CA Versailles, ch. civ. 1-3, 16 octobre 2025, n° 22/04457
VERSAILLES
Autre
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50A
Chambre civile 1-3
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 OCTOBRE 2025
N° RG 22/04457 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VJSS
AFFAIRE :
[S] [G] [B]
...
C/
S.C.I. [F], immatriculée au RCS de [Localité 11] n° 499 203 605
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Janvier 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 11]
N° Chambre : 2
N° Section :
N° RG : 17/06790
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Aurélie BERNARD-PIOCHOT de l'AARPI ABC ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Marie DE LARDEMELLE, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [S] [G] [B] en qualité d'héritier de [U] [Y] épouse [B], décédée le 9 juillet 2022, agissant elle-même en qualité d'héritière de [R] [M], décédé le 19 octobre 2017 , agissant lui-même en qualité d'héritier de [U] [M], décédée le 5 mars 2017
né le 02 Juin 1946 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 1]
Madame [J] [B] en qualité d'héritière de [U] [Y] épouse [B], décédée le 9 juillet 2022, agissant elle-même en qualité d'héritière de [R] [M], décédé le 19 octobre 2017 , agissant lui-même en qualité d'héritier de [U] [M], décédée le 5 mars 2017
née le 17 Mars 1978 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Aurélie BERNARD-PIOCHOT de l'AARPI ABC ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 578
APPELANTS
****************
S.C.I. [F]
N° SIRET : 499 230 605
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Marie DE LARDEMELLE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 29
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 10 avril 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Florence PERRET, Présidente, chargée du rapport
Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller
Madame Charlotte GIRAULT, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Florence PERRET, Présidente et par Madame FOULON, Greffière.
**********
FAITS ET PROCEDURE :
Le 26 décembre 2014, Maître [X] [E], notaire, a reçu un acte de vente en viager au domicile du couple formé de [R] [M] et de [U] [B] épouse [M] au profit de la société [F] dont Mme [W] est actionnaire et gérante.
Aux termes de cette vente, il a été convenu que :
« L'acquéreur est propriétaire du bien à compter de ce jour.
Il en aura la jouissance à l'extinction du droit d'usage d'habitation réservé par le vendeur à son profit »
« Pour les besoins de la publicité foncière, la capitalisation de la rente viagère ci-après stipulée est évaluée par les parties à la somme de 200 000 euros.
La vente a lieu moyennant l'obligation par l'acquéreur de servir une rente annuelle et viagère révisable ainsi qu'il sera dit ci-après, créée au profit et sur la tête du vendeur et du survivant d'eux d'un montant annuel de 21 000 euros.
Cette rente, due à partir de ce jour, sera payable au vendeur et au survivant d'eux jusqu'au décès du dernier mourant, sans réduction lors du décès du prémourant.
Il est convenu que cette rente sera payable d'avance en 12 termes égaux de 1 750 euros ».
Préalablement à l'acte notarié, au mois de mai 2014, [U] [B] épouse [M], alors âgée de 93 ans, avait été hospitalisée.
A sa sortie d'hôpital, son état s'étant dégradé, Mme [W], pharmacienne de son état, s'était proposée d'aider M. et Mme [M] dans leur quotidien et avait obtenu une procuration générale sur leurs comptes bancaires.
S'inquiétant des mouvements de fonds opérés sur les comptes de M. et Mme [M], leur banque a fait un signalement à la cellule Tracfin et une enquête a été menée par la brigade de recherche de la gendarmerie de [Localité 8].
A la suite de cette enquête, Mme [W] a fait l'objet d'un renvoi devant le tribunal correctionnel de Versailles pour des faits d'abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable pour la conduire à un acte ou à une abstention préjudiciable commis à l'encontre de M. et Mme [M] (alors âgée de 95 ans) entre courant juillet 2014 et le 28 février 2017.
Par jugement du 14 mai 2018 rendu par le tribunal correctionnel de Versailles, Mme [W] a été reconnue coupable, entre courant juillet 2014 et le 28 février 2017, d'une telle infraction et condamnée à ce titre à un emprisonnement délictuel de deux ans dont quatorze mois avec sursis et 80 000 euros d'amende délictuelle.
Mme [W] ayant interjeté appel de ce jugement, limité aux dispositions civiles, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Versailles, aux termes d'un arrêt rendu le 19 septembre 2019, a confirmé le premier jugement.
Par un arrêt rendu le 20 octobre 2021, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Mme [W].
Aux termes d'un testament olographe en date du 1er mars 2017, M. [M] a institué sa nièce, Mme [U] [B], légataire universelle.
[U] [M] est décédée le 5 mars 2017.
[R] [M] est décédé le 19 octobre 2017.
Par acte d'huissier en date du 9 août 2017, M. [R] [M] avait fait assigner devant le tribunal judiciaire de Versailles, la société [F].
Par jugement du 24 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Versailles a :
- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société [F],
- rejeté l'ensemble des demandes présentées par Mme [U] [B] aux fins d'annulation du contrat de vente en viager signé le 26 décembre 2014 entre les époux [M] et la SCI [F],
- rejeté la demande d'indemnité d'occupation présentée par la société [F],
- condamné Mme [U] [B] aux dépens,
- condamné Mme [U] [B] à payer à la société [F] par application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Par acte du 7 juillet 2022, Mme [U] [B] agissant es qualités d'héritière de [R] [M] a interjeté appel de ce jugement.
[U] [B] est décédée et ses héritiers, M. [S] [B], son époux, et Mme [J] [B], sa fille, sont intervenus à l'instance en leur qualité d'héritiers de [U] [B].
Par dernières écritures du 25 mars 2025, M. [S] [G] [B] et Mme [J] [B] agissant es qualités d'héritiers de [U] [B] prient la cour de :
- les recevoir, agissant es qualités d'héritiers de Mme [U] [B], agissant elle-même en qualité d'héritière de [R] [M], agissant lui-même es qualités d'héritier de [U] [M], en leur intervention volontaire principale,
- prendre acte de la constitution de Me Aurélie Bernard-Piochot,
- déclarer leur action recevable,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes formulées par la société [F],
et statuant à nouveau,
S'agissant du contrat de vente viager signé le 26 décembre 2014 entre [R] et [U] [M] et la société AlexandreA titre principal,
- prononcer la nullité de ce contrat en raison du dol commis sur M. et Mme [M],
A titre subsidiaire,
- prononcer la nullité de ce contrat en raison de l'incapacité de recevoir de Mme [W] et de la société [F],
A titre infiniment subsidiaire,
- prononcer la nullité de ce contrat pour inexistence du consentement de M. et Mme [M],
A titre infiniment subsidiaire,
- prononcer la résolution de ce contrat pour inexécution contractuelle fautive de la société [F],
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner la société [F] à leur verser la somme de 45 500 euros correspondant aux rentes viagères non versées pour la période de décembre 2014 à février 2017,
S'agissant des demandes de la société [F],
- débouter la société [F] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
En tout état de cause,
- ordonner l'expulsion du logement de la société [F] et de tout occupant de son chef dans les lieux, et ce, avec le concours de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu,
- condamner la société [F] à une astreinte de 200 euros par jour de retard faute de quitter les lieux volontairement dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir,
- autoriser le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les locaux, aux conditions des articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet 1991,
- condamner la société [F] à leur payer une indemnité d'occupation à hauteur de 1 750 euros par mois, à compter du 28 octobre 2018 et jusqu'à libération effective des lieux,
- condamner la société [F] à leur verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi,
- condamner la société [F] à leur verser la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner la société [F] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Bernard-Piochot.
Par dernières conclusions du 10 mars 2025, la société [F] prie la cour de :
A titre principal,
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré valide le testament olographe du 1er mars 2017 établi par [R] [M] au profit de [U] [B],
- juger nul et de nul effet le testament olographe en date du 1er mars 2017 rédigé par [R] [M] au profit de [U] [B],
En conséquence,
- juger que les consorts [B] venant aux droits et obligations de [U] [B] n'ont ni qualité, ni intérêt pour agir,
- les juger de ce fait irrecevables en leur appel et les débouter de l'ensemble de leurs demandes,
Subsidiairement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté [U] [B] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- condamner in solidum les consorts [B] à lui verser une indemnité d'occupation d'un montant de 21 000 euros,
- condamner in solidum les consorts [B] à verser à Mme [W] épouse [I] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité et d'intérêt à agir des consorts [B]
A titre liminaire, la cour relève que M. [S] [G] [B] et Mme [J] [B] interviennent à la cause en qualité d'héritiers de [U] [B] qui agissait en nullité du contrat de vente en viager conclu le 26 décembre 2014,
Le tribunal a jugé que la qualité à agir de Mme [U] [B] ne pouvait être contestée tant sur le fondement de l'article 414-1 du code civil que sur celui de l'article 414-2 du même code en relevant d'abord que rien ne permet de conclure que le 1er mars 2017, date à laquelle le testateur, M. [M], a dressé son testament, il ne disposait pas de ses facultés mentales. Il a ensuite rappelé que Mme [B] n'est qu'intervenante volontaire à l'action de son oncle de telle sorte que l'article 414-2 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer.
