CA Rouen, ch. civ. et com., 16 octobre 2025, n° 25/00225
ROUEN
Autre
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N° RG 25/00225 - N° Portalis DBV2-V-B7J-J3QK
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 16 OCTOBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/00663
Ordonnance du président du tribunal judiciaire de Rouen du 24 janvier 2024
APPELANTS :
Monsieur [L] [M]
né le 17 janvier 1972 à [Localité 7] (Chine)
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Stéphane SELEGNY de la SELARL AXLAW, avocat au barreau de ROUEN
S.A.R.L. STEAKHOUSE 76
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Stéphane SELEGNY de la SELARL AXLAW, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.C.I.. SCI LES 3 PHI
[Adresse 8]
[Localité 2]
représentée et assistée par Me Mélanie GUESDON, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 19 juin 2025 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme VANNIER, présidente de chambre
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 19 juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 octobre 2025.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 16 octobre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte authentique du 25 avril 2018, la SCI Les 3 Phi a consenti à M. [M], avec faculté de substitution, un bail commercial pour une durée de 10 années à compter du 9 juillet 2019 portant sur des locaux sis [Adresse 6] en contrepartie d'un loyer annuel de 144 620 euros hors taxes et hors charges.
Le 30 septembre 2019, M. [M] a créé la SARL Steakhouse 76, dont il est le gérant, exerçant une activité de restauration.
Les 13 et 19 avril 2022, la SCI Les 3 Phi a fait délivrer respectivement à M. [M] et à la société Steakhouse 76 un commandement de payer, visant la clause résolutoire, à hauteur de 304 118,72 euros au titre des loyers, charges et accessoires dus, outre les intérêts et frais de l'acte.
Ce commandement de payer étant demeuré infructueux, la SCI Les 3 Phi a, par acte du 15 septembre 2022, fait assigner en référé M. [M] et la société Steakhouse 76 devant le président du tribunal judiciaire de Rouen aux fins notamment de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, ordonner leur expulsion et de les condamner à lui payer la somme de 322 077,62 euros à titre de provision à valoir sur les loyers et les charges impayés.
Par ordonnance de référé du 24 janvier 2023, le président du tribunal judiciaire de Rouen a :
- constaté la résiliation du bail liant les parties à compter du 20 mai 2022 ;
- condamné Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 à restituer les lieux dans le mois de la signification de la présente décision sous peine, passé ce délai, d'expulsion et de celle de tous occupants de son fait par les voies légales, au besoin avec l'assistance de la force publique ;
- condamné Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 à payer à la SCI Les 3 Phi, à titre provisionnel :
* 255 718,77 euros au titre des loyers et charges ;
* une indemnité trimestrielle d'occupation de 48 399,97 euros à compter du 1er juillet 2022 et jusqu'à la date de libération effective des lieux.
- dit que la somme de 255 718,77 euros portera intérêt à taux légal à compter du commandement de payer, que le surplus des sommes échues porteront intérêts à compter du jour de la présente ordonnance et que les indemnités mensuelles à échoir porteront intérêts du jour de leur exigibilité ;
- rejeté la demande tendant à voir suspendre les effets de la clause résolutoire ;
- condamné Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 à payer à la SCI Les 3 Phi la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 aux dépens de l'instance, y compris le coût du commandement de payer du 13 et 19 avril 2022, les frais de levée d'un état d'inscription prises sur le fonds de commerce du locataire et les frais de notification aux éventuels créanciers inscrits.
