CA Aix-en-Provence, ch. 4-5, 16 octobre 2025, n° 21/16425
AIX-EN-PROVENCE
Autre
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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 16 OCTOBRE 2025
N° 2025/
MAB/KV
Rôle N° RG 21/16425 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BINUT
[PD] [OT]
C/
[YR] [X]
Société AGS-CGEA DES BOUCHES DU RHONE*
S.A.R.L. MBI PROVENCE
Copie exécutoire délivrée
le : 16/10/25
à :
- Me Michèle KOTZARIKIAN, avocat au barreau de TARASCON,
- Me Martine NIQUET de l'ASSOCIATION NIQUET - TOURNAIRE CHAILAN, avocat au barreau de TARASCON
- Me Emmanuel LAMBREY de la SCP LAMBREY & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 21 Octobre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F21/00085.
APPELANT
Monsieur [PD] [OT], demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Michèle KOTZARIKIAN, avocat au barreau de TARASCON,
et Me Vincent REYMOND, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMES
Maître [YR] [X] es qualité de liquidateur de la société MBI PROVENCE - 27/12/24 : assignation délivrée à étude, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Martine NIQUET de l'ASSOCIATION NIQUET - TOURNAIRE CHAILAN, avocat au barreau de TARASCON
Société AGS CGEA DE [Localité 5] - 30/12/24 : assignation délivrée à personne morale, demeurant [Adresse 4]
défaillante
S.A.R.L. MBI PROVENCE (en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Tarascon en date du 8/07/22), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Emmanuel LAMBREY de la SCP LAMBREY & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 26 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe ASNARD, Président de chambre
Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025.
ARRÊT
rendu par défaut
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025.
Signé par Monsieur Philippe ASNARD, Président de chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
M. [PD] [OT] a été engagé par la société MBI Provence en qualité de moniteur pour le placement de produits Tupperware, à compter du 1er mars 2014, par contrat à durée indéterminée à temps partiel.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable fixé le 30 novembre 2018, M. [OT], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 janvier 2019, a été licencié pour cause réelle et sérieuse.
Le 14 octobre 2019, M. [OT], contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.
Par jugement rendu le 21 octobre 2021, le conseil de prud'hommes d'Arles a :
- rejeté la demande de M. [OT] sur la requalification du contrat à temps partiel en contrat de travail à temps complet,
- rejeté la demande de M. [OT] sur la condamnation au titre du harcèlement moral,
- débouté M. [OT] d sa demande sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes afférentes (indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, indemnité congés payés sur préavis, dommages et intérêts pour harcèlement moral)
- dit et jugé que le licenciement de M. [OT] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné M. [OT] au paiement de la somme de 150 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [OT] aux entiers dépens.
Le 23 novembre 2021, M. [OT] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
Par jugement du 8 juillet 2022, le tribunal de commerce de Tarascon a prononcé la liquidation judiciaire de la société MBI Provence et désigné Maître [YR] [X] en qualité de liquidateur judiciaire.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 juin 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 juin 2025, l'appelant demande à la cour de :
- réformer le jugement en date du 21 octobre 2021 rendu par le conseil de prud'hommes d'Arles,
- requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter du 1er mars 2014,
- constater le harcèlement moral de M. [OT],
- dire et juger que le licenciement prononcé à l'encontre de M. [OT] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- fixer la créance de M. [OT] au passif de la liquidation de la société MBI Provence aux sommes suivantes, en réparation de ses préjudices :
. Rappel de salaires : 53 493 euros (sur la période 2016 ' 2019)
. Congés payés sur salaires : 5 349,30 euros
. Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9 126 euros
. Indemnité légale de licenciement : 1 182 euros
. Indemnité compensatrice de préavis : 2 960 euros
. Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 296 euros
. Dommages intérêts pour harcèlement moral : 9 126 euros
- Condamner Me [X] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société MBI Provence à remettre à M. [OT] les documents suivants sous astreinte à compter de la notification de la décision à intervenir :
. Remise du certificat de travail sous astreinte journalière de 50 euros,
. Remise de l'attestation pole emploi et des bulletins de paie sous astreinte journalière de 50 euros,
- fixer en outre la créance de M. [OT] au passif de la liquidation de la société MBI Provence à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Me [X] aux entiers dépens,
- dire ces sommes opposables au CGEA.
L'appelant fait essentiellement valoir que :
- sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat en temps complet : le contrat écrit ne remplit pas les exigences légales, or il n'était pas en mesure de connaître ses horaires de travail. Même si des plannings étaient transmis s'agissant des réunions obligatoires, des modifications de planning et des ajouts ou suppressions de réunions intervenaient à la dernière minute. En outre, la durée de travail variait en fonction des mois.
- sur le harcèlement moral : le salarié évoque un harcèlement managérial, avec des brimades, des pressions et du chantage.
- sur le licenciement : M. [OT] estime que les griefs ne sont pas fondés, qu'ils ne peuvent en tout état de cause fonder une sanction aussi grave que le licenciement et que la véritable cause du licenciement réside dans ses revendications de plus en plus pressantes.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 mars 2025, le mandataire liquidateur de la société MBI Provence demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 21 octobre 2021,
- débouter M. [OT] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,
En conséquence,
- rejeter l'intégralité des réclamations en lien avec la requalification,
Subsidiairement et en cas de requalification,
- débouter M. [OT] de sa demande de rappel de salaire,
- débouter M. [OT] de ses demandes relatives à un prétendu harcèlement moral,
- juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
- débouter M. [OT] de l'intégralité de ses demandes en lien avec la rupture du contrat de travail,
- condamner M. [OT] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [OT] aux entiers dépens.
L'intimé réplique que:
- sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet : le salarié pouvait fixer, à sa convenance, les ateliers qu'il animait et connaissait à l'avance la fréquence des réunions. Il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur, alors qu'il occupait d'ailleurs un autre emploi.
- sur le harcèlement moral : le salarié se contente de propos péremptoires, sans aucune démonstration, et ne rapporte pas la preuve d'une dégradation de son état de santé.
- sur le licenciement : le mandataire liquidateur entend démontrer les faits reprochés, qui constitue une véritable atteinte à l'obligation de loyauté qui pèse sur le salarié, qui n'a pas hésité à falsifier un chèque.
Les dernières conclusions de l'appelant ont été signifiées au CGEA, intimé défaillant, le 15 décembre 2024, par acte de commissaire de justice remis à personne habilitée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
Aucun des éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permet de critiquer la régularité de l'appel principal, par ailleurs non contestée.
Il sera donc déclaré recevable.
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Il s'en déduit que seuls les moyens invoqués dans le cadre de la partie discussion des écritures des parties doivent être pris en compte.
La cour n'est donc pas tenue de statuer sur les demandes tendant à 'constater', 'donner acte', 'dire et juger' en ce qu'elles ne sont pas, exception faite des cas prévus par la loi, des prétentions, mais uniquement des moyens.
Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
1- Sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet
L'article L 3123-6 du code du travail dispose : 'Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au delà de la durée fixée par le contrat'.
Dès lors que les périodes de travail et les disponibilités du salarié sont clairement précisées de sorte que le salarié peut prévoir à quel rythme il doit travailler et qu'il n'est pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, les parties sont liées par un contrat à temps partiel.
En revanche, l'absence d'écrit mentionnant la durée de travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir en permanence à la disposition de l'employeur.
En l'espèce, le contrat de travail du 14 mars 2014 prévoit :
'3.1 : Compte tenu de la volonté de M. [OT] de ne pas exercer une activité à temps plein et d'avoir le libre choix du temps qu'il entend y consacrer, lequel est d'ailleurs variable selon les périodes, de l'accord de la société pour que le temps partiel de M. [OT] puisse évoluer au gré du temps qu'il entend consacrer à son activité, il est convenu que la durée du travail de chaque semaine et sa répartition sur les différents jours de la semaine seront déterminés à partir des compte-rendu d'activité, chaque atelier ne pouvant avoir une durée supérieure à celle visée ci-après.
Les dispositions qui précèdent n'ont pas pour objet ni pour effet d'instituer un contrôle de la durée du travail de M. [OT], en dehors des heures durant lesquelles il est présent à la concession pour les réunions auxquelles il assiste ou qu'il anime. En dehors de ces réunions et faute de pouvoir contrôler la durée du travail de M. [OT], il sera fait référence aux dispositions du présent contrat.
3.2 : M. [OT] exerce son activité dans le cadre du code du travail, et notamment de ses articles L 3123-1 et suivants relatifs au temps partiel.
3.3 La liberté dans l'organisation de ces activités permet à M. [OT] une souplesse de son temps de travail dont l'unité de mesure est l'atelier. Ainsi, pour apprécier le temps moyen consacré à ces activités, il est précisé que la durée moyenne du temps de travail, en tenant compte des travaux accessoires, tels que par exemple, la préparation de l'atelier, le déroulement de l'atelier, la livraison des commandes, l'administratif , la présence aux diverses réunions etc... ne saurait excéder 5 heures par atelier.
3.4 La représentation doit rester l'activité principale de M. [OT] qui s'engage à tenir un minimum de 40 ateliers de vente de produits les douze premiers mois de son activité.
3.5 M. [OT] répartit lui-même, de façon hebdomadaire, son objectif fixé en nombre d'ateliers dans les différentes rubriques du compte rendu d'activité : nombre d'ateliers organisés, d'ateliers programmés, de prospection clientèle et /ou de nouveaux accueils, le montant des ventes réalisées, l'état de la programmation des ateliers sur 8 semaines, le capital rendez-vous et le suivi des objectifs.
3.6 Il s'engage à fournir chaque semaine à la société ce compte-rendu hebdomadaire détaillé de ses visites et de ses résultats.
Il s'engage également à participer à toutes les séances d'animation et d'information organisées par la société, notamment et sauf empêchement majeur, à toutes les assemblées hebdomadaires et à porter l'assistance requise au concessionnaire à ces occasions.'
La cour observe que le contrat de travail écrit à temps partiel ne mentionne ni la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il s'ensuit que l'emploi occupé par M. [OT] est présumé à temps complet et qu'il appartient à l'employeur de renverser cette présomption, en rapportant la preuve d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir en permanence à sa disposition.
Le mandataire liquidateur de la société MBI Provence fait alors valoir que le salarié a lui-même demandé à bénéficier d'une dérogation aux dispositions relatives au travail à temps partiel, pour profiter d'une certaine liberté d'organisation, alors qu'il cumulait plusieurs emplois. Il rappelle que le salarié fixait lui-même, à sa convenance, les dates et horaires des ateliers qu'il souhaitait animer et qu'il recevait par ailleurs les plannings des réunions facultatives un mois à l'avance. Il en déduit que M. [OT] n'avait pas à se tenir à la disposition permanente de la société MBI Provence.
Il produit, au soutien de ses affirmations :
- un courrier rédigé par M. [OT] : 'Objet : demande de dérogation aux nouvelles dispositions relatives au travail à temps partiel.
Je viens d'être nommé moniteur dans votre entreprise le 1er mars 2014 et je souhaite bénéficier du libre choix du temps que j'entends consacrer à mon activité laquelle est d'ailleurs variable selon les périodes.
Vous m'avez informé que l'application des nouvelles dispositions concernant le travail à temps partiel issues de la loi de sécurisation de l'emploi du 14/06/2013 m'obligeraient à réaliser environ 5 ateliers par semaine.
Or, en raison de mon autre emploi exercé dans une autre entreprise, je ne pourrai atteindre cet objectif chaque semaine, aussi je souhaiterais bénéficier d'une dérogation.',
- les mails d'envoi des plannings trimestriels pour les années 2014 à 2018, ainsi que les plannings,
- les attestations de Mme [Y] [HK], de Mme [G] [JW], de Mme [W] [HA] et de Mme [TJ] [H], monitrices, du 12 avril 2017 qui affirment que leur contrat, comme celui de tous les moniteurs, leur offrait la possibilité d'organiser leur temps de travail en toute liberté et qu'elles ne sont pas restées à la disposition de l'employeur.
M. [OT] soutient en revanche qu'il n'a jamais été en mesure de connaître ses horaires de travail, les modalités d'organisation de son temps de travail, ni le nombre d'heures à réaliser. Il ne pouvait donc disposer librement de son temps, devant participer à des réunions obligatoires organisées à la dernière minute. S'il pouvait recevoir des plannings à l'avance, l'ajout, la modification et la suppression d'événements étaient courants. En outre, les plannings ne comportaient aucune précision sur les horaires des ateliers.
Or, comme le reconnaît l'employeur lui-même, en soulignant que le salarié choisissait librement le temps qu'il entendait consacrer à son activité de moniteur, aucune durée de travail, hebdomadaire ou mensuelle, n'avait été convenue entre les parties. Les moniteurs étaient d'ailleurs rémunérés à la commission et non en fonction d'un temps de travail effectué.
Il s'en déduit, sans qu'il soit besoin d'examiner si l'employeur rapporte la preuve du fait que M. [OT] n'avait pas à se tenir à sa disposition permanente, qu'il échoue ainsi à renverser la preuve de la présomption simple d'un emploi à temps complet.
Par infirmation du jugement entrepris, le contrat de travail à temps partiel sera donc requalifié en contrat de travail à temps complet.
M. [OT] sollicite dès lors un rappel de salaires d'un montant de 53 493 euros brut pour les trois dernières années, basé sur le SMIC alors en vigueur, puisqu'il n'a perçu jusqu'alors que des commissions sur le chiffre d'affaires.
Le mandataire liquidateur de la société MBI Provence rétorque que M. [OT] ne démontre pas avoir réalisé des heures de travail sans avoir été rémunéré.
Or, l'employeur est tenu, du fait de la requalification du contrat de travail à temps partiel, au paiement du salaire correspondant à un temps complet.
La cour observe toutefois que le calcul proposé par le salarié, fondé sur le SMIC en vigueur pour les années 2016, 2017, 2018 et 2019, omet de retrancher les montants effectivement perçus sur la même période. Or, il ressort des bulletins de salaire que M. [OT] a déjà touché les sommes brutes suivantes :
- pour la période de mars à décembre 2016 : 5 873,16 euros,
- pour l'année 2017 : 6 326,73 euros,
- pour l'année 2018 : 4 009,35 euros.
Par ailleurs, la lettre de licenciement ayant été notifiée le 4 janvier 2019, M. [OT] ne peut prétendre au versement d'un salaire pour les trois premiers mois de l'année 2019, sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis sera examinée dans le cadre des demandes relatives à la rupture du contrat de travail.
Il s'ensuit que M. [OT] aurait dû percevoir la somme totale brute de 48 957 euros et a déjà touché la somme de brute de 16 209,24 euros. En conséquence, la somme de 32 747,76 euros sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société MBI Provence, ainsi que la somme de 3 274,78 euros au titre des congés payés afférents.
2- Sur la demande au titre du harcèlement moral
Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.
En application du même texte et de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Une situation de harcèlement moral se déduit ainsi essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction.
S'agissant toutefois du harcèlement organisationnel, le salarié n'a pas l'obligation de démontrer qu'il a été personnellement visé par les agissements dénoncés.
En l'espèce, M. [OT] invoque un harcèlement managérial de la part de l'employeur, marqué par des brimades et du chantage de la part de Mme [U] [AO], gérante de la société MBI Provence, ainsi qu'une pression liée à la réalisation du chiffre d'affaires, et produit les pièces suivantes :
- une attestation de Mme [TU] [EE] du 26 octobre 2018 : 'Lors d'une assemblée à laquelle j'ai pu assister, j'ai constaté que Mme [U] [AO] faisait des différences entre ses chefs d'équipe, en terme de comportement et de communication envers eux',
- une attestation de Mme [O] [P] du 25 octobre 2018 : 'J'atteste au cours de réunions Tupperware, avoir entendu Mme [AO] [U] s'adresser de manière déplacée à plusieurs membres de son équipe y compris M. [OT] [PD].
M. [OT] [PD] étant un ami et j'atteste qu'il est très perturbé lors de ses visites à mon domicile de l'harcèlement incessant qu'il subit régulièrement par Mme [AO] (harcèlement moral, remise en cause sur les ventes réalisées, dénigrement etc...)',
- une attestation de Mme [Z] [C] du 25 octobre 2018 : 'J'atteste que lorsque je travaillais chez Tupperware, j'ai constaté de la part de Mme [AO] [U] une pression permanente sur l'ensemble de ses employés, y compris sur M. [OT] [PD]. De ce fait, personnellement, je n'ai pas souhaité poursuivre l'aventure avec Tupperware. Il apparaît que Tupperware est censé être un emploi que nous pouvons gérer par nous-mêmes : heures, réunion, que l'on souhaite faire un peu de chiffres ou beaucoup. Or, ce n'est pas le cas car on nous met la pression du chiffre : toujours plus de réunions pour plus d'argent et donc plus de rentabilité et de chiffre d'affaires pour la concession gérée par Mme [AO]',
- une attestation de Mme [N] [B] du 5 janvier 2021 : 'ayant travaillé plusieurs années dans la société MBI Provence en tant que conseillère et monitrice Tupperware, j'ai pu constater différents comportements contradictoires ou inégale d'une personne à l'autre venant de la chef Mme [AO] [U]. (...) Lorsque nous avons un arrêt maladie, congé maternité ou baisse d'activité, Mme [AO] demande notre démission. Cela passe par des messages sur nos téléphones, n'importe quel jour à n'importe quelle heure nous disant que, pas de chiffre, on pénalise toute la concession. En tant que monitrice, j'ai moi même eu des appels et messages me demandant mes rapports de semaine pendant mon arrêt maladie et maternité. Suite à un arrêt de plus de trois mois, je n'ai vu la médecine du travail que plusieurs mois après et il était très compliqué pour moi de travailler, elle me demande ma démission à plusieurs reprises car pas assez active à son goût. Lorsque j'ai eu ma visite à la médecine du travail, une procédure pour inaptitude en tant que conseillère et monitrice a été lancée, Mme [AO] a téléphoné au médecin pour stopper la procédure, elle m'a dit ensuite qu'elle ne voulait pas qu'il visite ces locaux et perdre du temps, qu'elle lui avait dit qu'on était d'accord pour un licenciement amiable et m'envoie un courrier de licenciement pour faute grave. Quand j'ai refusé, en lui disant que de
toutes façons, je n'avais aucune faute et que la médecine du travail ne mettait pas inapte, comme elle le savait, la discussion a été un peu rude de sa part. Je lui ai donc dit que je relançais la procédure d'inaptitude, elle a alors accepté de me refaire un courrier de licenciement amiable. Avec Mme [AO], si nous n'allons pas dans son sens, c'est très compliqué, pour nous faire démissionner, elle nous reproche (et parfois devant nos collègues ou invités) d'utiliser des méthodes que elle-même nous a apprises, comme l'échange de cadeaux hôtesse',
- une attestation de Mme [GP] [J] du 9 janvier 2021 : 'La concessionnaire, en réunion ou assemblée, à la question 'mon hôtesse veut bien dater mais ne veut pas du cadeau hôtesse de ce mois-ci' nous répond 'vous avez du stock personnel, vous pouvez échanger les cadeaux'. Lors des réunions, elle nous demande d'insister sur les ventes en 'menaçant' que la prochaine hôtesse n'aura pas son cadeau si le montant n'est pas atteint. Si on n'a pas de date d'atelier, nous n'avons pas de documents papier (catalogue et promos papier), sans ces documents nous ne pouvons pas dater = cercle vicieux'.
Il ressort des pièces produites que plusieurs salariés, qui occupaient la même fonction que M. [OT], à savoir celle de moniteur Tupperware, témoignent de pressions en matière d'objectifs par un suivi hebdomadaire de leurs prestations, des remarques et du chantage en fonction de leurs résultats. Ces éléments de fait, ainsi appréhendés dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral organisationnel, auquel il appartient à l'employeur de répondre.
Or, le mandataire liquidateur de la société MBI Provence se borne à rétorquer que les attestations produites ne sont pas probantes, que M. [OT] n'avance que des affirmations péremptoires et qu'il n'a souffert d'aucun préjudice. Ce faisant, il ne démontre pas en quoi les agissements de l'employeur sont justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement moral.
Le harcèlement moral ainsi caractérisé ouvre droit à indemnisation du préjudice moral occasionné qui sera intégralement réparé par l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 1 000 euros qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société MBI Provence.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
La lettre de licenciement du 4 janvier 2019 est ainsi motivée :
'Nous vous avons reçu le 10 décembre dernier, en présence de M. [AO], pour un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, auquel vous vous êtes présenté, assisté d'un conseiller extérieur, M. [E] [D].
Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse.
Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :
Le 13 novembre 2018, j'ai reçu un appel téléphonique de Mme [S] [U], manager, m'informant d'un nouvel accueil qu'elle avait réalisé, à savoir Mme [F] [V], qui souhaitait démarrer une activité de vendeuse à domicile indépendante.
Dans le cadre de la saisie informatique de ce nouvel accueil, nous nous sommes rendus compte que Mme [F] [V] avait déjà été enregistrée dans nos effectifs. Nous nous sommes donc rapprochés de Mme [S] [U], qui nous a affirmé - une fois avoir obtenu confirmation de la part de Mme [F] [V], que cette dernière n'avait jamais exercé une quelconque activité de vendeuse à domicile indépendant au sein de notre société.
Mme [V] nous a en effet expliqué que le 16 novembre 2018 que, lors d'un atelier tenu à son domicile en semaine 45 de 2016, vous lui avez demandé de lui rendre service pour gagner un challenge et lui avez alors fait signer un document 'à la va vite', sur un coin de table, juste avant la fin de l'atelier. Des invités étaient encore présents, Mme [V] n'a pas pris la peine de lire ce document.
Il se trouve que le document en question était une convention de mandat avec prestations de cooptation et d'animation !
Etant son animateur culinaire depuis plusieurs années, Mme [V] nous dit vous avoir en effet fait confiance. Lorsqu'elle vous a précisé n'avoir aucun temps à consacrer à une activité de vendeuse à domicile, vous avez minimisé l'impact de l'engagement qu'elle avait pris en signant un contrat de mandat, en lui disant que cela impliquait simplement pour elle de vous accompagner à l'agence de [Localité 3] afin de récupérer le kit de produits Tupperware remis à chaque nouvelle qui démarre une activité.
A la fin de la réunion, vous lui avez alors demandé de vous remettre ce kit de produits (d'une valeur de 160 €!) et lui avez remis en échange des produits d'une valeur moindre (à savoir une boîte à spaghettis d'un montant de 15,90 euros, une boîte Ventilofrais d'un montant de 26,90 euros, un saladier pouce d'un montant de 24,90 euros).
Je ne peux accepter vos explications laissant penser que le changement des cadeaux hôtesses et des cadeaux accueils des nouvelles animatrices était une pratique courant et acceptée par la société, ni que vous avez passé un 'contrat moral' avec Mme [V] pour vous qualifier pour un challenge.
En principe, dans le cadre de sa mission relative à l'animation d'une unité de vente, un moniteur qui rencontre une personne intéressée pour débuter une activité d'animatrice au sein de l'entreprise, prend rendez-vous avec cette personne dans le cadre d'un contact recrutement. Une fois lui avoir donné toutes les informations relatives à l'activité, le moniteur date une réunion de lancement, à laquelle il participe aux côtés de l'animatrice.
Or, de votre côté, vous avez délibérément trompé la concession en prétendant Mme [V] avait enregistré des commandes et réalisé du chiffre d'affaires en réalisant 2 ateliers :
- l'un en semaine 45/2016 au domicile de Mme [I] [K], ayant donné lieu à un montant de 403,42 euros de ventes,
- l'un en semaine 46/2016 au domicile de Mme [R] [L], ayant donné lieu à un montant de 501,71 euros de ventes.
Ces ateliers ayant été enregistrés en concession comme ayant été réalisés par Mme [V], un chèque correspondant au règlement de ses commissions a été établi au nom de Mme [V] [F] pour un montant de 102,34 euros.
Dès que nous avons eu connaissance des faits rapportés par Mme [V], qui a attesté n'avoir jamais perçu aucune commission de la part de notre société, nous nous sommes rapprochés de notre banque afin d'obtenir une copie du chèque sus-mentionné. Force a été de constater que vous avez rajouté, au niveau du bénéficiaire du chèque, la mention 'ou [OT] [PD]'. C'est donc vous qui avez touché cette rémunération.
Ces agissement visant notamment à tromper la confiance tant des tiers que de la société sont inacceptables et nuisent fortement à l'image de marque de notre société.
Ce sont ces raisons qui me contraignent aujourd'hui à vous notifier votre licenciement à compter de la première présentation de ce courrier. Je vous informe que je vous dispense d'effectuer votre préavis d'une durée d'un mois ; celui-ci vous sera rémunéré sous la forme d'une indemnité compensatrice de préavis.(...)'
1- Sur le bien-fondé du licenciement pour cause réelle et sérieuse
En application de l'article L 1235-1 du code du travail, le juge a pour mission d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.
La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Ils doivent par ailleurs être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L1232-1 du code du travail à la date du licenciement, l'employeur devant fournir au juge les éléments permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.
Il s'ensuit que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties.
L'employeur reproche ainsi à M. [OT], aux termes de la lettre de licenciement, d'avoir déclaré des commandes au nom de Mme [V] puis d'avoir falsifié le chèque qui était émis à son attention, afin de pouvoir l'encaisser.
Le mandataire liquidateur produit les pièces suivantes :
- copie du chèque d'un montant de 102,34 euros émis par la société MBI Provence à l'attention de Mme [V] [F], comportant la mention '(ou [OT] [PD])',
- une attestation de Mme [F] [V] du 6 novembre 2018 : 'A la fin d'un atelier réalisé à mon domicile fin 2016, M. [PD] [OT] m'a demandé de lui rendre service pour l'aider à gagner un challenge. Il m'a alors fait signer un document que j'ai rempli à la va-vite, sur un coin de table, avant la fin de l'atelier. Des invités étaient encore présents, je n'ai pas pris la peine de lire ce document, faisant confiance à M. [PD] [OT], animateur culinaire reçu à la maison depuis quelques années.
