lors qu'il n'est pas rapporté la preuve que ce document a été complété durant le temps de travail effectif du salarié et sur son lieu de travail. Même si ce document se trouvait sur l'ordinateur professionnel de l'appelant avant d'être transféré sur sa messagerie personnelle, M. [R] peut l'avoir renseigné durant ses temps de pause et en dehors de ses horaires de travail.

Ainsi, alors que les notes rédigées par le salarié dans un fichier Excel et celles importées dans le CRM ne constituaient pas un manquement aux obligations découlant du contrat de travail et que ces éléments qui n'étaient pas destinés à être rendus publics présentaient un caractère personnel et privé, ils ne pouvaient fonder, même en partie, le licenciement pour faute grave de M. [R].

En raison de l'atteinte portée au droit au respect de l'intimité de la vie privée, liberté fondementale, il sera jugé que le licenciement est entaché de nullité.

Au titre de l'indemnité pour licenciement nul, conformément à l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsqu'il est constaté que le licenciement est entaché par une des nullités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 1235-3-1.

Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, il est en droit de revendiquer une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 51 ans, de son ancienneté de plus de 13 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, il convient de lui allouer, en réparation de son entier préjudice la somme de 93 801 euros.

M. [R] peut, en outre, légitimement prétendre à l'allocation des sommes suivantes non- contestées dans leurs montants par la société intimée :

- 3 333,33 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

- 333,33 euros au titre des congés payés afférents

- 104 744,38 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 20 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 2 000 euros au titre des congés payés afférents.

2/ Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture déloyale, brutale et vexatoire

M. [R] souligne que le licenciement pour faute grave qui lui a été notifié, de manière abusive, a été particulièrement brutal après 13,5 années d'ancienneté et un investissement sans faille dans la société depuis sa création. Il ajoute qu'il a été privé par l'employeur de la possibilité d'assurer sa défense puisque la société intimée a refusé de lui communiquer les témoignages et documents qui étaient invoqués à son encontre. Mais surtout, il reproche à l'un des dirigeants de lui avoir écrit d'aller se faire soigner, ce qu'il a perçu comme particulièrement humiliant et vexatoire.

Le salarié affirme que ce message l'a tellement bouleversé qu'il est allé consulter un médecin, le lendemain, en raison de crises d'angoisse et qu'il s'est vu prescrire un anxiolytique (pièce 14).

En conséquence, il réclame une somme de 46 900,47 euros en réparation du préjudice subi.

La cour retient qu'il n'est nullement démontré que M. [R] a été privé par l'employeur des moyens d'assurer sa défense. S'agissant du message adressé par WhatsApp, au salarié le 3 mars 2020 par M. [D], l'un des dirigeants de la société, il indiquait précisément : "Allez [V], il faut passer par la case soins maintenant !

Va voir un addictologue parce que tu es à minima accro à la drague" avec les références d'une clinique suisse soignant les addictions au sexe" (pièce 44).

Ce message doit être replacé dans le contexte du très grand lien de proximité qu'entretenait à cette époque M. [D] avec M. [R] et dont ce dernier n'hésite pas à avancer qu'il aurait été la véritable raison de son licenciement. En conséquence, ce message ne doit pas être appréhendé comme un message délibérément humiliant d'un des dirigeants de la société à son encontre mais comme une réflexion entre collègues entretenant des relations de proximité comme en atteste la présence d'un emoji à la fin du message.

En conséquence, aucun comportement déloyal, brutal ou vexatoire n'étant caractérisé de la part de l'employeur, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.

3/ Sur le rappel au titre du bonus différé 2017

M. [R] explique, qu'au terme de son dernier contrat de travail, il percevait un salaire fixe ainsi qu'une prime annuelle discrétionnaire. Concernant le bonus attribué au titre de l'exercice 2017, il précise que l'employeur avait défini un montant de 165 000 euros. Sur cette somme, le salarié précise qu'il a perçu 82 500 euros, en deux versements, sur son compte courant en juin 2017 et janvier 2018. Par ailleurs, dans un courriel du 30 janvier 2018, il s'est vu notifier par l'employeur le fait que les 82 500 euros restants au titre du bonus 2017 seraient versés en différé sur cinq ans (pièce 8).

Plus exactement, il était convenu que cette somme serait investie sur des fonds de la société selon la répartition suivante :

- 5,37 parts S du fonds Moneta Micro Entreprises (MME (S))

- 10,43 parts S du fonds Moneta Multi Caps (MMC (S))

- 1,40 parts S du fonds Moneta Long Short (MLS (S))

Ce mécanisme permettait d'intéresser Monsieur [R] à la performance, positive ou négative, des fonds gérés par la société Moneta asset management au même titre que ses clients à qui il vendait ces fonds.

Chaque mois de janvier, l'employeur s'engageait à verser à Monsieur [R] 1/5 ème des parts ci-dessus valorisées au 31 décembre de l'année n-1, soit :

- 1,07 parts MME (S) valorisées au 31 décembre de l'année n-1

- 2,09 parts MMC (S) valorisées au 31 décembre de l'année n-1

- 0,28 parts MLS (S) valorisées au 31 décembre de l'année n-1

et ce pendant cinq ans.

Or, le salarié observe que sur les cinq versements dus, seuls deux d'entre eux ont été effectués :

- l'un au mois de janvier 2019 pour un montant de 14 428 euros

- l'autre au mois de janvier 2020 pour un montant de 17 601,90 euros.

Le salarié constate, qu'une fois son licenciement prononcé, l'employeur s'est abstenu de régler son solde de rémunération variable au motif que les agissements de M. [R] constituaient une "prise de risque" pour l'établissement financier lui permettant d'annuler le versement de la rémunération.

Mais outre qu'il conteste les faits qui lui sont reprochés, le salarié appelant observe que les agissements visés dans la lettre de licenciement ne peuvent être qualifiés de "prise de risque" dans le sens où l'entend le code monétaire et financier. De surcroît les dispositions du code monétaire et financier ne permettent d'annuler le versement de la rémunération variable que pour certaines catégories de salariés, à savoir les gérants, les membres du conseil d'administration du directoire, les dirigeants de sociétés par actions simplifiées et les personnes exerçant une fonction de direction, les preneurs de risques, les personnes exerçant une fonction de contrôle, les personnes qui du fait de leur rémunération se situent dans la même tranche que les personnes exerçant une fonction de direction. Or, il n'est nullement établi par l'employeur qu'il faisait partie de ces catégories.

En conséquence, ayant été licencié le 13 mars 2020, M. [R] a calculé que la société Moneta asset management restait redevable :

- 3 x 1,07 = 3,21 parts MME (S), valorisées au 31 décembre de l'année 2019

- 3 x 2,09 = 6,27 parts MMC (S), valorisées au 31 décembre de l'année 2019

- 3 x 0,28 = 0,84 parts MLS (S), valorisées au 31 décembre de l'année 2019

Soit, à partir des valeurs liquidatives communiquées par la société Moneta asset management au 31 décembre 2019 (pièce 45) :

- 3,21 x 5 487,67 = 16.436,01 euros

- 6,27 x 2 869,06 = 17.989 euros

- 0,84 x 20 440,28 = 17.169,84 euros.

ce qui représente un total de 51 594,85 euros.

La société intimée rappelle que selon les dispositions de l'article L. 533-22-22 IV du code monétaire et financier et en application de sa politique de rémunération (pièce 49), les dirigeants ainsi que certaines catégories de personnel des sociétés de gestion de portefeuille peuvent voir le montant de leur rémunération variable réduit en tout ou partie ou être dans l'obligation de le restituer lorsqu'ils ont méconnu les règles édictées par la société en matière de prise de risque, notamment en raison de leur responsabilité dans des agissements ayant entraîné des pertes significatives pour la société mais aussi en cas de manquement aux obligations d'honorabilité et de compétence. Elle ajoute qu'en raison de son salaire moyen net imposable de 168 075 euros, qui se situait dans la même tranche de rémunération que les deux dirigeants de la société (pièces 99, 100, 101), M. [R] a été identifié comme relevant des dispositions de la directive OPCVM 5 en matière de rémunération.

Considérant que les faits reprochés au salarié constituent, de toute évidence, un manquement à ses obligations d'honorabilité, la société intimée soutient qu'elle était parfaitement fondée à annuler la rémunération variable différée qui lui était due au titre des exercices 2020, 2021 et 2022.

Mais, si aux termes de l'article R. 511-24 du code monétaire et financier, pour l'application de l'article L. 511-84, une décision de réduction ou de restitution de rémunération variable peut être prise en considération du défaut de respect des exigences d'honorabilité et de compétence qui sont applicables à un salarié appartenant aux catégories visées par ces textes, les normes applicables en matière d'honorabilité et de compétences, s'entendent de règles professionnelles en lien direct et étroit avec l'activité professionnelle d'investissement à risques.

Le licenciement du salarié étant fondé sur des faits d'agression sexuelle commis à l'encontre d'une collègue de travail, il appert que ce comportement était sans lien direct et étroit avec une activité professionnelle d'investissement à risques.

Les agissements reprochés au salarié ne caractérisant pas le défaut de respect des exigences d'honorabilité prévues par les dispositions légales, l'employeur ne pouvait le priver du bonus différé dont il avait acquis le bénéfice au titre de l'année 2017.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de bonus formée par le salarié.

4/ Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de percevoir des dividendes

M. [R] rappelle qu'il est devenu associé de la société intimée en 2007 en acquérant et souscrivant 3 100 actions de préférence représentant 0,92 % du capital social pour un montant de 99 614 euros, entre octobre 2007 et décembre 2012.

Pendant toute l'exécution du contrat de travail, il a perçu des dividendes à hauteur de 1 538 400 euros.

L'article 14 des statuts de l'intimée prévoyant une obligation pour les titulaires d'actions de préférence de céder leurs actions dans un délai de trois mois à compter de la cessation de leurs fonctions, quelle que soit la cause de cette cessation de fonctions, le salarié a reçu un prix de cession de 1 185 342 euros.

Considérant que son licenciement était nul ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [R] estime qu'il a été injustement privé de sa chance de percevoir des dividendes pour l'exercice 2020 ainsi que pour les exercices suivants et il réclame une somme de 977 616 euros en réparation du préjudice subi. Le salarié explique que pour le calcul de sa perte de chance, il a appliqué une décote de 5% sur le montant des dividendes qu'il aurait perçus sur chaque exercice s'il avait encore été actionnaire de la société. Il précise que pour les montants de dividendes retenus pour les années 2020 et 2021, il s'est appuyé sur les assemblées générales du 21 juillet 2020 et du 14 avril 2021 et que pour les années 2022, 2023 et 2024, il a retenu un montant moyen de dividendes calculés sur les années 2017, 2018 et 2019, soit 246 140 euros.

Le salarié propose le calcul suivant pour prendre en compte l'augmentation de la part d'aléa au fil des années :

- exercice 2020 : 95% x 260 400 euros = 247 380 euros

- exercice 2021 : 90% x 155 000 euros = 139 500 euros

- exercice 2022 : 85% x 246 140 euros = 209 219 euros

- exercice 2023 : 80% x 246 140 euros = 196 912 euros

- exercice 2024 : 75% x 246 140 euros = 184 605 euros

In limine litis, la société intimée relève que M. [R] forme pour la première fois en cause d'appel une demande au titre de la perte de chance de percevoir des dividendes pour un montant de 977 616 euros. Elle demande que cette demande nouvelle, qui ne présente aucun lien avec les demandes initiales du salarié soit dite irrecevable. L'intimée ajoute que cette solution se justifie d'autant plus du fait que le salarié l'a déjà assignée devant le tribunal de commerce de Paris et a sollicité, à titre principal, la nullité de la cession de ses actions de préférence, intervenue le 10 juin 2020 et la condamnation de la société intimée à lui verser une somme de 415 400 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice subi au titre de la privation de ses dividendes. Ayant été débouté de l'ensemble de ses demandes, M. [R] a relevé appel du jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 25 mars 2022 mais cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juillet 2024. Par voie de conséquence, l'appelant a, donc, déjà été débouté de manière définitive de sa demande tendant au versement d'une somme en réparation de son prétendu préjudice subi au titre de la privation des dividendes dont la distribution a été votée par les assemblées générales des 21 juillet 2020 et 14 avril 2021.

S'agissant de la recevabilité de la demande nouvelle formée par le salarié au titre de la perte de chance de percevoir des dividendes en raison de son licenciement abusif, la cour retient que cette prétention tend aux mêmes fins que ses autres demandes initiales relatives aux conséquences de son licenciement. Par ailleurs, s'agissant de l'action engagée par le salarié devant le tribunal de commerce, elle avait pour finalité de voir annuler la cession en raison d'une discussion technique sur le prix de rachat des actions fixé par l'employeur et de percevoir des dividendes pour les années 2020 et 2021 au regard de la date effective de la cession des actions (pièces 94 et 110). Les demandes formées par le salarié devant la juridiction commerciale sont donc parfaitement distinctes et sans incidence sur celle reposant sur le principe de la perte de chance portée devant la chambre sociale de la cour d'appel.

Il sera donc jugé que la demande du salarié d'indemnisation de la perte de chance de percevoir des dividendes est recevable.

La cour d'appel rappelle, à cet égard, qu'il résulte de l'article 1240, du code civil que caractérise une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.
La reconnaissance d'une perte de chance permet de réparer une part de l'entier dommage, déterminée à hauteur de la chance perdue, lorsque ce dommage n'est pas juridiquement réparable. Le préjudice ainsi réparé, bien que distinct de l'entier dommage, en demeure dépendant.
La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Le licenciement abusif du salarié a eu pour conséquence de lui faire perdre sa qualité d'actionnaire et donc son droit au paiement des dividendes en résultant. Il est, donc, légitime à percevoir une indemnisation du préjudice subi au titre de la perte de chance de percevoir ses dividendes sur une durée qui sera fixée à quatre ans. Il sera, considéré, que l'aléa du maintien du salarié au service de l'employeur augmente au fil des années passées et qu'il est trop incertain au-delà de 4 ans pour être pris en compte. En effet, la cession d'actions devant intervenir quel que soit le mode de rupture du contrat de travail, elle avait vocation à s'appliquer en cas de démission, rupture conventionnelle ou licenciement pour un motif quelconque.

Par ailleurs, le montant moyen de dividendes à prendre en compte comme référence pour les années 2022 et 2023 sera calculé sur les trois dernières années de dividendes connues, à savoir 297 600 euros pour l'année 2019, 260 400 euros pour l'année 2020 et 155 000 euros pour l'année 2021, soit un dividende de référence de 237 667 euros. La cour écarte la décote linéraire de 5% appliquée par le salarié et estime à 537 746,90 euros le préjudice qui sera indemnisé au titre de la perte de chance de percevoir des dividendes selon le calcul suivant :

- exercice 2020 : 95% x 260 400 euros = 247 380 euros

- exercice 2021 : 80% x 155 000 euros = 124 000 euros

- exercice 2022 : 50 % x 237 667 euros = 118 833,50 euros

- exercice 2023 : 20% x 237 667 euros = 47 533,40 euros.

5/ Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive

La société intimée demande la condamnation de M. [R] à une amende civile de 10 000 euros pour procédure abusive au motif que l'abus de droit d'ester en justice est caractérisé au regard des pratiques auxquelles l'appelant s'est livré sur son temps et son lieu de travail et au caractère accablant des éléments en possession de l'employeur. Elle ajoute que l'abus de droit est d'autant plus caractérisé, qu'ayant succombé en première instance, M. [R] n'a pas hésité à interjeter appel de cette décision en ajoutant même une demande nouvelle portant sur près d'un million d'euros concernant un préjudice dont il avait sollicité en vain l'indemnisation devant une autre juridiction.

Cependant, la cour retient que la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive n'est pas fondée dès lors qu'il est seulement soutenu que l'appel est abusif et dilatoire sans que soit caractérisée plus avant la faute de nature à faire dégénérer en abus la liberté d'ester en justice.

6/ Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation à l'audience du bureau de conciliation et d'orientation.

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Il sera ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

Si le salarié sollicite dans le dispositif de ses écritures la publication du "jugement" rendu par la cour sur son site internet pendant une durée d'un an, il ne développe aucun moyen au soutien de cette prétention à laquelle il ne sera pas répondu en application de l'article 954 du code de procédure civile.

De la même façon si M. [R] demande, dans le dispositif de ses écritures, à ce qu'il soit ordonné sous astreinte la remise des "documents suivants", il n'est pas précisé la nature des pièces dont il sollicite la délivrance.

La société Moneta asset management supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Dit recevable la demande de M. [R] de condamnation de la société Moneta asset management au paiement de la somme de 977 616 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de percevoir les dividendes,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Moneta asset management à payer à M. [R] les sommes suivantes :

* 51 594,85 euros à titre de bonus différés pour l'année 2017, avec intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la réception par le défendeur de la convocation à l'audience du bureau de conciliation et d'orientation

- dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts à compter de la réception par le défendeur de la convocation à l'audience du bureau de jugement

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté M. [R] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

- débouté la société Moneta asset management, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- mis la totalité des dépens à la charge de la société Moneta asset management, prise en la personne de son représentant légal.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit nul le licenciement de M. [R],

Condamne la société Moneta asset management à payer à M. [R] les sommes suivantes :

- 93 801 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

- 3 333,33 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

- 333,33 euros au titre des congés payés afférents

- 104 744,38 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 20 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 2 000 euros au titre des congés payés afférents

- 537 746,90 euros au titre de la perte de chance de percevoir des dividendes

- 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,

Dit que les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation à l'audience du bureau de conciliation et d'orientation et que les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Ordonne la capitalisation des intérêts pourvu qu'ils soient dus pour une année entière,

Déboute la société Moneta asset management de sa demande de condamnation de M. [R] à une amende civile de 10 000 euros et du surplus de ses demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Moneta asset management aux dépens d'appel,

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site