CA Riom, ch. soc., 14 octobre 2025, n° 22/01613
RIOM
Autre
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14 OCTOBRE 2025
Arrêt n°
ChR/NB/NS
Dossier N° RG 22/01613 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F3ST
S.A.S. POLYCLINIQUE ST FRANCOIS-ST ANTOINE
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[L] [H]
jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de montlucon, décision attaquée en date du 21 juillet 2022, enregistrée sous le n° f 20/00070
Arrêt rendu ce QUATORZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Karine VALLEE, Conseiller
Mme Clémence CIROTTE, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI, greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
S.A.S. POLYCLINIQUE ST FRANCOIS-ST ANTOINE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean ROUX, avocat suppléant Me Antoine PORTAL de la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
M. [L] [H]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Claire MALARD, avocat suppléant Me Thierry GESSET de la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de MONTLUCON
INTIME
M. RUIN, Président en son rapport, après avoir entendu, à l'audience publique du 23 juin 2025, tenue par ce magistrat, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [L] [H], né le 12 octobre 1982, a été embauché à compter du 4 octobre 2010 par la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE (RCS MONTLUÇON 917 250 151), suivant un contrat de travail à durée indéterminée, à temps plein, en qualité de brancardier (position Ea-employé, coefficient 176, convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but lucratif).
Par courrier recommandé (avec avis de réception) daté du 10 janvier 2020, la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE a convoqué Monsieur [L] [H] a un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement (fixé au 20 janvier 2020) et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier recommandé (avec avis de réception) daté du 23 janvier 2020, la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE a licencié Monsieur [L] [H] pour faute grave.
La lettre de notification du licenciement est ainsi libellée :
'Monsieur,
Vous avez été régulièrement convoqué en date du 10 janvier 2020 à un entretien préalable en vue de votre licenciement.
Lors de cet entretien qui s'est tenu le 20 janvier 2020 en présence de Mr [W] [Z] représentant du personnel, nous vous avons exposé les griefs retenus à votre encontre.
- Sollicité téléphoniquement par vos collègues du SSPI (service de soins poste interventionnel) le 16 décembre 2019, vous avez basculé les appels auprès de votre collègue de service ce soir-là jusqu'à 19h00. Les infirmières ont dû renouveler leur appel à plusieurs reprises et à 19h30 alors que l'in'rmière allait raccrocher en disant à sa collègue je cite « il se fout de nous '' vous leur avez répondu, je cite « quoi... qu'est ce que tu dis ' attend, j'arrive ! ». A votre arrivée, la seconde infirmière intervient, « je vais emmener le patient. '' et vous lui auriez alors jeter un regard « froid '' en hochant de la tête et ce après plus de 40mn d'attente du patient et alors même qu'aucune autre mission de brancardage n'était prévue dans l'établissement.
- Cette difficulté s'est reproduite le 18 décembre 2019 avec un patient dit « sortant '' de la salle de réveil. Bien que vous ayez confirmé la prise en charge rapide du dernier patient à l'occasion de deux brancardages un peu plus tôt, à 18h15 vos collègues infirmières ont dû vous rappeler à plusieurs reprises sans succès, l'appel étant à chaque fois transféré. Sans réponse le personnel infirmier a du « re scoper '' et mettre sous oxygène la patiente et c'est peu après que vous vous présentiez avec un collègue brancardier, soit plus de 45mn après l'heure convenue. L'une des infirmières vous a questionné concernant ce retard et vous vous êtes emporté en précisant « t'es pas ma cheffe ! tu n'as pas m'appeler ! tu fermes ta gueule '' (proféré plusieurs fois). Votre collègue infirmière vous alors indiqué qu'elle ne pouvait agir autrement dans l'intérêt de sa patiente. C'est alors que vous avez rétorqué « je vais te défoncer sur le parking ce soir... vient avec ton mari... je vais le défoncer lui aussi !''.
La salariée choquée et toujours sous le coup de la pression que constituent vos menaces devait quelques jours après rédiger une FEI (Fiche d'événe1nent indésirable) n°1916 et déposer une main courante auprès des services de Police.
Ces faits ne sont pas isolés et ce type de comportement de votre part est récurrent puisque le 18 Octobre 2019, alors que la Responsable de sécurité vous indiquait que les brancards se devaient d'être rangés afin de ne pas entraver la circulation des patients, vous avez eu une première altercation. Non satisfait de cette situation vous avez défié un peu plus tard la responsable de sécurité devant vos collègues en exerçant un chantage à la rémunération en présence des patients objet d'une FEI n° 1803 (fiche d'évènement indésirable). Cette défiance à l'encontre d'un personnel d'encadrement devait se terminer au bureau de la DRH pour un rappel à l'ordre.
A différentes occasions, et encore récemment, d'autres salariés du bloc nous ont rapporté avoir fait l'objet de menaces.
Vos négligences et irascibilité mettent à mal la surveillance post opératoire de nos patients et surcharge l'équipe SSPI très sollicitée professionnellement, par nature. Ces faits, outre la violence de vos invectives et leur répétition ainsi que les menaces de représailles, constituent une faute grave rendant impossible la poursuite de votre contrat de travail. Aussi, nous vous informons que votre contrat de travail prend fin immédiatement, sans indemnité ni préavis, à la date d'envoi de la présente. Vous voudrez bien également remettre l'ensemble des « outils professionnels '' et notamment badge d'accès, mis à votre disposition dans le cadre de votre contrat de travail, dans un délai de 2 jours suivant la réception de la présente. Lors de l'entretien, vous nous avez indiqué ne plus avoir en mémoire les faits du 16 décembre 2019 et être souffrant le 18 décembre. Vous avez également produit une copie de main courante concernant votre convocation a entretien préalable, ainsi que des attestations sans rapport avec les événements.
Ces éléments de sont pas de nature à modifier notre appréciation des faits. Vos, solde de tout compte, certificat de travail, attestation pôle emploi, serons tenu à votre disposition au sein du service.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.
[T] [U]
Directrice des ressources humaines'
Le 18 septembre 2020, Monsieur [L] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON aux fins notamment de voir requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre obtenir les indemnités de rupture afférentes et l'indemnisation du préjudice subi pour perte injustifiée de son emploi.
La première audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 15 octobre 2020 (convocation notifiée au défendeur le 30 septembre 2020) et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement (RG 20/00070) rendu contradictoirement le 21 juillet 2022 (audience du 10 mars 2022), le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON a :
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 15.215,55 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 4.347,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 4.980,91 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 2.173,65 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à délivrer à Monsieur [L] [H] les documents de fin de contrat et le solde de tout compte conformes au présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, dans le délai d'un mois suivant la réception de la notification du présent jugement ;
- Débouté la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, de sa demande 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- Laissé à la charge de la partie défenderesse les dépens de la présente instance.
Le 28 juillet 2022, la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 28 juillet 2022.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 17 janvier 2023 par Monsieur [L] [H],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 3 avril 2024 par la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 26 mai 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu entre les parties par le Conseil de Prud'hommes de Montluçon le21 juillet 2022, en ce qu'il a :
« - Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 15.215,55 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 4 347,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 4 980,91 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 2 173,65 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à délivrer à Monsieur [L] [H] les documents de fin de contrat et le solde de tout compte conformes au présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, dans le délai d'un mois suivant la réception de la notification du présent jugement ;
- Débouté la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, de sa demande 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- Laissé à la charge de la partie défenderesse les dépens de la présente instance.'
Statuant à nouveau
Sur le licenciement pour faute grave,
- Juger que la procédure de licenciement est régulière ;
- Juger que Monsieur [L] [H] a fait montre de négligence dans l'exercice de ses fonctions de brancardier les 16 et 18 décembre 2019 ;
- Juger que Monsieur [L] [H] a eu une attitude agressive le 16 décembre 2019 ;
- Juger que Monsieur [L] [H] a tenu des propos irrespectueux et insultants, et proféré des menaces de violence physique envers une collègue de travail le 18 décembre 2019 ;
- Juger que les manquements de Monsieur [L] [H] caractérisent une faute grave ;
En conséquence,
- Débouter Monsieur [L] [H] de sa demande de requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les conséquences de la régularité et du bienfondé du licenciement pour faute grave,
- Débouter Monsieur [L] [H] de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement ;
- Débouter Monsieur [L] [H] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; subsidiairement, limiter la somme à allouer à Monsieur [L] [H] à 3.233,38,86 bruts ;
- Débouter Monsieur [L] [H] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; subsidiairement, appliquer le barème de l'article L.1235-3 du Code du travail et allouer l'indemnité minimale de trois mois à Monsieur [L] [H], soit la somme de 4 850,07 euros nets ;
- Débouter Monsieur [L] [H] de sa demande indemnitaire au titre d'une irrégularité de la procédure de licenciement ; subsidiairement, limiter la somme à allouer à Monsieur [L] [H] à 1 616,69 euros nets ;
- Débouter Monsieur [L] [H] de sa demande de remise sous astreinte de documents de fin de contrat rectifiés ;
En toute hypothèse,
- Débouter Monsieur [L] [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
- Débouter Monsieur [L] [H] de son appel incident ;
- Condamner Monsieur [L] [H] au paiement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
La SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE indique que certains faits mentionnés dans la lettre de licenciement constituent des éléments de contexte que l'employeur peut invoquer sans que cela ne constitue un grief en tant que tel et que, dès lors, ils ne sauraient fonder une irrégularité de procédure. Elle estime donc parfaitement régulière la procédure de licenciement mise en oeuvre à l'encontre de Monsieur [L] [H].
Sur le fond du licenciement, la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE fait valoir que :
- Monsieur [L] [H] a fait preuve de négligence dans l'exercice de ses fonctions les 16 et 18 décembre 2019, en intervenant avec un retard injustifié malgré de multiples appels du service SSPI, sans qu'aucune défectuosité avérée de son téléphone ou surcharge de travail ne puisse l'expliquer, causant ainsi des dysfonctionnements dans la prise en charge des patients.
- Monsieur [L] [H] a eu une attitude agressive, marquée par des propos irrespectueux et des menaces verbales de violence physique envers ses collègues, les 16 et 18 décembre 2019 :
* Le 16 décembre 2019, Monsieur [L] [H] a adopté un comportement irascible envers le personnel du SSPI après une intervention tardive.
* Le 18 décembre 2019, Monsieur [L] [H] a injurié et menacé physiquement une infirmière en des termes violents, ce qui est confirmé par une fiche d'événement indésirable classant la gravité au niveau « critique » et une main courante déposée par la victime.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE soutient que la réalité des faits reprochés à Monsieur [L] [H] est caractérisée, lesquels justifient un licenciement pour faute grave. Elle conclut au rejet des demandes de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse formulées par le salarié.
Dans ses dernières conclusions, Monsieur [L] [H] demande à la cour de :
- Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a condamné la société POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] à lui porter et payer les sommes de :
- 4 980,91 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
- 4 347,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 2 173,65 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure ;
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a condamné la société la POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] à lui remettre ses documents de fin de contrat et solde de tout compte modifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant le jugement ;
- Réformer la décision pour le surplus ;
- Condamner la société POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] à lui porter et payer la somme de 19 562,85 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamner la société POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] à lui porter et payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] aux entiers dépens d'instance.
Monsieur [L] [H] fait valoir que :
- Sur la prétendue négligence dans la prise des appels, il n'a pu répondre aux appels en raison d'un téléphone défectueux, problème connu de l'employeur depuis octobre 2019 ;
- Sur la froideur qui lui est reprochée, il explique que sa réaction fait suite à une prise à partie déplacée de collègues, sans qu'aucune parole agressive ne soit démontrée ;
- Sur le prétendu retard de prise en charge, cet événement ne saurait lui être imputé, les appels ayant été transférés à un collègue de service et aucun ordre formel ou urgence immédiate ne leur avait été signalé. Le personnel du SSPI a agi de manière anticipée, retirant prématurément l'oxygène du patient, ce qui relève d'une négligence de leur part ;
- Sur les propos insultants et menaçants, Monsieur [L] [H] conteste les propos qui lui sont attribués, qui selon lui ne sont confirmés par aucun témoin direct ;
- Les critiques portant sur la lenteur ou le stationnement des brancards relèvent d'une désorganisation globale et non d'un manquement individuel.