M. [PD] [OT] savait que je n'avais pas de temps à consacrer à cette activité et rassura en me disant que cela n'était pas important. Je devais juste l'accompagner à la concession de [Localité 3] où l'on me confia le sac de démarrage qui m'a été repris dès la fin de la soirée par M. [PD] [OT] qui me proposa de me les échanger (boîte spaghettis, ventilofrais, saladier pouce il me semble). Ayant plus de disponibilité actuellement, j'ai souhaité intégrer les équipes Tupperware. Mme [U] [AO] revient vers moi, me disant que je suis déjà enregistrée dans la société qu'elle dirige, chose que j'ignorais. Par la présente, je reconnais n'avoir à aucun moment touché de l'argent de la société Tupperware',
- une deuxième attestation de Mme [F] [V] du 16 novembre 2018 : 'certifie avoir reçu à mon domicile la visite de M. [PD] [OT] le 15 novembre dernier à 20h. Il m'a dit : 'on a rencontré un médiateur qui a dit que pour régler mon erreur, je devais vous remettre ce chèque' qu'il m'a tendu. Je lui ai dit ne pas vouloir de son chèque puisqu'à aucun moment, je n'avais travaillé pour. Il m'a alors dit 'c'est l'argent de votre atelier, celui fait chez vous'. Puis, il m'a présenté une attestation rédigée par ses soins me demandant de la signer comme quoi je reconnaissait avoir accepté son chèque. Je lui ai dit que je ne ferai rien sans en avoir parlé à Mme [U] [AO]. Il est alors immédiatement parti de chez moi reprenant son papier et me demandant pourquoi je voulais l'appeler, que cela ne la regardait pas. Il m'a alors dit que c'était son avocat qui lui avait dit de faire cette démarche et qu'[U] [AO] n'avait rien à faire dans cette histoire. Il m'a dit être au courant de l'attestation précédente que j'ai remise à Mme [U] [AO] ayant prêché le faux pour connaître le vrai. La seule chose que je lui ai dite est que je l'avais fait car cette histoire est grave, que j'ai relaté les faits et surtout que je n'avais jamais encaissé de chèque de MBI Provence. Je lui ai dit que si son avocat voulait me faire passer un message, qu'il pouvait m'écrire...'.
M. [OT] rétorque qu'aucun élément ne vient justifier les accusations portées à son encontre, soutenant que l'échange de cadeaux, notamment pour satisfaire les hôtesses, est courant. Il produit :
- une attestation de Mme [A] [T] du 15 novembre 2020 : 'En tant qu'ancienne VDI et manager d'équipe chez Tupperware, il m'est déjà arrivé de changer le cadeau prise de rendez-vous de mes hôtesses, à hauteur du même montant de produit. Grâce à notre activité, nous gagnons chaque semaine des produits et si nous avons des doublons, il était fréquent de modifier le cadeau de notre hôtesse pour ne pas la perdre, car pour elle, aucun intérêt de gagner un produit qu'elle avait déjà. De plus, en tant que manager d'équipe, il m'est déjà arrivé de donner quelques unes de mes commandes personnelles à une de mes VDI, pour qu'elle puisse atteindre un de ses paliers ou la moyenne de vente de la semaine pour qu'elle gagner son cadeau. Le but en tant que manager est de faire réussir nos filles, de leur donner envie de continuer l'activité, et de se dépasser de semaine en semaine. Donc, en tant que manager, si cela ne pénalise pas mon propre chiffre, alors oui, je donnais des commandes personnelles pour donner un coup de pouce à mes filles',
- une attestation de Mme [PN] [M] du 19 novembre 2019 : 'J'ai travaillé avec [PD] pendant une dizaine d'années et n'ai jamais eu à me plaindre de son comportement, celui-ci a toujours représenté cette marque avec honnêteté et passion. Les clients toujours ravis de sa disponibilité, à gérer les impondérables du métier (savoir échanger des produits quand il le faut). Dans ce genre d'activité, il faut se plier aux besoins des clients (échange produits ou la promo ou cadeaux). L'encaissement d'un chèque d'une commission d'une recrue peut relever d'un arrangement entre eux et n'est pas dommageable à la société'.
Il ressort des pièces produites par le mandataire liquidateur de la société MBI Provence, que l'encaissement du chèque par M. [OT] est avéré, ainsi que l'ajout a posteriori sur le chèque de la mention '(ou [PD] [OT])', les écritures étant manifestement différentes. Les attestations versées par M. [OT] pour expliquer les pratiques des moniteurs dans la gestion des cadeaux évoquent des situations qui ne sont pas comparables, et qui concernent des échanges de cadeaux, l'application de promotions ou même des arrangements entre moniteur et hôtesse, ce qui n'est pas le cas de la situation qui s'est produite entre M. [OT] et l'hôtesse, Mme [V].
Il s'ensuit que les griefs ayant fondé la mesure de licenciement sont fondés.
M. [OT] ajoute qu'en tout état de cause, au vu de l'ancienneté des faits et de l'absence de toute sanction disciplinaire par ailleurs à son égard, une mesure de licenciement n'est pas justifiée. S'il évoque leur ancienneté, non pas pour relever une éventuelle prescription de ces faits, le mandataire liquidateur précisant d'ailleurs qu'ils ont été découverts fin 2018, peu de temps avant l'engagement de la procédure de licenciement, mais pour contester la sanction optée par la société MBI Provence. Le mandataire liquidateur estime au contraire que la déloyauté de M. [OT] à l'égard de la société MBI Provence justifie la rupture du contrat de travail.
La cour estime également que la faute commise par M. [OT] a durablement entamé la confiance que pouvait avoir la société MBI Provence en son salarié.
Enfin, M. [OT] affirme que le licenciement trouve en réalité son origine dans ses revendications de plus en plus pressantes concernant ses horaires de travail et sa demande de requalification du contrat en contrat à temps complet.
L'exigence d'une cause exacte signifie également que le juge ne doit pas seulement vérifier que les faits allégués par l'employeur comme cause de licenciement existent. Il doit en outre rechercher si d'autres faits évoqués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement.
Or, la cour ne dispose d'aucun élément démontrant que M. [OT] avait exprimé en amont quelque revendication que ce soit à l'égard de son employeur sur ses conditions de travail, alors qu'il résulte de ce qui précède qu'elle a retenu, en présence de faits objectifs matériellement vérifiables et vérifiés, que la rupture procédait d'un manquement du salarié dans l'exécution de ses missions contractuelles.
Ces faits constituent la seule et véritable cause du licenciement qui a ainsi la nature juridique d'un licenciement disciplinaire.
C'est donc par une juste appréciation des faits, que le jugement querellé a conclu que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté M. [OT] dans ses demandes d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2- Sur les conséquences indemnitaires de la rupture
* Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Au regard de la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet, M. [OT] peut effectivement prétendre à un rappel de salaire, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis d'une durée de deux mois, en application de l'article L 1234-1 du code du travail.
Eu égard au montant du SMIC alors en vigueur, il aurait dû percevoir la somme de 3 042 euros brut, alors qu'il a touché la somme de 632,92 euros brut. La somme de 2 409,08 euros brut sera dès lors fixée au passif de la liquidation de la société MBI Provence, ainsi que 240,91 euros au titre des congés payés afférents.
* Sur l'indemnité légale de licenciement
Eu égard à la requalification du contrat de travail et au recalcul du salaire que devait verser à M. [OT] l'employeur, un reliquat de l'indemnité légale de licenciement du montant sollicité, soit 1 182 euros, sera fixé au passif de la liquidation de la société MBI Provence.
Sur les autres demandes
La cour ordonnera au mandataire liquidateur ès qualités de remettre à M. [OT] les documents de fin de contrat rectifiés: l'attestation destinée à France travail, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.
Il n'y a pas lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Sur les frais du procès
Les dépens d'appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société MBI Provence, ainsi que la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant en dernier ressort, par arrêt prononcé défaut, par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu'il a :
- rejeté la demande de M. [OT] d'une requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet,
- rejeté sa demande de rappel de salaire,
- rejeté sa demande au titre du harcèlement moral,
- rejeté sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- rejeté sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
Confirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Requalifie le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,
Fixe les créances de M. [OT] au passif de la liquidation de la société MBI Provence aux sommes suivantes :
- 32 747,76 euros brut au titre des rappels de salaire,
- 3 274,78 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 1 000 euros au titre du harcèlement moral,
- 1 182 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 2 409,08 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 240,91 euros brut au titre des congés payés afférents,
Y ajoutant,
Ordonne au mandataire liquidateur ès qualités de remettre à M. [OT] un bulletin de salaire, le certificat de travail et l'attestation France travail rectifiés conformes au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,
Y ajoutant,
Dit que les dépens d'appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société MBI Provence, ainsi que la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que le présent arrêt sera déclaré opposable à l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l'Unedic Délégation CGEA-AGS de [Localité 5], laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées au salarié que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail,
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 16 OCTOBRE 2025
N° 2025/
MAB/KV
Rôle N° RG 21/16425 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BINUT
[PD] [OT]
C/
[YR] [X]
Société AGS-CGEA DES BOUCHES DU RHONE*
S.A.R.L. MBI PROVENCE
Copie exécutoire délivrée
le : 16/10/25
à :
- Me Michèle KOTZARIKIAN, avocat au barreau de TARASCON,
- Me Martine NIQUET de l'ASSOCIATION NIQUET - TOURNAIRE CHAILAN, avocat au barreau de TARASCON
- Me Emmanuel LAMBREY de la SCP LAMBREY & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 21 Octobre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F21/00085.
APPELANT
Monsieur [PD] [OT], demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Michèle KOTZARIKIAN, avocat au barreau de TARASCON,
et Me Vincent REYMOND, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMES
Maître [YR] [X] es qualité de liquidateur de la société MBI PROVENCE - 27/12/24 : assignation délivrée à étude, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Martine NIQUET de l'ASSOCIATION NIQUET - TOURNAIRE CHAILAN, avocat au barreau de TARASCON
Société AGS CGEA DE [Localité 5] - 30/12/24 : assignation délivrée à personne morale, demeurant [Adresse 4]
défaillante
S.A.R.L. MBI PROVENCE (en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Tarascon en date du 8/07/22), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Emmanuel LAMBREY de la SCP LAMBREY & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 26 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe ASNARD, Président de chambre
Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025.
ARRÊT
rendu par défaut
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025.
Signé par Monsieur Philippe ASNARD, Président de chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
M. [PD] [OT] a été engagé par la société MBI Provence en qualité de moniteur pour le placement de produits Tupperware, à compter du 1er mars 2014, par contrat à durée indéterminée à temps partiel.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable fixé le 30 novembre 2018, M. [OT], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 janvier 2019, a été licencié pour cause réelle et sérieuse.
Le 14 octobre 2019, M. [OT], contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.
Par jugement rendu le 21 octobre 2021, le conseil de prud'hommes d'Arles a :
- rejeté la demande de M. [OT] sur la requalification du contrat à temps partiel en contrat de travail à temps complet,
- rejeté la demande de M. [OT] sur la condamnation au titre du harcèlement moral,
- débouté M. [OT] d sa demande sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes afférentes (indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, indemnité congés payés sur préavis, dommages et intérêts pour harcèlement moral)
- dit et jugé que le licenciement de M. [OT] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné M. [OT] au paiement de la somme de 150 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [OT] aux entiers dépens.
Le 23 novembre 2021, M. [OT] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
Par jugement du 8 juillet 2022, le tribunal de commerce de Tarascon a prononcé la liquidation judiciaire de la société MBI Provence et désigné Maître [YR] [X] en qualité de liquidateur judiciaire.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 juin 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 juin 2025, l'appelant demande à la cour de :
- réformer le jugement en date du 21 octobre 2021 rendu par le conseil de prud'hommes d'Arles,
- requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter du 1er mars 2014,
- constater le harcèlement moral de M. [OT],
- dire et juger que le licenciement prononcé à l'encontre de M. [OT] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- fixer la créance de M. [OT] au passif de la liquidation de la société MBI Provence aux sommes suivantes, en réparation de ses préjudices :
. Rappel de salaires : 53 493 euros (sur la période 2016 ' 2019)
. Congés payés sur salaires : 5 349,30 euros
. Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9 126 euros
. Indemnité légale de licenciement : 1 182 euros
. Indemnité compensatrice de préavis : 2 960 euros
. Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 296 euros
. Dommages intérêts pour harcèlement moral : 9 126 euros
- Condamner Me [X] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société MBI Provence à remettre à M. [OT] les documents suivants sous astreinte à compter de la notification de la décision à intervenir :
. Remise du certificat de travail sous astreinte journalière de 50 euros,
. Remise de l'attestation pole emploi et des bulletins de paie sous astreinte journalière de 50 euros,
- fixer en outre la créance de M. [OT] au passif de la liquidation de la société MBI Provence à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Me [X] aux entiers dépens,
- dire ces sommes opposables au CGEA.
L'appelant fait essentiellement valoir que :
- sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat en temps complet : le contrat écrit ne remplit pas les exigences légales, or il n'était pas en mesure de connaître ses horaires de travail. Même si des plannings étaient transmis s'agissant des réunions obligatoires, des modifications de planning et des ajouts ou suppressions de réunions intervenaient à la dernière minute. En outre, la durée de travail variait en fonction des mois.
- sur le harcèlement moral : le salarié évoque un harcèlement managérial, avec des brimades, des pressions et du chantage.
- sur le licenciement : M. [OT] estime que les griefs ne sont pas fondés, qu'ils ne peuvent en tout état de cause fonder une sanction aussi grave que le licenciement et que la véritable cause du licenciement réside dans ses revendications de plus en plus pressantes.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 mars 2025, le mandataire liquidateur de la société MBI Provence demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 21 octobre 2021,
- débouter M. [OT] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,
En conséquence,
- rejeter l'intégralité des réclamations en lien avec la requalification,
Subsidiairement et en cas de requalification,
- débouter M. [OT] de sa demande de rappel de salaire,
- débouter M. [OT] de ses demandes relatives à un prétendu harcèlement moral,
- juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
- débouter M. [OT] de l'intégralité de ses demandes en lien avec la rupture du contrat de travail,
- condamner M. [OT] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [OT] aux entiers dépens.
L'intimé réplique que:
- sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet : le salarié pouvait fixer, à sa convenance, les ateliers qu'il animait et connaissait à l'avance la fréquence des réunions. Il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur, alors qu'il occupait d'ailleurs un autre emploi.
- sur le harcèlement moral : le salarié se contente de propos péremptoires, sans aucune démonstration, et ne rapporte pas la preuve d'une dégradation de son état de santé.
- sur le licenciement : le mandataire liquidateur entend démontrer les faits reprochés, qui constitue une véritable atteinte à l'obligation de loyauté qui pèse sur le salarié, qui n'a pas hésité à falsifier un chèque.
Les dernières conclusions de l'appelant ont été signifiées au CGEA, intimé défaillant, le 15 décembre 2024, par acte de commissaire de justice remis à personne habilitée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
Aucun des éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permet de critiquer la régularité de l'appel principal, par ailleurs non contestée.
Il sera donc déclaré recevable.
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Il s'en déduit que seuls les moyens invoqués dans le cadre de la partie discussion des écritures des parties doivent être pris en compte.
La cour n'est donc pas tenue de statuer sur les demandes tendant à 'constater', 'donner acte', 'dire et juger' en ce qu'elles ne sont pas, exception faite des cas prévus par la loi, des prétentions, mais uniquement des moyens.
Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
1- Sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet
L'article L 3123-6 du code du travail dispose : 'Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au delà de la durée fixée par le contrat'.
Dès lors que les périodes de travail et les disponibilités du salarié sont clairement précisées de sorte que le salarié peut prévoir à quel rythme il doit travailler et qu'il n'est pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, les parties sont liées par un contrat à temps partiel.
En revanche, l'absence d'écrit mentionnant la durée de travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir en permanence à la disposition de l'employeur.
En l'espèce, le contrat de travail du 14 mars 2014 prévoit :
'3.1 : Compte tenu de la volonté de M. [OT] de ne pas exercer une activité à temps plein et d'avoir le libre choix du temps qu'il entend y consacrer, lequel est d'ailleurs variable selon les périodes, de l'accord de la société pour que le temps partiel de M. [OT] puisse évoluer au gré du temps qu'il entend consacrer à son activité, il est convenu que la durée du travail de chaque semaine et sa répartition sur les différents jours de la semaine seront déterminés à partir des compte-rendu d'activité, chaque atelier ne pouvant avoir une durée supérieure à celle visée ci-après.
Les dispositions qui précèdent n'ont pas pour objet ni pour effet d'instituer un contrôle de la durée du travail de M. [OT], en dehors des heures durant lesquelles il est présent à la concession pour les réunions auxquelles il assiste ou qu'il anime. En dehors de ces réunions et faute de pouvoir contrôler la durée du travail de M. [OT], il sera fait référence aux dispositions du présent contrat.
3.2 : M. [OT] exerce son activité dans le cadre du code du travail, et notamment de ses articles L 3123-1 et suivants relatifs au temps partiel.
3.3 La liberté dans l'organisation de ces activités permet à M. [OT] une souplesse de son temps de travail dont l'unité de mesure est l'atelier. Ainsi, pour apprécier le temps moyen consacré à ces activités, il est précisé que la durée moyenne du temps de travail, en tenant compte des travaux accessoires, tels que par exemple, la préparation de l'atelier, le déroulement de l'atelier, la livraison des commandes, l'administratif , la présence aux diverses réunions etc... ne saurait excéder 5 heures par atelier.
3.4 La représentation doit rester l'activité principale de M. [OT] qui s'engage à tenir un minimum de 40 ateliers de vente de produits les douze premiers mois de son activité.
3.5 M. [OT] répartit lui-même, de façon hebdomadaire, son objectif fixé en nombre d'ateliers dans les différentes rubriques du compte rendu d'activité : nombre d'ateliers organisés, d'ateliers programmés, de prospection clientèle et /ou de nouveaux accueils, le montant des ventes réalisées, l'état de la programmation des ateliers sur 8 semaines, le capital rendez-vous et le suivi des objectifs.
3.6 Il s'engage à fournir chaque semaine à la société ce compte-rendu hebdomadaire détaillé de ses visites et de ses résultats.
Il s'engage également à participer à toutes les séances d'animation et d'information organisées par la société, notamment et sauf empêchement majeur, à toutes les assemblées hebdomadaires et à porter l'assistance requise au concessionnaire à ces occasions.'
La cour observe que le contrat de travail écrit à temps partiel ne mentionne ni la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il s'ensuit que l'emploi occupé par M. [OT] est présumé à temps complet et qu'il appartient à l'employeur de renverser cette présomption, en rapportant la preuve d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir en permanence à sa disposition.
Le mandataire liquidateur de la société MBI Provence fait alors valoir que le salarié a lui-même demandé à bénéficier d'une dérogation aux dispositions relatives au travail à temps partiel, pour profiter d'une certaine liberté d'organisation, alors qu'il cumulait plusieurs emplois. Il rappelle que le salarié fixait lui-même, à sa convenance, les dates et horaires des ateliers qu'il souhaitait animer et qu'il recevait par ailleurs les plannings des réunions facultatives un mois à l'avance. Il en déduit que M. [OT] n'avait pas à se tenir à la disposition permanente de la société MBI Provence.
Il produit, au soutien de ses affirmations :
- un courrier rédigé par M. [OT] : 'Objet : demande de dérogation aux nouvelles dispositions relatives au travail à temps partiel.
Je viens d'être nommé moniteur dans votre entreprise le 1er mars 2014 et je souhaite bénéficier du libre choix du temps que j'entends consacrer à mon activité laquelle est d'ailleurs variable selon les périodes.
Vous m'avez informé que l'application des nouvelles dispositions concernant le travail à temps partiel issues de la loi de sécurisation de l'emploi du 14/06/2013 m'obligeraient à réaliser environ 5 ateliers par semaine.
Or, en raison de mon autre emploi exercé dans une autre entreprise, je ne pourrai atteindre cet objectif chaque semaine, aussi je souhaiterais bénéficier d'une dérogation.',
- les mails d'envoi des plannings trimestriels pour les années 2014 à 2018, ainsi que les plannings,
- les attestations de Mme [Y] [HK], de Mme [G] [JW], de Mme [W] [HA] et de Mme [TJ] [H], monitrices, du 12 avril 2017 qui affirment que leur contrat, comme celui de tous les moniteurs, leur offrait la possibilité d'organiser leur temps de travail en toute liberté et qu'elles ne sont pas restées à la disposition de l'employeur.
M. [OT] soutient en revanche qu'il n'a jamais été en mesure de connaître ses horaires de travail, les modalités d'organisation de son temps de travail, ni le nombre d'heures à réaliser. Il ne pouvait donc disposer librement de son temps, devant participer à des réunions obligatoires organisées à la dernière minute. S'il pouvait recevoir des plannings à l'avance, l'ajout, la modification et la suppression d'événements étaient courants. En outre, les plannings ne comportaient aucune précision sur les horaires des ateliers.
Or, comme le reconnaît l'employeur lui-même, en soulignant que le salarié choisissait librement le temps qu'il entendait consacrer à son activité de moniteur, aucune durée de travail, hebdomadaire ou mensuelle, n'avait été convenue entre les parties. Les moniteurs étaient d'ailleurs rémunérés à la commission et non en fonction d'un temps de travail effectué.
Il s'en déduit, sans qu'il soit besoin d'examiner si l'employeur rapporte la preuve du fait que M. [OT] n'avait pas à se tenir à sa disposition permanente, qu'il échoue ainsi à renverser la preuve de la présomption simple d'un emploi à temps complet.
Par infirmation du jugement entrepris, le contrat de travail à temps partiel sera donc requalifié en contrat de travail à temps complet.
M. [OT] sollicite dès lors un rappel de salaires d'un montant de 53 493 euros brut pour les trois dernières années, basé sur le SMIC alors en vigueur, puisqu'il n'a perçu jusqu'alors que des commissions sur le chiffre d'affaires.
Le mandataire liquidateur de la société MBI Provence rétorque que M. [OT] ne démontre pas avoir réalisé des heures de travail sans avoir été rémunéré.
Or, l'employeur est tenu, du fait de la requalification du contrat de travail à temps partiel, au paiement du salaire correspondant à un temps complet.
La cour observe toutefois que le calcul proposé par le salarié, fondé sur le SMIC en vigueur pour les années 2016, 2017, 2018 et 2019, omet de retrancher les montants effectivement perçus sur la même période. Or, il ressort des bulletins de salaire que M. [OT] a déjà touché les sommes brutes suivantes :
- pour la période de mars à décembre 2016 : 5 873,16 euros,
- pour l'année 2017 : 6 326,73 euros,
- pour l'année 2018 : 4 009,35 euros.
Par ailleurs, la lettre de licenciement ayant été notifiée le 4 janvier 2019, M. [OT] ne peut prétendre au versement d'un salaire pour les trois premiers mois de l'année 2019, sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis sera examinée dans le cadre des demandes relatives à la rupture du contrat de travail.
Il s'ensuit que M. [OT] aurait dû percevoir la somme totale brute de 48 957 euros et a déjà touché la somme de brute de 16 209,24 euros. En conséquence, la somme de 32 747,76 euros sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société MBI Provence, ainsi que la somme de 3 274,78 euros au titre des congés payés afférents.
2- Sur la demande au titre du harcèlement moral
Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.
En application du même texte et de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Une situation de harcèlement moral se déduit ainsi essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction.
S'agissant toutefois du harcèlement organisationnel, le salarié n'a pas l'obligation de démontrer qu'il a été personnellement visé par les agissements dénoncés.
En l'espèce, M. [OT] invoque un harcèlement managérial de la part de l'employeur, marqué par des brimades et du chantage de la part de Mme [U] [AO], gérante de la société MBI Provence, ainsi qu'une pression liée à la réalisation du chiffre d'affaires, et produit les pièces suivantes :
- une attestation de Mme [TU] [EE] du 26 octobre 2018 : 'Lors d'une assemblée à laquelle j'ai pu assister, j'ai constaté que Mme [U] [AO] faisait des différences entre ses chefs d'équipe, en terme de comportement et de communication envers eux',
- une attestation de Mme [O] [P] du 25 octobre 2018 : 'J'atteste au cours de réunions Tupperware, avoir entendu Mme [AO] [U] s'adresser de manière déplacée à plusieurs membres de son équipe y compris M. [OT] [PD].
M. [OT] [PD] étant un ami et j'atteste qu'il est très perturbé lors de ses visites à mon domicile de l'harcèlement incessant qu'il subit régulièrement par Mme [AO] (harcèlement moral, remise en cause sur les ventes réalisées, dénigrement etc...)',
- une attestation de Mme [Z] [C] du 25 octobre 2018 : 'J'atteste que lorsque je travaillais chez Tupperware, j'ai constaté de la part de Mme [AO] [U] une pression permanente sur l'ensemble de ses employés, y compris sur M. [OT] [PD]. De ce fait, personnellement, je n'ai pas souhaité poursuivre l'aventure avec Tupperware. Il apparaît que Tupperware est censé être un emploi que nous pouvons gérer par nous-mêmes : heures, réunion, que l'on souhaite faire un peu de chiffres ou beaucoup. Or, ce n'est pas le cas car on nous met la pression du chiffre : toujours plus de réunions pour plus d'argent et donc plus de rentabilité et de chiffre d'affaires pour la concession gérée par Mme [AO]',
- une attestation de Mme [N] [B] du 5 janvier 2021 : 'ayant travaillé plusieurs années dans la société MBI Provence en tant que conseillère et monitrice Tupperware, j'ai pu constater différents comportements contradictoires ou inégale d'une personne à l'autre venant de la chef Mme [AO] [U]. (...) Lorsque nous avons un arrêt maladie, congé maternité ou baisse d'activité, Mme [AO] demande notre démission. Cela passe par des messages sur nos téléphones, n'importe quel jour à n'importe quelle heure nous disant que, pas de chiffre, on pénalise toute la concession. En tant que monitrice, j'ai moi même eu des appels et messages me demandant mes rapports de semaine pendant mon arrêt maladie et maternité. Suite à un arrêt de plus de trois mois, je n'ai vu la médecine du travail que plusieurs mois après et il était très compliqué pour moi de travailler, elle me demande ma démission à plusieurs reprises car pas assez active à son goût. Lorsque j'ai eu ma visite à la médecine du travail, une procédure pour inaptitude en tant que conseillère et monitrice a été lancée, Mme [AO] a téléphoné au médecin pour stopper la procédure, elle m'a dit ensuite qu'elle ne voulait pas qu'il visite ces locaux et perdre du temps, qu'elle lui avait dit qu'on était d'accord pour un licenciement amiable et m'envoie un courrier de licenciement pour faute grave. Quand j'ai refusé, en lui disant que de
toutes façons, je n'avais aucune faute et que la médecine du travail ne mettait pas inapte, comme elle le savait, la discussion a été un peu rude de sa part. Je lui ai donc dit que je relançais la procédure d'inaptitude, elle a alors accepté de me refaire un courrier de licenciement amiable. Avec Mme [AO], si nous n'allons pas dans son sens, c'est très compliqué, pour nous faire démissionner, elle nous reproche (et parfois devant nos collègues ou invités) d'utiliser des méthodes que elle-même nous a apprises, comme l'échange de cadeaux hôtesse',
- une attestation de Mme [GP] [J] du 9 janvier 2021 : 'La concessionnaire, en réunion ou assemblée, à la question 'mon hôtesse veut bien dater mais ne veut pas du cadeau hôtesse de ce mois-ci' nous répond 'vous avez du stock personnel, vous pouvez échanger les cadeaux'. Lors des réunions, elle nous demande d'insister sur les ventes en 'menaçant' que la prochaine hôtesse n'aura pas son cadeau si le montant n'est pas atteint. Si on n'a pas de date d'atelier, nous n'avons pas de documents papier (catalogue et promos papier), sans ces documents nous ne pouvons pas dater = cercle vicieux'.
Il ressort des pièces produites que plusieurs salariés, qui occupaient la même fonction que M. [OT], à savoir celle de moniteur Tupperware, témoignent de pressions en matière d'objectifs par un suivi hebdomadaire de leurs prestations, des remarques et du chantage en fonction de leurs résultats. Ces éléments de fait, ainsi appréhendés dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral organisationnel, auquel il appartient à l'employeur de répondre.
Or, le mandataire liquidateur de la société MBI Provence se borne à rétorquer que les attestations produites ne sont pas probantes, que M. [OT] n'avance que des affirmations péremptoires et qu'il n'a souffert d'aucun préjudice. Ce faisant, il ne démontre pas en quoi les agissements de l'employeur sont justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement moral.
Le harcèlement moral ainsi caractérisé ouvre droit à indemnisation du préjudice moral occasionné qui sera intégralement réparé par l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 1 000 euros qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société MBI Provence.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
La lettre de licenciement du 4 janvier 2019 est ainsi motivée :
'Nous vous avons reçu le 10 décembre dernier, en présence de M. [AO], pour un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, auquel vous vous êtes présenté, assisté d'un conseiller extérieur, M. [E] [D].
Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse.
Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :
Le 13 novembre 2018, j'ai reçu un appel téléphonique de Mme [S] [U], manager, m'informant d'un nouvel accueil qu'elle avait réalisé, à savoir Mme [F] [V], qui souhaitait démarrer une activité de vendeuse à domicile indépendante.
Dans le cadre de la saisie informatique de ce nouvel accueil, nous nous sommes rendus compte que Mme [F] [V] avait déjà été enregistrée dans nos effectifs. Nous nous sommes donc rapprochés de Mme [S] [U], qui nous a affirmé - une fois avoir obtenu confirmation de la part de Mme [F] [V], que cette dernière n'avait jamais exercé une quelconque activité de vendeuse à domicile indépendant au sein de notre société.
Mme [V] nous a en effet expliqué que le 16 novembre 2018 que, lors d'un atelier tenu à son domicile en semaine 45 de 2016, vous lui avez demandé de lui rendre service pour gagner un challenge et lui avez alors fait signer un document 'à la va vite', sur un coin de table, juste avant la fin de l'atelier. Des invités étaient encore présents, Mme [V] n'a pas pris la peine de lire ce document.
Il se trouve que le document en question était une convention de mandat avec prestations de cooptation et d'animation !
Etant son animateur culinaire depuis plusieurs années, Mme [V] nous dit vous avoir en effet fait confiance. Lorsqu'elle vous a précisé n'avoir aucun temps à consacrer à une activité de vendeuse à domicile, vous avez minimisé l'impact de l'engagement qu'elle avait pris en signant un contrat de mandat, en lui disant que cela impliquait simplement pour elle de vous accompagner à l'agence de [Localité 3] afin de récupérer le kit de produits Tupperware remis à chaque nouvelle qui démarre une activité.
A la fin de la réunion, vous lui avez alors demandé de vous remettre ce kit de produits (d'une valeur de 160 €!) et lui avez remis en échange des produits d'une valeur moindre (à savoir une boîte à spaghettis d'un montant de 15,90 euros, une boîte Ventilofrais d'un montant de 26,90 euros, un saladier pouce d'un montant de 24,90 euros).
Je ne peux accepter vos explications laissant penser que le changement des cadeaux hôtesses et des cadeaux accueils des nouvelles animatrices était une pratique courant et acceptée par la société, ni que vous avez passé un 'contrat moral' avec Mme [V] pour vous qualifier pour un challenge.
En principe, dans le cadre de sa mission relative à l'animation d'une unité de vente, un moniteur qui rencontre une personne intéressée pour débuter une activité d'animatrice au sein de l'entreprise, prend rendez-vous avec cette personne dans le cadre d'un contact recrutement. Une fois lui avoir donné toutes les informations relatives à l'activité, le moniteur date une réunion de lancement, à laquelle il participe aux côtés de l'animatrice.
Or, de votre côté, vous avez délibérément trompé la concession en prétendant Mme [V] avait enregistré des commandes et réalisé du chiffre d'affaires en réalisant 2 ateliers :
- l'un en semaine 45/2016 au domicile de Mme [I] [K], ayant donné lieu à un montant de 403,42 euros de ventes,
- l'un en semaine 46/2016 au domicile de Mme [R] [L], ayant donné lieu à un montant de 501,71 euros de ventes.
Ces ateliers ayant été enregistrés en concession comme ayant été réalisés par Mme [V], un chèque correspondant au règlement de ses commissions a été établi au nom de Mme [V] [F] pour un montant de 102,34 euros.
Dès que nous avons eu connaissance des faits rapportés par Mme [V], qui a attesté n'avoir jamais perçu aucune commission de la part de notre société, nous nous sommes rapprochés de notre banque afin d'obtenir une copie du chèque sus-mentionné. Force a été de constater que vous avez rajouté, au niveau du bénéficiaire du chèque, la mention 'ou [OT] [PD]'. C'est donc vous qui avez touché cette rémunération.
Ces agissement visant notamment à tromper la confiance tant des tiers que de la société sont inacceptables et nuisent fortement à l'image de marque de notre société.
Ce sont ces raisons qui me contraignent aujourd'hui à vous notifier votre licenciement à compter de la première présentation de ce courrier. Je vous informe que je vous dispense d'effectuer votre préavis d'une durée d'un mois ; celui-ci vous sera rémunéré sous la forme d'une indemnité compensatrice de préavis.(...)'
1- Sur le bien-fondé du licenciement pour cause réelle et sérieuse
En application de l'article L 1235-1 du code du travail, le juge a pour mission d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.
La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Ils doivent par ailleurs être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L1232-1 du code du travail à la date du licenciement, l'employeur devant fournir au juge les éléments permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.
Il s'ensuit que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties.
L'employeur reproche ainsi à M. [OT], aux termes de la lettre de licenciement, d'avoir déclaré des commandes au nom de Mme [V] puis d'avoir falsifié le chèque qui était émis à son attention, afin de pouvoir l'encaisser.
Le mandataire liquidateur produit les pièces suivantes :
- copie du chèque d'un montant de 102,34 euros émis par la société MBI Provence à l'attention de Mme [V] [F], comportant la mention '(ou [OT] [PD])',
- une attestation de Mme [F] [V] du 6 novembre 2018 : 'A la fin d'un atelier réalisé à mon domicile fin 2016, M. [PD] [OT] m'a demandé de lui rendre service pour l'aider à gagner un challenge. Il m'a alors fait signer un document que j'ai rempli à la va-vite, sur un coin de table, avant la fin de l'atelier. Des invités étaient encore présents, je n'ai pas pris la peine de lire ce document, faisant confiance à M. [PD] [OT], animateur culinaire reçu à la maison depuis quelques années.
M. [PD] [OT] savait que je n'avais pas de temps à consacrer à cette activité et rassura en me disant que cela n'était pas important. Je devais juste l'accompagner à la concession de [Localité 3] où l'on me confia le sac de démarrage qui m'a été repris dès la fin de la soirée par M. [PD] [OT] qui me proposa de me les échanger (boîte spaghettis, ventilofrais, saladier pouce il me semble). Ayant plus de disponibilité actuellement, j'ai souhaité intégrer les équipes Tupperware. Mme [U] [AO] revient vers moi, me disant que je suis déjà enregistrée dans la société qu'elle dirige, chose que j'ignorais. Par la présente, je reconnais n'avoir à aucun moment touché de l'argent de la société Tupperware',
- une deuxième attestation de Mme [F] [V] du 16 novembre 2018 : 'certifie avoir reçu à mon domicile la visite de M. [PD] [OT] le 15 novembre dernier à 20h. Il m'a dit : 'on a rencontré un médiateur qui a dit que pour régler mon erreur, je devais vous remettre ce chèque' qu'il m'a tendu. Je lui ai dit ne pas vouloir de son chèque puisqu'à aucun moment, je n'avais travaillé pour. Il m'a alors dit 'c'est l'argent de votre atelier, celui fait chez vous'. Puis, il m'a présenté une attestation rédigée par ses soins me demandant de la signer comme quoi je reconnaissait avoir accepté son chèque. Je lui ai dit que je ne ferai rien sans en avoir parlé à Mme [U] [AO]. Il est alors immédiatement parti de chez moi reprenant son papier et me demandant pourquoi je voulais l'appeler, que cela ne la regardait pas. Il m'a alors dit que c'était son avocat qui lui avait dit de faire cette démarche et qu'[U] [AO] n'avait rien à faire dans cette histoire. Il m'a dit être au courant de l'attestation précédente que j'ai remise à Mme [U] [AO] ayant prêché le faux pour connaître le vrai. La seule chose que je lui ai dite est que je l'avais fait car cette histoire est grave, que j'ai relaté les faits et surtout que je n'avais jamais encaissé de chèque de MBI Provence. Je lui ai dit que si son avocat voulait me faire passer un message, qu'il pouvait m'écrire...'.
M. [OT] rétorque qu'aucun élément ne vient justifier les accusations portées à son encontre, soutenant que l'échange de cadeaux, notamment pour satisfaire les hôtesses, est courant. Il produit :
- une attestation de Mme [A] [T] du 15 novembre 2020 : 'En tant qu'ancienne VDI et manager d'équipe chez Tupperware, il m'est déjà arrivé de changer le cadeau prise de rendez-vous de mes hôtesses, à hauteur du même montant de produit. Grâce à notre activité, nous gagnons chaque semaine des produits et si nous avons des doublons, il était fréquent de modifier le cadeau de notre hôtesse pour ne pas la perdre, car pour elle, aucun intérêt de gagner un produit qu'elle avait déjà. De plus, en tant que manager d'équipe, il m'est déjà arrivé de donner quelques unes de mes commandes personnelles à une de mes VDI, pour qu'elle puisse atteindre un de ses paliers ou la moyenne de vente de la semaine pour qu'elle gagner son cadeau. Le but en tant que manager est de faire réussir nos filles, de leur donner envie de continuer l'activité, et de se dépasser de semaine en semaine. Donc, en tant que manager, si cela ne pénalise pas mon propre chiffre, alors oui, je donnais des commandes personnelles pour donner un coup de pouce à mes filles',
- une attestation de Mme [PN] [M] du 19 novembre 2019 : 'J'ai travaillé avec [PD] pendant une dizaine d'années et n'ai jamais eu à me plaindre de son comportement, celui-ci a toujours représenté cette marque avec honnêteté et passion. Les clients toujours ravis de sa disponibilité, à gérer les impondérables du métier (savoir échanger des produits quand il le faut). Dans ce genre d'activité, il faut se plier aux besoins des clients (échange produits ou la promo ou cadeaux). L'encaissement d'un chèque d'une commission d'une recrue peut relever d'un arrangement entre eux et n'est pas dommageable à la société'.
Il ressort des pièces produites par le mandataire liquidateur de la société MBI Provence, que l'encaissement du chèque par M. [OT] est avéré, ainsi que l'ajout a posteriori sur le chèque de la mention '(ou [PD] [OT])', les écritures étant manifestement différentes. Les attestations versées par M. [OT] pour expliquer les pratiques des moniteurs dans la gestion des cadeaux évoquent des situations qui ne sont pas comparables, et qui concernent des échanges de cadeaux, l'application de promotions ou même des arrangements entre moniteur et hôtesse, ce qui n'est pas le cas de la situation qui s'est produite entre M. [OT] et l'hôtesse, Mme [V].
Il s'ensuit que les griefs ayant fondé la mesure de licenciement sont fondés.
M. [OT] ajoute qu'en tout état de cause, au vu de l'ancienneté des faits et de l'absence de toute sanction disciplinaire par ailleurs à son égard, une mesure de licenciement n'est pas justifiée. S'il évoque leur ancienneté, non pas pour relever une éventuelle prescription de ces faits, le mandataire liquidateur précisant d'ailleurs qu'ils ont été découverts fin 2018, peu de temps avant l'engagement de la procédure de licenciement, mais pour contester la sanction optée par la société MBI Provence. Le mandataire liquidateur estime au contraire que la déloyauté de M. [OT] à l'égard de la société MBI Provence justifie la rupture du contrat de travail.
La cour estime également que la faute commise par M. [OT] a durablement entamé la confiance que pouvait avoir la société MBI Provence en son salarié.
Enfin, M. [OT] affirme que le licenciement trouve en réalité son origine dans ses revendications de plus en plus pressantes concernant ses horaires de travail et sa demande de requalification du contrat en contrat à temps complet.
L'exigence d'une cause exacte signifie également que le juge ne doit pas seulement vérifier que les faits allégués par l'employeur comme cause de licenciement existent. Il doit en outre rechercher si d'autres faits évoqués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement.
Or, la cour ne dispose d'aucun élément démontrant que M. [OT] avait exprimé en amont quelque revendication que ce soit à l'égard de son employeur sur ses conditions de travail, alors qu'il résulte de ce qui précède qu'elle a retenu, en présence de faits objectifs matériellement vérifiables et vérifiés, que la rupture procédait d'un manquement du salarié dans l'exécution de ses missions contractuelles.
Ces faits constituent la seule et véritable cause du licenciement qui a ainsi la nature juridique d'un licenciement disciplinaire.
C'est donc par une juste appréciation des faits, que le jugement querellé a conclu que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté M. [OT] dans ses demandes d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2- Sur les conséquences indemnitaires de la rupture
* Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Au regard de la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet, M. [OT] peut effectivement prétendre à un rappel de salaire, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis d'une durée de deux mois, en application de l'article L 1234-1 du code du travail.
Eu égard au montant du SMIC alors en vigueur, il aurait dû percevoir la somme de 3 042 euros brut, alors qu'il a touché la somme de 632,92 euros brut. La somme de 2 409,08 euros brut sera dès lors fixée au passif de la liquidation de la société MBI Provence, ainsi que 240,91 euros au titre des congés payés afférents.
* Sur l'indemnité légale de licenciement
Eu égard à la requalification du contrat de travail et au recalcul du salaire que devait verser à M. [OT] l'employeur, un reliquat de l'indemnité légale de licenciement du montant sollicité, soit 1 182 euros, sera fixé au passif de la liquidation de la société MBI Provence.
Sur les autres demandes
La cour ordonnera au mandataire liquidateur ès qualités de remettre à M. [OT] les documents de fin de contrat rectifiés: l'attestation destinée à France travail, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.
Il n'y a pas lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Sur les frais du procès
Les dépens d'appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société MBI Provence, ainsi que la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant en dernier ressort, par arrêt prononcé défaut, par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu'il a :
- rejeté la demande de M. [OT] d'une requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet,
- rejeté sa demande de rappel de salaire,
- rejeté sa demande au titre du harcèlement moral,
- rejeté sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- rejeté sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
Confirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Requalifie le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,
Fixe les créances de M. [OT] au passif de la liquidation de la société MBI Provence aux sommes suivantes :
- 32 747,76 euros brut au titre des rappels de salaire,
- 3 274,78 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 1 000 euros au titre du harcèlement moral,
- 1 182 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 2 409,08 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 240,91 euros brut au titre des congés payés afférents,
Y ajoutant,
Ordonne au mandataire liquidateur ès qualités de remettre à M. [OT] un bulletin de salaire, le certificat de travail et l'attestation France travail rectifiés conformes au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,
Y ajoutant,
Dit que les dépens d'appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société MBI Provence, ainsi que la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que le présent arrêt sera déclaré opposable à l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l'Unedic Délégation CGEA-AGS de [Localité 5], laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées au salarié que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail,
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT