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CA Nancy, ch. soc.-sect. 2, 16 octobre 2025, n° 25/00951

NANCY

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CA Nancy n° 25/00951

16 octobre 2025

ARRÊT N° /2025

PH

DU 16 OCTOBRE 2025

N° RG 25/00951 - N° Portalis DBVR-V-B7J-FRRX

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nancy

24/00387

22 avril 2025

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.S. ADISTA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Leila HAMZAOUI de l'AARPI Studio Avocats substitué par Me BENMANSOUR, avocates au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [R] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Alexandre CHABEAUD de la SELARL SYMBIOSE AVOCATS, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Aurore CHOLEZ, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 03 Juillet 2025 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 02 Octobre 2025 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cetet date le délibéré a été prorogé au 16 Octobre 2025 ;

Le 16 Octobre 2025, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [R] [V] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la SAS ADISTA à compter du 09 septembre 2019, en qualité de responsable régional des ventes.

La convention collective nationale dite SYNTEC s'applique au contrat de travail.

A compter de 2021, la SA KEENSIGHT CAPITAL est devenue actionnaire majoritaire de la SAS ADISTA.

Le 27 octobre 2021, Monsieur [R] [V] a adhéré à un pacte d'associés avec les actionnaires de la SAS ADISTA, dont la SA KEENSIGHT CAPITAL et a, en outre, consenti une promesse unilatérale de vente sur l'intégralité des actions qu'il détenait au bénéfice de la SA KEENSIGHT CAPITAL.

Par courrier du 14 décembre 2023, Monsieur [R] [V] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 28 décembre 2023.

Par courrier du 08 janvier 2024, Monsieur [R] [V] a été licencié pour cause réelle et sérieuse, avec dispense d'exécution de son préavis.

Par requête du 02 août 2024, Monsieur [R] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de condamner la société ADISTA au paiement des sommes suivantes :

- 51 956,50 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 30 000,00 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement économique déguisé,

- 9 000,00 euros net à titre de dommages et intérêts liés à l'activation de la promesse unilatérale de vente des actions,

- 62 347,80 euros net à titre de dommages et intérêts liés à l'obligation de non- concurrence du pacte d'associés,

- 10 000,00 euros net à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

- 5 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens,

- de prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

A titre reconventionnel, la société ADISTA a soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes de Nancy au profit du tribunal de commerce de Paris pour les demandes suivantes: 9000 euros de dommages et intérêts pour préjudice lié à la mise en 'uvre de la promesse unilatérale de vente des actions ; 62 347,80 euros de dommages et intérêts pour défaut de mise en place de la clause de non-concurrence.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 22 avril 2025, lequel a dit être compétent pour traiter du litige qui lui est soumis.

Vu la requête aux fins d'assigner à jour fixe en application de l'article 84 du code de procédure civile déposée le 02 mai 2025,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société ADISTA reçues au greffe de la chambre sociale le 27 mai 2025, et celles de Monsieur [R] [V] déposées sur le RPVA le 22 juin 2025,

Vu l'ordonnance d'assignation à jour fixe rendue le 30 mai 2025, laquelle a appelé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 03 juillet 2025,

La société ADISTA demande :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 22 avril 2025, dans lequel le conseil de prud'hommes de Nancy s'est déclaré matériellement compétent pour statuer sur les demandes de Monsieur [R] [V] au titre du pacte d'associés et de la mise en 'uvre de la promesse unilatérale de vente,

Statuant à nouveau :

- de se déclarer incompétente pour statuer sur les demandes de Monsieur [R] [V] au titre :

- de la mise en 'uvre de la promesse unilatérale de vente, au titre de laquelle il sollicite la somme de 9 000,00 euros nets de dommages et intérêts,

- du défaut de mise en place de la clause de non-concurrence prévue dans le pacte d'associés, au titre de laquelle il sollicite la somme de 62 347,80 euros nets de dommages et intérêts,

- de renvoyer Monsieur [R] [V] à mieux se pourvoir, et devant le tribunal de commerce de Paris, en application de l'article 86 du code de procédure civile,

- de se réserver les frais de justice et les dépens.

Monsieur [R] [V] demande :

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 22 avril 2025, par lequel le conseil de prud'hommes s'est déclaré matériellement compétent pour statuer sur ses demandes découlant du pacte d'associés et de la mise en 'uvre de la promesse unilatérale de vente,

- de débouter la société ADISTA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 27 mai 2025 et en ce qui concerne le salarié le 22 juin 2025.

Sur la compétence du juge prud'homal

La société ADISTA soutient que ni le pacte d'actionnaires ni la promesse unilatérale de vente ne sont l'accessoire du contrat de travail, dans la mesure où ils ne portent pas sur l'exécution d'une prestation de travail, ou sur le versement d'une prestation, et qu'il n'existe pas de lien de subordination entre les associés.

Elle fait également valoir que ces demandes sont de la compétence exclusive du Tribunal de commerce.