Monsieur [L] [H] indique par ailleurs que certains faits reprochés mentionnés dans la lettre de licenciement n'ont jamais donné lieu à sanction et n'ont pas été abordés lors de l'entretien préalable, et conclut que leur utilisation est déloyale et hors délai.
Monsieur [L] [H] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Il sollicite les indemnités de rupture afférentes ainsi que l'indemnisation du préjudice subi. Il sollicite, par ailleurs, des dommages et intérêts pour irrégularité de forme du licenciement en raison des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement qui ne lui ont pas été indiqués lors de l'entretien préalable.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
- Sur le licenciement -
Le licenciement correspond à une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement, ce qui interdit en principe à l'employeur d'invoquer de nouveaux ou d'autres motifs ou griefs par rapport à ceux mentionnés dans la lettre de licenciement. Toutefois, pour les licenciements notifiés à compter du 1er janvier 2018 (article L. 1235-2 du code du travail), l'employeur peut préciser ultérieurement les motifs du licenciement, après la notification de celui-ci, soit à son initiative, soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par l'article R. 1232-13 du code du travail pour un licenciement pour motif personnel ou l'article R. 1233-2-2 pour un licenciement pour motif économique ('Dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, le salarié peut, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. L'employeur dispose d'un délai de quinze jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s'il le souhaite. Il communique ces précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l'employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement').
Pour que la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c'est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l'existence ou matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, c'est-à-dire que les faits invoqués par l'employeur, ou griefs articulés par celui-ci, doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.
Le licenciement pour motif personnel est celui qui est inhérent à la personne du salarié. Un licenciement pour motif personnel peut être décidé pour un motif disciplinaire, c'est-à-dire en raison d'une faute du salarié, ou en dehors de tout comportement fautif du salarié (motif personnel non disciplinaire). Il ne doit pas être discriminatoire.
Si l'employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu'il considère comme fautif, il doit s'agir d'un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l'employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni avoir déjà été sanctionnée. Les faits reprochés au salarié doivent lui être personnellement imputables. Un salarié ne peut pas être licencié pour des faits imputables à d'autres personnes, même proches.
En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes. Si les faits invoqués, bien qu'établis, ne sont pas fautifs ou constituent une faute légère mais non sérieuse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. En cas de licenciement fondé sur une faute constituant une cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au règlement de l'indemnité compensatrice de congés payés, de l'indemnité de licenciement, du préavis ou de l'indemnité compensatrice de préavis (outre les congés payés afférents).Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Le licenciement pour faute lourde, celle commise par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, entraîne également pour le salarié la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement, avec possibilité pour l'employeur de réclamer le cas échéant au salarié réparation du préjudice qu'il a subi (dommages-intérêts). Dans tous les cas, l'indemnité compensatrice de congés payés reste due.
La sanction disciplinaire prononcée par l'employeur, y compris une mesure de licenciement, ne pas doit être disproportionnée mais doit être proportionnelle à la gravité de la faute commise par le salarié. Le juge exerce un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l'employeur à l'encontre du salarié n'est pas trop sévère compte tenu des faits reprochés.
La Cour de cassation juge qu'en matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués. En conséquence, si un employeur procède à un licenciement pour faute lourde, il appartient au juge qui écarte cette faute, de rechercher si les faits commis par le salarié constituent quand même une faute grave ou, à défaut, une cause réelle et sérieuse de licenciement. Si un employeur procède à un licenciement pour faute grave, il appartient au juge qui écarte cette faute, de rechercher si les faits commis par le salarié constituent quand même une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le code du travail ne donne aucune définition de la faute grave. Selon la jurisprudence, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat de travail pendant la durée du préavis.
La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d'appréciation ou l'insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté. La commission d'un fait isolé peut justifier un licenciement disciplinaire, y compris pour faute grave, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait donné lieu à avertissement préalable.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d'une telle mesure n'est pas obligatoire. La faute grave ne saurait être admise lorsque l'employeur a laissé le salarié exécuter son préavis au salarié. En revanche, il importe peu que l'employeur ait versé au salarié des sommes auxquelles il n'aurait pu prétendre en raison de cette faute, notamment l'indemnité compensatrice de préavis ou les salaires correspondant à une mise à pied conservatoire.
En cas de faute grave, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas plus particulièrement sur l'employeur (la Cour de cassation juge que la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties), il incombe à l'employeur, en revanche, d'établir la faute grave ou lourde. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Dans tous les cas, en matière de bien-fondé du licenciement disciplinaire, le doute doit profiter au salarié.
En l'espèce, Monsieur [L] [H] a fait l'objet le 23 janvier 2020 d'un licenciement pour motif disciplinaire de la part de la SAS POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] qui a retenu l'existence d'une faute grave du salarié en visant les griefs suivants:
1- 'Sollicité téléphoniquement par vos collègues du SSPI (service de soins poste interventionnel) le 16 décembre 2019, vous avez basculé les appels auprès de votre collègue de service ce soir-là jusqu'à 19h00. Les infirmières ont dû renouveler leur appel à plusieurs reprises et à 19h30 alors que l'in'rmière allait raccrocher en disant à sa collègue je cite « il se fout de nous '' vous leur avez répondu, je cite « quoi... qu'est ce que tu dis ' attend, j'arrive ! ». A votre arrivée, la seconde infirmière intervient, « je vais emmener le patient. '' et vous lui auriez alors jeter un regard « froid '' en hochant de la tête et ce après plus de 40mn d'attente du patient et alors même qu'aucune autre mission de brancardage n'était prévue dans l'établissement' ;
2- 'Cette difficulté s'est reproduite le 18 décembre 2019 avec un patient dit « sortant '' de la salle de réveil. Bien que vous ayez confirmé la prise en charge rapide du dernier patient à l'occasion de deux brancardages un peu plus tôt, à 18h15 vos collègues infirmières ont dû vous rappeler à plusieurs reprises sans succès, l'appel étant à chaque fois transféré. Sans réponse le personnel infirmier a du « re scoper '' et mettre sous oxygène la patiente et c'est peu après que vous vous présentiez avec un collègue brancardier, soit plus de 45mn après l'heure convenue. L'une des infirmières vous a questionné concernant ce retard et vous vous êtes emporté en précisant « t'es pas ma cheffe ! tu n'as pas m'appeler ! tu fermes ta gueule '' (proféré plusieurs fois). Votre collègue infirmière vous alors indiqué qu'elle ne pouvait agir autrement dans l'intérêt de sa patiente. C'est alors que vous avez rétorqué « je vais te défoncer sur le parking ce soir... vient avec ton mari... je vais le défoncer lui aussi' ;
3. 'Le 18 Octobre 2019, alors que la Responsable de sécurité vous indiquait que les brancards se devaient d'être rangés afin de ne pas entraver la circulation des patients, vous avez eu une première altercation. Non satisfait de cette situation vous avez défié un peu plus tard la responsable de sécurité devant vos collègues en exerçant un chantage à la rémunération en présence des patients objet d'une FEI n° 1803 (fiche d'événement indésirable) ;
4. 'A différentes occasions, et encore récemment, d'autres salariés du bloc nous ont rapporté avoir fait l'objet de menaces'.
Les parties discutent tout d'abord du nombre de griefs de licenciement ayant fondé la décision de l'employeur de rompre le contrat de travail de Monsieur [L] [H] pour faute grave.
Le salarié soutient que tant les faits des 16 et 18 décembre 2019, que ceux du 18 octobre précédents, outre le grief tiré de menaces qui auraient été adressées à d'autres salariés du bloc, doivent être appréhendés comme des griefs ayant motivé la décision de rupture de son contrat de travail pour faute grave. Monsieur [L] [H] relève ensuite que les faits du 18 octobre 2019 et les menaces à destination de salariés du bloc n'auraient pas été évoqués lors de l'entretien préalable à licenciement, cette absence de contradiction entachant en conséquence d'irrégularité la procédure de licenciement poursuivie par la SAS POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5].
L'employeur objecte pour sa part que les faits du 18 octobre 2019 et les menaces dont Monsieur [L] [H] a été l'auteur à l'endroit de salariés du bloc, sont exclusivement des éléments de contexte de nature à éclairer le litige, et non pas des griefs de licenciement ayant motivé sa décision et qui, subséquemment, auraient dû être évoqués dans le cadre de l'entretien préalable à licenciement.
En dépit de ces divergences d'appréciation, la lecture de la suite de la lettre de licenciement apparaît particulièrement éclairante quant à l'étendue des griefs pris en considération par l'employeur pour motiver sa décision de licenciement disciplinaire.
Le courrier de licenciement se poursuit en effet de la sorte : 'Vos négligences et irascibilité mettent à mal la surveillance post opératoire de nos patients et surcharge l'équipe SSPI très sollicitée professionnellement, par nature. Ces faits, outre la violence de vos invectives et leur répétition, ainsi que les menaces de représailles, constituent une faute grave rendant impossible la poursuite de votre contrat de travail'.
L'employeur fait clairement référence à la 'violence' des invectives du salarié et 'leur répétition', ce qui laisse entendre que les faits du 18 octobre, consistant en un comportement ouvertement défiant et hostile à l'endroit de la Responsable sécurité, ont été pris en compte, a minima au titre de la répétition du comportement fielleux du salarié, pour l'appréciation de la gravité de la faute commise.
Ensuite, en visant 'les' menaces de représailles, la SAS POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] a nécessairement entendu prendre en compte les faits du 18 octobre 2019 puisque seul le chantage à la rémunération ressort comme une menace de cette nature. Les faits des 16 et 18 décembre 2019 ne sont pas des menaces de représailles, mais bien des menaces directes de violence physiques.
Au vu de ces constatations, la SAS POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] ne peut sérieusement soutenir que les faits du 18 octobre 2019 ne se présenteraient pas comme un grief ayant motivé la rupture du contrat de travail de Monsieur [L] [H].
Ces faits doivent donc être appréhendés au titre de la rupture du contrat de travail.
S'agissant en revanche des menaces envers d'autres salariés du bloc, comme cela ressort du compte-rendu d'entretien préalable à licenciement communiqué aux débats par Monsieur [L] [H], Madame [U], directrice des ressources humaines, a référé à une altercation avec Madame [X] et d'autres salariés du bloc opératoire, 'mais que ces faits ne lui étaient pas reproché que c'était simplement pour dire que J-F serait un peu trop direct et véhément dans ses réponses'.
Ce grief, nonobstant sa mention dans le courrier de licenciement, n'est pas expressément visé au titre de la faute grave du salarié. Son bien fondé ne sera donc pas examiné dans le cadre du présent débat.
Sur la procédure de licenciement, l'absence d'évocation lors de l'entretien préalable à licenciement du chantage à rémunération dont se serait rendu coupable Monsieur [L] [H] n'est pas critiquée par la POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5]. Faute pour le salarié d'avoir été mis en mesure d'en discuter contradictoirement en faisant valoir ses observations, la procédure de licenciement ayant présidé la rupture du contrat de travail de Monsieur [L] est irrégulière sur ce point.
Une telle irrégularité n'est toutefois pas de nature à affecter le bien fondé du licenciement, mais elle ouvre en revanche droit au salarié à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être supérieure à un mois de salaire, en application des dispositions de l'article L. 1235-2.
Cette indemnité ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et peut donc être allouée au salarié exclusivement lorsque la rupture de son contrat de travail est jugée bien fondée.
Il appartient donc à la cour, avant même de pouvoir statuer sur ce chef de demande, de se prononcer sur le bien fondé de la rupture du contrat de travail.
Chacun des trois griefs de licenciement retenus sera donc examiné successivement.
- Sur le premier grief de licenciement -
La SAS POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] reproche tout d'abord à Monsieur [L] [H], alors même qu'il était sollicité téléphoniquement par les salariés du service de soins post interventionnel le 16 décembre 2019 d'avoir dirigé les appels de son collègue de travail jusqu'à 19h, et subséquemment, d'avoir refusé d'intervenir immédiatement, une telle circonstance ayant induit un temps d'attente pour le patient de plus de 40 minutes alors même qu'aucune autre mission de brancadarge n'était planifiée dans un temps proche.
