CA Rouen, ch. soc., 16 octobre 2025, n° 24/03558
ROUEN
Autre
Autre
N° RG 24/03558 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JZB4
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 16 OCTOBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 13 Septembre 2024
APPELANTE :
S.A.S. ASSECHEMENT - NETTOYAGE - PROPRETE - SERVICE (ANPS)
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Isabelle MISSOTY de la SCP DPCMK, avocat au barreau du HAVRE
INTIMÉE :
Madame [W] [L]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Claude AUNAY de la SCP AUNAY, avocat au barreau du HAVRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 03 Septembre 2025 sans opposition des parties devant Monsieur LABADIE, Conseiller, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame DE LARMINAT, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Monsieur LABADIE, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame KARAM, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 03 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 octobre 2025
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 16 Octobre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Présidente et par Madame Fatiha KARAM, Greffière.
***
FAITS ET PROCEDURE
Mme [W] [L] a été engagée par la société Assèchement - Nettoyage - Propreté ' Service (ANPS) en qualité de chef de sites par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2003.
Etant devenue agent de maîtrise et représentant du personnel le 23 septembre 2015, Mme [L] s'est vue notifier le 30 septembre 2019, après autorisation de l'inspection du travail, un licenciement pour faute lourde.
Par requête déposée le 29 septembre 2020, la société ANPS a saisi le conseil de prud'hommes du Havre pour obtenir la condamnation de son ancienne salariée au paiement d'une somme de 36 405,84 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de manquements à son devoir de loyauté.
Par jugement du 5 avril 2022, le conseil de prud'hommes a ordonné un sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction commerciale ait vidé sa saisine par la communication des pièces saisies et non encore produites, par définition, à la juridiction prud'homale, et plus généralement sur l'action en concurrence déloyale intentée concurremment devant elle et la juridiction prud'homale et jusqu'à ce que l'action pénale en cours ait trouvé une issue définitive.
Après réinscription au rôle régularisée le 29 mars 2024, le conseil de prud'hommes, par jugement du 13 septembre 2024, a :
- débouté la société ANPS de ses demandes :
de dommages et intérêts pour préjudice subi,
d'intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement,
au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
de condamnation aux entiers dépens de la procédure,
d'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné la société ANPS, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [W] [L] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que ladite somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent jugement,
- débouté Mme [W] [L] de sa demande de déclarer nulles les conclusions de réinscription du 29 mars 2024,
- condamné la société ANPS, prise en la personne de son représentant légal, aux éventuels dépens et frais d'exécution du présent jugement.
Le 11 octobre 2024, la société ANPS a interjeté appel de ce jugement.
Le 3 décembre 2024, Mme [L] a constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 août 2025.
MOYENS ET PRETENTIONS
Aux termes des dernières conclusions déposées le 10 janvier 2025, la société ANPS demande à la cour de :
- infirmer la décision rendue le 13 septembre 2024 par le conseil de prud'hommes du Havre, en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes,
En conséquence,
- condamner Mme [W] [L] à lui payer à titre de dommages et intérêts, la somme de 36 405,84 euros, équivalente à 12 mois de salaires bruts, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- condamner Mme [W] [L] à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel,
- condamner Mme [W] [L] à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,
- débouter Mme [W] [L] de l'ensemble de ses demandes, exceptions, fins et conclusions,
- confirmer la décision critiquée pour le surplus.
Aux termes des dernières conclusions déposées le 13 février 2025, Mme [L] demande à la cour de :
- recevoir la société ANPS en son appel,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes et condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- débouter la société ANPS de ses demandes,
- condamner la société ANPS au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives
MOTIVATION
1) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts formée par la société ANPS
La société ANPS reproche à Mme [L] d'avoir manqué à son obligation de loyauté.
Elle expose que Mme [L] a sciemment dissimulé à son employeur le fait que son fils et son neveu avaient créé la société Nettoyage Rapidité Services (NRS), le 17 août 2018, entreprise développant une activité concurrente sur la même zone géographique si bien qu'elle a manqué à son devoir d'information entre le 17 août 2018 et le 29 juillet 2019, date de son départ de l'entreprise.
La société ANPS soutient encore que Mme [L] s'est livrée à des actions tendant à la discréditer et à la désorganiser et à détourner des clients fidèles au profit de la société NRS. Elle expose ainsi que Mme [L] a proposé des devis concurrents à l'occasion de ses rencontres avec les clients et donneurs d'ordres, en utilisant de surcroît les documents contractuels de son employeur.
Elle fait valoir que l'inspection du travail a autorisé le licenciement de Mme [L], alors déléguée du personnel, ce qui souligne la réalité et la vérification de ces faits.
La société ANPS expose enfin que sa salariée a profité de ses fonctions pour tenter de débaucher des salariés au profit de la SAS NRS et a manqué à son obligation de confidentialité figurant à l'article 6 de son contrat de travail en révélant que son employeur partait à la retraite.
Elle réclame en réparation du préjudice ainsi subi une somme de 36 405,84 euros, équivalente à 12 mois de salaires bruts de Mme [L].
En défense, si elle reconnait qu'elle a choisi de ne pas contester son licenciement, Mme [L] observe qu'elle n'a jamais participé au capital de la société créée par son fils et son neveu et conteste avoir tenté de détourner un seul client pendant qu'elle travaillait pour la société ANPS ou encore avoir dénigré la famille [X] dirigeant l'entreprise ou son employeur.
L'intimée expose en toutes hypothèses que la société ANPS ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle prétend avoir subi, demandant ainsi à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté l'employeur de sa demande.
De façon constante, il est jugé que la faute lourde est la seule susceptible d'engager la responsabilité pécuniaire du salarié à l'égard de son employeur.
Ainsi, l'employeur qui sollicite la condamnation de son salarié en paiement de dommages et intérêts pour des manquements commis au cours de l'exécution du contrat de travail doit démontrer que ces manquements sont constitutifs d'une faute lourde et sont à l'origine d'un préjudice.
En l'espèce, il est constant que Mme [L] a été licenciée pour faute lourde, licenciement régulièrement notifié le 30 septembre 2019.
Si le licenciement n'a pas été remis en cause par Mme [L], il demeure que dans le cadre de l'action en réparation engagée par l'employeur, il appartient à ce dernier de caractériser les manquements reprochés dans la mesure où son ancienne salariée les conteste.
En l'occurrence, outre la lettre de licenciement qui reprend l'ensemble des manquements reprochés à Mme [L] et la décision de l'inspecteur du travail en date du 27 septembre 2019 qui autorise le licenciement de Mme [L], la société ANPS verse aux débats les statuts de la société Nettoyage Rapidité Service (NRS) dont il résulte qu'elle a été constituée le 17 août 2018 par M. [K] [L] et M. [N] [R], fils et neveu de l'intimée, ce que reconnait cette dernière, et qu'elle a notamment pour objet « tous travaux, fournitures et services aux entreprise, collectivités et particuliers et notamment toutes activités d'entretien et de nettoyage (') », activité exercée par la société ANPS.
Sont produites une proposition commerciale en date du 4 juin 2019 établie par la société NRS à destination de l'agence Citya Lecourtois du [Localité 4], alors cliente de la société ANPS, et l'attestation du gestionnaire de l'agence Citya Lecourtois qui témoigne :
« Le 6 juin 2019 j'ai reçu Mme [L] contremaitresse de la société ANPS suite à la demande du conseil syndical de la résidence [Adresse 5] sise à [Localité 6]. Lors de notre rendez-vous Mme [L] m'a présenté un contrat de l'entreprise NRS et m'a expliqué qu'aux vues des difficultés de la société ANPS et de son prochain départ en retraite il serait préférable de résilier le contrat ANPS au profit du contrat NRS similaire au contrat en cours. »
Est également versée aux débats un courrier daté du 8 juillet 2019 rédigé par Mme [L] et adressé à son employeur l'informant de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er décembre 2019.
Il est enfin produit un exemplaire de proposition commerciale habituellement rédigée par la société ANPS démontrant que la société NRS a pu établir, notamment pour l'agence Citya Lecourtois, des devis reprenant la trame des documents contractuels de la société ANPS.
Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme [L], l'employeur rapporte la preuve des agissements reprochés à sa salariée, lesquels pris dans leur ensemble sont constitutifs d'un manquement à l'obligation générale de loyauté, salariée qui avait l'intention de nuire à son employeur, en démarchant et en tentant de détourner sa clientèle à partir de documents contractuels propres à l'entreprise.
La société ANPS peut donc se prévaloir d'une faute lourde pour poursuivre Mme [L] en paiement de dommages et intérêts.
