CA Paris, Pôle 1 - ch. 10, 16 octobre 2025, n° 24/09704
PARIS
Autre
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RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2025
(n° 413 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/09704 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJP2S
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2024-Juge de l'exécution de [Localité 5]- RG n° 24/80136
APPELANTE
Madame [C] [I] épouse [O]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Dimitri PINCENT de la SELEURL PINCENT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322
INTIMÉE
S.A. PIERRES INVESTISSEMENT
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Julien ANDREZ de la SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK, avocat au barreau de PARIS, toque : P334
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Dominique GILLES, Président de chambre
Madame Violette BATY, Conseiller
Monsieur Cyril CARDINI, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Dominique GILLES, Président de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Dominique GILLES, Président de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
Le 19 avril 2017, Mme [C] [I] épouse [O] a, d'une part, acquis 600 parts sociales de la SCS Developimmag, d'autre part signé une promesse de rachat par la société Marne et Finance à son bénéfice.
Le 19 novembre 2021, la société Marne et Finance et Mme [O] sont convenues, en présence de la société Developimmag, d'une modification des conditions initiales de rachat des titres et d'un échéancier mensuel pour y procéder entre le 20 juillet 2021 et le 20 juin 2022, qui n'a été honoré que partiellement.
Le 2 septembre 2022, la société Developimmag a été absorbée par la société Pierres Investissement.
Le 12 septembre 2022, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Marne et Finance. Le 5 décembre 2023, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Marne et Finance.
Autorisée par ordonnance du 25 octobre 2023, Mme [O] a, par actes de commissaire de justice du 15 novembre 2023 fait pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la société So Bio, locataire de la société Pierres investissement. Cette mesure a été ordonnée en garantie d'une créance évaluée provisoirement à la somme de 61 337 euros en principal. Cette saisie a été dénoncée à la société Pierres investissement le 21 novembre 2023.
Par acte du 23 janvier 2024, la société Pierres investissement a fait assigner Mme [O] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de mainlevée de la saisie.
Par jugement du 21 mai 2024, le juge de l'exécution a :
écarté des débats les conclusions déposées par Mme [O] à l'audience du 25 mars 2024 ;
dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces produites par Mme [O] à l'audience du 25 mars 2024 ;
ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par Mme [O] au préjudice de la société Pierres investissement le 15 novembre 2023 entre les mains de la société So Bio ;
condamné Mme [O] au paiement des dépens de l'instance ;
condamné Mme [O] à payer à la société Pierres investissement la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté Mme [O] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour décider d'écarter des débats les conclusions de Mme [O], le juge a considéré que la production de vingt-huit pages de conclusions la veille de l'audience ne permettait pas à la demanderesse d'en prendre connaissance et d'y répondre avant la tenue de celle-ci.
Pour justifier le rejet de la demande d'écarter les pièces de Mme [O], le juge a considéré que la société Pierre investissements en avait eu connaissance dès lors qu'elles étaient jointes à la requête.
S'agissant de la contestation de la saisie, le juge a estimé que la créance ne paraissait pas fondée en son principe au motif que la faculté de substitution dont se prévalait Mme [O] en exécution du protocole transactionnel du 19 novembre 2021, pour considérer que la société Marne et Finance s'était substituée à la société Developimmag, bien qu'elle figurât expressément dans le protocole n'avait pas entraîné la substitution de débitrice pour les cessions de part non encore intervenues.
Par déclaration du 23 mai 2024, Mme [O] a formé appel de ce jugement. Parallèlement à cette procédure, elle a saisi le premier président de la cour d'appel d'une demande de sursis à exécution du jugement, qui a été rejetée par ordonnance du 24 octobre 2024.
Par dernières conclusions du 3 juillet 2025, Mme [O] demande à la cour de :
A titre principal,
annuler le jugement entrepris ;
Ou, à défaut,
infirmer l'intégralité des chefs du jugement entrepris ;
Et statuant à nouveau,
constater que la demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées est sans objet ;
débouter la société Pierres investissement de ses prétentions indemnitaires ;
condamner la société Pierres investissement à lui verser la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
condamner la société Pierres investissement aux dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions du 1er juillet 2025, la société Pierres investissement demande à la cour de :
débouter Mme [O] de sa demande d'annulation et de sa demande de réformation du jugement entrepris ;
constater que Mme [O] ne justifie ni d'une créance paraissant fondée en son principe ni de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ;
En conséquence,
confirmer le jugement entrepris ;
débouter Mme [O] de toute prétention ;
condamner Mme [O] à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
et la condamner aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la demande d'annulation du jugement entrepris
L'appelante reproche au premier juge, à la fois d'avoir statué uniquement sur les seules écritures produites par la société Pierres Investissement, ce en violation du principe du contradictoire, et d'avoir écarté ses écritures sur le fondement de l'article 135 du code de procédure civile, alors que cette disposition ne concerne que les seules pièces probatoires et non les conclusions des parties.