En cause d'appel, la SCI [F] conteste la validité du testament olographe de [R] [M] qui, outre le fait qu'il déclare « vouloir léger » et non « léguer » ses biens à Mme [B], ne pouvait pas tester concernant des biens de la communauté constituée avec son épouse. Elle estime que l'acte est un pacte sur succession future qui est prohibé par les articles 722, 943 et 1389 du code civil.
Subsidiairement, elle soutient sur le fondement de l'article 901 du code de procédure civile que [R] [T] n'était pas sain d'esprit.
Elle ajoute que l'action est irrecevable sur le fondement de l'article 414-2 du code civil car la preuve de l'insanité d'esprit de M. [M] au moment de la conclusion du contrat de vente viager n'est pas rapportée.
M. et Mme [B], intimés, objectent que la validité du testament du 1er mars 2017 a été confirmée par le président du tribunal judiciaire de Versailles par ordonnance du 4 avril 2018 devenue définitive. Ils ajoutent qu'en tout état de cause, aucune pièce ne permet à l'intimée de prouver la détérioration des capacités intellectuelles de M. [M] à l'époque de sa rédaction. Ils considèrent que l'action de la SCI [F] visant essentiellement à voir juger nul le testament olographe du 1er mars 2017 rédigé par M. [R] [M] est prescrite conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil. Ils affirment que le testament dont se prévaut la SCI [F] établi au profit de Mme [W] est illisible car et en déduisent que, même si le testament du 1er mars 2017 les gratifiant était nul, les règles successorales s'appliqueraient en leur faveur.
Concernant les textes légaux invoqués par l'appelante, ils font valoir que l'article 943 du code civil concerne les donations entre vifs, et que l'article 1389 du même code qui prévoit que les époux ne peuvent faire aucune convention ou renonciation dont l'objet est de changer l'ordre légal des successions ne trouve pas application ici puisque le testament du 1er mars 2017 n'a pas pour objet ou pour effet de changer cet ordre. Ils rappellent que chacun des époux conserve le droit de disposer librement de sa part dans la communauté par testament et contestent la qualification de pacte sur succession future en estimant que les dispositions de l'article 722 du code civil ne s'appliquent pas à un acte juridique unilatéral.
Enfin, ils rappellent que l'action en nullité avait été engagée de son vivant par [R] [M] et que [U] [B] n'était qu'une intervenante volontaire à la cause en tant que nièce.
Sur ce,
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond,pour défaut de droit d'agir tel le défaut de qualité et le défaut d'intérêt.
Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »
Toute personne qui prétend qu'une atteinte a été portée à un droit lui appartenant et qui profitera personnellement de la mesure qu'elle réclame a un intérêt personnel à agir en justice et donc qualité pour le faire.
L'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de l'instance (Cass. 3e chambre civile, 12 janv. 2005, n° 03-18.256 P).
Il est de jurisprudence constante que ni l'intérêt ni la qualité à agir ne sont subordonnés à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès.
En principe, l'intérêt à agir donne qualité pour agir ; ce n'est que par exception, lorsque l'action est réservée à certaines personnes, que ces dernières doivent justifier, au-delà de leur intérêt à agir, du titre leur conférant le droit d'agir en justice.
En l'espèce, la fin de non-recevoir développée par la SCI [F] nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond touchant à la validité du testament fondant les droits de [U] [B] et en conséquence ceux de son époux et de sa fille, intimés à la présente procédure devant la cour d'appel. Il convient donc d'abord de trancher cette question de fond.
Sur la validité du testament établi le 1er mars 2017 au bénéfice de [U] [B]:
De façon préliminaire, la cour relève que les intimés qui relèvent que l'action en nullité du testament par la SCI [F] est prescrite ne formulent aucune demande sur ce fondement dans le dispositif de leurs écritures à ce sujet.
Mme [B] a produit en première instance et les intimés après elle à hauteur d'appel l'attestation successorale établie par Maître [N], notaire à [Localité 13], par laquelle, en vertu du testament olographe fait à [Localité 10] le 1er mars 2017, elle a été instituée légataire universelle de [R] [M], son oncle (pièce 3). L'original de ces dispositions testamentaires a été déposé au rang des minutes de Maître [H], notaire à [Localité 9] suivant procès-verbal d'ouverture et de description en date du 11 janvier 2018. La SCI [F] disposait donc de toutes les informations pour contester ledit testament mais n'a engagé aucune action en nullité.
Tout d'abord, la cour relève que si Mme [B] prétend que par ordonnance du 4 avril 2018, le président du tribunal judiciaire de Versailles a confirmé la validité du testament établi le 1er mars 2017, elle ne produit pas pour autant l'ordonnance en question de sorte que la pertinence de ce moyen ne peut être examiné par la cour faute de production de la pièce.
Selon l'article 1108 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention:
- Le consentement de la partie qui s'oblige ;
- La capacité de contracter ;
- Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ;
- Une cause licite dans l'obligation.
Selon l'article 414-1 du code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. Il est de jurisprudence constante que le trouble mental dont la preuve doit être rapportée, doit exister au moment précis où l'acte attaqué a été fait.
En l'espèce, il convient de rappeler que c'est sur la SCI [F] qui invoque la nullité du testament fondant les droits des intimés, que pèse la charge de démontrer que [R] [M] ne disposait pas de l'ensemble de ses facultés mentales au moment de la rédaction de ses dispositions testamentaires.
Or, comme l'ont relevé avec pertinence les premiers juges, force est de constater que la SCI [F] ne verse aux débats aucune pièce contemporaine de l'établissement du testament, propre à établir une détérioration des capacités intellectuelles de [R] [M] .
En revanche, le rapport du docteur [K] en tant qu'expert a été établi après examen médical du 17 novembre 2016 indique que [R] [M] ne présente pas de déficience intellectuelle, ni de signe en faveur d'une pathologie psychotique ou thymique, ou en faveur d'une détérioration mentale (pièce 12 des intimés) . Le compte-rendu des propos que ce dernier a tenu à l'expert est très clair, faisant état de son ignorance des chèques de 10 000 euros que Mme [W] fasait à l'ordre de son fils [O] et de la faiblesse mnésique de sa femme.
Le médecin note certes qu'il "s'agit d'un vieux monsieur (94 ans) aux capacités physiques altérées et aux capacités critiques émoussées, présentant probablement une dimension de relative vulnérabilité, ce d'autant qu'il s'en est toujours remis à son épouse pour la réalisation de l'ensemble des actes socio-administratifs" mais note un rapport à la réalité adapté, aucun trouble du contenu ou du cours de la pensée et aucune altération des fonctions supérieures.
La cour approuve les premiers juges d'avoir estimé qu'aucune de ces constatations ne permettait de conclure que le 1er mars 2017, [R] [M] ne disposait pas de ses facultés mentales lorsqu'il a rédigé le testament dont se prévaut sa nièce, Mme [B].
Enfin, s'agissant du grief tiré de la réalisation d'un pacte sur succession future, force est de constater que [R] [M] a effectué des dispositions à cause de mort.
En effet, il déclare dans un document manuscrit signé et daté, révoquer toutes ses dispositions testamentaires antérieures et vouloir léguer au jour de son décès l'ensemble de son patrimoine à sa nièce Mme [B]. Ce testament n'est pas assimilable à un pacte sur succession future qui est un accord conclu entre deux ou plusieurs personnes prévoyant une répartition particulière de leurs successions respectives, qui n'entrera en vigueur qu'au décès des parties concernées. Ainsi, le moyen fondé sur la violation des dispositions de l'article 722 du code civil doit être rejeté, un testament étant un acte unilatéral et non une convention et le jugement est confirmé de ce chef.