Monsieur [L] [M] et la société Steakhouse 76 ont interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 17 janvier 2025.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 7 avril 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de Monsieur [L] [M] et la société Steakhouse 76 qui demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance prononcée le 24 janvier 2023 par Monsieur le président du tribunal judiciaire de Rouen, et signifiée le 3 janvier 2025, en ce qu'elle a :
« chefs du jugement critiqués :
1er chef de jugement critiqué : « constate la résiliation du bail liant les parties à compter du 20 mai 2022 » ;
2ème chef de jugement critiqué : « condamne Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 à restituer les lieux dans le mois de la signification de la présente décision sous peine, passé ce délai, d'expulsion et de celle de tous occupants de son fait par les voies légales, au besoin avec l'assistance de la force publique » ;
3ème chef de jugement critiqué : « condamne Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 à payer à la SCI Les 3 Phi, à titre provisionnel :
- 255 718,77 euros au titre des loyers et charges ;
- une indemnité trimestrielle d'occupation de 48.399,97 euros à compter du 1er juillet 2022 et jusqu'à la date de libération effective des lieux ».
4ème chef de jugement critiqué : « dit que la somme de 255 718,77 euros portera intérêt à taux légal à compter du commandement de payer, que le surplus des sommes échues porteront intérêts à compter du jour de la présente ordonnance et que les indemnités mensuelles à échoir porteront intérêts du jour de leur exigibilité» ;
5ème chef de jugement critiqué : « rejette la demande tendant à voir suspendre les effets de la clause résolutoire » ;
6ème chef de jugement critiqué : « condamne Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 à payer à la SCI Les 3 Phi la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile » ;
7ème chef de jugement critiqué : « condamne Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 aux dépens de l'instance, y compris le coût du commandement de payer du 13 et 19 avril 2022, les frais de levée d'un état d'inscription prises sur le fonds de commerce du locataire et les frais de notification aux éventuels créanciers inscrits».
Et, statuant à nouveau,
- dire que Steakhouse 76 ainsi que Monsieur [M] sont des débiteurs de bonne foi ;
- débouter la SCI Les 3 Phi de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- accorder rétroactivement à Steakhouse 76, ainsi qu'à Monsieur [M], la possibilité de s'acquitter du règlement de la dette locative contractée en 24 mensualités d'égal montant, le premier règlement devant intervenir dans le mois qui suit la signification de l'arrêt qui sera prononcé, et les suivants, à chaque date anniversaire mensuelle, le règlement du loyer courant en sus ;
- suspendre rétroactivement pendant ce délai, et jusqu'au complet paiement de la dette locative, les effets de la clause résolutoire insérée au bail commercial et visée dans le commandement de payer signifié les 19 et 22 avril 2023 ;
- condamner Les 3 Phi à verser à Steakhouse 76, ainsi qu'à Monsieur [M], la somme de 5 000 euros selon le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les conclusions du 7 juin 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la SCI Les 3 Phi qui demande à la cour de :
- débouter les appelants, la société Steakhouse 76 et de Monsieur [M] de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;
- confirmer la décision dont appel en tous points.
Y ajoutant,
- condamner la société Steakhouse 76 et Monsieur [M] ensemble en chaque hypothèse au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Moyens des parties
M. [M] et la société Steakhouse 76 soutiennent que :
* les parties ont régularisé un protocole d'accord ;
* à la date de la mise en demeure du 15 septembre 2023, le bailleur soutient que la société Steakhouse 76 était redevable de la somme de 27 644,95 euros ; or elle était à jour de l'échéancier mis en place ;
* l'intimé a cru pouvoir faire délivrer à Steakhouse 76 le 27 décembre 2024, un commandement de saisie vente, invoquant l'existence d'une dette locative d'un montant de 282.523,86 euros ainsi qu'un commandement de quitter les lieux ;
* le 5 janvier 2025, elle a fait savoir à la SCI Les 3 Phi que le protocole étant parfaitement respecté à la date de la mise en demeure.
La SCI Les 3 Phi réplique que :
* après la décision de référé, les parties étaient parvenues à un accord le 22 mars 2023 sur les modalités de paiement des sommes dues ; cet accord n'a pas été respecté, il est caduc ;
* les lieux loués ne sont pas libérés et l'occupante ne paie pas l'indemnité d'occupation et n'a pas apuré sa dette ; la situation est irrémédiablement compromise.
Réponse de la cour
Sur la résiliation du bail
L'article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
La juridiction des référés n'est toutefois pas tenue de caractériser l'urgence pour constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du droit au bail.
Il résulte des dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les commandements des 13 et 19 avril 2022 ont été délivrés à M. [M] et à la société Steakhouse 76 pour paiement de la somme de 304 118,72 euros en principal comprenant les loyers dus entre le 6 décembre 2021 et le 23 février 2022.
Par l'ordonnance de référé du 24 janvier 2024, outre la résiliation du bail et l'expulsion, M. [M] et la société Steakhouse 76 ont été condamnés à payer à la SCI Les 3 Phi à titre provisionnel la somme de 255 718,77 euros au titre des loyers et charges outre une indemnité trimestrielle d'occupation de 48 399,97 euros à compter du 1er juillet 2022 et jusqu'à la date de libération effective des lieux.
Les parties ont signé un protocole transactionnel le 23 mars 2023 duquel il ressort pour l'essentiel en son article 2 que :
'Le preneur reconnaît devoir la somme de 301.288,81 euros, décomposée comme suit :
- 286.217,57 euros au titre des loyers antérieurs au 1er Juillet 2022, - 4.823,24 euros au titre de la régularisation des charges des années 2019 à 2021 ainsi que la régularisation de la consommation d'eau pour l'année 2021,
- 10.248,00 euros au titre de la facturation de la taxe foncière pour les années 2021 et 2022.
Le preneur s'engage à apurer sur la dette de 301.288,81 euros la somme de 120 000 euros TTC suivant les modalités ci-après détaillées :
- 10.000 euros d'ici le 31 Mars 2023,
- 3.000 euros par mois pendant 36 mois, le 1er de chaque mois à compter du mois d'avril 2023, et ce, jusqu'au mois de Mars 2026,
- 2.000 euros le 1er avril 2026.
Le preneur reconnaît devoir la somme de 18566,79 euros au titre d'indemnités d'occupation relatives au 1er trimestre 2023, et s'engage à solder cette somme d'ici le 31 Mars 2023.
Le preneur s'engage également à régler par tiers mensuellement les indemnités d'occupation trimestrielles qui seront facturées ainsi que toute somme qui sera appelée en lien avec l'occupation du local et dans le mois de sa facturation.
(...)'
Aux termes de l'article 3, « le bailleur renonce à mettre en 'uvre la procédure d'expulsion des locaux envers le preneur, devenu, depuis l'ordonnance du 24 janvier 2023 occupant sans droit ni titre. Le bailleur renonce à mettre en 'uvre la procédure en recouvrement forcée des sommes auxquelles le preneur a été condamné via l'ordonnance du 24 janvier 2023 (...) »
L'article 5 dudit protocole stipule que :
« En cas d'irrespect d'un seul des engagements mentionnés aux article 2 et 3, il est expressément rappelé aux parties que le présent protocole deviendra automatiquement caduc après une mise en demeure de s'exécuter adressée par la partie lésée à celle ne respectant pas ses engagements, restée sans effet dans les 15 jours suivant sa réception. (...) »
Par courrier du 15 septembre 2023, la SCI Les 3 Phi a adressé à la société Steakhouse 76 une mise en demeure d'avoir à régler la somme de 27.644,95 euros sous quinzaine, en exécution du protocole, précisant qu'à défaut la SCI entendait invoquer la caducité dudit protocole. Le bailleur y indique que M. [M] et la société Steakhouse 76 restent devoir cette somme au titre des indemnités d'éviction postérieures à la dette à apurer. Il est précisé que le détail de la dette figure au tableau joint.
Le tableau joint produit par les appelantes ne mentionne cependant pas cette somme de 27 644,95 euros qui ne correspond pas au montant de l'indemnité d'occupation réclamée à l'occupante qui s'élève, selon les tableaux annexés aux commandements aux fins de saisie vente et d'avoir à quitter les lieux, à la somme de 48 399,97 euros par trimestre et qui est payée par M. [M] et la société Steakhouse 76 par versements mensuels de 16 133,32 euros.