Elle ajoute que ses conclusions de première instance ont été communiquées après étude d'un jugement rendu par le juge de l'exécution dans une affaire similaire le 14 mars 2024, dans un temps utile et raisonnable, en faisant observer, outre que la société Pierres investissement n'avait elle-même conclu que quelques jours avant l'audience, qu'elle avait connaissance de l'argumentaire soutenu puisque les écritures écartées reprenaient le même argumentaire que dans le dossier objet du jugement du 14 mars 2024.
Elle soutient également que le premier juge n'a pas respecté les conditions de l'article 446-2 du code de procédure civile, puisqu'aucun calendrier de procédure n'avait été fixé et qu'aucune atteinte aux droits de la défense n'a été caractérisée.
Enfin, elle considère sur le fondement de l'article 455 du code de procédure civile, que le premier juge n'a pas non plus tenu compte des explications orales de son conseil qui ne sont pas mentionnées dans la décision.
Pour ces raisons, elle estime que le premier juge a porté une atteinte grave à son droit fondamental à un procès équitable au sens de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), ainsi qu'au principe du contradictoire garanti par l'article 16 du code de procédure civile.
En réplique, l'intimée conteste toute violation du principe du contradictoire, en faisant observer que parmi les pièces produites en première instance par Mme [O], qui ont été retenues par le premier juge, figurait la requête aux fins de saisie conservatoire de l'appelante qui contenait l'argumentation de cette dernière et que la procédure devant le juge de l'exécution étant orale, les parties ont pu exposer leur argumentation au cours de leurs plaidoiries.
Réponse de la cour
Le litige sera apprécié à la lumière des articles 15, 16, 135, 444, 446-2 et 455 du code de procédure civile, ainsi que de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale.
Il sera relevé que les conclusions prétendument écartées à tort par le premier juge sont produites devant la cour par la société Pierres investissement (en pièce 18).
Ces conclusions demandaient d'abord la nullité de l'assignation ayant introduit l'instance devant le juge de l'exécution ; or, cette demande n'est pas soutenue devant la cour.
Elles demandaient, ensuite, le rejet de la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 25 octobre 2023 et la mainlevée des saisies conservatoires.
Les moyens à l'appui de ces prétentions s'articulent autour de l'existence, d'une part, d'un principe de créance contre la société Pierres investissement et, d'autre part, de menaces sérieuses dans le recouvrement de la créance.
Concernant de telles menaces contre la société Pierres investissement, des développements abondants de ces conclusions sont consacrés à l'analyse des comptes de cette société, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2022.
Or, le jugement entrepris énonce les prétentions de l'appelante -alors défenderesse-, formées à l'audience de jugement de l'affaire du 25 mars 2024, ainsi que les moyens par elle invoqués. Ces derniers concernent non seulement ceux présentés pour s'opposer à la demande de rejet des conclusions et pièces formées par la société Pierres investissement mais encore ceux, sur le fond, à l'appui de la justification des conditions de l'article L. 511-1 du code des procédures d'exécution destinées à fonder les saisies conservatoires qu'elle a pratiquées.
La motivation du jugement entrepris établit, d'une part, que le premier juge a bien examiné le moyen de l'appelante pris de « la faculté de substitution dont [elle]se prévaut ['] pour considérer que la société Marne & Finance s'est substituée la société Developimmag [']» et, d'autre part, que le jugement y répond, dès lors qu'il énonce : « Dans ces conditions, il n'apparaît pas que la société Developimmag soit devenue elle-même débitrice de [l'appelante] de l'ensemble de la créance de la société Marne & Finance ainsi que le prétend la défenderesse. »
La cour vérifie ainsi que les moyens développés aux conclusions prétendument écartées à tort et venant à l'appui de la démonstration par l'appelante de son principe de créance n'étaient pas nouveaux au regard de ceux dont elle a valablement saisi le premier juge, qui sont succinctement exposés dans le jugement entrepris.
Si l'appelante affirme que les explications soutenues à l'oral par son conseil n'ont pas été retenues ni prises en compte, puisqu'il n'en est pas fait état dans la décision, rien ne vient prouver le fait allégué, les explications orales prétendument omises n'étant pas même précisées par l'appelante. En outre, il sera observé, d'une part, que concernant l'existence du principe de créance, le premier juge a tenu compte des moyens soutenus et y a répondu et que, d'autre part, le premier juge ayant rejeté le moyen pris de l'existence d'un principe de créance, les éventuelles explications orales concernant les menaces sur le recouvrement non seulement ne sont pas prouvées mais, en outre, à supposer même qu'elles aient été omises à l'occasion de la rédaction du jugement entrepris, il n'a pu en résulter aucun grief pour l'appelante.
En effet, la cour relève que le premier juge a uniquement motivé sa décision sur l'absence de créance paraissant fondée en son principe, ce qui ne caractérise aucun défaut de motivation, puisque les deux conditions, celle tenant à l'existence d'un principe de créance et celle tenant à des menaces sérieuses pesant sur le recouvrement, sont cumulatives, en vertu des dispositions mêmes de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution invoquées par l'appelante.
Par conséquent, l'appelante se prévaut vainement des explications qu'elle a apportées par voie des conclusions prétendument écartées à tort, concernant, en particulier, la lecture d'une pièce comptable produite par la société Pierre investissements. En effet, selon le moyen, ces explications auraient eu pour seul objet de répondre à la présentation trompeuse de cette pièce comptable, afin d'établir, uniquement, l'existence de menaces pesant sur le recouvrement de la créance.
Le défaut de motivation allégué, pris de la violation de l'article 455 du code de procédure civile, n'est, par conséquent, pas établi.
Concernant le grief fait au premier juge d'avoir écarté des débats les conclusions déposées par le conseil de l'appelante à l'audience du 25 mars 2024, il est soutenu, sur le fondement de l'article 446-2 du code de procédure civile et de l'article 16 du même code, que les circonstances particulières ayant empêché le respect du principe de la contradiction ne sont pas précisées au jugement, et que rien ne caractérise un comportement de l'appelante contraire à la loyauté des débats.
Il est reproché au premier juge, s'il estimait que la société Pierres investissement n'avait pas pu prendre connaissance des écritures de l'investisseur, de n'avoir ni prononcé de renvoi ni ordonné de réouverture des débats en vertu de l'article 444 du code de procédure civile.
L'appelante fait valoir que la société Pierres investissement l'avait assignée pour l'audience du 12 février 2024 et que l'affaire a été retenue deux mois plus tard seulement, puis a été mise en délibéré à une date située encore deux mois plus tard.
L'appelante estime qu'il n'y avait pourtant aucune urgence et que la décision a été rendue de manière expéditive.
Toutefois, il résulte de ce qui précède que le premier juge a pu estimer, d'une part, que la communication par l'appelante, défenderesse, de conclusions de vingt-huit pages à la société Pierres investissement, la veille de l'audience, ne permettait pas à cette dernière d'y répondre et, d'autre part, qu'il n'était nullement obligé de rouvrir les débats pour permettre cette réponse.
Cela n'a constitué en l'espèce aucune atteinte portée par le premier juge au principe de la contradiction, peu important que l'appelante ait décidé d'attendre pour conclure d'avoir en main un jugement du 14 mars 2024 dans une affaire liée à la présente, étant observé que le renvoi a bien été accordé par le juge a une date postérieure à cette date et qu'il a été loisible à l'appelante de répondre à l'assignation en temps utile et, en toutes hypothèses, dans un délai permettant à son contradicteur d'en prendre connaissance et, le cas échéant, d'y répondre.
Il est constant, en effet, que l'appelante a été rendue destinataire de la date de premier appel de l'affaire, à savoir le 12 février 2024, puis de la date de renvoi pour jugement, à savoir le 25 mars 2024, de sorte qu'elle a délibérément attendu le dernier jour ouvrable avant la date de cette audience pour exercer sa faculté de déposer des conclusions, ce qui est déloyal.
A cet égard, le premier juge doit être approuvé d'avoir considéré que les conclusions du vendredi 22 mars 2024 de l'appelante n'avaient pas été communiquées en temps utile pour l'audience du lundi 25 mars suivant, dès lors que le samedi et le dimanche ne comptent pas pour la computation des délais de procédure.
Les conclusions tardives du 22 mars 2024 écartées ont bien été communiquées sans motif légitime après la date fixée pour les échanges -ainsi qu'il résulte en l'espèce de la seule date d'audience annoncée- et en portant atteinte aux droits de la défense qui n'a pas été mise en possibilité d'y répondre.
Il importe peu que le demandeur, dont l'assignation valait déjà conclusions, ait choisi de conclure de nouveau le 20 mars 2024.
En présence de cette assignation et des débats oraux établis, il n'est pas exact de soutenir que le premier juge a statué sur les seules écritures de la société Pierre investissement.
Le premier juge, qui n'a pas sollicité d'explications de droit ou de fait, n'était pas tenu de rouvrir les débats en application de l'article 444 du code civil.
Il sera rappelé que le premier juge ayant retenu l'absence de démonstration d'un principe de créance sans se prononcer sur les circonstances menaçant le recouvrement de la créance, il n'a pu être dans l'obligation de rouvrir les débats malgré les moyens soutenus dans les conclusions écartées.
Le premier juge n'a pour autant nullement compromis en l'espèce son impartialité objective.
L'appelante soutient de manière inexacte que le premier juge a écarté ses écritures en vertu de l'article 135 du code de procédure civile.
Il est manifeste en effet, à la lecture de la décision entreprise, que ce texte a bien été énoncé en rapport avec la demande de la société Pierre investissement d'écarter ses pièces numérotées de 1 à 5.
Nulle atteinte au principe de la contradiction ou aux principes découlant de l'article 6 de la CEDH ne peut être retenue en l'espèce.
Par conséquent, la demande de nullité du jugement entrepris est mal fondée et sera rejetée.
Sur l'existence d'un principe de créance
Les moyens développés par Mme [O] au soutien de son appel concernant l'existence d'un principe de créance sur la société Pierres investissement ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.
A ces justes motifs, il sera ajouté que, statuant au fond sur la créance invoquée par Mme [O] contre la société Pierres investissement, le tribunal des affaires économiques de Paris, par jugement du 16 juin 2025, a débouté l'appelante de ses demandes, au motif que l'entité immobilière aux droits desquelles vient l'intimée, en l'occurrence la société Developimmag, n'avait consenti aucune obligation à l'occasion de l'acte organisant le rachat des parts sociales, le seul débiteur restant la société Marne et Finance et que les paiements partiels volontaires ayant pu être effectués par les entités immobilières ne suffisaient pas à caractériser une volonté de se substituer au débiteur initial à la société Marne et Finance.
Ce jugement considère que ni les rachats partiels anticipés obtenus par Mme [O] en 2019 et 2020 et qui ont été réglés par la société Developimmag après avoir été discutés avec la société Marne et Finance, ni le règlement par cette société du premier terme de l'échéancier consenti le 19 novembre 2021 aux termes de la transaction, ne devaient conduire à retenir que les parties, aux termes de leurs engagements contractuels avaient conclu l'obligation de recourir à une telle substitution.
L'appelante soutient que ce jugement ne peut lier la cour, dès lors qu'un appel aurait vocation à être inscrit en présence -selon elle- d'une erreur manifeste d'appréciation du tribunal ayant consisté à conditionner la preuve de la substitution alléguée à la production d'un écrit, au mépris d'un large faisceau d'indices concordants prouvant la substitution.
En particulier, Mme [O] fait valoir qu'elle a bénéficié de paiements de la part de la société Developimmag, ainsi qu'en fait foi son relevé bancaire, ces paiements étant fait à titre personnel et non pour la société Marne et Finance, dès lors qu'un tel paiement pour autrui était prohibé par l'article 11 du pacte d'associés, intitulé « Incessibilité » qui se lit ainsi :
« La présente convention est conclue de façon intuitu personae. / Hors la possibilité de substitution stipulée à l'article 7, la présente convention ne pourra être cédée ni transférée, pas plus que les droits et obligations qui y figurent, à quelque personne que ce soit, par l'une ou l'autre des parties, sans l'accord exprès, préalable et écrit de l'autre partie. »
L'appelante affirme qu'à défaut d'accord écrit préalable de sa part, la société Developimmag a commencé d'exécuter la convention en qualité de substituée de la société Marne et Finance.
Toutefois, dans la convention du 19 novembre 2021 organisant les modalités de rachat de titres intervenue entre l'appelante et la société Marne et Finance, en présence de la société Developimmag, qui présente un caractère transactionnel, l'appelante a notamment expressément renoncé à obtenir le rachat de ses titres dans les conditions prévues au pacte d'associés, et accepté les modalités de rachat déterminées d'un commun accord entre les parties et annexées à cette convention. Or, si les parties ont stipulé à l'article 4 de la convention du 19 novembre 2021 une faculté de substitution de la société Marne et Finance par la société Developimmag, cette simple faculté n'a pas obligé les parties à y recourir pour toute cession à intervenir, ainsi que l'a exactement retenu le premier juge.
C'est donc vainement que l'appelante, à l'appui du principe de créance allégué, se prévaut des stipulations du pacte d'actionnaire et de celles de la convention du 19 novembre 2021.
Le document saisi le 9 décembre 2021 par la DGCCRF dans le bureau du président de la société Marne et Finance, qui précise notamment que « dans la pratique ['] ce sont les sociétés supports qui rachètent leurs propres titres par réduction de capital » est sans emport, en présence de la transaction intervenue.
L'intimée conclut par conséquent à juste raison à la confirmation du jugement entrepris, puisque la convention du 19 novembre 2021 ne comporte ni engagement de la société Developimmag ni faculté de substitution de la société Marne et Finance.
Sur les demandes accessoires
Le jugement entrepris ayant exactement statué, il sera entièrement confirmé.
L'appelante sera déboutée de ses demandes.
En vertu de l'article 700 du code de procédure civile en appel et en équité, la société Pierres investissement recevra une indemnité de procédure dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt.
Mme [O], qui succombe en son appel, sera également condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande d'annulation du jugement entrepris,
Confirme le jugement entrepris,
Condamne Mme [O] à payer 3 500 euros à la société Pierres investissement au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [O] aux dépens,
Rejette les demandes plus amples ou contraires.
Le greffier, Le Président,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2025
(n° 413 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/09704 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJP2S
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2024-Juge de l'exécution de [Localité 5]- RG n° 24/80136
APPELANTE
Madame [C] [I] épouse [O]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Dimitri PINCENT de la SELEURL PINCENT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322
INTIMÉE
S.A. PIERRES INVESTISSEMENT
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Julien ANDREZ de la SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK, avocat au barreau de PARIS, toque : P334
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Dominique GILLES, Président de chambre
Madame Violette BATY, Conseiller
Monsieur Cyril CARDINI, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Dominique GILLES, Président de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Dominique GILLES, Président de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
Le 19 avril 2017, Mme [C] [I] épouse [O] a, d'une part, acquis 600 parts sociales de la SCS Developimmag, d'autre part signé une promesse de rachat par la société Marne et Finance à son bénéfice.
Le 19 novembre 2021, la société Marne et Finance et Mme [O] sont convenues, en présence de la société Developimmag, d'une modification des conditions initiales de rachat des titres et d'un échéancier mensuel pour y procéder entre le 20 juillet 2021 et le 20 juin 2022, qui n'a été honoré que partiellement.
Le 2 septembre 2022, la société Developimmag a été absorbée par la société Pierres Investissement.
Le 12 septembre 2022, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Marne et Finance. Le 5 décembre 2023, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Marne et Finance.
Autorisée par ordonnance du 25 octobre 2023, Mme [O] a, par actes de commissaire de justice du 15 novembre 2023 fait pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la société So Bio, locataire de la société Pierres investissement. Cette mesure a été ordonnée en garantie d'une créance évaluée provisoirement à la somme de 61 337 euros en principal. Cette saisie a été dénoncée à la société Pierres investissement le 21 novembre 2023.
Par acte du 23 janvier 2024, la société Pierres investissement a fait assigner Mme [O] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de mainlevée de la saisie.
Par jugement du 21 mai 2024, le juge de l'exécution a :
écarté des débats les conclusions déposées par Mme [O] à l'audience du 25 mars 2024 ;
dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces produites par Mme [O] à l'audience du 25 mars 2024 ;
ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par Mme [O] au préjudice de la société Pierres investissement le 15 novembre 2023 entre les mains de la société So Bio ;
condamné Mme [O] au paiement des dépens de l'instance ;
condamné Mme [O] à payer à la société Pierres investissement la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté Mme [O] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour décider d'écarter des débats les conclusions de Mme [O], le juge a considéré que la production de vingt-huit pages de conclusions la veille de l'audience ne permettait pas à la demanderesse d'en prendre connaissance et d'y répondre avant la tenue de celle-ci.
Pour justifier le rejet de la demande d'écarter les pièces de Mme [O], le juge a considéré que la société Pierre investissements en avait eu connaissance dès lors qu'elles étaient jointes à la requête.
S'agissant de la contestation de la saisie, le juge a estimé que la créance ne paraissait pas fondée en son principe au motif que la faculté de substitution dont se prévalait Mme [O] en exécution du protocole transactionnel du 19 novembre 2021, pour considérer que la société Marne et Finance s'était substituée à la société Developimmag, bien qu'elle figurât expressément dans le protocole n'avait pas entraîné la substitution de débitrice pour les cessions de part non encore intervenues.
Par déclaration du 23 mai 2024, Mme [O] a formé appel de ce jugement. Parallèlement à cette procédure, elle a saisi le premier président de la cour d'appel d'une demande de sursis à exécution du jugement, qui a été rejetée par ordonnance du 24 octobre 2024.
Par dernières conclusions du 3 juillet 2025, Mme [O] demande à la cour de :
A titre principal,
annuler le jugement entrepris ;
Ou, à défaut,
infirmer l'intégralité des chefs du jugement entrepris ;
Et statuant à nouveau,
constater que la demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées est sans objet ;
débouter la société Pierres investissement de ses prétentions indemnitaires ;
condamner la société Pierres investissement à lui verser la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
condamner la société Pierres investissement aux dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions du 1er juillet 2025, la société Pierres investissement demande à la cour de :
débouter Mme [O] de sa demande d'annulation et de sa demande de réformation du jugement entrepris ;
constater que Mme [O] ne justifie ni d'une créance paraissant fondée en son principe ni de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ;
En conséquence,
confirmer le jugement entrepris ;
débouter Mme [O] de toute prétention ;
condamner Mme [O] à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
et la condamner aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la demande d'annulation du jugement entrepris
L'appelante reproche au premier juge, à la fois d'avoir statué uniquement sur les seules écritures produites par la société Pierres Investissement, ce en violation du principe du contradictoire, et d'avoir écarté ses écritures sur le fondement de l'article 135 du code de procédure civile, alors que cette disposition ne concerne que les seules pièces probatoires et non les conclusions des parties.