La SCI [F] évoque également les dispositions de l'article 943 du code civil selon lesquelles « La donation entre vifs ne pourra comprendre que les biens présents du donateur; si elle comprend des biens à venir, elle sera nulle à cet égard », elles ne sont pas applicables à des dispositions relatives au testament. Le moyen par lequel l'absence d'intérêt à agir tend à être démontré sur le fondement de ce texte est donc rejeté.
Enfin, s'agissant des dispositions de l'article 1389 du code civil qui figure au chapitre des 'régimes matrimoniaux' selon lesquelles « Sans préjudice des libéralités qui pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas déterminés par le présent code, les époux ne peuvent faire aucune convention ou renonciation dont l'objet serait de changer l'ordre légal des successions», il convient de relever que dans la mesure où la stipulation testamentaire ne change pas l'ordre légal des successions, Mme [B] étant la nièce de M. [M] qui n'avait pas de descendance et Mme [B] épouse [M] étant décédée avant son mari, le testament ne modifie pas l'ordre légal de succession. Partant, ces dispositions n'ont pas lieu d'être appliquées en l'espèce.
Le rejet de la fin de non-recevoir fondée sur l'ensemble de ces moyens et justifiant l'annulation du testament selon la SCI [F] est confirmé .
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'article 414-2 du code civil
Invoquant les dispositions de l'article 414-2 du code civil, la société [F] soutient que le contrat de vente en viager ne porte pas en lui-même la preuve d'un trouble mental puisque, d'une part, un certificat médical établi le jour même certifie que Mme [M] était saine de corps et d'esprit, et que d'autre part, le notaire s'est assuré du consentement éclairé des parties ; que Mme [M] n'était pas placée sous sauvegarde de justice à la date de la signature du contrat ; qu'aucune action n'a été introduite avant le décès de Mme [M] aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou aux fins d'habilitation familiale, ce qui tend à confirmer son parfait état de santé lors de la vente en viager; qu'enfin, les intimés ont auparavant affirmé que le discernement des époux [M] était altéré en 2014 lors de la vente en viager et que donc, il ne pouvait que l'être aussi en 2017 lors du testament contesté.
En réplique, Madame [B] rappelle que l'action en nullité avait été engagée, de son vivant, par [R] [M] et qu'elle-même n'est qu'intervenante volontaire à la présente instance, alors que les restrictions apportées par l'article 414-2 du code civil ne portent que sur les actions initiées par les héritiers.
Sur ce,
L'article 414-2 du code civil dispose que :
" De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé.
Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, que dans les cas suivants : |
1°) Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ;
2°) S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;
3°) Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou aux fins d'habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future. L'action en nullité s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 2224. "
En l'espèce, c'est à bon droit que Mme [B] souligne qu'elle n'est qu'intervenante volontaire à l'action de son oncle M. [M] qui avait agi en tant qu'héritier direct de telle sorte que l'article 414-2 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer à sa personne.
Au surplus, ce texte pose des conditions de fond, non de recevabilité de l'action, et l'hériter est recevable à agir sur ce fondement tant qu'il peut justifier de sa qualité
En conséquence, la fin de non-recevoir fondée sur ce moyen sera également, rejetée.
Ainsi, en conclusion, la cour confirme le rejet de toutes les fins de non-recevoir formulées par la société [F] et affirme la qualité et l'intérêt à agir de M. [S] [G] [B] et Mme [J] [B] en défense de leurs intérêts .
* S'agissant de l'exception de procédure tirée du principe « una via electa »
Le tribunal a estimé la règle selon laquelle la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile ne peut plus la porter devant la juridiction répressive, n'est susceptible d'application qu'autant que les demandes, respectivement portées devant le juge civil et devant le juge pénal ont le même objet, la même cause et visent les mêmes parties.
Ainsi le tribunal a, pour rejeter cette exception de procédure, relevé d'une part que Mme [B] s'est constituée partie civile devant la juridiction répressive alors qu'elle est intervenue volontairement à l'instance civile, que les demandes formées devant ces deux juridictions n'ont pas le même objet et enfin, que les parties sont différentes.
La SCI [F] estime que Mme [B] a sollicité sous forme de dommages et intérêts la condamnation de Mme [W] au paiement de la rente du viager en exécution du contrat ce qui équivaudrait à ses demandes devant le juge civil de sorte qu'elle ne saurait en application du principe « una via electa » et sans se contredire, solliciter la nullité du contrat de vente devant ce dernier.
Sur ce,
Selon l'alinéa 1er de l'article 3 du code de procédure pénale « l'action civile peut être exercée en même temps que l'action publique et devant la même juridiction ».
Aux termes de l'article 5 du code de procédure pénale « La partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive. Il n'en est autrement que si celle-ci a été saisie par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile. ».
La partie qui a exercé son action devant la juridiction civile ne peut la porter devant la juridiction répressive (Cass. crim., 9 avr. 1991, n° 90-83.429 , Cass crim, 19 novembre 2013, n°12-83.294).
Toutefois, cette règle ne s'applique que si l'instance civile oppose les mêmes parties, a le même objet et la même cause que l'action civile qui est exercée devant le juge pénal. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.
D'abord, comme l'a justement relevé le tribunal, Mme [B] s'est constituée partie civile devant le tribunal correctionnel avant d'intervenir volontairement à la présente instance.
Ensuite, les demandes formulées devant les juridictions répressives n'ont pas le même objet que celle présentée dans la présente instance civile : en effet, devant le juge répressif elles portaient sur l'indemnisation du préjudice causé par l'infraction alors qu'en l'espèce, la cour est saisie d'une demande d'annulation d'un acte juridique, en l'espèce un contrat de vente en viager conclu entre les consorts [M] et la SCI [F].
Enfin, il n'existe pas d'identité de parties entre la personne physique de Mme [W] et la personne morale constituée par la SCI [F].
La cour confirme donc le rejet de cette exception de procédure par le jugement déféré.
Sur la nullité du contrat de vente en viager sur le fondement du dol
Le tribunal a jugé que le dol n'est pas établi au moment même de l'établissement de l'acte et que la seule absence de bouquet ne suffit pas à prouver des manoeuvres dolosives en l'absence de tout élément concernant la valeur de l'immeuble vendu et la manière dont ont été calculés les loyers viagers.
La SCI [F] soutient que l'intimée n'apporte pas la preuve des man'uvres qui auraient poussé les époux [M] à conclure un contrat de vente en viager. Elle souligne que Mme [W] n'a pas menti aux vendeurs et , comme elle l'avait convenu avec eux, a mis en place dès le 26 janvier 2015 un virement automatique du compte de la SCI [F] vers le compte des vendeurs.
M. et Mme [B] objectent que l'attitude et les actes commis par Mme [W] relevés lors de l'enquête pénale ont permis de constater que le consentement des époux [M] lors de la signature de l'acte était vicié. Ils soulignent qu'alors que Mme [W] avait fait croire aux vendeurs qu'ils bénéficieraient d'une rente viagère permettant de leur assurer une source de revenu supplémentaire, l'enquête pénale a révélé que la rente perçue par les vendeurs et versée par la SCI [F] était exclusivement financée par les chèques tirés des comptes des vendeurs et déposés sur le compte de la SCI [F].
Sur ce,
Aux termes de l'article 1117 du code civil dans sa rédaction en vigueur à la signature de l'acte litigieux, « La convention contractée par erreur, violence ou dol, n'est point nulle de plein droit; elle donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision, dans les cas et de la manière expliqués à la section VII du chapitre V du présent titre ».
L'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 dispose que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. »
Le dol dans la formation du contrat est défini comme une tromperie destinée à surprendre le consentement du cocontractant. Pour qu'il soit constitué, il faut la réunion d'un élément matériel et d'un élément intentionnel.
Il suppose des man'uvres pratiquées par l'une des parties et s'apprécie au moment de la conclusion du contrat.
Le caractère intentionnel du comportement du cocontractant et le caractère déterminant du dol allégué doivent être établis par celui qui l'invoque (Cass Com., 7 juin 2011, n° 10-13.622; Cass civ 3ème, 15 janvier 2013, pourvoi n° 1125.325).
Il ressort de l'enquête de gendarmerie et de la condamnation pour abus de confiance prononcée par le tribunal correctionnel de Versailles à l'encontre de Mme [W] que celle-ci a, par des manipulations financières, abusé les époux [M] dès juillet 2014, notamment en exerçant sur eux une emprise facilitée par la proximité géographique et en faisant le vide autour d'eux
Notamment l'arrêt définitif de la cour d'appel de Versailles en matière correctionnelle mentionne qu'avant même l'établissement de la vente en viager le 26 décembre 2014 et à partir du 22 juillet 2014, Mme [W] avait encaissé plusieurs dizaines de milliers d'euros depuis les comptes des époux [M] sans parvenir à faire la preuve de leur emploi en faveur de l'entretien de ces derniers, que la SCI [F] a commencé à percevoir elle-même de l'argent par chèques émis par ces derniers à partir du 3 décembre 2014 et de l'argent liquide à compter du 2 décembre 2014. Il était établi que Mme [M] remettait des chèques 'en blanc' à la demande de Mme [W] dont le montant, une fois connu, les surprenait alors que depuis l'automne 2014, le couple ne dépensait rien. Cela contrastait avec le prétendu forfait à 5000 / 6000 euros par mois convenu selon Mme [W] entre elle et les époux [M] et dont elle n'avait pu justifier.
La personne au service de Mme [W], Mme [P], et que celle-ci avait placée au domicile des époux [M] à compter de juillet 2014 dénonçait l'exploitation par Mme [W] des finances du couple de vieilles personnes.
Le contrat de vente en viager conclu le 26 décembre 2014 a été conclu durant cette période d'abus de confiance et de faiblesse ce qui établit au vu des agissements ci-dessus rappelés que le consentement des vendeurs a été altéré lors de la conclusion du contrat qui s'inscrivait dans un plan de dépouillement total des vendeurs par tous les moyens.
Il ressort en outre de l'enquête pénale que « le montant des chèques litigieux remis sur le compte bancaire de la SCI [F] et tirés du compte bancaire des époux [M] s'élève à 57 000 euros. Ainsi le viager est finalement payé par les époux [M] eux-mêmes. ».
Ainsi, la société acheteuse effectuait des virements sur le compte des vendeurs et récupérait les sommes via des chèques émis par les vendeurs eux-mêmes.
L'enquête concluait après examen de l'ensemble des flux financiers entre les parties que 'la SCI [F], gérée par madame [W], n'a jamais versé de rente viagère aux époux [M] pour l'achat de leur maison.
En effet, il a été démontré que le système mis en place par Mme [A] [W] épouse [I], fait financer par les époux [M] eux-mêmes leur propre viager en lieu et place de la SCI [F] pour une somme mensuelle de 1 750 euros'.
Cette opération est constitutive d'une manipulation financière. L'enquête pénale démontre que l'acquisition n'a rien coûté à la SCI [F] qui est gérée par Mme [W] également actionnaire de cette société avec son fils, bénéficiaire de sommes également (tout comme la pharmacie de Mme [W]).
S'ajoute à cela la révélation de M. [Z] [I], époux de Mme [W], qui atteste que les relations de Mme [W] avec les époux [M] sont devenues de pur intérêt depuis l'acquisition de leur maison en viager.
Dans l'économie globale, alors que les loyers n'ont jamais été supportés par Mme [W] ni par la SCI [F], l'absence de bouquet dans le contrat de vente en viager, somme versée par l'acheteur lors de la signature de vente devant un notaire, démontre encore que l'acte a été pensé dès le départ dans le seul intérêt de Mme [W].
La cour estime donc que le consentement des vendeurs était altéré par ces manoeuvres facilitées par le grand âge des vendeurs et la présence physique permanente de l'employée de Mme [W], condamnée pénalement en même temps qu'elle et par le voisinage immédiat de la pharmacienne.
Le dol est caractérisé, les agissements de Mme [W], gérante de la SCI, ayant conduit les époux [W] à conclure la vente dans la croyance erronnée que celle-ci pouvait leur être proftable.
Il convient de prononcer la nullité du contrat et d'infirmer le jugement déféré de ce chef.
Sur la demande indemnitaire de M. et Mme [B]
M. et Mme [B] sollicitent l'indemnisation du préjudice moral de leur épouse et mère à hauteur de 20 000 euros en soulignant que les man'uvres de Mme [W] ont isolé les consorts [M] ce qui a causé beaucoup de douleur à leur nièce.
En réponse, la SCI [F] affirme que l'appelante n'apporte aucun élément permettant de justifier le montant de sa demande.
Sur ce,
Aux termes de l'article 1240 du code civil « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
La cour relève que si les consorts [B] sollicitent l'indemnisation d'un préjudice moral subi par [U] [B], ils ne rapportent pas la preuve d'une faute ou d'un fait générateur de responsabilité lui ayant causé un préjudice moral personnel. Si le comportement de Mme [W] constitue une faute civile, il n'est pas démontré que cette dernière ait causé un préjudice moral personnel à [U] [B].
En outre, dans le corps de leurs écritures, ils invoquent la réparation du 'préjudice successoral de leur épouse et mère' ce qui ne correspond plus à la demande de réparation d'un préjudice moral.
Cette demande qui avait été présentée en première instance par [U] [B] elle-même, avait été rejetée, le tribunal judiciaire ayant estimé que la SCI n'avait commis aucune faute.
Celle présentée par ses héritiers l'est aussi.
Sur les demandes croisées portant sur le paiement d'une indemnité d'occupation
Mme [J] [B] et M. [S] [B] sollicitent que leur soit versée une indemnité d'occupation de 1 750 euros par mois à compter de la remise des clés de la maison, soit à partir du 28 octobre 2018 jusqu'à la libération des lieux.
Ils sollicitent également que soit prononcée l'expulsion de la SCI et occupant sous astreinte de 200 euros par jour de retard faute de quitter les lieux dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir.
La SCI [F] ne répond pas sur ce point.
Elle sollicite elle-même le paiement d'une 'indemnité d'occupation équivalente au montant qu'elle a réglé pour le viager' entre octobre 2017 et octobre 2018 d'un montant total de 21 000 euros
Sur ce,
Dans la mesure où le prix de vente a été en réalité payé par les vendeurs eux-mêmes, il n'y a pas lieu de prononcer de restitution quelconque au profit de la SCI [F] au titre d'une indemnité d'occupation.
S'agissant de l'indemnité d'occupation réclamée par les intimés qui a un fondement indemnitaire, elle est fixée souverainement par les juges, en fonction des circonstances particulières de chaque affaire.
La SCI [F] a occupé le bien du 28 octobre 2018 à ce jour.
Le bien devra être libéré dans un délai d'un mois à compter de la présente décision.
Au regard de la durée de l'occupation du 28 octobre 2018 au 11 septembre 2025 soit 82,5 mois et du montant du loyer fixé par l'intimée à 1 750 euros, il y a lieu de fixer leur valeur de jouissance à la somme totale de 144 375 euros (1750 euros x 82,5mois).
S'agissant de la demande d'expulsion, la cour, ne disposant pas d'information suffisante sur la nature de l'occupation des lieux et la personne des occupants pour se prononcer, surseoit à statuer.
Sur les autres demandes
Le jugement déféré est infirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
La SCI [F] succombant est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle est en outre condamnée à payer M. [S] [G] [B] et Mme [J] [B] ensemble une indemnité de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de fins de non-recevoir soulevées par la SCI [F] et l'exception de procédure tirée de la règle 'electa una via',
Infirme sur le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la nullité du contrat de vente passé le 26 décembre 2014 en l'Etude de Maître [X] [E], notaire, entre la SCI [F] et les consorts [M] en raison du dol commis sur les vendeurs,
Dit que la propriété en est restituée aux ayants droit de Mme [U] [B],
Dit que la SCI [F] devra procéder aux restitutions subséquentes,
Condamne la SCI [F] au paiement à Mme [J] [B] et à M. [S] [G] [B] ensemble de la somme de 144 375 euros correspondant à l'indemnité d'occupation due pour la période courant du 28 octobre 2018 au 11 septembre 2025,
Ordonne la libération des lieux par la SCI [F] ou tout autre occupant de son chef dans le délai d'un mois à compter de la présente décision,
Dit qu'en cas d'inexécution par la SCI [F] de son obligation de libérer les lieux, elle sera condamnée à une astreinte de 200 euros par jour de retard,
Sursoit à statuer sur la demande d'expulsion,
Rejette la demande formée par M. [S] [B] et Mme [J] [B] en indemnisation d'un préjudice moral subi par [U] [B],
Condamne la SCI [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Condamne la SCI [F] à payer à Mme [U] [B] la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Florence PERRET, Présidente et par Madame FOULON, Greffière , auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente,
DE
VERSAILLES
Code nac : 50A
Chambre civile 1-3
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 OCTOBRE 2025
N° RG 22/04457 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VJSS
AFFAIRE :
[S] [G] [B]
...