Ainsi la SCI Les 3Phi n'explicite pas le détail du montant réclamé de 27 644,95 euros aux termes de son courrier du 15 septembre 2023 et les décomptes produits par M. [M] et la société Steakhouse 76 qui sont ceux annexés aux actes ci-dessus mentionnés font au contraire ressortir les virements mensuels et réguliers de la société Steakhouse 76 à la SCI bailleresse des sommes de 16 133,32 euros et de 3000 euros depuis la signature du protocole le 22 mars 2023 et au-delà de la mise en demeure du 15 septembre 2023 outre un virement de 10 000 euros le 23 mars 2023. Par ailleurs les appelantes ont conclu sans réponse sur ce point par le bailleur avoir fait à ce dernier des versements en espèces de 20 000 euros fin mars 2023 et de cette même somme fin avril 2023 et de 10 000 euros fin avril 2023 et ceci en présence de madame [P] [V].
Il s'ensuit qu'il n'apparaît pas de ces éléments avec l'évidence requise en référé que le protocole transactionnel du 22 mars 2023 serait caduc au motif que l'indemnité d'occupation ne serait pas payée de sorte que l'ordonnance entreprise sera infirmée en toutes ses dispositions et il sera dit n'y avoir lieu à référé.
La SCI Les 3 Phi sera déboutée de ses demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de la solution apportée au litige, la demande de délais de paiement présentée par M. [M] et la société Steakhouse 76 est sans objet.
Sur les demandes accessoires
La SCI Les 3 Phi étant la partie perdante elle supportera les dépens de première instance et d'appel. Il serait inéquitable que M. [M] et la société Steakhouse 76 conservent l'intégralité de leurs frais irrépétibles exposés en appel de sorte que la SCI Les 3 Phi sera condamnée à leur payer ensemble la somme de 3000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé,
Déboute la SCI Les 3 Phi de ses demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI Les 3 Phi aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la SCI Les 3 Phi à payer à M. [M] et à la société Steakhouse 76 ensemble la somme de 3000 euros au titre de leurs frais irrépétibles.
La greffière, La présidente,
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 16 OCTOBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/00663
Ordonnance du président du tribunal judiciaire de Rouen du 24 janvier 2024
APPELANTS :
Monsieur [L] [M]
né le 17 janvier 1972 à [Localité 7] (Chine)
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Stéphane SELEGNY de la SELARL AXLAW, avocat au barreau de ROUEN
S.A.R.L. STEAKHOUSE 76
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Stéphane SELEGNY de la SELARL AXLAW, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.C.I.. SCI LES 3 PHI
[Adresse 8]
[Localité 2]
représentée et assistée par Me Mélanie GUESDON, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 19 juin 2025 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme VANNIER, présidente de chambre
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 19 juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 octobre 2025.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 16 octobre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte authentique du 25 avril 2018, la SCI Les 3 Phi a consenti à M. [M], avec faculté de substitution, un bail commercial pour une durée de 10 années à compter du 9 juillet 2019 portant sur des locaux sis [Adresse 6] en contrepartie d'un loyer annuel de 144 620 euros hors taxes et hors charges.
Le 30 septembre 2019, M. [M] a créé la SARL Steakhouse 76, dont il est le gérant, exerçant une activité de restauration.
Les 13 et 19 avril 2022, la SCI Les 3 Phi a fait délivrer respectivement à M. [M] et à la société Steakhouse 76 un commandement de payer, visant la clause résolutoire, à hauteur de 304 118,72 euros au titre des loyers, charges et accessoires dus, outre les intérêts et frais de l'acte.
Ce commandement de payer étant demeuré infructueux, la SCI Les 3 Phi a, par acte du 15 septembre 2022, fait assigner en référé M. [M] et la société Steakhouse 76 devant le président du tribunal judiciaire de Rouen aux fins notamment de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, ordonner leur expulsion et de les condamner à lui payer la somme de 322 077,62 euros à titre de provision à valoir sur les loyers et les charges impayés.
Par ordonnance de référé du 24 janvier 2023, le président du tribunal judiciaire de Rouen a :
- constaté la résiliation du bail liant les parties à compter du 20 mai 2022 ;
- condamné Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 à restituer les lieux dans le mois de la signification de la présente décision sous peine, passé ce délai, d'expulsion et de celle de tous occupants de son fait par les voies légales, au besoin avec l'assistance de la force publique ;
- condamné Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 à payer à la SCI Les 3 Phi, à titre provisionnel :
* 255 718,77 euros au titre des loyers et charges ;
* une indemnité trimestrielle d'occupation de 48 399,97 euros à compter du 1er juillet 2022 et jusqu'à la date de libération effective des lieux.
- dit que la somme de 255 718,77 euros portera intérêt à taux légal à compter du commandement de payer, que le surplus des sommes échues porteront intérêts à compter du jour de la présente ordonnance et que les indemnités mensuelles à échoir porteront intérêts du jour de leur exigibilité ;
- rejeté la demande tendant à voir suspendre les effets de la clause résolutoire ;
- condamné Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 à payer à la SCI Les 3 Phi la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 aux dépens de l'instance, y compris le coût du commandement de payer du 13 et 19 avril 2022, les frais de levée d'un état d'inscription prises sur le fonds de commerce du locataire et les frais de notification aux éventuels créanciers inscrits.
Monsieur [L] [M] et la société Steakhouse 76 ont interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 17 janvier 2025.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 7 avril 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de Monsieur [L] [M] et la société Steakhouse 76 qui demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance prononcée le 24 janvier 2023 par Monsieur le président du tribunal judiciaire de Rouen, et signifiée le 3 janvier 2025, en ce qu'elle a :
« chefs du jugement critiqués :
1er chef de jugement critiqué : « constate la résiliation du bail liant les parties à compter du 20 mai 2022 » ;
2ème chef de jugement critiqué : « condamne Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 à restituer les lieux dans le mois de la signification de la présente décision sous peine, passé ce délai, d'expulsion et de celle de tous occupants de son fait par les voies légales, au besoin avec l'assistance de la force publique » ;
3ème chef de jugement critiqué : « condamne Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 à payer à la SCI Les 3 Phi, à titre provisionnel :
- 255 718,77 euros au titre des loyers et charges ;
- une indemnité trimestrielle d'occupation de 48.399,97 euros à compter du 1er juillet 2022 et jusqu'à la date de libération effective des lieux ».
4ème chef de jugement critiqué : « dit que la somme de 255 718,77 euros portera intérêt à taux légal à compter du commandement de payer, que le surplus des sommes échues porteront intérêts à compter du jour de la présente ordonnance et que les indemnités mensuelles à échoir porteront intérêts du jour de leur exigibilité» ;
5ème chef de jugement critiqué : « rejette la demande tendant à voir suspendre les effets de la clause résolutoire » ;
6ème chef de jugement critiqué : « condamne Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 à payer à la SCI Les 3 Phi la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile » ;
7ème chef de jugement critiqué : « condamne Monsieur [M] et la SARL Steakhouse 76 aux dépens de l'instance, y compris le coût du commandement de payer du 13 et 19 avril 2022, les frais de levée d'un état d'inscription prises sur le fonds de commerce du locataire et les frais de notification aux éventuels créanciers inscrits».
Et, statuant à nouveau,
- dire que Steakhouse 76 ainsi que Monsieur [M] sont des débiteurs de bonne foi ;
- débouter la SCI Les 3 Phi de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- accorder rétroactivement à Steakhouse 76, ainsi qu'à Monsieur [M], la possibilité de s'acquitter du règlement de la dette locative contractée en 24 mensualités d'égal montant, le premier règlement devant intervenir dans le mois qui suit la signification de l'arrêt qui sera prononcé, et les suivants, à chaque date anniversaire mensuelle, le règlement du loyer courant en sus ;
- suspendre rétroactivement pendant ce délai, et jusqu'au complet paiement de la dette locative, les effets de la clause résolutoire insérée au bail commercial et visée dans le commandement de payer signifié les 19 et 22 avril 2023 ;
- condamner Les 3 Phi à verser à Steakhouse 76, ainsi qu'à Monsieur [M], la somme de 5 000 euros selon le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les conclusions du 7 juin 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la SCI Les 3 Phi qui demande à la cour de :
- débouter les appelants, la société Steakhouse 76 et de Monsieur [M] de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;
- confirmer la décision dont appel en tous points.
Y ajoutant,
- condamner la société Steakhouse 76 et Monsieur [M] ensemble en chaque hypothèse au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Moyens des parties
M. [M] et la société Steakhouse 76 soutiennent que :
* les parties ont régularisé un protocole d'accord ;
* à la date de la mise en demeure du 15 septembre 2023, le bailleur soutient que la société Steakhouse 76 était redevable de la somme de 27 644,95 euros ; or elle était à jour de l'échéancier mis en place ;
* l'intimé a cru pouvoir faire délivrer à Steakhouse 76 le 27 décembre 2024, un commandement de saisie vente, invoquant l'existence d'une dette locative d'un montant de 282.523,86 euros ainsi qu'un commandement de quitter les lieux ;
* le 5 janvier 2025, elle a fait savoir à la SCI Les 3 Phi que le protocole étant parfaitement respecté à la date de la mise en demeure.
La SCI Les 3 Phi réplique que :
* après la décision de référé, les parties étaient parvenues à un accord le 22 mars 2023 sur les modalités de paiement des sommes dues ; cet accord n'a pas été respecté, il est caduc ;
* les lieux loués ne sont pas libérés et l'occupante ne paie pas l'indemnité d'occupation et n'a pas apuré sa dette ; la situation est irrémédiablement compromise.
Réponse de la cour
Sur la résiliation du bail
L'article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
La juridiction des référés n'est toutefois pas tenue de caractériser l'urgence pour constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du droit au bail.
Il résulte des dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les commandements des 13 et 19 avril 2022 ont été délivrés à M. [M] et à la société Steakhouse 76 pour paiement de la somme de 304 118,72 euros en principal comprenant les loyers dus entre le 6 décembre 2021 et le 23 février 2022.
Par l'ordonnance de référé du 24 janvier 2024, outre la résiliation du bail et l'expulsion, M. [M] et la société Steakhouse 76 ont été condamnés à payer à la SCI Les 3 Phi à titre provisionnel la somme de 255 718,77 euros au titre des loyers et charges outre une indemnité trimestrielle d'occupation de 48 399,97 euros à compter du 1er juillet 2022 et jusqu'à la date de libération effective des lieux.
Les parties ont signé un protocole transactionnel le 23 mars 2023 duquel il ressort pour l'essentiel en son article 2 que :
'Le preneur reconnaît devoir la somme de 301.288,81 euros, décomposée comme suit :
- 286.217,57 euros au titre des loyers antérieurs au 1er Juillet 2022, - 4.823,24 euros au titre de la régularisation des charges des années 2019 à 2021 ainsi que la régularisation de la consommation d'eau pour l'année 2021,
- 10.248,00 euros au titre de la facturation de la taxe foncière pour les années 2021 et 2022.
Le preneur s'engage à apurer sur la dette de 301.288,81 euros la somme de 120 000 euros TTC suivant les modalités ci-après détaillées :
- 10.000 euros d'ici le 31 Mars 2023,
- 3.000 euros par mois pendant 36 mois, le 1er de chaque mois à compter du mois d'avril 2023, et ce, jusqu'au mois de Mars 2026,
- 2.000 euros le 1er avril 2026.
Le preneur reconnaît devoir la somme de 18566,79 euros au titre d'indemnités d'occupation relatives au 1er trimestre 2023, et s'engage à solder cette somme d'ici le 31 Mars 2023.
Le preneur s'engage également à régler par tiers mensuellement les indemnités d'occupation trimestrielles qui seront facturées ainsi que toute somme qui sera appelée en lien avec l'occupation du local et dans le mois de sa facturation.
(...)'
Aux termes de l'article 3, « le bailleur renonce à mettre en 'uvre la procédure d'expulsion des locaux envers le preneur, devenu, depuis l'ordonnance du 24 janvier 2023 occupant sans droit ni titre. Le bailleur renonce à mettre en 'uvre la procédure en recouvrement forcée des sommes auxquelles le preneur a été condamné via l'ordonnance du 24 janvier 2023 (...) »
L'article 5 dudit protocole stipule que :
« En cas d'irrespect d'un seul des engagements mentionnés aux article 2 et 3, il est expressément rappelé aux parties que le présent protocole deviendra automatiquement caduc après une mise en demeure de s'exécuter adressée par la partie lésée à celle ne respectant pas ses engagements, restée sans effet dans les 15 jours suivant sa réception. (...) »
Par courrier du 15 septembre 2023, la SCI Les 3 Phi a adressé à la société Steakhouse 76 une mise en demeure d'avoir à régler la somme de 27.644,95 euros sous quinzaine, en exécution du protocole, précisant qu'à défaut la SCI entendait invoquer la caducité dudit protocole. Le bailleur y indique que M. [M] et la société Steakhouse 76 restent devoir cette somme au titre des indemnités d'éviction postérieures à la dette à apurer. Il est précisé que le détail de la dette figure au tableau joint.
Le tableau joint produit par les appelantes ne mentionne cependant pas cette somme de 27 644,95 euros qui ne correspond pas au montant de l'indemnité d'occupation réclamée à l'occupante qui s'élève, selon les tableaux annexés aux commandements aux fins de saisie vente et d'avoir à quitter les lieux, à la somme de 48 399,97 euros par trimestre et qui est payée par M. [M] et la société Steakhouse 76 par versements mensuels de 16 133,32 euros.
Ainsi la SCI Les 3Phi n'explicite pas le détail du montant réclamé de 27 644,95 euros aux termes de son courrier du 15 septembre 2023 et les décomptes produits par M. [M] et la société Steakhouse 76 qui sont ceux annexés aux actes ci-dessus mentionnés font au contraire ressortir les virements mensuels et réguliers de la société Steakhouse 76 à la SCI bailleresse des sommes de 16 133,32 euros et de 3000 euros depuis la signature du protocole le 22 mars 2023 et au-delà de la mise en demeure du 15 septembre 2023 outre un virement de 10 000 euros le 23 mars 2023. Par ailleurs les appelantes ont conclu sans réponse sur ce point par le bailleur avoir fait à ce dernier des versements en espèces de 20 000 euros fin mars 2023 et de cette même somme fin avril 2023 et de 10 000 euros fin avril 2023 et ceci en présence de madame [P] [V].
Il s'ensuit qu'il n'apparaît pas de ces éléments avec l'évidence requise en référé que le protocole transactionnel du 22 mars 2023 serait caduc au motif que l'indemnité d'occupation ne serait pas payée de sorte que l'ordonnance entreprise sera infirmée en toutes ses dispositions et il sera dit n'y avoir lieu à référé.
La SCI Les 3 Phi sera déboutée de ses demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de la solution apportée au litige, la demande de délais de paiement présentée par M. [M] et la société Steakhouse 76 est sans objet.
Sur les demandes accessoires
La SCI Les 3 Phi étant la partie perdante elle supportera les dépens de première instance et d'appel. Il serait inéquitable que M. [M] et la société Steakhouse 76 conservent l'intégralité de leurs frais irrépétibles exposés en appel de sorte que la SCI Les 3 Phi sera condamnée à leur payer ensemble la somme de 3000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé,
Déboute la SCI Les 3 Phi de ses demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI Les 3 Phi aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la SCI Les 3 Phi à payer à M. [M] et à la société Steakhouse 76 ensemble la somme de 3000 euros au titre de leurs frais irrépétibles.
La greffière, La présidente,