L'appelante souligne que la demande de M. [R] [V] relative à l'activation de la promesse unilatérale de vente n'est pas une demande de dommages et intérêts, mais consiste en une demande de paiement de la différence entre le prix d'achat des actions et leur prix de vente.

Elle indique que la promesse de vente n'a pas été conclue en raison de la qualité de salarié de M. [R] [V] mais en raison de sa qualité d'investisseur individuel, et qu'elle a été conclue non pas au bénéfice de l'employeur mais au bénéfice de la société KEENSIGHT en sa qualité d'investisseur financier.

Elle précise également que la promesse n'a pas de lien direct avec le contrat de travail de M. [R] [V], la promesse étant stipulée pour 10 ans, alors que le contrat de travail est à durée indéterminée ; elle souligne que l'acte ne prévoit pas que la rupture du contrat de travail entraînerait automatiquement la levée de l'option.

La société ADISTA estime par ailleurs que la promesse de vente n'a pas de lien nécessaire avec le contrat de travail, celle-ci ayant été conclue le 27 octobre 2021, soit plus de deux ans après la signature du contrat de travail.

En ce qui concerne l'obligation de non-concurrence stipulée dans le pacte d'associés, la société ADISTA souligne qu'aucune des parties au pacte n'est l'employeur de M. [R] [V], et qu'il n'a pas été conclu en raison de la qualité de salarié de l'intimé, mais en sa qualité d'investisseur individuel.

Elle indique par ailleurs que le pacte d'associés n'a pas de lien direct avec le contrat de travail de M. [R] [V], le pacte d'associés n'ayant pas cessé d'évoluer sans que cela n'ait aucune incidence sur son contrat de travail, et le pacte indiquant que la clause de non-concurrence devait être prévue par un avenant au contrat de travail, ce qui démontre l'indépendance des deux contrats.

L'appelante considère qu'il n'y a pas de lien nécessaire entre le pacte et le contrat de travail, d'une part parce que le pacte d'associés a été conclu le 27 octobre 2021, soit plus de deux ans après la signature du contrat de travail, et d'autre part parce qu'il résulte de la souscription d'actions par M. [R] [V] et non de la conclusion de son contrat de travail.

Elle estime par ailleurs que la demande de M. [R] [V] est relative aux conditions de sortie du pacte d'associés.

M. [R] [V] explique que la promesse de vente des actions qu'il détenait au sein de la société ADISTA faisait varier les conditions de la vente selon l'origine de son départ ; du fait de son licenciement pour faute, il a été contraint de céder ces actions à 70 % de leur valeur.

Il fait valoir que la mise en 'uvre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse par la société ADISTA a abouti à la vente de ses actions à des conditions désavantageuses.

Il soutient que sa demande ne concerne pas le pacte d'associé en lui-même, ni la promesse unilatérale de vente, mais un préjudice spécifique provoqué par un licenciement injustifié, et présente ainsi un lien direct avec le contrat de travail.

En ce qui concerne l'obligation de non-concurrence prévue dans le pacte d'associé, M. [R] [V] fait valoir que celui-ci, en son article 8.5 b), prévoit qu'elle soit intégrée au contrat de travail, ainsi qu'une indemnité ; or ADISTA n'a pas modifié son contrat de travail.

Il estime que sa demande présente bien un lien avec l'exécution du contrat de travail.

Motivation

En application des dispositions de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil des prud'hommes est compétent pour trancher les litiges nés à l'occasion de tout contrat de travail, ou à l'occasion d'une convention accessoire au contrat de travail.

En l'espèce, il ressort de la lecture de la pièce 49 de M. [R] [V] (notification d'exercice de la promesse de vente du 23 mai 2024) que la valeur de rachat de ses parts est fixée en considération de la qualification de « départ intermédiaire » résultant du pacte, au vu de ce qu'il est licencié pour faute.

La demande portant sur la valeur de rachat de ses parts présente donc un lien avec l'exécution du contrat de travail, et plus précisément sa rupture.

Le pacte d'associé (pièce 39 de M. [R] [V]) en son article 8.5 impose aux investisseurs individuels de ADISTAR une clause de non-concurrence. Le paragraphe b) de cet article stipule que cette clause de non-concurrence doit être intégrée, par avenant, au contrat de travail de l'investisseur salarié.

La demande de M. [R] [V] fondée sur l'obligation de non-concurrence est donc en lien avec le contrat de travail, cette clause de non-concurrence devant y être intégrée.

Dans ces conditions, et par substitution de motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le conseil des prud'hommes compétent pour connaître de ces demandes.

Sur les dépens

Les dépens de la présente procédure seront réservés.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 22 avril 2025 en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes relatives à la promesse unilatérale de vente des actions et à l'obligation de non- concurrence du pacte d'associés ;

Renvoie les parties à saisir le conseil des prud'hommes d'une demande d'une reprise de l'instance ;

Réserve les dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en six pages

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