Elle ajoute que ses conclusions de première instance ont été communiquées après étude d'un jugement rendu par le juge de l'exécution dans une affaire similaire le 14 mars 2024, dans un temps utile et raisonnable, en faisant observer, outre que la société Pierres investissement n'avait elle-même conclu que quelques jours avant l'audience, qu'elle avait connaissance de l'argumentaire soutenu puisque les écritures écartées reprenaient le même argumentaire que dans le dossier objet du jugement du 14 mars 2024.
Elle soutient également que le premier juge n'a pas respecté les conditions de l'article 446-2 du code de procédure civile, puisqu'aucun calendrier de procédure n'avait été fixé et qu'aucune atteinte aux droits de la défense n'a été caractérisée.
Enfin, elle considère sur le fondement de l'article 455 du code de procédure civile, que le premier juge n'a pas non plus tenu compte des explications orales de son conseil qui ne sont pas mentionnées dans la décision.
Pour ces raisons, elle estime que le premier juge a porté une atteinte grave à son droit fondamental à un procès équitable au sens de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), ainsi qu'au principe du contradictoire garanti par l'article 16 du code de procédure civile.
En réplique, l'intimée conteste toute violation du principe du contradictoire, en faisant observer que parmi les pièces produites en première instance par Mme [O], qui ont été retenues par le premier juge, figurait la requête aux fins de saisie conservatoire de l'appelante qui contenait l'argumentation de cette dernière et que la procédure devant le juge de l'exécution étant orale, les parties ont pu exposer leur argumentation au cours de leurs plaidoiries.
Réponse de la cour
Le litige sera apprécié à la lumière des articles 15, 16, 135, 444, 446-2 et 455 du code de procédure civile, ainsi que de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale.
Il sera relevé que les conclusions prétendument écartées à tort par le premier juge sont produites devant la cour par la société Pierres investissement (en pièce 18).
Ces conclusions demandaient d'abord la nullité de l'assignation ayant introduit l'instance devant le juge de l'exécution ; or, cette demande n'est pas soutenue devant la cour.
Elles demandaient, ensuite, le rejet de la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 25 octobre 2023 et la mainlevée des saisies conservatoires.
Les moyens à l'appui de ces prétentions s'articulent autour de l'existence, d'une part, d'un principe de créance contre la société Pierres investissement et, d'autre part, de menaces sérieuses dans le recouvrement de la créance.
Concernant de telles menaces contre la société Pierres investissement, des développements abondants de ces conclusions sont consacrés à l'analyse des comptes de cette société, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2022.
Or, le jugement entrepris énonce les prétentions de l'appelante -alors défenderesse-, formées à l'audience de jugement de l'affaire du 25 mars 2024, ainsi que les moyens par elle invoqués. Ces derniers concernent non seulement ceux présentés pour s'opposer à la demande de rejet des conclusions et pièces formées par la société Pierres investissement mais encore ceux, sur le fond, à l'appui de la justification des conditions de l'article L. 511-1 du code des procédures d'exécution destinées à fonder les saisies conservatoires qu'elle a pratiquées.
La motivation du jugement entrepris établit, d'une part, que le premier juge a bien examiné le moyen de l'appelante pris de « la faculté de substitution dont [elle]se prévaut ['] pour considérer que la société Marne & Finance s'est substituée la société Developimmag [']» et, d'autre part, que le jugement y répond, dès lors qu'il énonce : « Dans ces conditions, il n'apparaît pas que la société Developimmag soit devenue elle-même débitrice de [l'appelante] de l'ensemble de la créance de la société Marne & Finance ainsi que le prétend la défenderesse. »
La cour vérifie ainsi que les moyens développés aux conclusions prétendument écartées à tort et venant à l'appui de la démonstration par l'appelante de son principe de créance n'étaient pas nouveaux au regard de ceux dont elle a valablement saisi le premier juge, qui sont succinctement exposés dans le jugement entrepris.
Si l'appelante affirme que les explications soutenues à l'oral par son conseil n'ont pas été retenues ni prises en compte, puisqu'il n'en est pas fait état dans la décision, rien ne vient prouver le fait allégué, les explications orales prétendument omises n'étant pas même précisées par l'appelante. En outre, il sera observé, d'une part, que concernant l'existence du principe de créance, le premier juge a tenu compte des moyens soutenus et y a répondu et que, d'autre part, le premier juge ayant rejeté le moyen pris de l'existence d'un principe de créance, les éventuelles explications orales concernant les menaces sur le recouvrement non seulement ne sont pas prouvées mais, en outre, à supposer même qu'elles aient été omises à l'occasion de la rédaction du jugement entrepris, il n'a pu en résulter aucun grief pour l'appelante.
En effet, la cour relève que le premier juge a uniquement motivé sa décision sur l'absence de créance paraissant fondée en son principe, ce qui ne caractérise aucun défaut de motivation, puisque les deux conditions, celle tenant à l'existence d'un principe de créance et celle tenant à des menaces sérieuses pesant sur le recouvrement, sont cumulatives, en vertu des dispositions mêmes de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution invoquées par l'appelante.
Par conséquent, l'appelante se prévaut vainement des explications qu'elle a apportées par voie des conclusions prétendument écartées à tort, concernant, en particulier, la lecture d'une pièce comptable produite par la société Pierre investissements. En effet, selon le moyen, ces explications auraient eu pour seul objet de répondre à la présentation trompeuse de cette pièce comptable, afin d'établir, uniquement, l'existence de menaces pesant sur le recouvrement de la créance.
Le défaut de motivation allégué, pris de la violation de l'article 455 du code de procédure civile, n'est, par conséquent, pas établi.
Concernant le grief fait au premier juge d'avoir écarté des débats les conclusions déposées par le conseil de l'appelante à l'audience du 25 mars 2024, il est soutenu, sur le fondement de l'article 446-2 du code de procédure civile et de l'article 16 du même code, que les circonstances particulières ayant empêché le respect du principe de la contradiction ne sont pas précisées au jugement, et que rien ne caractérise un comportement de l'appelante contraire à la loyauté des débats.
Il est reproché au premier juge, s'il estimait que la société Pierres investissement n'avait pas pu prendre connaissance des écritures de l'investisseur, de n'avoir ni prononcé de renvoi ni ordonné de réouverture des débats en vertu de l'article 444 du code de procédure civile.
L'appelante fait valoir que la société Pierres investissement l'avait assignée pour l'audience du 12 février 2024 et que l'affaire a été retenue deux mois plus tard seulement, puis a été mise en délibéré à une date située encore deux mois plus tard.
L'appelante estime qu'il n'y avait pourtant aucune urgence et que la décision a été rendue de manière expéditive.
Toutefois, il résulte de ce qui précède que le premier juge a pu estimer, d'une part, que la communication par l'appelante, défenderesse, de conclusions de vingt-huit pages à la société Pierres investissement, la veille de l'audience, ne permettait pas à cette dernière d'y répondre et, d'autre part, qu'il n'était nullement obligé de rouvrir les débats pour permettre cette réponse.
Cela n'a constitué en l'espèce aucune atteinte portée par le premier juge au principe de la contradiction, peu important que l'appelante ait décidé d'attendre pour conclure d'avoir en main un jugement du 14 mars 2024 dans une affaire liée à la présente, étant observé que le renvoi a bien été accordé par le juge a une date postérieure à cette date et qu'il a été loisible à l'appelante de répondre à l'assignation en temps utile et, en toutes hypothèses, dans un délai permettant à son contradicteur d'en prendre connaissance et, le cas échéant, d'y répondre.
Il est constant, en effet, que l'appelante a été rendue destinataire de la date de premier appel de l'affaire, à savoir le 12 février 2024, puis de la date de renvoi pour jugement, à savoir le 25 mars 2024, de sorte qu'elle a délibérément attendu le dernier jour ouvrable avant la date de cette audience pour exercer sa faculté de déposer des conclusions, ce qui est déloyal.
A cet égard, le premier juge doit être approuvé d'avoir considéré que les conclusions du vendredi 22 mars 2024 de l'appelante n'avaient pas été communiquées en temps utile pour l'audience du lundi 25 mars suivant, dès lors que le samedi et le dimanche ne comptent pas pour la computation des délais de procédure.
Les conclusions tardives du 22 mars 2024 écartées ont bien été communiquées sans motif légitime après la date fixée pour les échanges -ainsi qu'il résulte en l'espèce de la seule date d'audience annoncée- et en portant atteinte aux droits de la défense qui n'a pas été mise en possibilité d'y répondre.
Il importe peu que le demandeur, dont l'assignation valait déjà conclusions, ait choisi de conclure de nouveau le 20 mars 2024.
En présence de cette assignation et des débats oraux établis, il n'est pas exact de soutenir que le premier juge a statué sur les seules écritures de la société Pierre investissement.
Le premier juge, qui n'a pas sollicité d'explications de droit ou de fait, n'était pas tenu de rouvrir les débats en application de l'article 444 du code civil.
Il sera rappelé que le premier juge ayant retenu l'absence de démonstration d'un principe de créance sans se prononcer sur les circonstances menaçant le recouvrement de la créance, il n'a pu être dans l'obligation de rouvrir les débats malgré les moyens soutenus dans les conclusions écartées.
Le premier juge n'a pour autant nullement compromis en l'espèce son impartialité objective.
L'appelante soutient de manière inexacte que le premier juge a écarté ses écritures en vertu de l'article 135 du code de procédure civile.
Il est manifeste en effet, à la lecture de la décision entreprise, que ce texte a bien été énoncé en rapport avec la demande de la société Pierre investissement d'écarter ses pièces numérotées de 1 à 5.
Nulle atteinte au principe de la contradiction ou aux principes découlant de l'article 6 de la CEDH ne peut être retenue en l'espèce.
Par conséquent, la demande de nullité du jugement entrepris est mal fondée et sera rejetée.
Sur l'existence d'un principe de créance
Les moyens développés par Mme [O] au soutien de son appel concernant l'existence d'un principe de créance sur la société Pierres investissement ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.
A ces justes motifs, il sera ajouté que, statuant au fond sur la créance invoquée par Mme [O] contre la société Pierres investissement, le tribunal des affaires économiques de Paris, par jugement du 16 juin 2025, a débouté l'appelante de ses demandes, au motif que l'entité immobilière aux droits desquelles vient l'intimée, en l'occurrence la société Developimmag, n'avait consenti aucune obligation à l'occasion de l'acte organisant le rachat des parts sociales, le seul débiteur restant la société Marne et Finance et que les paiements partiels volontaires ayant pu être effectués par les entités immobilières ne suffisaient pas à caractériser une volonté de se substituer au débiteur initial à la société Marne et Finance.
Ce jugement considère que ni les rachats partiels anticipés obtenus par Mme [O] en 2019 et 2020 et qui ont été réglés par la société Developimmag après avoir été discutés avec la société Marne et Finance, ni le règlement par cette société du premier terme de l'échéancier consenti le 19 novembre 2021 aux termes de la transaction, ne devaient conduire à retenir que les parties, aux termes de leurs engagements contractuels avaient conclu l'obligation de recourir à une telle substitution.
L'appelante soutient que ce jugement ne peut lier la cour, dès lors qu'un appel aurait vocation à être inscrit en présence -selon elle- d'une erreur manifeste d'appréciation du tribunal ayant consisté à conditionner la preuve de la substitution alléguée à la production d'un écrit, au mépris d'un large faisceau d'indices concordants prouvant la substitution.
En particulier, Mme [O] fait valoir qu'elle a bénéficié de paiements de la part de la société Developimmag, ainsi qu'en fait foi son relevé bancaire, ces paiements étant fait à titre personnel et non pour la société Marne et Finance, dès lors qu'un tel paiement pour autrui était prohibé par l'article 11 du pacte d'associés, intitulé « Incessibilité » qui se lit ainsi :
« La présente convention est conclue de façon intuitu personae. / Hors la possibilité de substitution stipulée à l'article 7, la présente convention ne pourra être cédée ni transférée, pas plus que les droits et obligations qui y figurent, à quelque personne que ce soit, par l'une ou l'autre des parties, sans l'accord exprès, préalable et écrit de l'autre partie. »
L'appelante affirme qu'à défaut d'accord écrit préalable de sa part, la société Developimmag a commencé d'exécuter la convention en qualité de substituée de la société Marne et Finance.
Toutefois, dans la convention du 19 novembre 2021 organisant les modalités de rachat de titres intervenue entre l'appelante et la société Marne et Finance, en présence de la société Developimmag, qui présente un caractère transactionnel, l'appelante a notamment expressément renoncé à obtenir le rachat de ses titres dans les conditions prévues au pacte d'associés, et accepté les modalités de rachat déterminées d'un commun accord entre les parties et annexées à cette convention. Or, si les parties ont stipulé à l'article 4 de la convention du 19 novembre 2021 une faculté de substitution de la société Marne et Finance par la société Developimmag, cette simple faculté n'a pas obligé les parties à y recourir pour toute cession à intervenir, ainsi que l'a exactement retenu le premier juge.
C'est donc vainement que l'appelante, à l'appui du principe de créance allégué, se prévaut des stipulations du pacte d'actionnaire et de celles de la convention du 19 novembre 2021.
Le document saisi le 9 décembre 2021 par la DGCCRF dans le bureau du président de la société Marne et Finance, qui précise notamment que « dans la pratique ['] ce sont les sociétés supports qui rachètent leurs propres titres par réduction de capital » est sans emport, en présence de la transaction intervenue.
L'intimée conclut par conséquent à juste raison à la confirmation du jugement entrepris, puisque la convention du 19 novembre 2021 ne comporte ni engagement de la société Developimmag ni faculté de substitution de la société Marne et Finance.
Sur les demandes accessoires
Le jugement entrepris ayant exactement statué, il sera entièrement confirmé.
L'appelante sera déboutée de ses demandes.
En vertu de l'article 700 du code de procédure civile en appel et en équité, la société Pierres investissement recevra une indemnité de procédure dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt.
Mme [O], qui succombe en son appel, sera également condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande d'annulation du jugement entrepris,
Confirme le jugement entrepris,
Condamne Mme [O] à payer 3 500 euros à la société Pierres investissement au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [O] aux dépens,
Rejette les demandes plus amples ou contraires.
Le greffier, Le Président,