C/
S.C.I. [F], immatriculée au RCS de [Localité 11] n° 499 203 605
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Janvier 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 11]
N° Chambre : 2
N° Section :
N° RG : 17/06790
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Aurélie BERNARD-PIOCHOT de l'AARPI ABC ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Marie DE LARDEMELLE, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [S] [G] [B] en qualité d'héritier de [U] [Y] épouse [B], décédée le 9 juillet 2022, agissant elle-même en qualité d'héritière de [R] [M], décédé le 19 octobre 2017 , agissant lui-même en qualité d'héritier de [U] [M], décédée le 5 mars 2017
né le 02 Juin 1946 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 1]
Madame [J] [B] en qualité d'héritière de [U] [Y] épouse [B], décédée le 9 juillet 2022, agissant elle-même en qualité d'héritière de [R] [M], décédé le 19 octobre 2017 , agissant lui-même en qualité d'héritier de [U] [M], décédée le 5 mars 2017
née le 17 Mars 1978 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Aurélie BERNARD-PIOCHOT de l'AARPI ABC ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 578
APPELANTS
****************
S.C.I. [F]
N° SIRET : 499 230 605
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Marie DE LARDEMELLE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 29
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 10 avril 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Florence PERRET, Présidente, chargée du rapport
Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller
Madame Charlotte GIRAULT, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Florence PERRET, Présidente et par Madame FOULON, Greffière.
**********
FAITS ET PROCEDURE :
Le 26 décembre 2014, Maître [X] [E], notaire, a reçu un acte de vente en viager au domicile du couple formé de [R] [M] et de [U] [B] épouse [M] au profit de la société [F] dont Mme [W] est actionnaire et gérante.
Aux termes de cette vente, il a été convenu que :
« L'acquéreur est propriétaire du bien à compter de ce jour.
Il en aura la jouissance à l'extinction du droit d'usage d'habitation réservé par le vendeur à son profit »
« Pour les besoins de la publicité foncière, la capitalisation de la rente viagère ci-après stipulée est évaluée par les parties à la somme de 200 000 euros.
La vente a lieu moyennant l'obligation par l'acquéreur de servir une rente annuelle et viagère révisable ainsi qu'il sera dit ci-après, créée au profit et sur la tête du vendeur et du survivant d'eux d'un montant annuel de 21 000 euros.
Cette rente, due à partir de ce jour, sera payable au vendeur et au survivant d'eux jusqu'au décès du dernier mourant, sans réduction lors du décès du prémourant.
Il est convenu que cette rente sera payable d'avance en 12 termes égaux de 1 750 euros ».
Préalablement à l'acte notarié, au mois de mai 2014, [U] [B] épouse [M], alors âgée de 93 ans, avait été hospitalisée.
A sa sortie d'hôpital, son état s'étant dégradé, Mme [W], pharmacienne de son état, s'était proposée d'aider M. et Mme [M] dans leur quotidien et avait obtenu une procuration générale sur leurs comptes bancaires.
S'inquiétant des mouvements de fonds opérés sur les comptes de M. et Mme [M], leur banque a fait un signalement à la cellule Tracfin et une enquête a été menée par la brigade de recherche de la gendarmerie de [Localité 8].
A la suite de cette enquête, Mme [W] a fait l'objet d'un renvoi devant le tribunal correctionnel de Versailles pour des faits d'abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable pour la conduire à un acte ou à une abstention préjudiciable commis à l'encontre de M. et Mme [M] (alors âgée de 95 ans) entre courant juillet 2014 et le 28 février 2017.
Par jugement du 14 mai 2018 rendu par le tribunal correctionnel de Versailles, Mme [W] a été reconnue coupable, entre courant juillet 2014 et le 28 février 2017, d'une telle infraction et condamnée à ce titre à un emprisonnement délictuel de deux ans dont quatorze mois avec sursis et 80 000 euros d'amende délictuelle.
Mme [W] ayant interjeté appel de ce jugement, limité aux dispositions civiles, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Versailles, aux termes d'un arrêt rendu le 19 septembre 2019, a confirmé le premier jugement.
Par un arrêt rendu le 20 octobre 2021, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Mme [W].
Aux termes d'un testament olographe en date du 1er mars 2017, M. [M] a institué sa nièce, Mme [U] [B], légataire universelle.
[U] [M] est décédée le 5 mars 2017.
[R] [M] est décédé le 19 octobre 2017.
Par acte d'huissier en date du 9 août 2017, M. [R] [M] avait fait assigner devant le tribunal judiciaire de Versailles, la société [F].
Par jugement du 24 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Versailles a :
- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société [F],
- rejeté l'ensemble des demandes présentées par Mme [U] [B] aux fins d'annulation du contrat de vente en viager signé le 26 décembre 2014 entre les époux [M] et la SCI [F],
- rejeté la demande d'indemnité d'occupation présentée par la société [F],
- condamné Mme [U] [B] aux dépens,
- condamné Mme [U] [B] à payer à la société [F] par application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Par acte du 7 juillet 2022, Mme [U] [B] agissant es qualités d'héritière de [R] [M] a interjeté appel de ce jugement.
[U] [B] est décédée et ses héritiers, M. [S] [B], son époux, et Mme [J] [B], sa fille, sont intervenus à l'instance en leur qualité d'héritiers de [U] [B].
Par dernières écritures du 25 mars 2025, M. [S] [G] [B] et Mme [J] [B] agissant es qualités d'héritiers de [U] [B] prient la cour de :
- les recevoir, agissant es qualités d'héritiers de Mme [U] [B], agissant elle-même en qualité d'héritière de [R] [M], agissant lui-même es qualités d'héritier de [U] [M], en leur intervention volontaire principale,
- prendre acte de la constitution de Me Aurélie Bernard-Piochot,
- déclarer leur action recevable,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes formulées par la société [F],
et statuant à nouveau,
S'agissant du contrat de vente viager signé le 26 décembre 2014 entre [R] et [U] [M] et la société AlexandreA titre principal,
- prononcer la nullité de ce contrat en raison du dol commis sur M. et Mme [M],
A titre subsidiaire,
- prononcer la nullité de ce contrat en raison de l'incapacité de recevoir de Mme [W] et de la société [F],
A titre infiniment subsidiaire,
- prononcer la nullité de ce contrat pour inexistence du consentement de M. et Mme [M],
A titre infiniment subsidiaire,
- prononcer la résolution de ce contrat pour inexécution contractuelle fautive de la société [F],
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner la société [F] à leur verser la somme de 45 500 euros correspondant aux rentes viagères non versées pour la période de décembre 2014 à février 2017,
S'agissant des demandes de la société [F],
- débouter la société [F] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
En tout état de cause,
- ordonner l'expulsion du logement de la société [F] et de tout occupant de son chef dans les lieux, et ce, avec le concours de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu,
- condamner la société [F] à une astreinte de 200 euros par jour de retard faute de quitter les lieux volontairement dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir,
- autoriser le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les locaux, aux conditions des articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet 1991,
- condamner la société [F] à leur payer une indemnité d'occupation à hauteur de 1 750 euros par mois, à compter du 28 octobre 2018 et jusqu'à libération effective des lieux,
- condamner la société [F] à leur verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi,
- condamner la société [F] à leur verser la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner la société [F] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Bernard-Piochot.
Par dernières conclusions du 10 mars 2025, la société [F] prie la cour de :
A titre principal,
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré valide le testament olographe du 1er mars 2017 établi par [R] [M] au profit de [U] [B],
- juger nul et de nul effet le testament olographe en date du 1er mars 2017 rédigé par [R] [M] au profit de [U] [B],
En conséquence,
- juger que les consorts [B] venant aux droits et obligations de [U] [B] n'ont ni qualité, ni intérêt pour agir,
- les juger de ce fait irrecevables en leur appel et les débouter de l'ensemble de leurs demandes,
Subsidiairement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté [U] [B] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- condamner in solidum les consorts [B] à lui verser une indemnité d'occupation d'un montant de 21 000 euros,
- condamner in solidum les consorts [B] à verser à Mme [W] épouse [I] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité et d'intérêt à agir des consorts [B]
A titre liminaire, la cour relève que M. [S] [G] [B] et Mme [J] [B] interviennent à la cause en qualité d'héritiers de [U] [B] qui agissait en nullité du contrat de vente en viager conclu le 26 décembre 2014,
Le tribunal a jugé que la qualité à agir de Mme [U] [B] ne pouvait être contestée tant sur le fondement de l'article 414-1 du code civil que sur celui de l'article 414-2 du même code en relevant d'abord que rien ne permet de conclure que le 1er mars 2017, date à laquelle le testateur, M. [M], a dressé son testament, il ne disposait pas de ses facultés mentales. Il a ensuite rappelé que Mme [B] n'est qu'intervenante volontaire à l'action de son oncle de telle sorte que l'article 414-2 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer.
En cause d'appel, la SCI [F] conteste la validité du testament olographe de [R] [M] qui, outre le fait qu'il déclare « vouloir léger » et non « léguer » ses biens à Mme [B], ne pouvait pas tester concernant des biens de la communauté constituée avec son épouse. Elle estime que l'acte est un pacte sur succession future qui est prohibé par les articles 722, 943 et 1389 du code civil.
Subsidiairement, elle soutient sur le fondement de l'article 901 du code de procédure civile que [R] [T] n'était pas sain d'esprit.
Elle ajoute que l'action est irrecevable sur le fondement de l'article 414-2 du code civil car la preuve de l'insanité d'esprit de M. [M] au moment de la conclusion du contrat de vente viager n'est pas rapportée.
M. et Mme [B], intimés, objectent que la validité du testament du 1er mars 2017 a été confirmée par le président du tribunal judiciaire de Versailles par ordonnance du 4 avril 2018 devenue définitive. Ils ajoutent qu'en tout état de cause, aucune pièce ne permet à l'intimée de prouver la détérioration des capacités intellectuelles de M. [M] à l'époque de sa rédaction. Ils considèrent que l'action de la SCI [F] visant essentiellement à voir juger nul le testament olographe du 1er mars 2017 rédigé par M. [R] [M] est prescrite conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil. Ils affirment que le testament dont se prévaut la SCI [F] établi au profit de Mme [W] est illisible car et en déduisent que, même si le testament du 1er mars 2017 les gratifiant était nul, les règles successorales s'appliqueraient en leur faveur.
Concernant les textes légaux invoqués par l'appelante, ils font valoir que l'article 943 du code civil concerne les donations entre vifs, et que l'article 1389 du même code qui prévoit que les époux ne peuvent faire aucune convention ou renonciation dont l'objet est de changer l'ordre légal des successions ne trouve pas application ici puisque le testament du 1er mars 2017 n'a pas pour objet ou pour effet de changer cet ordre. Ils rappellent que chacun des époux conserve le droit de disposer librement de sa part dans la communauté par testament et contestent la qualification de pacte sur succession future en estimant que les dispositions de l'article 722 du code civil ne s'appliquent pas à un acte juridique unilatéral.
Enfin, ils rappellent que l'action en nullité avait été engagée de son vivant par [R] [M] et que [U] [B] n'était qu'une intervenante volontaire à la cause en tant que nièce.
Sur ce,
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond,pour défaut de droit d'agir tel le défaut de qualité et le défaut d'intérêt.
Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »
Toute personne qui prétend qu'une atteinte a été portée à un droit lui appartenant et qui profitera personnellement de la mesure qu'elle réclame a un intérêt personnel à agir en justice et donc qualité pour le faire.
L'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de l'instance (Cass. 3e chambre civile, 12 janv. 2005, n° 03-18.256 P).
Il est de jurisprudence constante que ni l'intérêt ni la qualité à agir ne sont subordonnés à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès.
En principe, l'intérêt à agir donne qualité pour agir ; ce n'est que par exception, lorsque l'action est réservée à certaines personnes, que ces dernières doivent justifier, au-delà de leur intérêt à agir, du titre leur conférant le droit d'agir en justice.
En l'espèce, la fin de non-recevoir développée par la SCI [F] nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond touchant à la validité du testament fondant les droits de [U] [B] et en conséquence ceux de son époux et de sa fille, intimés à la présente procédure devant la cour d'appel. Il convient donc d'abord de trancher cette question de fond.
Sur la validité du testament établi le 1er mars 2017 au bénéfice de [U] [B]:
De façon préliminaire, la cour relève que les intimés qui relèvent que l'action en nullité du testament par la SCI [F] est prescrite ne formulent aucune demande sur ce fondement dans le dispositif de leurs écritures à ce sujet.
Mme [B] a produit en première instance et les intimés après elle à hauteur d'appel l'attestation successorale établie par Maître [N], notaire à [Localité 13], par laquelle, en vertu du testament olographe fait à [Localité 10] le 1er mars 2017, elle a été instituée légataire universelle de [R] [M], son oncle (pièce 3). L'original de ces dispositions testamentaires a été déposé au rang des minutes de Maître [H], notaire à [Localité 9] suivant procès-verbal d'ouverture et de description en date du 11 janvier 2018. La SCI [F] disposait donc de toutes les informations pour contester ledit testament mais n'a engagé aucune action en nullité.
Tout d'abord, la cour relève que si Mme [B] prétend que par ordonnance du 4 avril 2018, le président du tribunal judiciaire de Versailles a confirmé la validité du testament établi le 1er mars 2017, elle ne produit pas pour autant l'ordonnance en question de sorte que la pertinence de ce moyen ne peut être examiné par la cour faute de production de la pièce.
Selon l'article 1108 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention:
- Le consentement de la partie qui s'oblige ;
- La capacité de contracter ;
- Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ;
- Une cause licite dans l'obligation.
Selon l'article 414-1 du code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. Il est de jurisprudence constante que le trouble mental dont la preuve doit être rapportée, doit exister au moment précis où l'acte attaqué a été fait.
En l'espèce, il convient de rappeler que c'est sur la SCI [F] qui invoque la nullité du testament fondant les droits des intimés, que pèse la charge de démontrer que [R] [M] ne disposait pas de l'ensemble de ses facultés mentales au moment de la rédaction de ses dispositions testamentaires.
Or, comme l'ont relevé avec pertinence les premiers juges, force est de constater que la SCI [F] ne verse aux débats aucune pièce contemporaine de l'établissement du testament, propre à établir une détérioration des capacités intellectuelles de [R] [M] .
En revanche, le rapport du docteur [K] en tant qu'expert a été établi après examen médical du 17 novembre 2016 indique que [R] [M] ne présente pas de déficience intellectuelle, ni de signe en faveur d'une pathologie psychotique ou thymique, ou en faveur d'une détérioration mentale (pièce 12 des intimés) . Le compte-rendu des propos que ce dernier a tenu à l'expert est très clair, faisant état de son ignorance des chèques de 10 000 euros que Mme [W] fasait à l'ordre de son fils [O] et de la faiblesse mnésique de sa femme.
Le médecin note certes qu'il "s'agit d'un vieux monsieur (94 ans) aux capacités physiques altérées et aux capacités critiques émoussées, présentant probablement une dimension de relative vulnérabilité, ce d'autant qu'il s'en est toujours remis à son épouse pour la réalisation de l'ensemble des actes socio-administratifs" mais note un rapport à la réalité adapté, aucun trouble du contenu ou du cours de la pensée et aucune altération des fonctions supérieures.
La cour approuve les premiers juges d'avoir estimé qu'aucune de ces constatations ne permettait de conclure que le 1er mars 2017, [R] [M] ne disposait pas de ses facultés mentales lorsqu'il a rédigé le testament dont se prévaut sa nièce, Mme [B].
Enfin, s'agissant du grief tiré de la réalisation d'un pacte sur succession future, force est de constater que [R] [M] a effectué des dispositions à cause de mort.
En effet, il déclare dans un document manuscrit signé et daté, révoquer toutes ses dispositions testamentaires antérieures et vouloir léguer au jour de son décès l'ensemble de son patrimoine à sa nièce Mme [B]. Ce testament n'est pas assimilable à un pacte sur succession future qui est un accord conclu entre deux ou plusieurs personnes prévoyant une répartition particulière de leurs successions respectives, qui n'entrera en vigueur qu'au décès des parties concernées. Ainsi, le moyen fondé sur la violation des dispositions de l'article 722 du code civil doit être rejeté, un testament étant un acte unilatéral et non une convention et le jugement est confirmé de ce chef.
La SCI [F] évoque également les dispositions de l'article 943 du code civil selon lesquelles « La donation entre vifs ne pourra comprendre que les biens présents du donateur; si elle comprend des biens à venir, elle sera nulle à cet égard », elles ne sont pas applicables à des dispositions relatives au testament. Le moyen par lequel l'absence d'intérêt à agir tend à être démontré sur le fondement de ce texte est donc rejeté.
Enfin, s'agissant des dispositions de l'article 1389 du code civil qui figure au chapitre des 'régimes matrimoniaux' selon lesquelles « Sans préjudice des libéralités qui pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas déterminés par le présent code, les époux ne peuvent faire aucune convention ou renonciation dont l'objet serait de changer l'ordre légal des successions», il convient de relever que dans la mesure où la stipulation testamentaire ne change pas l'ordre légal des successions, Mme [B] étant la nièce de M. [M] qui n'avait pas de descendance et Mme [B] épouse [M] étant décédée avant son mari, le testament ne modifie pas l'ordre légal de succession. Partant, ces dispositions n'ont pas lieu d'être appliquées en l'espèce.
Le rejet de la fin de non-recevoir fondée sur l'ensemble de ces moyens et justifiant l'annulation du testament selon la SCI [F] est confirmé .
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'article 414-2 du code civil
Invoquant les dispositions de l'article 414-2 du code civil, la société [F] soutient que le contrat de vente en viager ne porte pas en lui-même la preuve d'un trouble mental puisque, d'une part, un certificat médical établi le jour même certifie que Mme [M] était saine de corps et d'esprit, et que d'autre part, le notaire s'est assuré du consentement éclairé des parties ; que Mme [M] n'était pas placée sous sauvegarde de justice à la date de la signature du contrat ; qu'aucune action n'a été introduite avant le décès de Mme [M] aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou aux fins d'habilitation familiale, ce qui tend à confirmer son parfait état de santé lors de la vente en viager; qu'enfin, les intimés ont auparavant affirmé que le discernement des époux [M] était altéré en 2014 lors de la vente en viager et que donc, il ne pouvait que l'être aussi en 2017 lors du testament contesté.
En réplique, Madame [B] rappelle que l'action en nullité avait été engagée, de son vivant, par [R] [M] et qu'elle-même n'est qu'intervenante volontaire à la présente instance, alors que les restrictions apportées par l'article 414-2 du code civil ne portent que sur les actions initiées par les héritiers.
Sur ce,
L'article 414-2 du code civil dispose que :
" De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé.
Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, que dans les cas suivants : |
1°) Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ;
2°) S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;
3°) Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou aux fins d'habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future. L'action en nullité s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 2224. "
En l'espèce, c'est à bon droit que Mme [B] souligne qu'elle n'est qu'intervenante volontaire à l'action de son oncle M. [M] qui avait agi en tant qu'héritier direct de telle sorte que l'article 414-2 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer à sa personne.
Au surplus, ce texte pose des conditions de fond, non de recevabilité de l'action, et l'hériter est recevable à agir sur ce fondement tant qu'il peut justifier de sa qualité
En conséquence, la fin de non-recevoir fondée sur ce moyen sera également, rejetée.
Ainsi, en conclusion, la cour confirme le rejet de toutes les fins de non-recevoir formulées par la société [F] et affirme la qualité et l'intérêt à agir de M. [S] [G] [B] et Mme [J] [B] en défense de leurs intérêts .
* S'agissant de l'exception de procédure tirée du principe « una via electa »
Le tribunal a estimé la règle selon laquelle la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile ne peut plus la porter devant la juridiction répressive, n'est susceptible d'application qu'autant que les demandes, respectivement portées devant le juge civil et devant le juge pénal ont le même objet, la même cause et visent les mêmes parties.
Ainsi le tribunal a, pour rejeter cette exception de procédure, relevé d'une part que Mme [B] s'est constituée partie civile devant la juridiction répressive alors qu'elle est intervenue volontairement à l'instance civile, que les demandes formées devant ces deux juridictions n'ont pas le même objet et enfin, que les parties sont différentes.
La SCI [F] estime que Mme [B] a sollicité sous forme de dommages et intérêts la condamnation de Mme [W] au paiement de la rente du viager en exécution du contrat ce qui équivaudrait à ses demandes devant le juge civil de sorte qu'elle ne saurait en application du principe « una via electa » et sans se contredire, solliciter la nullité du contrat de vente devant ce dernier.
Sur ce,
Selon l'alinéa 1er de l'article 3 du code de procédure pénale « l'action civile peut être exercée en même temps que l'action publique et devant la même juridiction ».
Aux termes de l'article 5 du code de procédure pénale « La partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive. Il n'en est autrement que si celle-ci a été saisie par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile. ».
La partie qui a exercé son action devant la juridiction civile ne peut la porter devant la juridiction répressive (Cass. crim., 9 avr. 1991, n° 90-83.429 , Cass crim, 19 novembre 2013, n°12-83.294).
Toutefois, cette règle ne s'applique que si l'instance civile oppose les mêmes parties, a le même objet et la même cause que l'action civile qui est exercée devant le juge pénal. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.
D'abord, comme l'a justement relevé le tribunal, Mme [B] s'est constituée partie civile devant le tribunal correctionnel avant d'intervenir volontairement à la présente instance.
Ensuite, les demandes formulées devant les juridictions répressives n'ont pas le même objet que celle présentée dans la présente instance civile : en effet, devant le juge répressif elles portaient sur l'indemnisation du préjudice causé par l'infraction alors qu'en l'espèce, la cour est saisie d'une demande d'annulation d'un acte juridique, en l'espèce un contrat de vente en viager conclu entre les consorts [M] et la SCI [F].
Enfin, il n'existe pas d'identité de parties entre la personne physique de Mme [W] et la personne morale constituée par la SCI [F].
La cour confirme donc le rejet de cette exception de procédure par le jugement déféré.
Sur la nullité du contrat de vente en viager sur le fondement du dol
Le tribunal a jugé que le dol n'est pas établi au moment même de l'établissement de l'acte et que la seule absence de bouquet ne suffit pas à prouver des manoeuvres dolosives en l'absence de tout élément concernant la valeur de l'immeuble vendu et la manière dont ont été calculés les loyers viagers.
La SCI [F] soutient que l'intimée n'apporte pas la preuve des man'uvres qui auraient poussé les époux [M] à conclure un contrat de vente en viager. Elle souligne que Mme [W] n'a pas menti aux vendeurs et , comme elle l'avait convenu avec eux, a mis en place dès le 26 janvier 2015 un virement automatique du compte de la SCI [F] vers le compte des vendeurs.
M. et Mme [B] objectent que l'attitude et les actes commis par Mme [W] relevés lors de l'enquête pénale ont permis de constater que le consentement des époux [M] lors de la signature de l'acte était vicié. Ils soulignent qu'alors que Mme [W] avait fait croire aux vendeurs qu'ils bénéficieraient d'une rente viagère permettant de leur assurer une source de revenu supplémentaire, l'enquête pénale a révélé que la rente perçue par les vendeurs et versée par la SCI [F] était exclusivement financée par les chèques tirés des comptes des vendeurs et déposés sur le compte de la SCI [F].
Sur ce,
Aux termes de l'article 1117 du code civil dans sa rédaction en vigueur à la signature de l'acte litigieux, « La convention contractée par erreur, violence ou dol, n'est point nulle de plein droit; elle donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision, dans les cas et de la manière expliqués à la section VII du chapitre V du présent titre ».
L'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 dispose que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. »
Le dol dans la formation du contrat est défini comme une tromperie destinée à surprendre le consentement du cocontractant. Pour qu'il soit constitué, il faut la réunion d'un élément matériel et d'un élément intentionnel.
Il suppose des man'uvres pratiquées par l'une des parties et s'apprécie au moment de la conclusion du contrat.
Le caractère intentionnel du comportement du cocontractant et le caractère déterminant du dol allégué doivent être établis par celui qui l'invoque (Cass Com., 7 juin 2011, n° 10-13.622; Cass civ 3ème, 15 janvier 2013, pourvoi n° 1125.325).
Il ressort de l'enquête de gendarmerie et de la condamnation pour abus de confiance prononcée par le tribunal correctionnel de Versailles à l'encontre de Mme [W] que celle-ci a, par des manipulations financières, abusé les époux [M] dès juillet 2014, notamment en exerçant sur eux une emprise facilitée par la proximité géographique et en faisant le vide autour d'eux
Notamment l'arrêt définitif de la cour d'appel de Versailles en matière correctionnelle mentionne qu'avant même l'établissement de la vente en viager le 26 décembre 2014 et à partir du 22 juillet 2014, Mme [W] avait encaissé plusieurs dizaines de milliers d'euros depuis les comptes des époux [M] sans parvenir à faire la preuve de leur emploi en faveur de l'entretien de ces derniers, que la SCI [F] a commencé à percevoir elle-même de l'argent par chèques émis par ces derniers à partir du 3 décembre 2014 et de l'argent liquide à compter du 2 décembre 2014. Il était établi que Mme [M] remettait des chèques 'en blanc' à la demande de Mme [W] dont le montant, une fois connu, les surprenait alors que depuis l'automne 2014, le couple ne dépensait rien. Cela contrastait avec le prétendu forfait à 5000 / 6000 euros par mois convenu selon Mme [W] entre elle et les époux [M] et dont elle n'avait pu justifier.
La personne au service de Mme [W], Mme [P], et que celle-ci avait placée au domicile des époux [M] à compter de juillet 2014 dénonçait l'exploitation par Mme [W] des finances du couple de vieilles personnes.
Le contrat de vente en viager conclu le 26 décembre 2014 a été conclu durant cette période d'abus de confiance et de faiblesse ce qui établit au vu des agissements ci-dessus rappelés que le consentement des vendeurs a été altéré lors de la conclusion du contrat qui s'inscrivait dans un plan de dépouillement total des vendeurs par tous les moyens.
Il ressort en outre de l'enquête pénale que « le montant des chèques litigieux remis sur le compte bancaire de la SCI [F] et tirés du compte bancaire des époux [M] s'élève à 57 000 euros. Ainsi le viager est finalement payé par les époux [M] eux-mêmes. ».
Ainsi, la société acheteuse effectuait des virements sur le compte des vendeurs et récupérait les sommes via des chèques émis par les vendeurs eux-mêmes.
L'enquête concluait après examen de l'ensemble des flux financiers entre les parties que 'la SCI [F], gérée par madame [W], n'a jamais versé de rente viagère aux époux [M] pour l'achat de leur maison.
En effet, il a été démontré que le système mis en place par Mme [A] [W] épouse [I], fait financer par les époux [M] eux-mêmes leur propre viager en lieu et place de la SCI [F] pour une somme mensuelle de 1 750 euros'.
Cette opération est constitutive d'une manipulation financière. L'enquête pénale démontre que l'acquisition n'a rien coûté à la SCI [F] qui est gérée par Mme [W] également actionnaire de cette société avec son fils, bénéficiaire de sommes également (tout comme la pharmacie de Mme [W]).
S'ajoute à cela la révélation de M. [Z] [I], époux de Mme [W], qui atteste que les relations de Mme [W] avec les époux [M] sont devenues de pur intérêt depuis l'acquisition de leur maison en viager.
Dans l'économie globale, alors que les loyers n'ont jamais été supportés par Mme [W] ni par la SCI [F], l'absence de bouquet dans le contrat de vente en viager, somme versée par l'acheteur lors de la signature de vente devant un notaire, démontre encore que l'acte a été pensé dès le départ dans le seul intérêt de Mme [W].
La cour estime donc que le consentement des vendeurs était altéré par ces manoeuvres facilitées par le grand âge des vendeurs et la présence physique permanente de l'employée de Mme [W], condamnée pénalement en même temps qu'elle et par le voisinage immédiat de la pharmacienne.
Le dol est caractérisé, les agissements de Mme [W], gérante de la SCI, ayant conduit les époux [W] à conclure la vente dans la croyance erronnée que celle-ci pouvait leur être proftable.
Il convient de prononcer la nullité du contrat et d'infirmer le jugement déféré de ce chef.
Sur la demande indemnitaire de M. et Mme [B]
M. et Mme [B] sollicitent l'indemnisation du préjudice moral de leur épouse et mère à hauteur de 20 000 euros en soulignant que les man'uvres de Mme [W] ont isolé les consorts [M] ce qui a causé beaucoup de douleur à leur nièce.
En réponse, la SCI [F] affirme que l'appelante n'apporte aucun élément permettant de justifier le montant de sa demande.
Sur ce,
Aux termes de l'article 1240 du code civil « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
La cour relève que si les consorts [B] sollicitent l'indemnisation d'un préjudice moral subi par [U] [B], ils ne rapportent pas la preuve d'une faute ou d'un fait générateur de responsabilité lui ayant causé un préjudice moral personnel. Si le comportement de Mme [W] constitue une faute civile, il n'est pas démontré que cette dernière ait causé un préjudice moral personnel à [U] [B].
En outre, dans le corps de leurs écritures, ils invoquent la réparation du 'préjudice successoral de leur épouse et mère' ce qui ne correspond plus à la demande de réparation d'un préjudice moral.
Cette demande qui avait été présentée en première instance par [U] [B] elle-même, avait été rejetée, le tribunal judiciaire ayant estimé que la SCI n'avait commis aucune faute.
Celle présentée par ses héritiers l'est aussi.
Sur les demandes croisées portant sur le paiement d'une indemnité d'occupation
Mme [J] [B] et M. [S] [B] sollicitent que leur soit versée une indemnité d'occupation de 1 750 euros par mois à compter de la remise des clés de la maison, soit à partir du 28 octobre 2018 jusqu'à la libération des lieux.
Ils sollicitent également que soit prononcée l'expulsion de la SCI et occupant sous astreinte de 200 euros par jour de retard faute de quitter les lieux dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir.
La SCI [F] ne répond pas sur ce point.
Elle sollicite elle-même le paiement d'une 'indemnité d'occupation équivalente au montant qu'elle a réglé pour le viager' entre octobre 2017 et octobre 2018 d'un montant total de 21 000 euros
Sur ce,
Dans la mesure où le prix de vente a été en réalité payé par les vendeurs eux-mêmes, il n'y a pas lieu de prononcer de restitution quelconque au profit de la SCI [F] au titre d'une indemnité d'occupation.
S'agissant de l'indemnité d'occupation réclamée par les intimés qui a un fondement indemnitaire, elle est fixée souverainement par les juges, en fonction des circonstances particulières de chaque affaire.
La SCI [F] a occupé le bien du 28 octobre 2018 à ce jour.
Le bien devra être libéré dans un délai d'un mois à compter de la présente décision.
Au regard de la durée de l'occupation du 28 octobre 2018 au 11 septembre 2025 soit 82,5 mois et du montant du loyer fixé par l'intimée à 1 750 euros, il y a lieu de fixer leur valeur de jouissance à la somme totale de 144 375 euros (1750 euros x 82,5mois).
S'agissant de la demande d'expulsion, la cour, ne disposant pas d'information suffisante sur la nature de l'occupation des lieux et la personne des occupants pour se prononcer, surseoit à statuer.
Sur les autres demandes
Le jugement déféré est infirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
La SCI [F] succombant est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle est en outre condamnée à payer M. [S] [G] [B] et Mme [J] [B] ensemble une indemnité de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de fins de non-recevoir soulevées par la SCI [F] et l'exception de procédure tirée de la règle 'electa una via',
Infirme sur le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la nullité du contrat de vente passé le 26 décembre 2014 en l'Etude de Maître [X] [E], notaire, entre la SCI [F] et les consorts [M] en raison du dol commis sur les vendeurs,
Dit que la propriété en est restituée aux ayants droit de Mme [U] [B],
Dit que la SCI [F] devra procéder aux restitutions subséquentes,
Condamne la SCI [F] au paiement à Mme [J] [B] et à M. [S] [G] [B] ensemble de la somme de 144 375 euros correspondant à l'indemnité d'occupation due pour la période courant du 28 octobre 2018 au 11 septembre 2025,
Ordonne la libération des lieux par la SCI [F] ou tout autre occupant de son chef dans le délai d'un mois à compter de la présente décision,
Dit qu'en cas d'inexécution par la SCI [F] de son obligation de libérer les lieux, elle sera condamnée à une astreinte de 200 euros par jour de retard,
Sursoit à statuer sur la demande d'expulsion,
Rejette la demande formée par M. [S] [B] et Mme [J] [B] en indemnisation d'un préjudice moral subi par [U] [B],
Condamne la SCI [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Condamne la SCI [F] à payer à Mme [U] [B] la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Florence PERRET, Présidente et par Madame FOULON, Greffière , auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente,