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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 16 octobre 2025, n° 25/00941

PARIS

Autre

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

La Rosée Cosmétiques (SAS)

Défendeur :

Caudalie (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Masseron

Conseillers :

M. Najem, Mme Chopin

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Debré, Me Guerre, Me Le Corroncq

TC [Localité 6], du 20 déc. 2024, n° J20…

20 décembre 2024

EXPOSE DU LITIGE

Les sociétés Caudalie, créée en 1994 et La Rosée cosmétiques, créée en 2014 sont deux sociétés spécialisées dans l'élaboration et la commercialisation de produits cosmétiques.

Le 23 juillet 2024, se prévalant de faits de concurrence déloyale et parasitaire qui auraient été commis par la société Caudalie, la société La Rosée cosmétiques a soumis au président du tribunal de commerce de Paris deux requêtes au visa des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile aux fins de mesure in futurum dans les locaux parisiens de la société Caudalie. Il a été fait droit à ces requêtes par deux ordonnances du 23 juillet 2024.

Par exploit du 22 août 2024, la société Caudalie a fait assigner la société La Rosée cosmétiques devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir à titre principal rétracter les ordonnances sur requête entreprises et à titre subsidiaire, maintenir sous séquestre les éléments saisis.

Par acte du 13 septembre 2024, la société La Rosée cosmétiques a fait assigner la société Caudalie devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, aux fins de voir :

Recevoir ses moyens et prétentions,

Faire interdiction à la société Caudalie, directement ou indirectement par tout tiers interposé, de fabriquer, importer, commercialiser et promouvoir, en France et à l'étranger, le stick solaire de sa gamme « Vinosun protect », ainsi que tout autre stick solaire identique ou similaire, et ce, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir,

Ordonner à la société Caudalie de rappeler et de retirer des réseaux de distribution, en particulier auprès des pharmacies, aux frais de la société Caudalie, tous sticks solaires de la gamme « Vinosun Protect » en sa possession ou d'ores et déjà distribués, et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

Ordonner la publication de l'ordonnance à intervenir dans cinq revues ou journaux au choix de la société La Rosée Cosmétiques et aux frais de la société Caudalie, sans que le coût global de ces insertions n'excède la somme de 60.000 euros hors taxes ;

Ordonner que l'ordonnance à intervenir soit publiée en intégralité, aux frais de la société Caudalie, sous la forme d'un document au format PDF, reproduisant l'intégralité de la décision et accessible à partir d'un lien hypertexte apparent situé sur la page d'accueil de tous les sites Internet de la société Caudalie, quelle que soit l'adresse permettant d'accéder à ces sites, et notamment le site Internet https://fr.caudalie.com, l'intitulé de ce lien état : « La société Caudalie condamnée, à titre provisoire, pour avoir porté atteinte aux droits de la société La Rosée Cosmétiques », dans une police de type « Arial » d'au moins vingt points, de couleur rouge sur fond blanc, pendant une durée de trois mois à compter de la première mise en ligne, cette dernière devant intervenir dans un délai de huit jours suivant la signification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai ;

Ordonner à la société Caudalie d'adresser à chacun de ses clients auxquels elle a offert à la vente, vendu ou livré le stick solaire incriminé, la lettre suivante, en français, en anglais ou en toute langue comprise par le destinataire : « Nous vous informons que, par décision provisoire du [], susceptible d'appel, le président du tribunal de commerce de Paris nous a fait injonction de rappeler l'ensemble des sticks solaires Vinosun Protect, ces derniers portant manifestement atteinte aux droits et intérêts de la société La Rosée Cosmétiques. Nous vous demandons donc de nous retourner l'ensemble des produits mentionnés ci-dessus en votre possession dans les plus brefs délais. »

Autoriser la société La Rosée Cosmétiques à publier l'ordonnance à intervenir sur son propre site Internet disponible à l'adresse www.larosee-cosmetiques.com, pendant une durée de trois mois à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, accompagnée du texte suivant : « Dans une ordonnance de référé du [], le président du tribunal de commerce de Paris a notamment enjoint à la société Caudalie de cesser la commercialisation d'un stick solaire causant un trouble manifestement illicite à la société La Rosée Cosmétiques. La décision complète, qui est susceptible d'appel et ne statue pas sur le fond de l'affaire, peut être consultée ici [lien hypertexte vers la décision intégrale.] » ;

Ordonner à la société Caudalie de communiquer à la société La Rosée Cosmétiques tous documents de nature à établir la liste des points de vente des sticks solaires incriminés et de déterminer le chiffre d'affaires réalisé sur la vente desdits produits dans les huit jours de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard ;

Se réserver le pouvoir de liquider toutes les astreintes ainsi prononcées ;

Condamner la société Caudalie à payer à la société La Rosée Cosmétiques la somme de 580.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, en réparation du fait des actes de parasitisme ;

Condamner la société Caudalie à payer à la société La Rosée Cosmétiques la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, en réparation du fait des actes de concurrence déloyale ;

Condamner la société Caudalie à payer à la société La Rosée Cosmétiques la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, en réparation de ses préjudices moraux ;

Condamner la société Caudalie à payer à la société La Rosée Cosmétiques la somme de 50.000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Caudalie aux entiers dépens de l'instance.

Par ordonnance contradictoire du 20 décembre 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

Joint les affaires RG 2024050670 et RG 2024048438 sous le même numéro RG J2024000765 ;

Rétracté l'ordonnance rendue le 23 juillet 2024 dans son intégralité ;

Ordonné à Me [S] la destruction des documents saisis sur l'ensemble des sites et placés sous séquestre, dès que la présente décision sera devenue insusceptible de recours ;

Débouté la société Rosée cosmétiques de sa demande visant à interdire à la société Caudalie directement ou indirectement par tout tiers interposé, de fabriquer, importer commercialiser et promouvoir, en France et à l'étranger, le stick solaire de sa gamme « Vinosun protect », ainsi que tout autre stick solaire identique ou similaire ;

Débouté la société Rosée cosmétiques de sa demande visant à ordonner à la société Caudalie de rappeler et de retirer des réseaux de distribution, en particulier auprès des pharmacies, aux frais de la société Caudalie, tous sticks solaires de la gamme « Vinosun Protect » en sa possession ou d'ores et déjà distribués ;

Débouté la société Rosée cosmétiques de sa demande visant à ordonner la publication de l'ordonnance dans cinq revues ou journaux au choix de la société Rosée cosmétiques et aux frais de la société Caudalie ;

Débouté la société la Rosée cosmétiques de sa demande visant à ordonner que l'ordonnance soit publiée en intégralité, aux frais de la société Caudalie, sous la forme d'un document au format PDF reproduisant l'intégralité de la décision et accessible à partir d'un lien hypertexte apparent situé sur la page d'accueil de tous les sites Internet de la société Caudalie ;

Débouté la société la Rosée cosmétiques de sa demande visant à ordonner à la société Caudalie d'adresser un courrier à chacun de ses clients auxquels elle a offert à la vente, vendu ou livré le stick solaire incriminé ;

Débouté la société la Rosée cosmétiques de sa demande visant à ordonner à la société la Rosée cosmétiques à publier l'ordonnance sur son propre site Internet disponible à l'adresse www.larosee-cosmetiques.com ;

Débouté la société Rosée cosmétiques de sa demande visant à ordonner à la société Caudalie de communiquer à la société La Rosée cosmétiques tous documents ;

Débouté la société La Rosée cosmétiques de sa demande visant à condamner la société Caudalie à lui payer la somme de 415.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels ;

Débouté la société La Rosée cosmétiques de sa demande visant à condamner la société Caudalie à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels ;

Débouté la société La Rosée cosmétiques de sa demande visant à condamner la société Caudalie à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels ;

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

Condamné la société La Rosée cosmétiques à payer à la société Caudalie la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société La Rosée cosmétiques et la société Caudalie, à parts égales, au paiement des dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 39,92 euros TTC dont 6,44 euros de TVA ;

Rappelé que la décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l'article 514 du code de procédure civile.

Par déclaration du 23 décembre 2024, la société La Rosée cosmétiques a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 8 septembre 2025, la société La Rosée cosmétiques demande à la cour, sur le fondement des articles 145, 493, 497, 695, 699, 700, 872, 873 et 873-1 du code de procédure civile, de l'article 1240 du code civil, des articles L.153-1 et R.153-1 et suivants du code de commerce, du règlement du 11 juillet 2007 et du règlement du 12 décembre 2012, de :

La déclarer recevable en son appel, ses demandes, fins et conclusions ;

Infirmer l'ordonnance du 20 décembre 2024 en ce qu'elle a statué par les chefs suivants :

Joins les affaires RG 2024050670 et RG 2024048438 sous le même numéro RG J2024000765 ;

Rétracté l'ordonnance rendue le 23 juillet 2024 dans son intégralité ;

Ordonné à Me [S] la destruction des documents saisis sur l'ensemble des sites et placés sous séquestre, dès que la présente décision sera devenue insusceptible de recours ;

Débouté la société Rosée cosmétiques de sa demande visant à interdire à la société Caudalie directement ou indirectement par tout tiers interposé, de fabriquer, importer commercialiser et promouvoir, en France et à l'étranger, le stick solaire de sa gamme « Vinosun Protect », ainsi que tout autre stick solaire identique ou similaire ;

Débouté la société Rosée cosmétiques de sa demande visant à ordonner à la société Caudalie de rappeler et de retirer des réseaux de distribution, en particulier auprès des pharmacies, aux frais de la société Caudalie, tous sticks solaires de la gamme « Vinosun Protect » en sa possession ou d'ores et déjà distribués ;

Débouté la société Rosée cosmétiques de sa demande visant à ordonner la publication de l'ordonnance dans cinq revues ou journaux au choix de la société Rosée cosmétiques et aux frais de la société Caudalie ;

Débouté la société la Rosée cosmétiques de sa demande visant à ordonner que l'ordonnance soit publiée en intégralité, aux frais de la société Caudalie, sous la forme d'un document au format PDF, reproduisant l'intégralité de la décision et accessible à partir d'un lien hypertexte apparent situé sur la page d'accueil de tous les sites Internet de la société Caudalie ;

Débouté la société la Rosée cosmétiques de sa demande visant à ordonner à la société Caudalie d'adresser un courrier à chacun de ses clients auxquels elle a offert à la vente, vendu ou livré le stick solaire incriminé ;

Débouté la société la Rosée cosmétiques de sa demande visant à ordonner à la société la Rosée cosmétiques à publier l'ordonnance sur son propre site Internet disponible à l'adresse www.larosee-cosmetiques.com ;

Débouté la société Rosée cosmétiques de sa demande visant à ordonner à la société Caudalie de communiquer à la société La Rosée cosmétiques tous documents ;

Débouté la société La Rosée cosmétiques de sa demande visant à condamner la société Caudalie à lui payer la somme de 415.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels ;

Débouté la société La Rosée cosmétiques de sa demande visant à condamner la société Caudalie à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels ;

Débouté la société La Rosée cosmétiques de sa demande visant à condamner la société Caudalie à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels ;

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

Condamné la société La Rosée cosmétiques à payer à la société Caudalie la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société La Rosée cosmétiques et la société Caudalie, à parts égales, au paiement des dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 39,92 euros TTC dont 6,44 euros de TVA ;

Rappelé que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l'article 514 du code de procédure civile.

Et, statuant à nouveau :

S'agissant des mesures d'instruction in futurum :

A titre principal :

Rejeter la demande de rétractation des ordonnances aux fins de mesures d'instruction in futurum rendues sur requêtes le 23 juillet 2024 par le président du tribunal de commerce de Paris ;

Ordonner la mainlevée du séquestre et la mise en 'uvre de la procédure suivante :

Enjoindre la société Caudalie de procéder, à un tri des pièces séquestrées en trois catégories, devant chacune comporter un inventaire précis des pièces contenues :

Catégorie A : les pièces pouvant être communiquées en l'état ;

Catégorie B : les pièces que la société Caudalie refuse de communiquer au motif qu'elles seraient protégées par le secret des affaires et, pour chacune 105 des pièces en question, préparée une version expurgée des éléments prétendument couverts par le secret des affaires, conformément aux dispositions de l'article R.153-3 du code de commerce ;

Catégorie C : les pièces que la société Caudalie refuse de communiquer pour un autre motif, en détaillant, pour chacune des pièces concernées, le motif invoqué et la ou les informations concernées ;

Enjoindre à la société Caudalie de communiquer les résultats de ce tri et l'ensemble des éléments en justifiant visés ci-dessus, dûment numérotés, à Me [S], en sa qualité de séquestre, dans un délai de 21 jours à compter de la signification de l'arrêt ;

Enjoindre Me [S] de remettre à la société La Rosée Cosmétiques les pièces de la catégorie A dans un délai de 5 jours suivant leur remise par la société Caudalie ;

Enjoindre Me [S] de mettre à la disposition des seuls avocats de la société La Rosée Cosmétiques, dans un délai de 5 jours suivant la leur remise par la société Caudalie, les pièces figurant dans les catégories B et C, étant précisé que les avocats de la société La Rosée se seront préalablement engagés par écrit, vis-à-vis de leur cliente, à ne pas lui divulguer ces documents ou les informations qu'ils contiennent ;

Enjoindre aux avocats de la société La Rosée Cosmétiques de proposer aux avocats de la société Caudalie, le cas échéant, des versions alternatives des pièces figurant dans les catégories B et C dans les 30 jours suivant la mise à disposition desdits éléments par la société [J] [S] ;

Convoquer la société Caudalie et les avocats de la société La Rosée Cosmétiques sur les points susmentionnés, mais seulement en l'absence d'accord trouvé entre les conseils de parties quant aux modalités de production des pièces de catégories B et C dans les 30 jours suivant la proposition faite par les avocats de la société La Rosée Cosmétiques, ce délai pouvant être prorogé une fois avec l'accord de toutes les parties ;

A titre subsidiaire :

Modifier les ordonnances aux fins de mesures d'instruction in futurum rendues sur requêtes le 23 juillet 2024 par le président du tribunal de commerce de Paris, en excluant expressément du périmètre des éléments pouvant être appréhendés par le commissaire de justice instrumentaire tous les documents comptables pour lesquels l'article L.123-22 du code de commerce impose une obligation de conservation de dix ans, à savoir les pièces comptables justificatives (e.g. factures, bons de commande) et les livres et registres comptables ;

S'agissant des mesures « d'instruction in futurum » (sic) :

Interdire à la société Caudalie, directement ou indirectement par tout tiers interposé, de fabriquer, importer, commercialiser et promouvoir, en France et à l'étranger, le stick solaire de sa gamme « Vinosun Protect », et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à l'issu d'un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et ce, jusqu'à la publication de la future décision au fond ;

Ordonner à la société Caudalie de rappeler et de retirer des réseaux de distribution, en particulier auprès des pharmacies, aux frais de la société Caudalie, tous sticks solaires de la gamme « Vinosun Protect » en sa possession ou d'ores et déjà distribués, et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de huit (8) jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq revues ou journaux au choix de la société La Rosée Cosmétiques et aux frais de la société Caudalie, sans que le coût global de ces insertions n'excède la somme de 60.000 euros hors taxes ;

Ordonner que l'arrêt à intervenir soit publié en intégralité, aux frais de la société Caudalie, sous la forme d'un document au format PDF, reproduisant l'intégralité de la décision et accessible à partir d'un lien hypertexte apparent situé sur la page d'accueil de tous les sites Internet de la société Caudalie, quelle que soit l'adresse permettant d'accéder à ces sites, et notamment le site internet https://fr.caudalie.com, l'intitulé de ce lien étant : « La société Caudalie condamnée, à titre provisoire, pour avoir porté atteinte aux droits de la société La Rosée cosmétiques », dans une police de type « Arial » d'au moins vingt points, de couleur rouge sur fond blanc, pendant une durée de trois mois à compter de la première mise en ligne, cette dernière devant intervenir dans un délai de huit jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai ;

Ordonner à la société Caudalie d'adresser à chacun de ses clients auxquels elle a offert à la vente, vendu ou livré le stick solaire incriminé, la lettre suivante, en français, en anglais ou en toute langue comprise par le destinataire : « Nous vous informons que, par décision provisoire du [], la cour d'appel de Paris nous a fait injonction de rappeler l'ensemble des sticks solaires Vinosun Protect, ces derniers portant manifestement atteinte aux droits et intérêts de la société La Rosée cosmétiques. Nous vous demandons donc de nous retourner l'ensemble des produits mentionnés ci-dessus en votre possession dans les plus brefs délais. » ;

Autoriser la société La Rosée cosmétiques à publier l'arrêt à intervenir sur son propre site Internet disponible à l'adresse www.larosee-cosmetiques.com, pendant une durée de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, accompagnée du texte suivant : « Dans un arrêt du [], la cour d'appel de Paris a notamment enjoint, à titre provisoire, à la société Caudalie de cesser la commercialisation d'un stick solaire causant un trouble manifestement illicite à la société La Rosée cosmétiques. La décision complète, qui est susceptible d'appel et ne statue pas sur le fond de l'affaire, peut être consultée ici [lien hypertexte vers la décision intégrale.] » ;

Ordonner à la société Caudalie de communiquer à la société La Rosée cosmétiques tous documents de nature à établir la liste des points de vente des sticks solaires incriminés et de déterminer le chiffre d'affaires réalisé sur la vente desdits produits dans les huit jours de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard ;

Condamner la société Caudalie à payer à la société La Rosée cosmétiques la somme de 415.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, en réparation du fait des actes de parasitisme ;

Condamner la société Caudalie à payer à la société La Rosée cosmétiques la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, en réparation du fait des actes de concurrence déloyale ;

Condamner la société Caudalie à payer à la société La Rosée cosmétiques la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, en réparation de ses préjudices moraux ;

En tout état de cause :

Débouter la société Caudalie de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Se réserver le pouvoir de liquider de toutes les astreintes ainsi prononcées ;

Condamner la société Caudalie à payer à la société La Rosée cosmétiques la somme de 150.000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Caudalie aux entiers dépens.

La société La Rosée cosmétiques expose notamment que toutes les conditions légales d'une mesure d'instruction in futurum sont réunies. Elle précise qu'elle a justifié de la dérogation nécessaire au principe du contradictoire, a été transparente sur sa situation de concurrence avec la société Caudalie et a indiqué qu'elle avait conservé des relations commerciales avec la société Induplast, alors que l'atteinte à son activité n'a pas à être démontrée, que la mesure d'instruction, sollicitée avant tout procès, était justifiée par un motif légitime, que cette mesure était circonscrite dans le temps, ne portait atteinte à aucune liberté fondamentale, notamment au secret des affaires.

A titre subsidiaire, pour le cas où la cour viendrait à considérer que le périmètre des mesures d'instruction est disproportionné eu égard à certaines obligations de conservation pouvant peser sur la société Caudalie, elle soutient que ledit périmètre pourrait exclure tous les documents comptables pour lesquels l'article L.123-22 du code de commerce impose une obligation de conservation de dix ans, à savoir les pièces comptables justificatives (e.g. factures, bons de commande) et les livres et registres comptables. Elle fait valoir par ailleurs que les actes de parasitisme commis par la société Caudalie sont caractérisés par la reprise du conditionnement choisi par ses soins, par les campagnes promotionnelles du stick solaire, par l'utilisation de chariots promotionnels, les promotions sur les lieux de vente, la nouvelle politique tarifaire de la société Caudalie, le film publicitaire diffusé tandis que les actes de concurrence déloyale le sont également par l'apparition d'une confusion dans l'esprit du public, l'ensemble constituant à l'évidence des troubles manifestement illicites qu'il convient de faire cesser.

Elle ajoute que les conditions de l'article 872 du code de procédure civile sont remplies et à titre subsidiaire, que celles de l'article 873 de ce code le sont également de sorte que des mesures d'interdiction de la commercialisation et de la promotion du stick solaire de la société Caudalie sont justifiées ainsi que des mesures de publication de l'arrêt à intervenir. Elle indique en outre que les actes de parasitisme et de concurrence déloyale commis par la société Caudalie ont généré à son détriment des préjudices matériels et des préjudices moraux qu'il convient de réparer.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 8 septembre 2025, la société Caudalie demande à la cour, sur le fondement des articles 145, 146, 493, 497, 561, 695, 699, 700, 872, 873 du code de procédure civile, 1240 du code civil, L.123-22 du code de commerce, L.153-1 et suivants et R.153-9 du code de commerce, de :

Déclarer mal fondé l'appel de la société La Rosée à l'encontre de l'ordonnance rendue le 20 décembre 2024 par le président du tribunal de commerce de Paris ;

Par conséquent :

S'agissant des mesures d'instruction in futurum :

A titre principal :

Confirmer l'ordonnance rendue le 20 décembre 2024 par le président du tribunal de commerce de Paris ;

Débouter la société La Rosée cosmétique de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :

Ordonner dans les hypothèses où l'ordonnance rendue le 20 décembre 2024 serait infirmée en ce qu'elle a prononcé la rétractation des ordonnances du 23 juillet 2024, que la levée de séquestre des pièces obtenues lors des opérations de constat par le commissaire de justice instrumentaire doit se faire conformément aux articles R.153-3 à R.153-8 du code de commerce et en conséquence que la procédure de levée de séquestre sera la suivante :

Demander à la société Caudalie de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories :

Catégorie A : les pièces pouvant être communiquées sans examen ;

Catégorie B : les pièces concernées par le secret des affaires et qu'elle refuse de communiquer ;

Catégorie C : les pièces qui ne sont pas concernées par le secret des affaires mais qu'elle refuse de communiquer ;

Dire que ce tri sera communiqué à Me [S], commissaire de justice instrumentaire, seulement pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré ;

Dire que pour les pièces concernées par le secret des affaires, la société Caudalie, conformément aux articles R.153-3 à R.153-8 du code de commerce, communiquera au président uniquement « un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires » ;

Fixer le calendrier suivant :

Communication à Me [S] du tri des fichiers pour contrôle de cohérence et communication au président du tri des fichiers et du mémoire de confidentialité demandés, dans un délai de deux mois au plus tard après le prononcé de l'ordonnance à intervenir ;

Renvoi de l'affaire, après contrôle de cohérence par le commissaire de justice, à une audience ultérieure pour l'examen de la fin de la levée de séquestre ;

S'agissant des mesures d'interdiction :

A titre principal :

Confirmer l'ordonnance rendue le 20 décembre 2024 par le président du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;

Débouter la société La Rosée cosmétiques de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause :

Condamner la société La Rosée cosmétiques à verser à la société Caudalie la somme de 150.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Caudalie expose notamment qu'il ne suffit pas que deux produits présentent des similitudes pour que la concurrence déloyale soit caractérisée, que le stick solaire litigieux est un produit courant que de nombreux concurrents commercialisent, alors même que ce format existait avant le lancement du stick solaire de la société La rosée cosmétique. Elle précise qu'elle travaille depuis plusieurs années avec Induplast, son fournisseur qui est aussi celui de la société appelante, et qu'en réalité c'est cette dernière qui a copié la société Caudalie.

S'agissant des mesures d'instruction sollicitées, elle estime que la dérogation au principe du contradictoire n'est pas justifiée, les arguments invoqués sur ce point au sein des requêtes étant lacunaires, la société La Rosée cosmétique disposant de nombreux éléments d'ores et déjà et le risque de dépérissement des preuves n'étant pas établi. Elle ajoute que de telles mesures d'instruction seraient inutiles, que la société La rosée cosmétique tient un discours contradictoire, que le motif légitime fait défaut. Elle précise que les mesures d'instruction ordonnées sont disproportionnées et revêtent un caractère général, outre qu'elles forment une atteinte aux libertés fondamentales, notamment au secret des affaires et au respect de la vie privée. Elle soutient par ailleurs que les faits de parasitisme et de concurrence déloyale ne sont pas démontrés, alors que les mesures demandées d'interdiction et publication, outre la réparation des préjudices invoqués se heurtent à des contestations sérieuses. A titre subsidiaire, pour le cas où les ordonnances sur requêtes ne seraient pas rétractées par la cour, elle soutient que le maintien du séquestre s'impose, la mise en place d'un club de confidentialité étant impossible et la procédure de tri proposée par la société appelante étant inadaptée.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 septembre 2025.

SUR CE,

Sur la jonction des procédures

Aux termes du dispositif de ses écritures, la société La rosée cosmétique sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a joint les affaires RG 2024050670 et RG 2024048438 sous le même numéro RG J2024000765 mais, toutefois, elle n'étaye pas cette demande, ne demande pas expressément de disjonction devant la cour et conclut tant à la rétractation des ordonnances sur requêtes qu'aux mesures d'interdiction, de publication et de réparation de préjudices.

Dans ces conditions, l'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef, la jonction des procédures de référé-rétractation et de référé portant sur des mesures et des réparations procédant d'une bonne administration de la justice.

Sur la demande en rétractation des ordonnances rendues sur requête le 23 juillet 2024

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'application de ce texte suppose que soit constatée l'existence d'un procès en germe possible et non manifestement voué à l'échec au regard des moyens soulevés, sans qu'il revienne au juge statuant en référé ou sur requête de se prononcer sur le bien-fondé de l'action au fond susceptible d'être ultérieurement engagée.

Le recours à une mesure d'instruction sur le fondement de ce texte ne requiert pas de commencement de preuve, la mesure ayant précisément pour objet de rechercher et établir les preuves en vue d'un procès futur. Le requérant doit seulement justifier d'éléments rendant plausibles ses suppositions et établir l'utilité de la mesure d'instruction sollicitée dont doit dépendre la solution du futur litige.

L'article 493 du même code dispose que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

Précisément, il doit être rappelé que le simple fait de copier un produit concurrent qui n'est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent n'est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce (Cass, com., 9 mars 2010, n° 09-11.330 : JurisData n°2010-001565 ; Propr. intell. avr. 2010, p. 774, note J. [Localité 7]). Néanmoins, l'action en concurrence déloyale est ouverte à celui qui ne dispose pas d'un droit de propriété privatif et a pour objet de voir sanctionner l'imitation d'un produit de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur.

Au cas présent, la société La Rosée cosmétiques argue de la création et la commercialisation de son stick solaire, fabriqué par la société Induplast, lancé sur le marché dans sa première version en 2022 et devenu son produit phare. Elle soutient que la société Caudalie a mis en place une véritable stratégie de « suivisme », lançant en 2024 son propre stick solaire, imité du sien jusque dans les couleurs et le packaging, fabriqué également par la société Induplast, avec le renfort d'actions promotionnelles et publicitaires similaires aux siens.

L'antériorité du stick solaire de la société La Rosée cosmétiques à celui de la société Caudalie sous la dénomination « Vinosun Protect » n'est pas discutée.

A ce stade, avant tout procès, la comparaison visuelle dans les conclusions de l'appelante, comme dans sa requête, entre le stick solaire qu'elle commercialise et le modèle de la marque Caudalie est suffisante en ce qu'elle révèle des ressemblances de sorte que l'existence d'un procès « en germe », crédible est suffisamment établie, quand bien même d'autres marques ont elle-même mis sur le marché des produits solaires sous la forme de sticks.

Elle produit en outre des extraits de campagnes promotionnelles des deux marques (film publicitaire et campagnes d'affichages) qui présentent incontestablement des similarités, ainsi que des photographies de chariots promotionnels et des présentoirs sur les lieux de vente possédant les mêmes codes couleurs.

Par ailleurs, elle invoque que des agissements parasitaires sont de nature à créer un risque de banalisation de la marque et une dilution de ces éléments identifiants.

Il résulte des éléments qui précèdent que la mise sur le marché dans ces conditions par la société Caudalie d'un stick solaire présentant des similarités avec celui de la société La Rosée cosmétiques pourrait être constitutive de concurrence déloyale et d'agissements parasitaires.

Mais, ces faits étant désormais connus, l'appelante ne justifie pas de l'utilité de la mesure d'instruction pour les établir. Elle ne justifie pas non plus de ce que les mesures d'instruction visant à établir la réalité et l'ampleur de la commercialisation aux fins de démontrer l'étendue du préjudice, sont légitimes et pertinentes pour permettre d'apporter une telle preuve. En effet, il apparaît que de nombreux éléments sont déjà en possession de la requérante puisqu'il ressort tout d'abord de sa propre requête que la société Indusplast est le fournisseur du packaging des sticks solaires de la marque Caudalie, que l'agence Base Design est l'agence marketing de la société Caudalie, alors qu'il est indiscutable que les campagnes publicitaires de la société intimée ont été rendues publiques et que sa propre requête et ses écritures en comportent de nombreux extraits.

A fortiori, force est de constater que la société La Rosée cosmétiques a estimé disposer d'éléments suffisants pour solliciter en référé des mesures d'interdiction de commercialisation, de publication de l'arrêt à intervenir ainsi que des demandes provisionnelles au titre des préjudices subis, ce qui démontre qu'elle a pu développer des moyens et produire des pièces à l'appui de celles-ci, sans attendre l'issue de la mesure d'instruction ordonnée, puisque les pièces appréhendées ont été placées sous séquestre.

Dans ces conditions la société La Rosée cosmétiques échoue à rapporter la preuve d'un motif légitime.

S'agissant de la dérogation au principe du contradictoire, le juge, saisi sur requête, doit rechercher si la mesure sollicitée exige une dérogation au principe de la contradiction. L'éviction de ce principe directeur du procès nécessite que la requérante justifie de manière concrète les motifs pour lesquels, dans le cas d'espèce, il est impossible de procéder autrement que par surprise.

Dans sa requête, la société La Rosée cosmétiques expose qu'il « existe un risque sérieux de destruction des pièces recherchées dans l'hypothèse d'un débat contradictoire et d'insuccès des mesures d'instruction sollicitées, que « les pièces recherchées sont des documents et fichiers informatiques ou électroniques susceptibles d'être détruits facilement », que « si Caudalie et ses salariés venaient à avoir connaissance de la présente procédure il est à craindre au regard des agissements en cause qu'ils tenteraient de faire disparaître les documents recherchés ».

Ces documents aux termes de cette même requête sont : « toute information permettant de confirmer l'intention parasitaire de Caudalie en particulier dans le cadre de la promotion du stick solaire « Vinosun Protect », notamment le choix des fournisseurs dans le développement, la stratégie de communication et de commercialisation du produit, tout document relatif au plan média de Caudalie relatif à son stick solaire, toute information pertinente permettant d'établir les ventes réalisées par Caudalie en France et à l'étranger sur ledit stick solaire ».

Cependant, la seule référence dans la requête à l'effet de surprise, condition de réussite de la mesure d'instruction, et la crainte exprimée d'un risque de dissimulation ou de destruction des pièces recherchées, dont l'objet exact n'a pas été défini et alors que le risque invoqué n'est étayé par aucun fait précis permettant de présumer un possible dépérissement des preuves, constitue une motivation générale et, par suite, insuffisante pour justifier le recours à une procédure non contradictoire.

Il n'est en effet pas expliqué en quoi il était nécessaire, pour l'efficacité de la mesure sollicitée, d'agir par surprise et les raisons pour lesquelles la mesure ne pouvait être obtenue par une assignation en référé.

S'il est possible de replacer cette motivation sommaire, reposant sur des déductions, dans le contexte de la requête dont il peut être tenu compte pour apprécier les circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction, force est cependant de constater qu'en l'espèce, ce contexte de litige entre les parties ne suffit pas à caractériser la nécessité d'écarter ce principe fondamental.

Ainsi, le contexte de la requête et la situation de concurrence des parties ne permet pas de caractériser les circonstances susceptibles de justifier qu'il soit procédé non contradictoirement pour obtenir, au surplus et à titre surabondant, une mesure d'instruction apparaissant particulièrement intrusive, puisque permettant l'appréhension de « tout élément permettant d'identifier tout prestataire externe salarié ou dirigeant étant intervenu dans le développement, la promotion et/ou la commercialisation du produit (..) toutes correspondances quel qu'en soit le support (écrits, messagerie, emails, comptes de chats, messenger ou teams, sms serveurs y compris cloud, terminaux ainsi que tous fichiers échangés au sein de Caudalie entre tout salarié ou dirigeants avec les prestataires (') tout document relatif au plan média passés et à venir (..) le chiffre d'affaires généré par les ventes du stick solaire « Vinosun Protect » en France et à l'étranger. ».

La motivation succincte des ordonnances, qui procède par affirmation n'est pas davantage de nature à caractériser une dérogation au principe de la contradiction.

C'est donc à bon droit que le premier juge a ordonné la rétractation des ordonnances sur requête et en conséquence de la rétractation ordonnée, il y a lieu de constater la perte de fondement juridique de la mesure d'instruction exécutée en vertu de l'ordonnance rétractée, la société Caudalie ne s'opposant pas à la mesure de destruction ordonnée.

La décision déférée sera confirmée de ce chef.

Sur les demandes d'interdiction et de publication de cet arrêt

Selon l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 873, alinéa 1, du même code dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit et le dommage imminent s'entend de celui qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure.

En application de ces dispositions combinées, il entre dans les pouvoirs du juge des référés de prendre des mesures provisoires en cas d'actes avérés de concurrence déloyale et de parasitisme.

L'existence d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme doit être établie avec l'évidence requise en référé, que ce soit sur le fondement de l'urgence et du différend (article 872 du code de procédure civile) ou sur celui du trouble manifestement illicite et du dommage imminent (article 873 alinéa 1).

Au cas présent, la société La Rosée cosmétiques invoque à titre principal les dispositions de l'article 872 du code de procédure et à titre subsidiaire celles de l'article 873 alinéa 1 de ce même code afin de voir prospérer les demandes d'interdiction de commercialisation et leurs conséquences et de publication de l'arrêt à intervenir.

S'agissant du fondement principal, en l'occurrence celui des dispositions de l'article 872 du code de procédure civile, celles-ci sont soumise au critère de l'urgence.

Or, l'urgence n'est pas établie en l'espèce ainsi que l'a justement apprécié le premier juge. En effet, la société La Rosée cosmétiques estime pour caractériser l'urgence que les agissements de la société Caudalie nuiraient à son développement à l'international et la contraindrait à se justifier auprès de futurs clients, que la commercialisation par la société Caudalie de son stick solaire accroîtrait son préjudice, que la société intimée initierait une nouvelle campagne promotionnelle pour maximiser ses ventes pendant la période hivernale.

Toutefois, force est de constater qu'aucune pièce n'est produite quant à des freins éventuels au développement international de la société La Rosée cosmétiques ni quant à des justifications données à des prospects, qu'aucun élément comptable n'est versé aux débats quant à l'existence d'un préjudice lié à la commercialisation du stick solaire de la société Caudalie, qu'aucun élément n'est fourni quant à l'initiation, désormais la mise en 'uvre d'une campagne promotionnelle de la société Caudalie à l'hiver 2024, la société La Rosée cosmétiques se prévalant en cause d'appel de l'organisation d'une telle campagne au printemps 2025, sans plus d'éléments, à l'exception de deux photographies non datées (sa pièce n°132).

Dans ces conditions, les demandes formées par la société La Rosée cosmétiques ne peuvent prospérer sur ce fondement principal, l'urgence n'étant pas caractérisée et c'est sur le fondement des dispositions de l'article 873 alinéa 1 et le trouble manifestement illicite, le dommage imminent n'étant pas invoqué, que ces demandes doivent être examinées, comme étant des mesures de nature à faire cesser ledit trouble.

Il incombe au fond à celui qui se prétend victime d'actes de concurrence déloyale ou de parasitisme d'en rapporter la preuve et de démontrer, au fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil, que les éléments constitutifs de ces comportements répréhensibles sont réunis. Il importe en conséquence dans la présente instance de rechercher si la preuve est rapportée, avec l'évidence requise en référé, de la commission par la société Caudalie d'actes manifestement illicites de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de la société La Rosée cosmétiques.

Les actes de concurrence déloyale peuvent créer un trouble manifestement illicite justifiant la saisine du juge des référés sur le fondement de ce texte, lequel n'implique pas de caractériser une quelconque urgence. A ce titre, le démarchage de la clientèle d'autrui est licite s'il n'est pas accompagné d'un acte déloyal.

Le parasitisme se définit comme une sorte de déloyauté constitutive d'une faute qui consiste pour un opérateur économique à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, son savoir-faire de la notoriété acquise ou des investissements consentis (Com 26 juin 2024 n°23-13.535).

Il convient encore de rappeler que le principe applicable est celui de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique pour les opérateurs économiques intervenant sur un même secteur d'activité de se mettre en concurrence pour conquérir et retenir la clientèle; ainsi le fait pour un opérateur d'attirer vers lui un client et de le détourner d'un concurrent ne constitue pas, en soi, un comportement fautif dès lors qu'il procède d'une saine concurrence exempte de tout comportement contraire à un exercice paisible de la liberté du commerce et de l'industrie ; le détournement de la clientèle d'un concurrent sera en revanche répréhensible s'il résulte de l'emploi, au préjudice de ce concurrent, de man'uvres déloyales et frauduleuses et, plus généralement, de tous moyens illicites.

Il est constant que les sociétés La Rosée cosmétiques et Caudalie se trouvent en concurrence frontale sur le marché des produits cosmétiques et notamment, celui des sticks solaires. Il est indiscutable que le stick solaire de la société La rosée a été commercialisé avant celui de la société Caudalie et que les produits comportent sur plan visuel d'importantes similarités.

Il résulte des pièces produites que la gamme de produits solaires de la société Caudalie « Vinosun Protect » existe depuis l'année 2021, assortie de la couleur « Pantone 122 C », le stick solaire issu de cette gamme sortie sur le marché en 2024 en étant revêtu également. Ce format « stick » ainsi que le démontre la société Caudalie est toutefois devenu désormais un format répandu (sa pièce 7-17), comme étant commercialisé par de nombreuses marques autres que les parties.

Il ressort notamment de la pièce n°7-1 de la société Caudalie (Benchmarck) mais également de la pièce n°110 de la société La Rosée cosmétiques que le format est largement utilisé par les acteurs du marché cosmétique en matière de protection solaire, notamment sous deux formes : ovale et cylindrique.

S'il doit être relevé que le stick solaire de la société La Rosée cosmétiques est cylindrique et large, contrairement aux modèles ovales souvent commercialisés avant son lancement (ses pièces 43, 110 et 140), il apparaît cependant qu'elle fait état, comme le souligne à juste titre la société Caudalie, du marché des sticks solaires distribués en pharmacie, d'autres marques ayant pourtant avant le lancement des sticks litigieux adopté pour d'autres systèmes de distribution ladite forme cylindrique et large (par exemple : Collistar, ou Anne Moller (pièce n°7-6 de la société Caudalie)), de sorte que le stick solaire de la société La Rosée cosmétiques n'apparaît pas pouvoir être considéré comme étant une innovation.

La société Caudalie justifie par ailleurs de ses investissements pour le développement de sa gamme de soins solaires entre janvier et septembre 2024 (pièces 11-14, attestations du cabinet Deloitte et de M. [U]).

En outre, en ce qui concerne le processus de fabrication, s'agissant du recours à la société Induplast, il lui est reproché d'avoir contracté avec cette dernière en évinçant la société La Rosée cosmétiques pour la fabrication de son stick solaire « Vinosun Protect » mais cependant, il ressort de deux attestations établies par la société Indusplast (pièces Caudalie 7-5 et 7-21) que cette dernière était bien son fournisseur depuis 2019, soit antérieurement aux mises sur le marché des sticks solaires litigieux et le choix de la société La Rosée cosmétiques de changer de fournisseur serait sans rapport avec les relations commerciales entre les sociétés Induplast et Caudalie, alors que la société appelante, qui ne le conteste pas, continue de s'approvisionner auprès de la société Indusplast pour certains produits, de sorte que cet élément n'est pas pertinent pour établir l'existence d'actes de concurrence déloyale et/ou de parasitisme.

S'agissant du film publicitaire incriminé, il est avéré que la vidéo promotionnelle de la société Caudalie comporte certes des similitudes visuelles avec celle de la société La Rosée cosmétiques mais il doit être relevé aussi que l'iconographie est classique et reprise de manière régulière au sein de ce type de publicités pour produits solaires mettant l'accent sur la protection (mannequins en bord de plage, duo/mère fille (pièce 8-1 de la société Caudalie, Benchmark)), les codes de campagne de communication, ainsi que des campagnes d'affichage, les chariots promotionnels et les présentoirs sur les lieux de vente étant eux aussi repris largement par les acteurs du marché.

De surcroît, la politique tarifaire de la société Caudalie concernant son stick solaire, que cette dernière reconnaît avoir modifiée à la baisse, se situe dans une fourchette basse mais conforme aux prix du marché (pièce n°26 de la société Caudalie, Benchmark) tandis que la refonte alléguée de l'identité visuelle des produits Caudalie, refonte reconnue par la société intimée, vers un style épuré et minimaliste s'applique à l'ensemble de ses produits (pièces 4-1 et 4-5 articles de presse) et reflète une tendance générale dans le secteur cosmétique (pièce n°4-3 de la société Caudalie, Benchmark packaging).

Enfin, s'agissant de la valeur économique individualisée et identifiée, critère particulier nécessaire à la caractérisation d'actes de parasitisme, il n'est pas établi que la société Caudalie se serait appropriée cette valeur, alors que les ventes du stick solaire de la société La Rosée cosmétiques au vu des pièces produites ont été en progression entre janvier et septembre 2024 et qu'elle n'établit pas avoir perdu des parts de marché depuis le lancement du stick solaire de la société Caudalie (pièce 11-2 de la société Caudalie, données Datagers), tandis que s'agissant du risque de confusion entre les deux produits dans l'esprit de la clientèle, autre critère spécifique des actes de parasitisme, il est assez mineur dans la mesure où si la colorimétrie des deux produits présente des similarités, ceux-ci se distinguent par l'apposition très apparente de chacune des deux marques sur le tube, celui de la société Caudalie étant orné de la grappe de raisin emblématique de la marque.

Dans ces conditions, la violation évidente de la règle de droit, caractérisant l'existence d'un trouble manifestement illicite, n'est pas établie avec l'évidence requise en référé et c'est à bon droit que le premier juge a rejeté les demandes portant sur des mesures de publication et d'interdiction destinées à le faire cesser. L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.

Sur les demandes provisionnelles

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Etant précisé qu'un préjudice s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale, générateur d'un trouble commercial, fût-il seulement moral, il résulte toutefois de ce qui précède que les actes de concurrence déloyale et de parasitisme dont se prévaut la société La Rosée cosmétiques ne sont pas établis avec l'évidence requise en référé, de sorte qu'il n'y a pas lieu à référé non plus sur ses demandes provisionnelles de réparation de préjudices qui en sont issues.

L'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

La décision sera confirmée en ce qui concerne le sort des dépens et des frais irrépétibles, exactement apprécié par le premier juge.

Au regard de l'issue du litige en appel, la société La Rosée cosmétiques sera condamnée aux dépens de cette instance ainsi qu'à payer à la société Caudalie, contrainte d'exposer des frais irrépétibles en appel, pour assurer sa défense, la somme de 25.000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise,

Y ajoutant,

Condamne la société La Rosée cosmétiques aux dépens de l'appel,

Condamne la société La Rosée cosmétiques à payer à la société Caudalie la somme de 25.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes.

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