Une fiche d'événement indésirable a été établie le 30 décembre 2019 par un déclarant anonyme, relativement au service SSPI, pour un incident s'étant produit au bloc opératoire. Sur cette fiche d'événement indésirable, ont été mentionnés les éléments suivants :
- Risques professionnels : 'Relations conflictuelles entre professionnels. Menace/harcèlement' ;
- Description de l'événement indésirable : 'Le lundi 16 décembre 2019, le brancardier du soir vient faire la dernière sortie de la salle de réveil 45 minutes après notre appel. Durant ces 45 minutes nous le rappelons plusieurs fois ; ils nous répond, j'arrive.
Mercredi 18 décembre 2019, même scénario : nous demandons au brancardier s'il vient tout de suite, il nous répond 'oui'. Nous préparons le patient afin qu'il remonte dans sa chambre. Au bout de 10 minutes, ne le voyant pas arriver, nous scopons de nouveau le patient. Lorsque j'essaie de rappeler le brancardier, il me raccroche au nez ou il transfert mon appel.
Lorsque le brancardier arrive en salle de réveil, je lui demande pourquoi il n'est pas venu. A ce moment, il m'insulte, me menace moi et ma famille, porte des jugements de valeur sur mon travail (devant le patient) et nous intimide en nous attendant sur le parking' ;
- Conséquences immédiates : 'Stess au travail' ;
- Evénement déjà survenu : 'Non' ;
- Gravité : '4 - critique'.
Consécutivement à cette déclaration d'événement indésirable, Mesdames [C] et [O], manifestement les infirmières du service SSPI ayant procédé au signalement de l'incident, ont été reçues en entretien par Madame [U], responsable des ressources humaines. Lors de cet échange, les salariées ont déclaré que le 16 décembre 2019, alors même que deux patients demeuraient encore au sein du service soins post interventionnel, elles ont contacté Monsieur [L] [H], en sa qualité de brancardier de service jusqu'à 20h ce jour-ci, lequel a alors transféré leur appel auprès d'un autre salarié, Monsieur [K] [M], dont la fin de poste état fixée à 19h. Mesdames [C] et [O] ont précisé avoir tenté à plusieurs reprises de joindre Monsieur [L] [H] et que lors d'un dernier appel, après que Madame [O] ait dit 'il se fout de nous', ce salarié a alors répondu 'quoi, qu'est-ce que tu dis' Attends j'arrive'. Mesdames [C] et [O] ajoutent que le comportement de Monsieur [L] [H] a induit une attente de près de 40 minutes pour le patient.
La cour ne retrouve aucune indication dans les pièces de la procédure quant à l'horaire, ou les horaires, exacts auxquels les infirmières de la salle de réveil auraient tenté de joindre Monsieur [L] [H], et notamment si ces appels ont été passés à un temps où son collègue de travail n'aurait plus été en poste, et ce alors même que lors de l'entretien préalable à licenciement Madame [U] a indiqué au salarié que 'les appels ont été vérifiés', ce qui laisse entendre qu'une trace écrite de ces derniers existe pourtant.
Il est uniquement établi, vu les témoignages de Mesdames [B], aide-soignante, et [D], infirmière, que le patient a rejoint sa chambre aux alentours de 19h30.
Dans de telles circonstances, et alors même que l'employeur ne soutient pas expressément que lesdits appels auraient eu lieu à une heure à laquelle Monsieur [M] n'aurait plus été de permanence, le transfert d'appel dont il a été destinataire de la part de Monsieur [L] [H], n'est pas en soi fautif, sauf à ce que celui-ci ait été prohibé ou dépourvu de toute légitimité et qu'il ait été constitutif d'une faute dans le cadre de ses obligations contractuelles.
Monsieur [L] [H] excipe en cause d'appel de la défectuosité de son téléphone professionnel, ce qui n'est pas sérieusement contesté par l'employeur, et au contraire confirmé par le bon d'intervention qu'il verse aux débats, lequel confirme que l'écran ne fonctionnait pas.
Le défaut de fonctionnement de l'écran n'est toutefois pas de nature à empêcher la prise d'appel.
Bien plus, alors même que Monsieur [L] [H] explique dans le cadre du présent litige avoir transféré l'appel à son collègue de travail eu égard à la défectuosité de son téléphone, force est de constater qu'il a contradictoirement déclaré lors de l'entretien préalable à licenciement, qu'il avait pris l'appel et dit aux infirmières qu'il arriverait d'ici cinq ou dix minutes.
Monsieur [L] [H] a donc successivement déclaré avoir pris l'appel (entretien préalable), et avoir transféré l'appel à raison de la défectuosité de son téléphone (cause d'appel).
Mis en parallèle avec les déclarations de Mesdames [C] et [O] qui ont déclaré que Monsieur [L] [H] avait basculé leurs appels jusqu'à 19h sur la ligne de son collègue, Monsieur [M], avant finalement de décrocher pour répliquer aux alentours de 19h30 à la remarque de Madame [C], les propos de Monsieur [L] [H] confirment en partie le déroulé des événements tel que décrits par les infirmières du service SSPI.
Il est plus spécialement établi qu'avant 19h, Monsieur [L] [H] a manifestement transféré l'appel (ou les appels) à son collègue de travail de permanence, et qu'après 19h, il a décroché personnellement pour répliquer à la remarque de Madame [C] et lui faire part de son arrivée prochaine.
La cour relève qu'en affirmant avoir pris l'appel des infirmières et leur avoir signifié qu'il interviendrait dans les 5 ou 10 minutes qui suivaient, Monsieur [L] [H] reconnaît par là-même que son téléphone, nonobstant la défaillance de son écran, était opérationnel pour la réalisation de conversations téléphoniques.
En l'absence de relevés d'appels communiqués par l'employeur, la cour n'est pas en mesure d'apprécier si un ou plusieurs appels ont été passés par les infirmières du SSPI, tant avant 19h qu'après, à destination de Monsieur [L] [H]. Faute de pouvoir déterminer le nombre et la fréquence des communications, il n'est pas démontré que le transfert d'un appel d'un brancardier à un autre, alors tous deux en poste, serait constitutif d'une faute. La société intimée demeure à cet égard totalement taisante quant à la procédure devant être suivie par les brancardiers de permanence. Aucun ordre de priorité dans l'intervention de tel ou tel brancardier n'est notamment défini.
La société POLYCLINIQUE [Localité 6]- [Localité 5] s'abstient par ailleurs de tout commentaire quant à la responsabilité et sanction éventuelle de Monsieur [M] auquel un appel des infirmières du service SSPI a manifestement été transféré le soir du 16 décembre 2019 et qui n'a pas entendu y donner immédiatement suite personnellement, alors même que le brancardage du patient ne nécessitait la présence que d'un seul salarié.
Dans de telles circonstances, alors même qu'il s'infère tant des pièces de la procédure que des déclarations concordantes des parties que pour la période antérieure à 19h, l'appel (ou les appels) a été pris en charge par Monsieur [K] [M] en suite de son transfert par Monsieur [L] [H], aucune faute ne peut sérieusement être opposée à ce dernier quant à l'absence de suite immédiate qui y aurait été donnée.
Pour la période postérieure à 19h, outre qu'il n'est pas plus sérieusement démontré que plusieurs appels auraient été adressés à Monsieur [L] [H] en vue de la prise en charge d'un patient, si les infirmières indiquent avoir été contraintes de joindre à plusieurs reprises ce salarié, il échet toutefois de relever que plusieurs personnes, dont le patient, atteste d'un retour en chambre à 19h30, soit dans un temps significativement proche en considération du travail devant être accompli.
Monsieur [L] [G] explique ainsi avoir été hospitalisé le 16 décembre 2019 et qu'en suite d'une intervention au bloc opératoire, il a été conduit en salle de réveil 'où le personnel m'a semblé un peu pressé de finir la journée. J'ai donc été pris en charge par Monsieur [H], brancardier, qui m'a reconduit dans ma chambre. Cette reconduite s'est très bien passée sans aucun problème (...). A l'arrivée dans la chambre, le personnel du service urologie a aidé Monsieur [H] à me réinstaller dans mon lit'.
Madame [E] [B], aide-soignante en urologie, atteste que Monsieur [L] [G] a été reconduit dans sa chambre à 19h30 avec une sonde, qu'il n'avait pas de sensibilité dans les jambes, et qu'elle a été aidée par Monsieur [L] [H] à aliter le patient, lequel était mécontent d'avoir senti que sa présence en salle de réveil dérangeait le personnel car il était le dernier à devoir en partir.
Madame [R] [D], infirmière, confirme que Monsieur [L] [G] a été reconduit dans sa chambre à 19h30, alors même qu'il avait encore le rachis anesthésié, en sorte que Monsieur [L] [H] a été contraint de porter le patient pour l'allonger dans son lit. Elle ajoute que le patient était mécontent puisqu'il avait eu 'l'impression qu'on le vire de la salle de réveil pour que les soignants présents puissent rentrer chez elle'.
Vu la concordance des témoignages produits aux débats, il apparaît que les infirmières du service SSPI se sont empressées de faire évacuer Monsieur [L] [G] de la salle de réveil, sans qu'il ne soit justifié d'un quelconque ordre ou consigne hiérarchique qui aurait impliqué la reconduite d'un patient dans sa chambre alors encore en partie sous les effets de l'anesthésie générale lui ayant été prodiguée.
L'employeur s'abstient de communiquer de quelconques éléments ou informations relatifs à la configuration du site de permanence des brancardiers et celui de la salle de réveil, et plus généralement sur le parcours que devait accomplir Monsieur [L] [H] pour se rendre de son lieu de permanence à celui de la salle de réveil, puis à la chambre du patient. Faute de précision, il n'est pas démontré que pour un appel qui serait survenu après 19h, un retour en chambre à 19h30 traduirait une prise en charge tardive de la part de ce brancardier.
Vu les éléments d'appréciation susvisés, la cour considère que la société POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] échoue à démontrer que les circonstances de la prise en charge du patient en salle de réveil le 16 décembre 2019 par Monsieur [L] [H] auraient été constitutives d'une faute à ses obligations contractuelles. Il n'est pas plus établi que ce salarié aurait fait preuve de négligence.
Il s'ensuit que ce grief de licenciement n'apparaît pas matériellement établi.
- Sur le second grief -
Il est fait grief à Monsieur [L] [H] le 18 décembre 2019, alors même qu'il aurait été informé vers 18h15 'de la sortie prochaine d'un patient', et d'avoir indiqué sa prise en charge rapide, de ne s'être finalement présenté qu'à 19h pour transporter le patient.
Comme pour les faits du 16 décembre 2019, une fiche d'événement indésirable a été établie le 30 décembre 2019 (cf supra), et à la suite de ce signalement, Mesdames [C] et [O], manifestement les infirmières ayant procédé au signalement de l'incident qui serait survenu le 18 décembre 2019, ont été entendues par Madame [U], responsable des ressources humaines.
Lors de cet échange, ces salariées ont déclaré avoir contacté Monsieur [K] [M] ce jour-ci, alors de permanence jusqu'à 19h, ainsi que Monsieur [I] [H], de permanence jusqu'à 20h, qu'ils avaient déjà fait deux brancardages plus tôt dans la journée et avaient dûment été informés à cette occasion de la sortie prévisionnelle d'un troisième patient (aux alentours de 18h15).
Mesdames [C] et [O] ont plus spécialement relaté qu'alors que Messieurs [M] et [H] leur ont fait part de la prise en charge rapide de ce troisième patient, elles l'ont alors déscopé, mais que peu avant 19h, vu l'absence de présentation des brancardiers, elles ont été contraintes de rescoper le patient alors placé sous oxygène. Ces salariées indiquent que Messieurs [M] et [H] ne se sont présentés que vers 19h et que lors du transfert, l'une d'entre elle, Madame [O], a alors interpellé Monsieur [L] [H] afin de lui faire part de ce qu'il aurait dû prendre la peine a minima de les informer téléphoniquement de leur retard, lequel s'est alors emporté en criant 't'es pas ma cheffe...tu n'as pas à m'appeler! Tu fermes ta gueule (...) Je vais te défoncer sur le parking ce soir...vient avec ton mari, je vais le défoncer lui aussi'.
Concernant tout d'abord le retard imputé à Monsieur [L] [H] dans la prise en charge de ce patient, comme précédemment s'agissant du fait litigieux du 16 décembre 2019, vu la contestation du délai qui lui est opposé par l'employeur, l'absence de tout élément d'objectivation de l'heure exacte d'information de ce salarié quant à la nécessité de brancardiser un patient, et d'explication relativement à la configuration des lieux d'intervention et des délais dans lesquels les brancardiers se doivent de répondre aux sollicitations du service SSPI, la cour n'est pas en mesure d'apprécier si, à supposer effective l'information à 18h15 de Monsieur [L] [H], une prise en charge à 19h serait tardive et subséquemment fautive. Une telle appréciation est d'autant plus problématique que Monsieur [K] [M], brancardier présent aux côtés de Monsieur [L] [H] le 18 décembre 2019 au soir, explique contradictoirement que les infirmières du service SSPI ont sollicité la prise en charge du patient en salle de réveil à 18h50.
Concernant les prétendues menaces qu'aurait proféré Monsieur [L] [H], aux termes d'une main courante datée du 30 décembre 2019, Madame [O] a déclaré avoir été victime d'un violent différent sur son lieu de travail le 18 décembre précédent avec ce salarié, lequel lui a indiqué à plusieurs reprises de 'fermer ma gueule' et de 'venir sur le parking avec mon mari et qu'il allait nous défoncer'.
La société POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] verse différents témoignages de salariés qui, sans viser directement les faits du 18 décembre 2019, expliquent avoir été victimes de propos violents et/ou menaces de la part de Monsieur [L] [H].
Monsieur [K] [M] explique pour sa part qu'aux alentours de18h50, Monsieur [L] [H] lui a fait part de ce qu'il ne se sentait pas bien, que l'infirmière de la salle de réveil l'avait contacté afin d'évacuer le dernier patient de la journée. Il précise que la fin de service des infirmières SSPI est fixée à 20h, en sorte qu'en sollicitant le départ de ce patient dès 18h50, elles avaient la possibilité de finir leur journée de travail plus tôt. Monsieur [K] [M] poursuit en expliquant s'être rendu avec Monsieur [L] [H] en salle de réveil dans laquelle se trouvait Madame [O] (infirmière) avec le patient, et que celle-ci a alors invectiver son collègue de travail en lui disant 'qu'est-ce que tu fous, j'ai débranché l'oxygène du patient depuis au moins 10 minutes', et que s'en est suivi un échange houleux entre les deux protagonistes devant le patient. Monsieur [K] [M] précise être intervenu afin de 'leur faire cesser leur prise de bec'.
La fiche d'événement indésirable ainsi que le compte-rendu établi par la responsable des ressources humaines, dont la teneur a été validée par Mesdames [O] et [C], font mention de la présence de ces deux salariées en salle de réveil le 18 décembre 2019. Nonobstant la présence de Madame [C], aucun témoignage de cette salariée n'est communiqué aux débats concernant le déroulé des faits litigieux.
Vu la discordance des explications de l'employeur et du salarié, le caractère isolé du témoignage de Madame [O], dont la teneur est critiquée par Messieurs [L] [H] et [K] [M], tant quant à la chronologie des événements qu'à l'existence de menaces, il est seulement établi qu'une altercation verbale est survenue en salle de réveil le 18 décembre 2019 entre les deux protagonistes. Pour le reste, vu l'absence de toute certitude quant à la réalité des menaces de violence physique qui sont imputées au salarié, le doute doit profiter à Monsieur [L] [H].
Ce grief de licenciement n'apparaît donc pas matériellement établi.
- Sur le troisième grief de licenciement -
Il est enfin reproché à Monsieur [L] [H] d'être à l'origine d'une altercation le 18 octobre 2019, et de chantage à la rémunération envers la responsable sécurité de l'entreprise.
Comme en excipe à juste titre le salarié sans être contredit par l'employeur sur ce point, ce grief de licenciement est prescrit et ne peut donc être retenu dans le cadre du présent litige comme élément d'appréciation du bien fondé de la rupture du contrat de travail de Monsieur [L] [H].
- Sur l'appréciation globale -
Vu l'ensemble des éléments objectifs d'appréciation dont elle dispose, la cour considère, tout comme le premier juge, que la société POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] échoue à rapporter la preuve de manquements ou comportements de Monsieur [L] [H] commis dans l'exercice de ses fonctions de nature à caractériser l'existence d'une faute grave et avoir empêché la poursuite du contrat de travail, pas plus qu'elle ne caractérise une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [L] [H] par la société POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE est sans cause réelle et sérieuse.
- Sur les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse -
La rupture du contrat de travail se situe à la date à laquelle l'employeur envoie au salarié la lettre recommandée de licenciement, soit en l'espèce le 23 janvier 2020. A cette date, Monsieur [L] [H] disposait d'une ancienneté de 9 ans et 3 mois. Cette date détermine les droits du salarié s'agissant des conséquences du licenciement. La date de cessation du contrat de travail est quant à elle prise en compte pour calculer le montant de l'indemnisation ou des indemnités dues par l'employeur au salarié en conséquence du licenciement. L'ancienneté de salarié s'entend dans ce dernier cas durée de préavis inclus.
L'article 45 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but lucratif dispose qu'en cas de résiliation du contrat de travail à durée indéterminée par l'une ou l'autre des parties contractantes, au-delà de la période d'essai, la durée du préavis est fixée, s'agissant de la catégorie professionnelle 'employée' à laquelle appartient Monsieur [L] [H], à 1 mois jusqu'à 2 ans d'ancienneté, et 2 mois au-delà.
Par application de ce texte, lors de la cessation du contrat de travail, Monsieur [L] [H], alors âgé de 39 ans, disposait d'une ancienneté de 9 ans et 5 mois au sein d'une entreprise employant habituellement plus de 10 salariés.
Vu les bulletins de salaire produits aux débats, la cour retient un salaire de référence de 2.173,65 euros (moyenne des trois derniers mois selon la formule la plus avantageuse pour le salarié).
- Sur les dommages-intérêts -
Il résulte d'une jurisprudence constante que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue. Cette évaluation dépend des éléments d'appréciation fournis par les parties.
S'agissant de la demande de dommages-intérêts, pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse notifiés à compter du 24 septembre 2017, l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit que si l'une ou l'autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié, en fonction de son ancienneté, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau différent selon que l'entreprise emploie habituellement plus de dix ou moins de onze salariés (barème Macron).
L'ancienneté du salarié est déterminée en années complètes de travail au sein de l'entreprise.
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, Monsieur [L] [H] peut prétendre à une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (calculée en brut) comprise entre 3 et 9 mois de salaire mensuel brut, soit entre 6.520,95 euros et 19.562,85 euros.
Monsieur [L] [H] s'abstient de communiquer de quelconques éléments ou informations relativement à sa situation professionnelle postérieure à la rupture de son contrat de travail.
Vu les éléments d'appréciation dont la cour dispose, la société POLYCLINIQUE SAINT FRANCOIS - [Localité 5] sera condamnée à payer à Monsieur [L] [H] la somme de 15.215,55 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait d'une perte injustifiée d'emploi suite à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
- Sur l'indemnité de licenciement -
Pour les licenciements notifiés depuis le 24'septembre'2017, l'indemnité légale de licenciement est attribuée au salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée justifiant de huit mois d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, en cas de licenciement pour un autre motif qu'une faute grave ou faute lourde. Les périodes de suspension du contrat de travail ne rompent pas l'ancienneté du salarié qui est déterminée selon les mêmes règles que celles retenues pour le calcul de la durée du préavis. En matière d'indemnité de licenciement, l'ancienneté s'apprécie à la date d'envoi de la lettre de licenciement lorsqu'il s'agit de déterminer si le salarié a droit à une indemnité de licenciement, mais à la fin du préavis lorsqu'il s'agit de calculer le montant de l'indemnité (calcul ne devant être effectué que si le droit à indemnité est ouvert).
L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants': 1° un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans'; 2° un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans
L'indemnité légale de licenciement se calcule sur la base du douzième de la rémunération brute des douze derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, le tiers des trois derniers mois, étant entendu que dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée au salarié pendant cette période, ne doit être prise en compte que prorata temporis (art. R.'1234-4). La période de référence inclus le salaire afférent à la période de préavis que celui-ci soit travaillé ou non.
L'article 47 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but lucratif dispose que tout salarié licencié alors qu'il compte au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise à la date de son licenciement a droit, sauf faute grave ou lourde, ou force majeure, à une indemnité de licenciement distincte du préavis, calculée dans les conditions ci-après :
a) Ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise :
- 1/5 de mois de salaire par année d'ancienneté ;
- portée à 2/5 de mois de salaire pour les années effectuées au-delà de 10 ans.
En cas d'année incomplète, ces indemnités seront proratisées.
L'indemnité conventionnelle de licenciement, vu l'ancienneté de Monsieur [L] [H] à la date de cessation de son contrat de travail, se révèle moins favorable que celle légale, cette dernière devant en conséquence bénéficier au salarié.
Monsieur [L] [H] est donc bien fondé à solliciter la somme de 4.980,91 euros à titre d'indemnité de licenciement. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
- Sur l'indemnité compensatrice de préavis -
L'article 45 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but lucratif dispose qu'en cas de résiliation du contrat de travail à durée indéterminée par l'une ou l'autre des parties contractantes, au-delà de la période d'essai, la durée du préavis est fixée, s'agissant de la catégorie professionnelle 'employée' à laquelle appartient Monsieur [L] [H], à 1 mois jusqu'à 2 ans d'ancienneté, et 2 mois au-delà.
Monsieur [L] [H], qui justifiait d'une ancienneté de neuf années complètes lors de son licenciement, est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaire, soit la somme de 4.347,30 euros.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société POLYCLINIQUE [Localité 6] [Localité 5] à payer à Monsieur [L] [H] la somme de 4.347,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
- Sur l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement -
Le licenciement de Monsieur [L] [H] étant jugé sans cause réelle et sérieuse, il est alloué au salarié une indemnité pour licenciement abusif qui ne peut se cumuler avec l'indemnité pour irrégularité de procédure de l'article L. 1235-2.
Monsieur [L] [H] sera débouté de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement. Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE à payer à Monsieur [L] [H] la somme de 2.173,65 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure.
- Sur la remise de documents de fin de contrat -
Le jugement déféré sera confirmé ede ce chef.
- Sur les intérêts :
Les sommes allouées à titre d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis portent intérêts de droit au taux légal à compter du 30 septembre 2020.
La somme allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse porte intérêt au taux légal à compter du 21 juillet 2022.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles -
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
En cause d'appel, la société POLYCLINIQUE [Localité 6] - [Localité 5], qui succombe principalement, sera condamnée aux entiers dépens d'appel, ce qui exclut qu'il soit fait droit à la demande qu'elle formule sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société POLYCLINIQUE [Localité 6] - [Localité 5] sera par ailleurs condamnée à payer à Monsieur [L] [H] une indemnité complémentaire de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE à payer à Monsieur [L] [H] la somme de 2.173,65 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure, et, statuant à nouveau de ce chef, déboute Monsieur [L] [H] de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement ;
- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;
Y ajoutant,
- Dit que les sommes allouées à titre d'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis portent intérêts de droit au taux légal à compter du 30 septembre 2020 ;
- Dit que la somme allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif porte intérêts de droit au taux légal à compter du 21 juillet 2022 ;
- Condamne la société POLYCLINIQUE [Localité 6] - [Localité 5] à payer à Monsieur [L] [H] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- Condamne la société POLYCLINIQUE [Localité 6] - [Localité 5] aux dépens d'appel ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN
Arrêt n°
ChR/NB/NS
Dossier N° RG 22/01613 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F3ST
S.A.S. POLYCLINIQUE ST FRANCOIS-ST ANTOINE
/
[L] [H]
jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de montlucon, décision attaquée en date du 21 juillet 2022, enregistrée sous le n° f 20/00070
Arrêt rendu ce QUATORZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Karine VALLEE, Conseiller
Mme Clémence CIROTTE, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI, greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
S.A.S. POLYCLINIQUE ST FRANCOIS-ST ANTOINE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean ROUX, avocat suppléant Me Antoine PORTAL de la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
M. [L] [H]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Claire MALARD, avocat suppléant Me Thierry GESSET de la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de MONTLUCON
INTIME
M. RUIN, Président en son rapport, après avoir entendu, à l'audience publique du 23 juin 2025, tenue par ce magistrat, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [L] [H], né le 12 octobre 1982, a été embauché à compter du 4 octobre 2010 par la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE (RCS MONTLUÇON 917 250 151), suivant un contrat de travail à durée indéterminée, à temps plein, en qualité de brancardier (position Ea-employé, coefficient 176, convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but lucratif).
Par courrier recommandé (avec avis de réception) daté du 10 janvier 2020, la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE a convoqué Monsieur [L] [H] a un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement (fixé au 20 janvier 2020) et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier recommandé (avec avis de réception) daté du 23 janvier 2020, la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE a licencié Monsieur [L] [H] pour faute grave.
La lettre de notification du licenciement est ainsi libellée :
'Monsieur,
Vous avez été régulièrement convoqué en date du 10 janvier 2020 à un entretien préalable en vue de votre licenciement.
Lors de cet entretien qui s'est tenu le 20 janvier 2020 en présence de Mr [W] [Z] représentant du personnel, nous vous avons exposé les griefs retenus à votre encontre.
- Sollicité téléphoniquement par vos collègues du SSPI (service de soins poste interventionnel) le 16 décembre 2019, vous avez basculé les appels auprès de votre collègue de service ce soir-là jusqu'à 19h00. Les infirmières ont dû renouveler leur appel à plusieurs reprises et à 19h30 alors que l'in'rmière allait raccrocher en disant à sa collègue je cite « il se fout de nous '' vous leur avez répondu, je cite « quoi... qu'est ce que tu dis ' attend, j'arrive ! ». A votre arrivée, la seconde infirmière intervient, « je vais emmener le patient. '' et vous lui auriez alors jeter un regard « froid '' en hochant de la tête et ce après plus de 40mn d'attente du patient et alors même qu'aucune autre mission de brancardage n'était prévue dans l'établissement.
- Cette difficulté s'est reproduite le 18 décembre 2019 avec un patient dit « sortant '' de la salle de réveil. Bien que vous ayez confirmé la prise en charge rapide du dernier patient à l'occasion de deux brancardages un peu plus tôt, à 18h15 vos collègues infirmières ont dû vous rappeler à plusieurs reprises sans succès, l'appel étant à chaque fois transféré. Sans réponse le personnel infirmier a du « re scoper '' et mettre sous oxygène la patiente et c'est peu après que vous vous présentiez avec un collègue brancardier, soit plus de 45mn après l'heure convenue. L'une des infirmières vous a questionné concernant ce retard et vous vous êtes emporté en précisant « t'es pas ma cheffe ! tu n'as pas m'appeler ! tu fermes ta gueule '' (proféré plusieurs fois). Votre collègue infirmière vous alors indiqué qu'elle ne pouvait agir autrement dans l'intérêt de sa patiente. C'est alors que vous avez rétorqué « je vais te défoncer sur le parking ce soir... vient avec ton mari... je vais le défoncer lui aussi !''.
La salariée choquée et toujours sous le coup de la pression que constituent vos menaces devait quelques jours après rédiger une FEI (Fiche d'événe1nent indésirable) n°1916 et déposer une main courante auprès des services de Police.
Ces faits ne sont pas isolés et ce type de comportement de votre part est récurrent puisque le 18 Octobre 2019, alors que la Responsable de sécurité vous indiquait que les brancards se devaient d'être rangés afin de ne pas entraver la circulation des patients, vous avez eu une première altercation. Non satisfait de cette situation vous avez défié un peu plus tard la responsable de sécurité devant vos collègues en exerçant un chantage à la rémunération en présence des patients objet d'une FEI n° 1803 (fiche d'évènement indésirable). Cette défiance à l'encontre d'un personnel d'encadrement devait se terminer au bureau de la DRH pour un rappel à l'ordre.
A différentes occasions, et encore récemment, d'autres salariés du bloc nous ont rapporté avoir fait l'objet de menaces.
Vos négligences et irascibilité mettent à mal la surveillance post opératoire de nos patients et surcharge l'équipe SSPI très sollicitée professionnellement, par nature. Ces faits, outre la violence de vos invectives et leur répétition ainsi que les menaces de représailles, constituent une faute grave rendant impossible la poursuite de votre contrat de travail. Aussi, nous vous informons que votre contrat de travail prend fin immédiatement, sans indemnité ni préavis, à la date d'envoi de la présente. Vous voudrez bien également remettre l'ensemble des « outils professionnels '' et notamment badge d'accès, mis à votre disposition dans le cadre de votre contrat de travail, dans un délai de 2 jours suivant la réception de la présente. Lors de l'entretien, vous nous avez indiqué ne plus avoir en mémoire les faits du 16 décembre 2019 et être souffrant le 18 décembre. Vous avez également produit une copie de main courante concernant votre convocation a entretien préalable, ainsi que des attestations sans rapport avec les événements.
Ces éléments de sont pas de nature à modifier notre appréciation des faits. Vos, solde de tout compte, certificat de travail, attestation pôle emploi, serons tenu à votre disposition au sein du service.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.
[T] [U]
Directrice des ressources humaines'
Le 18 septembre 2020, Monsieur [L] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON aux fins notamment de voir requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre obtenir les indemnités de rupture afférentes et l'indemnisation du préjudice subi pour perte injustifiée de son emploi.
La première audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 15 octobre 2020 (convocation notifiée au défendeur le 30 septembre 2020) et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement (RG 20/00070) rendu contradictoirement le 21 juillet 2022 (audience du 10 mars 2022), le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON a :
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 15.215,55 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 4.347,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 4.980,91 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 2.173,65 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à délivrer à Monsieur [L] [H] les documents de fin de contrat et le solde de tout compte conformes au présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, dans le délai d'un mois suivant la réception de la notification du présent jugement ;
- Débouté la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, de sa demande 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- Laissé à la charge de la partie défenderesse les dépens de la présente instance.
Le 28 juillet 2022, la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 28 juillet 2022.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 17 janvier 2023 par Monsieur [L] [H],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 3 avril 2024 par la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 26 mai 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu entre les parties par le Conseil de Prud'hommes de Montluçon le21 juillet 2022, en ce qu'il a :
« - Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 15.215,55 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 4 347,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 4 980,91 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 2 173,65 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [L] [H] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, à délivrer à Monsieur [L] [H] les documents de fin de contrat et le solde de tout compte conformes au présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, dans le délai d'un mois suivant la réception de la notification du présent jugement ;
- Débouté la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE, en la personne de son représentant légal, de sa demande 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- Laissé à la charge de la partie défenderesse les dépens de la présente instance.'
Statuant à nouveau
Sur le licenciement pour faute grave,
- Juger que la procédure de licenciement est régulière ;
- Juger que Monsieur [L] [H] a fait montre de négligence dans l'exercice de ses fonctions de brancardier les 16 et 18 décembre 2019 ;
- Juger que Monsieur [L] [H] a eu une attitude agressive le 16 décembre 2019 ;
- Juger que Monsieur [L] [H] a tenu des propos irrespectueux et insultants, et proféré des menaces de violence physique envers une collègue de travail le 18 décembre 2019 ;
- Juger que les manquements de Monsieur [L] [H] caractérisent une faute grave ;
En conséquence,
- Débouter Monsieur [L] [H] de sa demande de requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les conséquences de la régularité et du bienfondé du licenciement pour faute grave,
- Débouter Monsieur [L] [H] de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement ;
- Débouter Monsieur [L] [H] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; subsidiairement, limiter la somme à allouer à Monsieur [L] [H] à 3.233,38,86 bruts ;
- Débouter Monsieur [L] [H] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; subsidiairement, appliquer le barème de l'article L.1235-3 du Code du travail et allouer l'indemnité minimale de trois mois à Monsieur [L] [H], soit la somme de 4 850,07 euros nets ;
- Débouter Monsieur [L] [H] de sa demande indemnitaire au titre d'une irrégularité de la procédure de licenciement ; subsidiairement, limiter la somme à allouer à Monsieur [L] [H] à 1 616,69 euros nets ;
- Débouter Monsieur [L] [H] de sa demande de remise sous astreinte de documents de fin de contrat rectifiés ;
En toute hypothèse,
- Débouter Monsieur [L] [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
- Débouter Monsieur [L] [H] de son appel incident ;
- Condamner Monsieur [L] [H] au paiement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
La SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE indique que certains faits mentionnés dans la lettre de licenciement constituent des éléments de contexte que l'employeur peut invoquer sans que cela ne constitue un grief en tant que tel et que, dès lors, ils ne sauraient fonder une irrégularité de procédure. Elle estime donc parfaitement régulière la procédure de licenciement mise en oeuvre à l'encontre de Monsieur [L] [H].
Sur le fond du licenciement, la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE fait valoir que :
- Monsieur [L] [H] a fait preuve de négligence dans l'exercice de ses fonctions les 16 et 18 décembre 2019, en intervenant avec un retard injustifié malgré de multiples appels du service SSPI, sans qu'aucune défectuosité avérée de son téléphone ou surcharge de travail ne puisse l'expliquer, causant ainsi des dysfonctionnements dans la prise en charge des patients.
- Monsieur [L] [H] a eu une attitude agressive, marquée par des propos irrespectueux et des menaces verbales de violence physique envers ses collègues, les 16 et 18 décembre 2019 :
* Le 16 décembre 2019, Monsieur [L] [H] a adopté un comportement irascible envers le personnel du SSPI après une intervention tardive.
* Le 18 décembre 2019, Monsieur [L] [H] a injurié et menacé physiquement une infirmière en des termes violents, ce qui est confirmé par une fiche d'événement indésirable classant la gravité au niveau « critique » et une main courante déposée par la victime.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE soutient que la réalité des faits reprochés à Monsieur [L] [H] est caractérisée, lesquels justifient un licenciement pour faute grave. Elle conclut au rejet des demandes de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse formulées par le salarié.
Dans ses dernières conclusions, Monsieur [L] [H] demande à la cour de :
- Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a condamné la société POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] à lui porter et payer les sommes de :
- 4 980,91 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
- 4 347,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 2 173,65 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure ;
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a condamné la société la POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] à lui remettre ses documents de fin de contrat et solde de tout compte modifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant le jugement ;
- Réformer la décision pour le surplus ;
- Condamner la société POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] à lui porter et payer la somme de 19 562,85 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamner la société POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] à lui porter et payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] aux entiers dépens d'instance.
Monsieur [L] [H] fait valoir que :
- Sur la prétendue négligence dans la prise des appels, il n'a pu répondre aux appels en raison d'un téléphone défectueux, problème connu de l'employeur depuis octobre 2019 ;
- Sur la froideur qui lui est reprochée, il explique que sa réaction fait suite à une prise à partie déplacée de collègues, sans qu'aucune parole agressive ne soit démontrée ;
- Sur le prétendu retard de prise en charge, cet événement ne saurait lui être imputé, les appels ayant été transférés à un collègue de service et aucun ordre formel ou urgence immédiate ne leur avait été signalé. Le personnel du SSPI a agi de manière anticipée, retirant prématurément l'oxygène du patient, ce qui relève d'une négligence de leur part ;
- Sur les propos insultants et menaçants, Monsieur [L] [H] conteste les propos qui lui sont attribués, qui selon lui ne sont confirmés par aucun témoin direct ;
- Les critiques portant sur la lenteur ou le stationnement des brancards relèvent d'une désorganisation globale et non d'un manquement individuel.
Monsieur [L] [H] indique par ailleurs que certains faits reprochés mentionnés dans la lettre de licenciement n'ont jamais donné lieu à sanction et n'ont pas été abordés lors de l'entretien préalable, et conclut que leur utilisation est déloyale et hors délai.
Monsieur [L] [H] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Il sollicite les indemnités de rupture afférentes ainsi que l'indemnisation du préjudice subi. Il sollicite, par ailleurs, des dommages et intérêts pour irrégularité de forme du licenciement en raison des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement qui ne lui ont pas été indiqués lors de l'entretien préalable.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
- Sur le licenciement -
Le licenciement correspond à une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement, ce qui interdit en principe à l'employeur d'invoquer de nouveaux ou d'autres motifs ou griefs par rapport à ceux mentionnés dans la lettre de licenciement. Toutefois, pour les licenciements notifiés à compter du 1er janvier 2018 (article L. 1235-2 du code du travail), l'employeur peut préciser ultérieurement les motifs du licenciement, après la notification de celui-ci, soit à son initiative, soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par l'article R. 1232-13 du code du travail pour un licenciement pour motif personnel ou l'article R. 1233-2-2 pour un licenciement pour motif économique ('Dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, le salarié peut, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. L'employeur dispose d'un délai de quinze jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s'il le souhaite. Il communique ces précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l'employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement').
Pour que la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c'est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l'existence ou matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, c'est-à-dire que les faits invoqués par l'employeur, ou griefs articulés par celui-ci, doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.
Le licenciement pour motif personnel est celui qui est inhérent à la personne du salarié. Un licenciement pour motif personnel peut être décidé pour un motif disciplinaire, c'est-à-dire en raison d'une faute du salarié, ou en dehors de tout comportement fautif du salarié (motif personnel non disciplinaire). Il ne doit pas être discriminatoire.
Si l'employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu'il considère comme fautif, il doit s'agir d'un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l'employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni avoir déjà été sanctionnée. Les faits reprochés au salarié doivent lui être personnellement imputables. Un salarié ne peut pas être licencié pour des faits imputables à d'autres personnes, même proches.
En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes. Si les faits invoqués, bien qu'établis, ne sont pas fautifs ou constituent une faute légère mais non sérieuse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. En cas de licenciement fondé sur une faute constituant une cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au règlement de l'indemnité compensatrice de congés payés, de l'indemnité de licenciement, du préavis ou de l'indemnité compensatrice de préavis (outre les congés payés afférents).Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Le licenciement pour faute lourde, celle commise par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, entraîne également pour le salarié la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement, avec possibilité pour l'employeur de réclamer le cas échéant au salarié réparation du préjudice qu'il a subi (dommages-intérêts). Dans tous les cas, l'indemnité compensatrice de congés payés reste due.
La sanction disciplinaire prononcée par l'employeur, y compris une mesure de licenciement, ne pas doit être disproportionnée mais doit être proportionnelle à la gravité de la faute commise par le salarié. Le juge exerce un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l'employeur à l'encontre du salarié n'est pas trop sévère compte tenu des faits reprochés.
La Cour de cassation juge qu'en matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués. En conséquence, si un employeur procède à un licenciement pour faute lourde, il appartient au juge qui écarte cette faute, de rechercher si les faits commis par le salarié constituent quand même une faute grave ou, à défaut, une cause réelle et sérieuse de licenciement. Si un employeur procède à un licenciement pour faute grave, il appartient au juge qui écarte cette faute, de rechercher si les faits commis par le salarié constituent quand même une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le code du travail ne donne aucune définition de la faute grave. Selon la jurisprudence, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat de travail pendant la durée du préavis.
La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d'appréciation ou l'insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté. La commission d'un fait isolé peut justifier un licenciement disciplinaire, y compris pour faute grave, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait donné lieu à avertissement préalable.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d'une telle mesure n'est pas obligatoire. La faute grave ne saurait être admise lorsque l'employeur a laissé le salarié exécuter son préavis au salarié. En revanche, il importe peu que l'employeur ait versé au salarié des sommes auxquelles il n'aurait pu prétendre en raison de cette faute, notamment l'indemnité compensatrice de préavis ou les salaires correspondant à une mise à pied conservatoire.
En cas de faute grave, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas plus particulièrement sur l'employeur (la Cour de cassation juge que la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties), il incombe à l'employeur, en revanche, d'établir la faute grave ou lourde. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Dans tous les cas, en matière de bien-fondé du licenciement disciplinaire, le doute doit profiter au salarié.
En l'espèce, Monsieur [L] [H] a fait l'objet le 23 janvier 2020 d'un licenciement pour motif disciplinaire de la part de la SAS POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] qui a retenu l'existence d'une faute grave du salarié en visant les griefs suivants:
1- 'Sollicité téléphoniquement par vos collègues du SSPI (service de soins poste interventionnel) le 16 décembre 2019, vous avez basculé les appels auprès de votre collègue de service ce soir-là jusqu'à 19h00. Les infirmières ont dû renouveler leur appel à plusieurs reprises et à 19h30 alors que l'in'rmière allait raccrocher en disant à sa collègue je cite « il se fout de nous '' vous leur avez répondu, je cite « quoi... qu'est ce que tu dis ' attend, j'arrive ! ». A votre arrivée, la seconde infirmière intervient, « je vais emmener le patient. '' et vous lui auriez alors jeter un regard « froid '' en hochant de la tête et ce après plus de 40mn d'attente du patient et alors même qu'aucune autre mission de brancardage n'était prévue dans l'établissement' ;
2- 'Cette difficulté s'est reproduite le 18 décembre 2019 avec un patient dit « sortant '' de la salle de réveil. Bien que vous ayez confirmé la prise en charge rapide du dernier patient à l'occasion de deux brancardages un peu plus tôt, à 18h15 vos collègues infirmières ont dû vous rappeler à plusieurs reprises sans succès, l'appel étant à chaque fois transféré. Sans réponse le personnel infirmier a du « re scoper '' et mettre sous oxygène la patiente et c'est peu après que vous vous présentiez avec un collègue brancardier, soit plus de 45mn après l'heure convenue. L'une des infirmières vous a questionné concernant ce retard et vous vous êtes emporté en précisant « t'es pas ma cheffe ! tu n'as pas m'appeler ! tu fermes ta gueule '' (proféré plusieurs fois). Votre collègue infirmière vous alors indiqué qu'elle ne pouvait agir autrement dans l'intérêt de sa patiente. C'est alors que vous avez rétorqué « je vais te défoncer sur le parking ce soir... vient avec ton mari... je vais le défoncer lui aussi' ;
3. 'Le 18 Octobre 2019, alors que la Responsable de sécurité vous indiquait que les brancards se devaient d'être rangés afin de ne pas entraver la circulation des patients, vous avez eu une première altercation. Non satisfait de cette situation vous avez défié un peu plus tard la responsable de sécurité devant vos collègues en exerçant un chantage à la rémunération en présence des patients objet d'une FEI n° 1803 (fiche d'événement indésirable) ;
4. 'A différentes occasions, et encore récemment, d'autres salariés du bloc nous ont rapporté avoir fait l'objet de menaces'.
Les parties discutent tout d'abord du nombre de griefs de licenciement ayant fondé la décision de l'employeur de rompre le contrat de travail de Monsieur [L] [H] pour faute grave.
Le salarié soutient que tant les faits des 16 et 18 décembre 2019, que ceux du 18 octobre précédents, outre le grief tiré de menaces qui auraient été adressées à d'autres salariés du bloc, doivent être appréhendés comme des griefs ayant motivé la décision de rupture de son contrat de travail pour faute grave. Monsieur [L] [H] relève ensuite que les faits du 18 octobre 2019 et les menaces à destination de salariés du bloc n'auraient pas été évoqués lors de l'entretien préalable à licenciement, cette absence de contradiction entachant en conséquence d'irrégularité la procédure de licenciement poursuivie par la SAS POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5].
L'employeur objecte pour sa part que les faits du 18 octobre 2019 et les menaces dont Monsieur [L] [H] a été l'auteur à l'endroit de salariés du bloc, sont exclusivement des éléments de contexte de nature à éclairer le litige, et non pas des griefs de licenciement ayant motivé sa décision et qui, subséquemment, auraient dû être évoqués dans le cadre de l'entretien préalable à licenciement.
En dépit de ces divergences d'appréciation, la lecture de la suite de la lettre de licenciement apparaît particulièrement éclairante quant à l'étendue des griefs pris en considération par l'employeur pour motiver sa décision de licenciement disciplinaire.
Le courrier de licenciement se poursuit en effet de la sorte : 'Vos négligences et irascibilité mettent à mal la surveillance post opératoire de nos patients et surcharge l'équipe SSPI très sollicitée professionnellement, par nature. Ces faits, outre la violence de vos invectives et leur répétition, ainsi que les menaces de représailles, constituent une faute grave rendant impossible la poursuite de votre contrat de travail'.
L'employeur fait clairement référence à la 'violence' des invectives du salarié et 'leur répétition', ce qui laisse entendre que les faits du 18 octobre, consistant en un comportement ouvertement défiant et hostile à l'endroit de la Responsable sécurité, ont été pris en compte, a minima au titre de la répétition du comportement fielleux du salarié, pour l'appréciation de la gravité de la faute commise.
Ensuite, en visant 'les' menaces de représailles, la SAS POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] a nécessairement entendu prendre en compte les faits du 18 octobre 2019 puisque seul le chantage à la rémunération ressort comme une menace de cette nature. Les faits des 16 et 18 décembre 2019 ne sont pas des menaces de représailles, mais bien des menaces directes de violence physiques.
Au vu de ces constatations, la SAS POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] ne peut sérieusement soutenir que les faits du 18 octobre 2019 ne se présenteraient pas comme un grief ayant motivé la rupture du contrat de travail de Monsieur [L] [H].
Ces faits doivent donc être appréhendés au titre de la rupture du contrat de travail.
S'agissant en revanche des menaces envers d'autres salariés du bloc, comme cela ressort du compte-rendu d'entretien préalable à licenciement communiqué aux débats par Monsieur [L] [H], Madame [U], directrice des ressources humaines, a référé à une altercation avec Madame [X] et d'autres salariés du bloc opératoire, 'mais que ces faits ne lui étaient pas reproché que c'était simplement pour dire que J-F serait un peu trop direct et véhément dans ses réponses'.
Ce grief, nonobstant sa mention dans le courrier de licenciement, n'est pas expressément visé au titre de la faute grave du salarié. Son bien fondé ne sera donc pas examiné dans le cadre du présent débat.
Sur la procédure de licenciement, l'absence d'évocation lors de l'entretien préalable à licenciement du chantage à rémunération dont se serait rendu coupable Monsieur [L] [H] n'est pas critiquée par la POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5]. Faute pour le salarié d'avoir été mis en mesure d'en discuter contradictoirement en faisant valoir ses observations, la procédure de licenciement ayant présidé la rupture du contrat de travail de Monsieur [L] est irrégulière sur ce point.
Une telle irrégularité n'est toutefois pas de nature à affecter le bien fondé du licenciement, mais elle ouvre en revanche droit au salarié à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être supérieure à un mois de salaire, en application des dispositions de l'article L. 1235-2.
Cette indemnité ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et peut donc être allouée au salarié exclusivement lorsque la rupture de son contrat de travail est jugée bien fondée.
Il appartient donc à la cour, avant même de pouvoir statuer sur ce chef de demande, de se prononcer sur le bien fondé de la rupture du contrat de travail.
Chacun des trois griefs de licenciement retenus sera donc examiné successivement.
- Sur le premier grief de licenciement -
La SAS POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] reproche tout d'abord à Monsieur [L] [H], alors même qu'il était sollicité téléphoniquement par les salariés du service de soins post interventionnel le 16 décembre 2019 d'avoir dirigé les appels de son collègue de travail jusqu'à 19h, et subséquemment, d'avoir refusé d'intervenir immédiatement, une telle circonstance ayant induit un temps d'attente pour le patient de plus de 40 minutes alors même qu'aucune autre mission de brancadarge n'était planifiée dans un temps proche.
Une fiche d'événement indésirable a été établie le 30 décembre 2019 par un déclarant anonyme, relativement au service SSPI, pour un incident s'étant produit au bloc opératoire. Sur cette fiche d'événement indésirable, ont été mentionnés les éléments suivants :
- Risques professionnels : 'Relations conflictuelles entre professionnels. Menace/harcèlement' ;
- Description de l'événement indésirable : 'Le lundi 16 décembre 2019, le brancardier du soir vient faire la dernière sortie de la salle de réveil 45 minutes après notre appel. Durant ces 45 minutes nous le rappelons plusieurs fois ; ils nous répond, j'arrive.
Mercredi 18 décembre 2019, même scénario : nous demandons au brancardier s'il vient tout de suite, il nous répond 'oui'. Nous préparons le patient afin qu'il remonte dans sa chambre. Au bout de 10 minutes, ne le voyant pas arriver, nous scopons de nouveau le patient. Lorsque j'essaie de rappeler le brancardier, il me raccroche au nez ou il transfert mon appel.
Lorsque le brancardier arrive en salle de réveil, je lui demande pourquoi il n'est pas venu. A ce moment, il m'insulte, me menace moi et ma famille, porte des jugements de valeur sur mon travail (devant le patient) et nous intimide en nous attendant sur le parking' ;
- Conséquences immédiates : 'Stess au travail' ;
- Evénement déjà survenu : 'Non' ;
- Gravité : '4 - critique'.
Consécutivement à cette déclaration d'événement indésirable, Mesdames [C] et [O], manifestement les infirmières du service SSPI ayant procédé au signalement de l'incident, ont été reçues en entretien par Madame [U], responsable des ressources humaines. Lors de cet échange, les salariées ont déclaré que le 16 décembre 2019, alors même que deux patients demeuraient encore au sein du service soins post interventionnel, elles ont contacté Monsieur [L] [H], en sa qualité de brancardier de service jusqu'à 20h ce jour-ci, lequel a alors transféré leur appel auprès d'un autre salarié, Monsieur [K] [M], dont la fin de poste état fixée à 19h. Mesdames [C] et [O] ont précisé avoir tenté à plusieurs reprises de joindre Monsieur [L] [H] et que lors d'un dernier appel, après que Madame [O] ait dit 'il se fout de nous', ce salarié a alors répondu 'quoi, qu'est-ce que tu dis' Attends j'arrive'. Mesdames [C] et [O] ajoutent que le comportement de Monsieur [L] [H] a induit une attente de près de 40 minutes pour le patient.
La cour ne retrouve aucune indication dans les pièces de la procédure quant à l'horaire, ou les horaires, exacts auxquels les infirmières de la salle de réveil auraient tenté de joindre Monsieur [L] [H], et notamment si ces appels ont été passés à un temps où son collègue de travail n'aurait plus été en poste, et ce alors même que lors de l'entretien préalable à licenciement Madame [U] a indiqué au salarié que 'les appels ont été vérifiés', ce qui laisse entendre qu'une trace écrite de ces derniers existe pourtant.
Il est uniquement établi, vu les témoignages de Mesdames [B], aide-soignante, et [D], infirmière, que le patient a rejoint sa chambre aux alentours de 19h30.
Dans de telles circonstances, et alors même que l'employeur ne soutient pas expressément que lesdits appels auraient eu lieu à une heure à laquelle Monsieur [M] n'aurait plus été de permanence, le transfert d'appel dont il a été destinataire de la part de Monsieur [L] [H], n'est pas en soi fautif, sauf à ce que celui-ci ait été prohibé ou dépourvu de toute légitimité et qu'il ait été constitutif d'une faute dans le cadre de ses obligations contractuelles.
Monsieur [L] [H] excipe en cause d'appel de la défectuosité de son téléphone professionnel, ce qui n'est pas sérieusement contesté par l'employeur, et au contraire confirmé par le bon d'intervention qu'il verse aux débats, lequel confirme que l'écran ne fonctionnait pas.
Le défaut de fonctionnement de l'écran n'est toutefois pas de nature à empêcher la prise d'appel.
Bien plus, alors même que Monsieur [L] [H] explique dans le cadre du présent litige avoir transféré l'appel à son collègue de travail eu égard à la défectuosité de son téléphone, force est de constater qu'il a contradictoirement déclaré lors de l'entretien préalable à licenciement, qu'il avait pris l'appel et dit aux infirmières qu'il arriverait d'ici cinq ou dix minutes.
Monsieur [L] [H] a donc successivement déclaré avoir pris l'appel (entretien préalable), et avoir transféré l'appel à raison de la défectuosité de son téléphone (cause d'appel).
Mis en parallèle avec les déclarations de Mesdames [C] et [O] qui ont déclaré que Monsieur [L] [H] avait basculé leurs appels jusqu'à 19h sur la ligne de son collègue, Monsieur [M], avant finalement de décrocher pour répliquer aux alentours de 19h30 à la remarque de Madame [C], les propos de Monsieur [L] [H] confirment en partie le déroulé des événements tel que décrits par les infirmières du service SSPI.
Il est plus spécialement établi qu'avant 19h, Monsieur [L] [H] a manifestement transféré l'appel (ou les appels) à son collègue de travail de permanence, et qu'après 19h, il a décroché personnellement pour répliquer à la remarque de Madame [C] et lui faire part de son arrivée prochaine.
La cour relève qu'en affirmant avoir pris l'appel des infirmières et leur avoir signifié qu'il interviendrait dans les 5 ou 10 minutes qui suivaient, Monsieur [L] [H] reconnaît par là-même que son téléphone, nonobstant la défaillance de son écran, était opérationnel pour la réalisation de conversations téléphoniques.
En l'absence de relevés d'appels communiqués par l'employeur, la cour n'est pas en mesure d'apprécier si un ou plusieurs appels ont été passés par les infirmières du SSPI, tant avant 19h qu'après, à destination de Monsieur [L] [H]. Faute de pouvoir déterminer le nombre et la fréquence des communications, il n'est pas démontré que le transfert d'un appel d'un brancardier à un autre, alors tous deux en poste, serait constitutif d'une faute. La société intimée demeure à cet égard totalement taisante quant à la procédure devant être suivie par les brancardiers de permanence. Aucun ordre de priorité dans l'intervention de tel ou tel brancardier n'est notamment défini.
La société POLYCLINIQUE [Localité 6]- [Localité 5] s'abstient par ailleurs de tout commentaire quant à la responsabilité et sanction éventuelle de Monsieur [M] auquel un appel des infirmières du service SSPI a manifestement été transféré le soir du 16 décembre 2019 et qui n'a pas entendu y donner immédiatement suite personnellement, alors même que le brancardage du patient ne nécessitait la présence que d'un seul salarié.
Dans de telles circonstances, alors même qu'il s'infère tant des pièces de la procédure que des déclarations concordantes des parties que pour la période antérieure à 19h, l'appel (ou les appels) a été pris en charge par Monsieur [K] [M] en suite de son transfert par Monsieur [L] [H], aucune faute ne peut sérieusement être opposée à ce dernier quant à l'absence de suite immédiate qui y aurait été donnée.
Pour la période postérieure à 19h, outre qu'il n'est pas plus sérieusement démontré que plusieurs appels auraient été adressés à Monsieur [L] [H] en vue de la prise en charge d'un patient, si les infirmières indiquent avoir été contraintes de joindre à plusieurs reprises ce salarié, il échet toutefois de relever que plusieurs personnes, dont le patient, atteste d'un retour en chambre à 19h30, soit dans un temps significativement proche en considération du travail devant être accompli.
Monsieur [L] [G] explique ainsi avoir été hospitalisé le 16 décembre 2019 et qu'en suite d'une intervention au bloc opératoire, il a été conduit en salle de réveil 'où le personnel m'a semblé un peu pressé de finir la journée. J'ai donc été pris en charge par Monsieur [H], brancardier, qui m'a reconduit dans ma chambre. Cette reconduite s'est très bien passée sans aucun problème (...). A l'arrivée dans la chambre, le personnel du service urologie a aidé Monsieur [H] à me réinstaller dans mon lit'.
Madame [E] [B], aide-soignante en urologie, atteste que Monsieur [L] [G] a été reconduit dans sa chambre à 19h30 avec une sonde, qu'il n'avait pas de sensibilité dans les jambes, et qu'elle a été aidée par Monsieur [L] [H] à aliter le patient, lequel était mécontent d'avoir senti que sa présence en salle de réveil dérangeait le personnel car il était le dernier à devoir en partir.
Madame [R] [D], infirmière, confirme que Monsieur [L] [G] a été reconduit dans sa chambre à 19h30, alors même qu'il avait encore le rachis anesthésié, en sorte que Monsieur [L] [H] a été contraint de porter le patient pour l'allonger dans son lit. Elle ajoute que le patient était mécontent puisqu'il avait eu 'l'impression qu'on le vire de la salle de réveil pour que les soignants présents puissent rentrer chez elle'.
Vu la concordance des témoignages produits aux débats, il apparaît que les infirmières du service SSPI se sont empressées de faire évacuer Monsieur [L] [G] de la salle de réveil, sans qu'il ne soit justifié d'un quelconque ordre ou consigne hiérarchique qui aurait impliqué la reconduite d'un patient dans sa chambre alors encore en partie sous les effets de l'anesthésie générale lui ayant été prodiguée.
L'employeur s'abstient de communiquer de quelconques éléments ou informations relatifs à la configuration du site de permanence des brancardiers et celui de la salle de réveil, et plus généralement sur le parcours que devait accomplir Monsieur [L] [H] pour se rendre de son lieu de permanence à celui de la salle de réveil, puis à la chambre du patient. Faute de précision, il n'est pas démontré que pour un appel qui serait survenu après 19h, un retour en chambre à 19h30 traduirait une prise en charge tardive de la part de ce brancardier.
Vu les éléments d'appréciation susvisés, la cour considère que la société POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] échoue à démontrer que les circonstances de la prise en charge du patient en salle de réveil le 16 décembre 2019 par Monsieur [L] [H] auraient été constitutives d'une faute à ses obligations contractuelles. Il n'est pas plus établi que ce salarié aurait fait preuve de négligence.
Il s'ensuit que ce grief de licenciement n'apparaît pas matériellement établi.
- Sur le second grief -
Il est fait grief à Monsieur [L] [H] le 18 décembre 2019, alors même qu'il aurait été informé vers 18h15 'de la sortie prochaine d'un patient', et d'avoir indiqué sa prise en charge rapide, de ne s'être finalement présenté qu'à 19h pour transporter le patient.
Comme pour les faits du 16 décembre 2019, une fiche d'événement indésirable a été établie le 30 décembre 2019 (cf supra), et à la suite de ce signalement, Mesdames [C] et [O], manifestement les infirmières ayant procédé au signalement de l'incident qui serait survenu le 18 décembre 2019, ont été entendues par Madame [U], responsable des ressources humaines.
Lors de cet échange, ces salariées ont déclaré avoir contacté Monsieur [K] [M] ce jour-ci, alors de permanence jusqu'à 19h, ainsi que Monsieur [I] [H], de permanence jusqu'à 20h, qu'ils avaient déjà fait deux brancardages plus tôt dans la journée et avaient dûment été informés à cette occasion de la sortie prévisionnelle d'un troisième patient (aux alentours de 18h15).
Mesdames [C] et [O] ont plus spécialement relaté qu'alors que Messieurs [M] et [H] leur ont fait part de la prise en charge rapide de ce troisième patient, elles l'ont alors déscopé, mais que peu avant 19h, vu l'absence de présentation des brancardiers, elles ont été contraintes de rescoper le patient alors placé sous oxygène. Ces salariées indiquent que Messieurs [M] et [H] ne se sont présentés que vers 19h et que lors du transfert, l'une d'entre elle, Madame [O], a alors interpellé Monsieur [L] [H] afin de lui faire part de ce qu'il aurait dû prendre la peine a minima de les informer téléphoniquement de leur retard, lequel s'est alors emporté en criant 't'es pas ma cheffe...tu n'as pas à m'appeler! Tu fermes ta gueule (...) Je vais te défoncer sur le parking ce soir...vient avec ton mari, je vais le défoncer lui aussi'.
Concernant tout d'abord le retard imputé à Monsieur [L] [H] dans la prise en charge de ce patient, comme précédemment s'agissant du fait litigieux du 16 décembre 2019, vu la contestation du délai qui lui est opposé par l'employeur, l'absence de tout élément d'objectivation de l'heure exacte d'information de ce salarié quant à la nécessité de brancardiser un patient, et d'explication relativement à la configuration des lieux d'intervention et des délais dans lesquels les brancardiers se doivent de répondre aux sollicitations du service SSPI, la cour n'est pas en mesure d'apprécier si, à supposer effective l'information à 18h15 de Monsieur [L] [H], une prise en charge à 19h serait tardive et subséquemment fautive. Une telle appréciation est d'autant plus problématique que Monsieur [K] [M], brancardier présent aux côtés de Monsieur [L] [H] le 18 décembre 2019 au soir, explique contradictoirement que les infirmières du service SSPI ont sollicité la prise en charge du patient en salle de réveil à 18h50.
Concernant les prétendues menaces qu'aurait proféré Monsieur [L] [H], aux termes d'une main courante datée du 30 décembre 2019, Madame [O] a déclaré avoir été victime d'un violent différent sur son lieu de travail le 18 décembre précédent avec ce salarié, lequel lui a indiqué à plusieurs reprises de 'fermer ma gueule' et de 'venir sur le parking avec mon mari et qu'il allait nous défoncer'.
La société POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] verse différents témoignages de salariés qui, sans viser directement les faits du 18 décembre 2019, expliquent avoir été victimes de propos violents et/ou menaces de la part de Monsieur [L] [H].
Monsieur [K] [M] explique pour sa part qu'aux alentours de18h50, Monsieur [L] [H] lui a fait part de ce qu'il ne se sentait pas bien, que l'infirmière de la salle de réveil l'avait contacté afin d'évacuer le dernier patient de la journée. Il précise que la fin de service des infirmières SSPI est fixée à 20h, en sorte qu'en sollicitant le départ de ce patient dès 18h50, elles avaient la possibilité de finir leur journée de travail plus tôt. Monsieur [K] [M] poursuit en expliquant s'être rendu avec Monsieur [L] [H] en salle de réveil dans laquelle se trouvait Madame [O] (infirmière) avec le patient, et que celle-ci a alors invectiver son collègue de travail en lui disant 'qu'est-ce que tu fous, j'ai débranché l'oxygène du patient depuis au moins 10 minutes', et que s'en est suivi un échange houleux entre les deux protagonistes devant le patient. Monsieur [K] [M] précise être intervenu afin de 'leur faire cesser leur prise de bec'.
La fiche d'événement indésirable ainsi que le compte-rendu établi par la responsable des ressources humaines, dont la teneur a été validée par Mesdames [O] et [C], font mention de la présence de ces deux salariées en salle de réveil le 18 décembre 2019. Nonobstant la présence de Madame [C], aucun témoignage de cette salariée n'est communiqué aux débats concernant le déroulé des faits litigieux.
Vu la discordance des explications de l'employeur et du salarié, le caractère isolé du témoignage de Madame [O], dont la teneur est critiquée par Messieurs [L] [H] et [K] [M], tant quant à la chronologie des événements qu'à l'existence de menaces, il est seulement établi qu'une altercation verbale est survenue en salle de réveil le 18 décembre 2019 entre les deux protagonistes. Pour le reste, vu l'absence de toute certitude quant à la réalité des menaces de violence physique qui sont imputées au salarié, le doute doit profiter à Monsieur [L] [H].
Ce grief de licenciement n'apparaît donc pas matériellement établi.
- Sur le troisième grief de licenciement -
Il est enfin reproché à Monsieur [L] [H] d'être à l'origine d'une altercation le 18 octobre 2019, et de chantage à la rémunération envers la responsable sécurité de l'entreprise.
Comme en excipe à juste titre le salarié sans être contredit par l'employeur sur ce point, ce grief de licenciement est prescrit et ne peut donc être retenu dans le cadre du présent litige comme élément d'appréciation du bien fondé de la rupture du contrat de travail de Monsieur [L] [H].
- Sur l'appréciation globale -
Vu l'ensemble des éléments objectifs d'appréciation dont elle dispose, la cour considère, tout comme le premier juge, que la société POLYCLINIQUE SAINT [P] [Localité 5] échoue à rapporter la preuve de manquements ou comportements de Monsieur [L] [H] commis dans l'exercice de ses fonctions de nature à caractériser l'existence d'une faute grave et avoir empêché la poursuite du contrat de travail, pas plus qu'elle ne caractérise une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [L] [H] par la société POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE est sans cause réelle et sérieuse.
- Sur les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse -
La rupture du contrat de travail se situe à la date à laquelle l'employeur envoie au salarié la lettre recommandée de licenciement, soit en l'espèce le 23 janvier 2020. A cette date, Monsieur [L] [H] disposait d'une ancienneté de 9 ans et 3 mois. Cette date détermine les droits du salarié s'agissant des conséquences du licenciement. La date de cessation du contrat de travail est quant à elle prise en compte pour calculer le montant de l'indemnisation ou des indemnités dues par l'employeur au salarié en conséquence du licenciement. L'ancienneté de salarié s'entend dans ce dernier cas durée de préavis inclus.
L'article 45 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but lucratif dispose qu'en cas de résiliation du contrat de travail à durée indéterminée par l'une ou l'autre des parties contractantes, au-delà de la période d'essai, la durée du préavis est fixée, s'agissant de la catégorie professionnelle 'employée' à laquelle appartient Monsieur [L] [H], à 1 mois jusqu'à 2 ans d'ancienneté, et 2 mois au-delà.
Par application de ce texte, lors de la cessation du contrat de travail, Monsieur [L] [H], alors âgé de 39 ans, disposait d'une ancienneté de 9 ans et 5 mois au sein d'une entreprise employant habituellement plus de 10 salariés.
Vu les bulletins de salaire produits aux débats, la cour retient un salaire de référence de 2.173,65 euros (moyenne des trois derniers mois selon la formule la plus avantageuse pour le salarié).
- Sur les dommages-intérêts -
Il résulte d'une jurisprudence constante que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue. Cette évaluation dépend des éléments d'appréciation fournis par les parties.
S'agissant de la demande de dommages-intérêts, pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse notifiés à compter du 24 septembre 2017, l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit que si l'une ou l'autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié, en fonction de son ancienneté, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau différent selon que l'entreprise emploie habituellement plus de dix ou moins de onze salariés (barème Macron).
L'ancienneté du salarié est déterminée en années complètes de travail au sein de l'entreprise.
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, Monsieur [L] [H] peut prétendre à une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (calculée en brut) comprise entre 3 et 9 mois de salaire mensuel brut, soit entre 6.520,95 euros et 19.562,85 euros.
Monsieur [L] [H] s'abstient de communiquer de quelconques éléments ou informations relativement à sa situation professionnelle postérieure à la rupture de son contrat de travail.
Vu les éléments d'appréciation dont la cour dispose, la société POLYCLINIQUE SAINT FRANCOIS - [Localité 5] sera condamnée à payer à Monsieur [L] [H] la somme de 15.215,55 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait d'une perte injustifiée d'emploi suite à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
- Sur l'indemnité de licenciement -
Pour les licenciements notifiés depuis le 24'septembre'2017, l'indemnité légale de licenciement est attribuée au salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée justifiant de huit mois d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, en cas de licenciement pour un autre motif qu'une faute grave ou faute lourde. Les périodes de suspension du contrat de travail ne rompent pas l'ancienneté du salarié qui est déterminée selon les mêmes règles que celles retenues pour le calcul de la durée du préavis. En matière d'indemnité de licenciement, l'ancienneté s'apprécie à la date d'envoi de la lettre de licenciement lorsqu'il s'agit de déterminer si le salarié a droit à une indemnité de licenciement, mais à la fin du préavis lorsqu'il s'agit de calculer le montant de l'indemnité (calcul ne devant être effectué que si le droit à indemnité est ouvert).
L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants': 1° un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans'; 2° un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans
L'indemnité légale de licenciement se calcule sur la base du douzième de la rémunération brute des douze derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, le tiers des trois derniers mois, étant entendu que dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée au salarié pendant cette période, ne doit être prise en compte que prorata temporis (art. R.'1234-4). La période de référence inclus le salaire afférent à la période de préavis que celui-ci soit travaillé ou non.
L'article 47 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but lucratif dispose que tout salarié licencié alors qu'il compte au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise à la date de son licenciement a droit, sauf faute grave ou lourde, ou force majeure, à une indemnité de licenciement distincte du préavis, calculée dans les conditions ci-après :
a) Ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise :
- 1/5 de mois de salaire par année d'ancienneté ;
- portée à 2/5 de mois de salaire pour les années effectuées au-delà de 10 ans.
En cas d'année incomplète, ces indemnités seront proratisées.
L'indemnité conventionnelle de licenciement, vu l'ancienneté de Monsieur [L] [H] à la date de cessation de son contrat de travail, se révèle moins favorable que celle légale, cette dernière devant en conséquence bénéficier au salarié.
Monsieur [L] [H] est donc bien fondé à solliciter la somme de 4.980,91 euros à titre d'indemnité de licenciement. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
- Sur l'indemnité compensatrice de préavis -
L'article 45 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but lucratif dispose qu'en cas de résiliation du contrat de travail à durée indéterminée par l'une ou l'autre des parties contractantes, au-delà de la période d'essai, la durée du préavis est fixée, s'agissant de la catégorie professionnelle 'employée' à laquelle appartient Monsieur [L] [H], à 1 mois jusqu'à 2 ans d'ancienneté, et 2 mois au-delà.
Monsieur [L] [H], qui justifiait d'une ancienneté de neuf années complètes lors de son licenciement, est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaire, soit la somme de 4.347,30 euros.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société POLYCLINIQUE [Localité 6] [Localité 5] à payer à Monsieur [L] [H] la somme de 4.347,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
- Sur l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement -
Le licenciement de Monsieur [L] [H] étant jugé sans cause réelle et sérieuse, il est alloué au salarié une indemnité pour licenciement abusif qui ne peut se cumuler avec l'indemnité pour irrégularité de procédure de l'article L. 1235-2.
Monsieur [L] [H] sera débouté de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement. Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE à payer à Monsieur [L] [H] la somme de 2.173,65 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure.
- Sur la remise de documents de fin de contrat -
Le jugement déféré sera confirmé ede ce chef.
- Sur les intérêts :
Les sommes allouées à titre d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis portent intérêts de droit au taux légal à compter du 30 septembre 2020.
La somme allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse porte intérêt au taux légal à compter du 21 juillet 2022.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles -
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
En cause d'appel, la société POLYCLINIQUE [Localité 6] - [Localité 5], qui succombe principalement, sera condamnée aux entiers dépens d'appel, ce qui exclut qu'il soit fait droit à la demande qu'elle formule sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société POLYCLINIQUE [Localité 6] - [Localité 5] sera par ailleurs condamnée à payer à Monsieur [L] [H] une indemnité complémentaire de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS POLYCLINIQUE ST-[P] ' ST-ANTOINE à payer à Monsieur [L] [H] la somme de 2.173,65 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure, et, statuant à nouveau de ce chef, déboute Monsieur [L] [H] de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement ;
- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;
Y ajoutant,
- Dit que les sommes allouées à titre d'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis portent intérêts de droit au taux légal à compter du 30 septembre 2020 ;
- Dit que la somme allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif porte intérêts de droit au taux légal à compter du 21 juillet 2022 ;
- Condamne la société POLYCLINIQUE [Localité 6] - [Localité 5] à payer à Monsieur [L] [H] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- Condamne la société POLYCLINIQUE [Localité 6] - [Localité 5] aux dépens d'appel ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN