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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 16 octobre 2025, n° 25/00126

VERSAILLES

Autre

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CA Versailles n° 25/00126

16 octobre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

Chambre civile 1-5

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 16 OCTOBRE 2025

N° RG 25/00126 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W6EC

AFFAIRE :

S.A.R.L. INLA

C/

S.A.R.L. [F]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 20 Décembre 2024 par le Président du TJ de [Localité 9]

N° RG : 24/00328

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 16.10.2025

à :

Me Christelle NICLET-LAGEAT, avocat au barreau de VAL D'OISE (155)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. INLA

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 892 716 697

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Christelle NICLET-LAGEAT de la SCP BOQUET-NICLET-LAGEAT, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 155 - N° du dossier E0007Z0N

APPELANTE

****************

S.A.R.L. [F]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 401 031 638

[Adresse 3]

[Localité 8]

(défaillante : déclaration d'appel signifiée à personne morale le 24 janvier 2025)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente,

M. Bertrand MAUMONT, Conseiller,

Monsieur Ulysse PARODI, Vice président placé,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er février 2021, la S.A.R.L. [F] a consenti un bail commercial à la S.A.R.L. Inla portant sur des locaux commerciaux situés [Adresse 2] à [Localité 10], pour une durée de neuf années moyennant un loyer annuel de 66 000 euros hors taxes et hors charges.

Des loyers et des charges sont demeurés impayés.

Par acte du 23 novembre 2022, la société [F] a fait délivrer à la société Inla un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur la somme de 41 022,12 euros.

Par acte du 29 décembre 2023, la société [F] a de nouveau fait délivrer à la société Inla un commandement de payer visant la clause résolutoire, portant sur la somme de 26 958,08 euros.

Ces derniers sont demeurés infructueux.

Par acte de commissaire de justice délivré le 13 mars 2024, la société [F] a fait assigner en référé la société Inla aux fins d'obtenir principalement le constat de l'acquisition de la clause résolutoire, l'expulsion de la locataire et sa condamnation à lui payer la somme provisionnelle de 59 560,24 euros au titre de l'arriéré locatif, outre une indemnité d'occupation.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 20 décembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 1er février 2021 et la résiliation de ce bail à la date du 20 janvier 2024 ;

- ordonné, à défaut de départ volontaire des lieux situés [Adresse 2] à [Localité 10], dans un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Inla et celle de tous occupants de son chef des locaux loués, si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

- dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en au autre lieu approprié et décrits avec précision par le commissaire de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné la société Inla à payer à la société [F] la somme provisionnelle de 68 822,27 euros au titre des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation impayés, arrêtée au 16 septembre 2024, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 29 décembre 2023 sur la somme de 26 708,92 euros et à compter du 13 mars 2024 pour le surplus ;

- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Inla à la société [F], à compter de la résiliation du bail, soit le 30 janvier 2024, et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires

- condamné la société Inla au paiement de cette indemnité ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de délais de paiement ;

- condamné la société Inla à payer à la société [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties ;

- condamné la société Inla au paiement des dépens comprenant le coût du commandement de payer du 29 décembre 2023 ;

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 30 décembre 2024, la société Inla a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Par jugement rendue le 27 janvier 2025, le tribunal de commerce de Pontoise a placé la société Inla en redressement judiciaire. Il a désigné la SELAS Arva, prise en la personne de Maître [X] [B], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Inla et la SELARL Asteren, prise en la personne de Maître [Z] [I], en qualité de mandataire judiciaire de la société Inla.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 19 mars 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société Inla, la société Arva, prise en la personne de Maître [B], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Inla et la société Asteren, prise en la personne de Maître [I], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Inla demandent à la cour, au visa des articles 325 et 369 du code de procédure civile, L. 622-21, L. 622-24 et L. 622-25 du code de commerce, de :

'- accueillir en leurs interventions volontaires :

la société Arva, société d'exercice libéral par action simplifiée au capital social de 2 000 euros, ayant son siège social sis [Adresse 5], immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 483 285 698, prise en la personne de Maître [X] [B] [Adresse 6], désignée en qualité d'administrateur judiciaire de la société Inla par jugement rendu le 27 janvier 2025 par le tribunal de commerce de Pontoise ;

la société Asteren, société d'exercice libéral à responsabilité limitée au capital social de 10 000 euros, ayant son siège social sis [Adresse 1], immatriculée au RCS de Dijon sous le numéro 808 344 071, prise en la personne de Maître [Z] [I] [Adresse 4], désignée en qualité de mandataire judiciaire de la société Inla par jugement rendu le 27 janvier 2025 par le tribunal de commerce de Pontoise ;

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 20 décembre 2024 par le président du tribunal judiciaire de Pontoise en ce que ce dernier a :

« - constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 1er février 2021 et la résiliation de ce bail à la date du 20 janvier 2024 ;

- ordonné à défaut de départ volontaire des lieux situés au [Adresse 2] à [Localité 11], dans un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la S.A.R.L. Inla et celle de tous occupants de son chef des locaux loués, si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

- dit que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu 'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamne la S.A.R.L. Inla à payer à S.A.R.L. Bila la somme provisionnelle de 68 822,27 euros au titre des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation impayés, arrêtée au 16 septembre 2024, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 29 décembre 2023 sur la somme de 26 708,92 euros et à compter du 13 mars 2024 pour le surplus ;

- fixe à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la S.A.R.L. Inla à la S.A.R.L. [F], à compter de la résiliation du bail, soit le 30 janvier 2024, et jusqu 'à la libération effective des lieux caractérisée par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ; et

- condamner la S.A.R.L. Inla au paiement de cette indemnité ;

- dit n 'y avoir lieu à référé sur la demande de délais de paiement ;

- condamne la S.A.R.L. Inla à payer à la S.A.R.L. [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la S.A.R.L. Inla au paiement des dépens comprenant le coût du commandement de payer du 29 décembre 2023 ; »

et statuant à nouveau,

- constater que le bail commercial est un contrat en cours ; et par conséquent

- dire n'y avoir lieu à l'acquisition de la clause résolutoire ; et

- fixer la créance de la société [F] au passif de la société Inla à la somme de 37 454,79 euros ;

en tout état de cause,

- condamner la société à responsabilité limitée [F] à payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société à responsabilité limitée [F] aux entiers dépens.'

La société [F], à qui la déclaration d'appel a été signifiée, à personne morale, le 24 janvier 2025 et les conclusions, à étude du commissaire de justice, le 26 mars 2025, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 juin 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'article L. 622-21 I du code de commerce dispose que le jugement d'ouverture d'une procédure collective " interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° À la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° À la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent."

En application de ces dispositions, applicables à la procédure de redressement judiciaire par renvoi de l'article L. 631-14, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt les instances en cours qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ainsi qu'à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Il résulte donc de ces dispositions que la bailleresse ne peut pas poursuivre en justice le constat de l'acquisition de la clause résolutoire pour des loyers et des charges impayés échus avant l'ouverture de la procédure collective une fois le redressement prononcé compte tenu de l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers.

Au cas présent, la décision dont appel date du 20 décembre 2024 tandis que la procédure de redressement judiciaire de la société Inla a été ouverte par jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 27 janvier 2025, de sorte qu'à cette date, elle n'était pas passée en force de chose jugée.

En application des textes susvisés, à défaut de décision passée en force de chose jugée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, une demande tendant à la constatation en référé de l'acquisition d'une clause résolutoire d'un bail commercial pour défaut de paiement de loyers échus avant l'ouverture de la procédure collective se heurte à l'interdiction des poursuites et doit être déclarée irrecevable.

Il est par ailleurs constant que seules les condamnations prononcées par le juge du fond peuvent faire l'objet d'une fixation au passif d'une société en redressement judiciaire et qu'une provision susceptible d'être accordée par le juge des référés n'étant par nature qu'une créance provisoire, ne peut faire l'objet d'une telle fixation, la demande concernant cette créance devant être soumise au juge-commissaire dans le cadre de la procédure de vérification des créances.

Par voie d'infirmation, il convient dès lors de déclarer la société [F] irrecevable en toutes ses demandes formées à l'encontre de la société Inla.

Sur les demandes accessoires

Au regard de la nature de la présente décision, l'infirmation relevant pour l'essentiel de l'ouverture d'une procédure collective au profit de la société Inla, la décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société [F] devra supporter les dépens d'appel.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Vu le jugement d'ouverture de la procédure collective rendu le 27 janvier 2025 par le tribunal de commerce de Pontoise intéressant la société Inla,

Infirme l'ordonnance entreprise à l'exception de ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité procédurale ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société [F] irrecevable en ses demandes d'acquisition de la clause résolutoire et en paiement formées à l'encontre de la société Inla ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne la société [F] aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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