Il lui revient cependant de rapporter la preuve du préjudice subi du fait des agissements de sa salariée.
A cet égard, la société ANPS évoque le montant de la valorisation du fonds de commerce passé de 650 000 euros, évaluation retenue dans le cadre d'un compromis de vente en date du 27 décembre 2019, à 140 000 euros correspondant au prix de cession réalisée en mai 2021.
Pour autant, il n'est pas démontré que les agissements de Mme [L] aient contribué à cette dévalorisation, ce qu'admet d'ailleurs la société dans ses écritures en concluant : « Toutefois, dans le cadre de la présente instance, il convient de se concentrer sur le préjudice causé par Madame [L] durant la période où elle était liée à la concluante par un contrat de travail, intervalle de temps au cours de laquelle le manquement de la défenderesse à son obligation de loyauté et son devoir d'information a été indubitablement démontré ci-avant ».
Au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, la société ANPS affirme que les agissements de sa salariée lui ont fait perdre un nombre certain de contrats pour un total de 114 138,29 euros pour l'année 2019. A cette fin, elle produit une liste établie par ses soins listant les contrats résiliés.
Il convient d'observer que la plupart de ces contrats ont été résiliés après le départ de Mme [L] de l'entreprise. En outre, aucun des éléments versés aux débats ne démontre d'une part que les clients ayant résilié les contrats ont eu recours suite à ces résiliations aux prestations de la société NRS et d'autre part que ces fins de contrat procèdent des agissements de Mme [L].
Il en résulte que la société ANPS, qui réclame de surcroît à titre de dommages et intérêts une somme qu'elle indique représenter 12 mois de salaires de Mme [L], ce qui se heurte au principe de réparation intégrale aux termes duquel les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit, ne rapporte pas la preuve du préjudice résultant des agissements de sa salariée.
Il convient dès lors de la débouter de sa demande en paiement de dommages et intérêts et de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
2) Sur les frais du procès
Eu égard à la solution du litige, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société ANPS aux dépens, l'a déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles et condamnée à verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant de nouveau en cause d'appel, la société ANPS sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
Dans la mesure où il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, Mme [L] se verra allouer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Assèchement - Nettoyage - Propreté ' Service aux dépens d'appel,
La déboute de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne à verser à Mme [L] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 16 OCTOBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 13 Septembre 2024
APPELANTE :
S.A.S. ASSECHEMENT - NETTOYAGE - PROPRETE - SERVICE (ANPS)
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Isabelle MISSOTY de la SCP DPCMK, avocat au barreau du HAVRE
INTIMÉE :
Madame [W] [L]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Claude AUNAY de la SCP AUNAY, avocat au barreau du HAVRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 03 Septembre 2025 sans opposition des parties devant Monsieur LABADIE, Conseiller, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame DE LARMINAT, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Monsieur LABADIE, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame KARAM, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 03 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 octobre 2025
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 16 Octobre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Présidente et par Madame Fatiha KARAM, Greffière.
***
FAITS ET PROCEDURE
Mme [W] [L] a été engagée par la société Assèchement - Nettoyage - Propreté ' Service (ANPS) en qualité de chef de sites par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2003.
Etant devenue agent de maîtrise et représentant du personnel le 23 septembre 2015, Mme [L] s'est vue notifier le 30 septembre 2019, après autorisation de l'inspection du travail, un licenciement pour faute lourde.
Par requête déposée le 29 septembre 2020, la société ANPS a saisi le conseil de prud'hommes du Havre pour obtenir la condamnation de son ancienne salariée au paiement d'une somme de 36 405,84 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de manquements à son devoir de loyauté.
Par jugement du 5 avril 2022, le conseil de prud'hommes a ordonné un sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction commerciale ait vidé sa saisine par la communication des pièces saisies et non encore produites, par définition, à la juridiction prud'homale, et plus généralement sur l'action en concurrence déloyale intentée concurremment devant elle et la juridiction prud'homale et jusqu'à ce que l'action pénale en cours ait trouvé une issue définitive.
Après réinscription au rôle régularisée le 29 mars 2024, le conseil de prud'hommes, par jugement du 13 septembre 2024, a :
- débouté la société ANPS de ses demandes :
de dommages et intérêts pour préjudice subi,
d'intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement,
au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
de condamnation aux entiers dépens de la procédure,
d'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné la société ANPS, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [W] [L] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que ladite somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent jugement,
- débouté Mme [W] [L] de sa demande de déclarer nulles les conclusions de réinscription du 29 mars 2024,
- condamné la société ANPS, prise en la personne de son représentant légal, aux éventuels dépens et frais d'exécution du présent jugement.
Le 11 octobre 2024, la société ANPS a interjeté appel de ce jugement.
Le 3 décembre 2024, Mme [L] a constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 août 2025.
MOYENS ET PRETENTIONS
Aux termes des dernières conclusions déposées le 10 janvier 2025, la société ANPS demande à la cour de :
- infirmer la décision rendue le 13 septembre 2024 par le conseil de prud'hommes du Havre, en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes,
En conséquence,
- condamner Mme [W] [L] à lui payer à titre de dommages et intérêts, la somme de 36 405,84 euros, équivalente à 12 mois de salaires bruts, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- condamner Mme [W] [L] à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel,
- condamner Mme [W] [L] à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,
- débouter Mme [W] [L] de l'ensemble de ses demandes, exceptions, fins et conclusions,
- confirmer la décision critiquée pour le surplus.
Aux termes des dernières conclusions déposées le 13 février 2025, Mme [L] demande à la cour de :
- recevoir la société ANPS en son appel,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes et condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- débouter la société ANPS de ses demandes,
- condamner la société ANPS au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives
MOTIVATION
1) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts formée par la société ANPS
La société ANPS reproche à Mme [L] d'avoir manqué à son obligation de loyauté.
Elle expose que Mme [L] a sciemment dissimulé à son employeur le fait que son fils et son neveu avaient créé la société Nettoyage Rapidité Services (NRS), le 17 août 2018, entreprise développant une activité concurrente sur la même zone géographique si bien qu'elle a manqué à son devoir d'information entre le 17 août 2018 et le 29 juillet 2019, date de son départ de l'entreprise.
La société ANPS soutient encore que Mme [L] s'est livrée à des actions tendant à la discréditer et à la désorganiser et à détourner des clients fidèles au profit de la société NRS. Elle expose ainsi que Mme [L] a proposé des devis concurrents à l'occasion de ses rencontres avec les clients et donneurs d'ordres, en utilisant de surcroît les documents contractuels de son employeur.
Elle fait valoir que l'inspection du travail a autorisé le licenciement de Mme [L], alors déléguée du personnel, ce qui souligne la réalité et la vérification de ces faits.
La société ANPS expose enfin que sa salariée a profité de ses fonctions pour tenter de débaucher des salariés au profit de la SAS NRS et a manqué à son obligation de confidentialité figurant à l'article 6 de son contrat de travail en révélant que son employeur partait à la retraite.
Elle réclame en réparation du préjudice ainsi subi une somme de 36 405,84 euros, équivalente à 12 mois de salaires bruts de Mme [L].
En défense, si elle reconnait qu'elle a choisi de ne pas contester son licenciement, Mme [L] observe qu'elle n'a jamais participé au capital de la société créée par son fils et son neveu et conteste avoir tenté de détourner un seul client pendant qu'elle travaillait pour la société ANPS ou encore avoir dénigré la famille [X] dirigeant l'entreprise ou son employeur.
L'intimée expose en toutes hypothèses que la société ANPS ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle prétend avoir subi, demandant ainsi à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté l'employeur de sa demande.
De façon constante, il est jugé que la faute lourde est la seule susceptible d'engager la responsabilité pécuniaire du salarié à l'égard de son employeur.
Ainsi, l'employeur qui sollicite la condamnation de son salarié en paiement de dommages et intérêts pour des manquements commis au cours de l'exécution du contrat de travail doit démontrer que ces manquements sont constitutifs d'une faute lourde et sont à l'origine d'un préjudice.
En l'espèce, il est constant que Mme [L] a été licenciée pour faute lourde, licenciement régulièrement notifié le 30 septembre 2019.
Si le licenciement n'a pas été remis en cause par Mme [L], il demeure que dans le cadre de l'action en réparation engagée par l'employeur, il appartient à ce dernier de caractériser les manquements reprochés dans la mesure où son ancienne salariée les conteste.
En l'occurrence, outre la lettre de licenciement qui reprend l'ensemble des manquements reprochés à Mme [L] et la décision de l'inspecteur du travail en date du 27 septembre 2019 qui autorise le licenciement de Mme [L], la société ANPS verse aux débats les statuts de la société Nettoyage Rapidité Service (NRS) dont il résulte qu'elle a été constituée le 17 août 2018 par M. [K] [L] et M. [N] [R], fils et neveu de l'intimée, ce que reconnait cette dernière, et qu'elle a notamment pour objet « tous travaux, fournitures et services aux entreprise, collectivités et particuliers et notamment toutes activités d'entretien et de nettoyage (') », activité exercée par la société ANPS.
Sont produites une proposition commerciale en date du 4 juin 2019 établie par la société NRS à destination de l'agence Citya Lecourtois du [Localité 4], alors cliente de la société ANPS, et l'attestation du gestionnaire de l'agence Citya Lecourtois qui témoigne :
« Le 6 juin 2019 j'ai reçu Mme [L] contremaitresse de la société ANPS suite à la demande du conseil syndical de la résidence [Adresse 5] sise à [Localité 6]. Lors de notre rendez-vous Mme [L] m'a présenté un contrat de l'entreprise NRS et m'a expliqué qu'aux vues des difficultés de la société ANPS et de son prochain départ en retraite il serait préférable de résilier le contrat ANPS au profit du contrat NRS similaire au contrat en cours. »
Est également versée aux débats un courrier daté du 8 juillet 2019 rédigé par Mme [L] et adressé à son employeur l'informant de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er décembre 2019.
Il est enfin produit un exemplaire de proposition commerciale habituellement rédigée par la société ANPS démontrant que la société NRS a pu établir, notamment pour l'agence Citya Lecourtois, des devis reprenant la trame des documents contractuels de la société ANPS.
Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme [L], l'employeur rapporte la preuve des agissements reprochés à sa salariée, lesquels pris dans leur ensemble sont constitutifs d'un manquement à l'obligation générale de loyauté, salariée qui avait l'intention de nuire à son employeur, en démarchant et en tentant de détourner sa clientèle à partir de documents contractuels propres à l'entreprise.
La société ANPS peut donc se prévaloir d'une faute lourde pour poursuivre Mme [L] en paiement de dommages et intérêts.
Il lui revient cependant de rapporter la preuve du préjudice subi du fait des agissements de sa salariée.
A cet égard, la société ANPS évoque le montant de la valorisation du fonds de commerce passé de 650 000 euros, évaluation retenue dans le cadre d'un compromis de vente en date du 27 décembre 2019, à 140 000 euros correspondant au prix de cession réalisée en mai 2021.
Pour autant, il n'est pas démontré que les agissements de Mme [L] aient contribué à cette dévalorisation, ce qu'admet d'ailleurs la société dans ses écritures en concluant : « Toutefois, dans le cadre de la présente instance, il convient de se concentrer sur le préjudice causé par Madame [L] durant la période où elle était liée à la concluante par un contrat de travail, intervalle de temps au cours de laquelle le manquement de la défenderesse à son obligation de loyauté et son devoir d'information a été indubitablement démontré ci-avant ».
Au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, la société ANPS affirme que les agissements de sa salariée lui ont fait perdre un nombre certain de contrats pour un total de 114 138,29 euros pour l'année 2019. A cette fin, elle produit une liste établie par ses soins listant les contrats résiliés.
Il convient d'observer que la plupart de ces contrats ont été résiliés après le départ de Mme [L] de l'entreprise. En outre, aucun des éléments versés aux débats ne démontre d'une part que les clients ayant résilié les contrats ont eu recours suite à ces résiliations aux prestations de la société NRS et d'autre part que ces fins de contrat procèdent des agissements de Mme [L].
Il en résulte que la société ANPS, qui réclame de surcroît à titre de dommages et intérêts une somme qu'elle indique représenter 12 mois de salaires de Mme [L], ce qui se heurte au principe de réparation intégrale aux termes duquel les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit, ne rapporte pas la preuve du préjudice résultant des agissements de sa salariée.
Il convient dès lors de la débouter de sa demande en paiement de dommages et intérêts et de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
2) Sur les frais du procès
Eu égard à la solution du litige, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société ANPS aux dépens, l'a déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles et condamnée à verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant de nouveau en cause d'appel, la société ANPS sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
Dans la mesure où il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, Mme [L] se verra allouer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Assèchement - Nettoyage - Propreté ' Service aux dépens d'appel,
La déboute de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne à verser à Mme [L] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE