CA Paris, Pôle 6 - ch. 2, 16 octobre 2025, n° 25/01180
PARIS
Autre
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRET DU 16 OCTOBRE 2025
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/01180 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKZGZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2025 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 23/03987
APPELANT :
Monsieur [Z] [C]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Assisté de Me Matthieu JANTET-HIDALGO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099,
INTIMÉE :
S.A. EDF, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Bertrand DELCOURT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0023, substitué par Me Martin SAUVIGNY, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Paule ALZEARI, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Eric LEGRIS, président
Christine LAGARDE, conseillère
Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur [J] est dirigeant de la société OPTIMACTION avec laquelle il a conclu divers contrats de prestation de service pour des sociétés sous-traitantes d'EDF.
Une lettre de mission a été rédigée par la société EDF qui a orienté Monsieur [J] vers la société SOPRA, avec laquelle EDF avait un marché ouvert et budgété, pour
« porter » son intervention.
A partir du 6 avril 2010, Monsieur [J] est intervenu en qualité de sous-traitant de la société SOPRA.
Monsieur [J] adressait chaque mois une facture à la société SOPRA pour le nombre de jours travaillés et sur la base d'un tarif journalier directement convenu avec la société EDF.
La relation contractuelle s'est poursuivie de manière continue, et selon le même modèle, jusqu'au mois d'août 2013.
Monsieur [J] a par la suite conclu, par le biais de sa société OPTIMACTION, divers contrats :
- Un contrat de « conseil en systèmes et logiciels informatiques » avec la société ARISTOTE de septembre 2013 à février 2016 ;
- Un contrat de « conseil en systèmes et logiciels informatiques » avec la société ATOS, de mars 2016 à octobre 2017 ;
- Un contrat de « conseil en systèmes et logiciels informatiques » avec la société CONCRETIO de novembre 2017 à décembre 2022.
L'ensemble de ces sociétés étaient elles-mêmes sous-traitantes de la société SOGETI (ensuite absorbée par CAP GEMINI), qui traitait avec EDF.
En 2022, Monsieur [J] a été informé que son intervention ne serait pas reconduite après le mois de décembre 2022.
Le 26 janvier 2023, la direction des ressources humaines a orienté Monsieur [J] vers les offres d'emplois EDF des candidats externes publiées sur son site internet.
Le 23 février 2023, Monsieur [J] a indiqué à la EDF qu'il estimait avoir travaillé pendant 12 ans dans les conditions d'un salariat déguisé et a sollicité, non pas son recrutement, mais la poursuite de la relation de travail dans le cadre d'un contrat de travail.
EDF n'a pas répondu. La demande a été réitérée par courrier d'avocat le 4 avril 2023.
Le 19 mai 2023, Monsieur [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de requalifier le relation de travail entre lui-même et la société EDF en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 avril 2010, de juger que la rupture de la relation de travail du 31 décembre 2022 s'analyse en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, ainsi que la condamnation à lui verser diverses sommes outre la remise d'une attestation employeur destinée à France Travail.
Le 24 septembre 2025, le conseil de prud'hommes a rendu le jugement contradictoire suivant :
'Se déclare incompétent au profit du Conseil du Tribunal de Commerce de PARIS
Dit qu'à défaut d'appel dans les délais, le dossier sera transmis audit tribunal en application de l'article 82 du code de procédure civile.
Réserve les dépens.'
Le 27 janvier 2025, Monsieur [J] a relevé appel de ce jugement.
Par une ordonnance du 18 juin 2025, Monsieur [J] a été autorisé à assigner la Société à jour fixe.
L'assignation à jour fixe a été délivrée le 04 juillet 2025 et déposée le 08 juillet suivant.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 25 avril 2025, Monsieur [J] demande à la cour de :
'D'INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris du Conseil de prud'hommes de Paris prononcé le 14 janvier 2025 et statuant exclusivement sur la compétence ;
Par conséquent,
DECLARER le Conseil de prud'hommes de Paris, et par voie de conséquence, la Cour, matériellement compétents pour se prononcer sur les demandes de Monsieur [J] ;
REJETER l'exception d'incompétence soulevée par la société EDF ;
REQUALIFIER la relation de travail entre Monsieur [J] et la société EDF en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 avril 2010 ;
EVOQUER l'affaire au fond en application de l'article 88 du Code de procédure civile ;
Par conséquent,
JUGER que la rupture de la relation de travail au 31 décembre 2022 s'analyse en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
CONDAMNER la société EDF à verser à Monsieur [Z] [J] les
sommes suivantes :
- 64 366 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;
- 37 986 € à titre d'indemnité légale compensatrice de préavis (2 mois) ;
- 208 927 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (plafond "Macron" de 11 mois) ;
- 113 960 € à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé (6 mois).
DIRE que les sommes de nature salariales et indemnitaires porteront intérêt au taux légal à
compter de la date de la saisine du Conseil et ordonner la capitalisation ;
ORDONNER la remise de l'attestation employeur Pôle-Emploi et les documents de fin de contrat sous astreinte de 100 € par document et par jour de retard ;
DEBOUTER la société EDF de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
CONDAMNER la société EDF à verser à Monsieur [Z] [J] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux éventuels dépens ;'
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 4 août 2025, la Société demande à la cour de:
'- Dire et juger EDF recevable et bien fondée en ses conclusions.
- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Paris le 14 janvier 2025 en toutes ses dispositions
In limine litis et à titre principal,
- Entendre la Cour se déclarer incompétente au profit du Tribunal de commerce de Paris pour connaître des demandes de Monsieur [C], par application des articles 75 du Code de procédure civile et L 1141-1 du Code du travail,
A titre subsidiaire,
- Débouter Monsieur [C] de sa demande visant à voir « requalifier (sa) relation de travail (avec) EDF en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 avril 2010 »,
- Juger Monsieur [C] mal fondé en toutes ses demandes et l'en débouter,
- Condamner Monsieur [C], à titre reconventionnel, à rembourser à EDF la somme de 4.000 € à titre de trop perçu sur une « part employeur » du prix des repas qu'il a consommés au restaurant interentreprise [Localité 6] Picasso, sur le fondement de l'article 1302-1 du Code civil,
- Condamner Monsieur [C] à payer à EDF la somme de 3.000 € sur le fondement de l'Article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner Monsieur [C] aux entiers dépens d'instance,
A titre très subsidiaire,
- Si, par impossible, la Cour retenait que les demandes de Monsieur [C] seraient bien fondées en leur principe, juger que le montant des indemnités dont il poursuit l'octroi devrait être évalué sur la base d'une rémunération mensuelle nette maximale de 7.000 €.
- Juger que dans ce cas, les éventuelles condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts à compter de la date de prononcé de l'arrêt à intervenir.'
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la compétence du conseil de prud'hommes :
Monsieur [J] fait valoir que :
- Ses demandes portent sur la reconnaissance d'un contrat de travail et sur des condamnations incidentes à lui verser des sommes au titre de la rupture injustifiée de la relation contractuelle et du travail dissimulé, le conseil de prud'hommes est donc compétent.
- La présomption de non-salariat résulte en réalité d'un montage artificiel mis en place par EDF.
- Monsieur [D] n'avait pas de relations opérationnelles avec les différentes sociétés intermédiaires (SOPRA, ARISTOTE, ATOS, CONCRETIO) vers lesquelles il était orienté et qui ont porté son intervention au sein d'EDF. Il ne rendait compte de son activité qu'à l'encadrement de la société EDF.
- Monsieur [D] ne tirait aucun bénéfice de ce montage qui résultait de la seule volonté d'EDF.
- L'objectif d'EDF était principalement d'obtenir les services d'un travailleur en s'affranchissant des dispositions légales et des conventions collectives.
- Pour plusieurs périodes Monsieur [J] a directement été rémunéré par la société EDF, entre août 2016 et septembre 2017.
- Les échanges de mails démontrent qu'EDF traitait directement avec lui et qu'elle l'a orienté vers la société SOPRA.
- Son intervention n'est pas le fruit de sous-traitance en cascade puisqu'il n'a jamais réellement eu de lien opérationnel avec aucune des sociétés (SOPRA, ARISTOTE, ATOS, CONCRETIO), ni même la société SOGETI. Il était bien en relation directe avec EDF.
- Monsieur [J] n'est pas un sous-traitant en cascade :
La pièce versée par EDF du contrat conclu le 10 avril 2017 avec la SOGETI ne permet pas de déterminer si ce contrat est effectivement le support primaire de l'intervention de Monsieur [J] en qualité de sous-traitant sur le projet 'SIMM'. A la lecture du contrat, il est en effet impossible d'identifier le lien avec ce projet.
Il n'est justifié d'aucun élément contractuel antérieur au 10 avril 2017 alors que Monsieur [J] travaillait sur le projet 'SIMM' depuis le 6 avril 2010.
Le contrat conclu entre Monsieur [J] et SOGETI n'a jamais mentionné ce projet. Son seul interlocuteur pour l'exécution de cette mission était EDF.
Ce contrat (du 10 avril 2017) interdit la sous-traitance du rang 2 au sens de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, codifiée aux articles L.2193-1 et suivants et R.2193-1 et suivants du Code de la commande publique.
A supposer que Monsieur [J] soit effectivement un sous-traitant en cascade, EDG ne justifie pas du respect de ses obligations d'acceptation et d'agrément de l'intervention de la société OPTIMACTION en application des articles 3 et 5 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 et L.2193-6 et R.2193-1 du Code de la commande publique.
- La rémunération de Monsieur [J] entre août 2016 et septembre 2017 ne peut être faite dans le cadre d'une délégation. EDF ne justifie en rien l'existence d'une délégation.
- Il existait en outre un pouvoir de subordination : EDF détenait un pouvoir de direction, de contrôle de l'activité et de sanction. Contrairement à ce qu'affirme le conseil de prud'hommes, l'absence de liberté dans l'organisation du temps de travail est un indice de nature à caractériser un pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur.
- Monsieur [J] a été rémunéré chaque mois et son volume de travail correspond à celui d'un salarié à temps complet. La variation dans ses rémunérations ne résultait pas d'une liberté dans la fixation de ses tarifs, mais du forfait jour imposé par EDF.
- Monsieur [J] était intégré au sein d'un service organisé au sein d'EDF. Il travaillait au sein des locaux de la société à [Localité 5] et [Localité 6], et travaillait sur du matériel mis à sa disposition (ordinateur portable).
La Société EDF oppose que :
- Elle n'a versé aucun salaire à Monsieur [J], ce dernier adressant des factures aux sociétés sous-traitantes d'EDF.
- Il ne s'agit aucunement d'un 'montage artificiel' mis en place par EDF.
- Il n'existe aucun lien de subordination juridique entre Monsieur [C] et EDF.
EDF n'avait aucun pouvoir de contrôle ou de direction. EDF exerçait un droit de regard car Monsieur [C] était en charge du projet 'SIMM' qui était sensible. Ce droit de regard était bien prévu dans la lettre de mission.
L'organisation de la logistique ne caractérise pas un lien de subordination. Les contrats 'consultant de prestations de services' stipulaient expressément le suivi des missions.
Le prêt de matériel par la société EDF est justifié puisque Monsieur [C] devait se conformer aux règles de sécurité et d'hygiène.
EDF n'avait aucun pouvoir disciplinaire comme l'a souligné le conseil de prud'hommes.
- Monsieur [J] n'était pas intégré à un service organisé par EDF. Le badge d'accès, l'accès aux plannings internes et la place de parking mise à sa disposition résultaient d'habitudes légitimement engendrées par sa situation d'intervenant extérieur depuis 12 ans. L'ensemble des faits reprochés à la Société sont conformes au contrat de prestation de service et aux règles internes à l'entreprise.
L'article L. 8221-6 du code du travail dispose que :
« I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;
(')
3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés.
II.-L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.
(')».
Aux termes de l'article L. 8221-6-1 du même code, « est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d'ordre ».
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Il est constant que M.de [M] est le dirigeant et seul salarié de la société Optimaction qu'il a créé en 2007.
Ainsi, en application des dispositions précitées, sa qualité de dirigeant d'une personne morale implique une présomption de non salariat nécessairement exclusive de tout contrat de travail.
Cependant, toujours en application de ces dispositions, cette présomption simple peut être renversée par la preuve contraire qui incombe à M. [J].
Sur l'existence du lien de subordination, et plus spécifiquement sur le pouvoir de direction et de contrôle par la société EDF, il est utilement rappelé que le projet en vigueur au sein de la Société touchait à des données à caractère sensible avec prévision dans la lettre de mission d'une expertise d'administration SGBD en environnement SAP et VLBD ORACLE.
Dans cette mesure, il a été exactement relevé par le conseil de prud'hommes que la Société avait nécessairement un droit de regard sur la qualité de la mission effectuée par M. [J] et ce, dans le cadre de la mission.
Ainsi, dans le cadre de cette mission et afin de maintenir une nécessaire articulation entre l'activité des prestataires extérieurs et des effectifs de la société EDF affectés au projet, il n'est pas anormal mais au contraire nécessaire que M.de [M] renseigne le temps qu'il consacre à sa mission de consultant sur l'interface Optim ABS.
De même, dans le cadre de sa mission, il n'est pas incongru qu'il soit conduit à rendre compte de ses activités et de l'avancement de ses travaux auprès de la personne en charge du pilotage des différents intervenants du projet.
Ces éléments ne permettent nullement de caractériser l'existence d'un lien de subordination.
Il est justifié sur ce point par la Société que les "contrats consultant de prestations de services"dont M.de [M] a accepté les termes et qu'il a signé au nom et pour le compte de sa société stipulaient que 'chaque mois, le consultant établit un compte rendu d'activité sur l'état d'avancement des prestations réalisées le mois précédent et le communique avant le 5 du mois à Concrétio Services.
Le consultant renseigne le compte rendu d'activité sous sa seule responsabilité. Il s'engage à y faire figurer des informations exactes. Le consultant est informé que ce compte rendu d'activité pourra être remis au client."
Pour les mêmes motifs, il n'est pas contesté qu'il a été demandé à M.de [M] de participer à des réunions, à des points d'étape, étant relevé qu'il est également justifié que ce dernier devait produire dans le cadre de sa mission des comptes rendus d'activité qui étaient adressés au responsable suivi contractuel.
À cet égard force est de constater qu'il ne justifie nullement avoir eu pour interlocuteurs les responsables des ressources humaines, en charge des salariés.
Enfin, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que si M. [J] remplissait son planning dans les logiciels internes à la société EDF et s'adaptait sans doute aux contraintes de l'entreprise pour poser ses congés, aucun élément ne démontre que la société EDF contrôlait son temps de travail, l'acquisition de ses droits à congés, la prise de congés et ses absences au titre d'accident ou d'arrêt maladie.
Sur l'utilisation de matériels propriété d'EDF, il résulte du contrat de "consultant de prestation de services"conclu entre les parties que pour l'exécution des prestations qui s'effectueraient sur le site, le consultant accepte de se soumettre aux règles d'hygiène et de sécurité applicable sur le site.
D'évidence, tout prestataire extérieur effectuant une mission sur le site d'EDF doit nécessairement se conformer aux règles de sécurité de l'entreprise outre la considération du caractère sensible du projet SIMM qui vise à faire migrer les données de facturation de 30 millions de contrats de fourniture d'électricité.
Dans cette mesure, il est nécessairement indispensable que le matériel informatique , propriété de l'entrepris et configuré par elle , soit utilisé par le prestataire extérieur et ce, afin d'éviter une faille de sécurité et/ou de confidentialité dans les fichiers/dossiers.
Sur le pouvoir de sanction, force est de constater que l'intéressé ne justifie, à aucun moment de la relation, de la réalité et de l'exercice d'un pouvoir disciplinaire de la part de la société EDF à son encontre.
En effet, le conseil de prud'hommes a exactement retenu qu'aucun document d'évaluation de formation ou de suivi des objectifs n'est versé aux débats outre d'éventuels griefs ou reproches dans l'exécution de sa mission.
Sur l'intégration à un service organisé, force est de constater que M.de [M] n'apparaît nullement dans l'organigramme du service mais seulement sur un organigramme du projet "OSI MMD" avec la mention "externe EDF".
Il ne disposait nullement d'une adresse e-mail interne à l'entreprise mais au contraire d'une adresse électronique mentionnant sa qualité de prestataire externe : [Courriel 7].
Toujours sur ce point, s'il n'est pas contesté qu'il a bénéficié d'un badge d'accès afin d'accéder au site d'EDF, d'un accès au planning interne pour information du planning de travail mais également d'une place de parking mis à sa disposition dans le cadre de sa mission, les premiers juges en ont exactement déduit qu'il s'agissait de facilités légitimes au regard de sa situation d'intervenant extérieur , effectuant sa prestation exclusivement pour la société EDF durant 12 ans ce qui, dans ce cadre, ne caractérise nullement l'existence d'un contrat de travail.
Il en est nécessairement de même s'agissant de l'accès au restaurant interentreprises du site Pablo Picasso de [Localité 6].
Enfin, il est avéré que la signature électronique dont il pouvait faire usage mentionnait explicitement l'entreprise prestataire pour le compte de laquelle il intervenait et qui était elle-même prestataire de services pour EDF de sorte qu'il n'existait aucune ambiguïté quant au fait qu'il n'était pas salarié :
"[Z] [J]
Expertise ORACLE
CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES lot 2
Contrat infogérance n° C4027 T4000 pour EDF
Accompagnement projet- expertise ORACLE."
Il est utilement précisé par l'intimé, sans être contredite, que le terme d'externe intégré dans l'adresse électronique permet aux correspondants de savoir qu'il n'était pas salarié d'EDF mais un prestataire externe pour le compte de la société, tout en évitant que la correspondance soit exposée à un risque de divulgation puisque l'utilisation d'une adresse e-mail qui n'est pas propre à EDF permettrait que les messages transitent par Internet ce qui implique effectivement une absence totale de confidentialité et génère un non-respect de la politique de sécurité informatique de l'entreprise.
Il en résulte donc que M.de [M] n'établit nullement qu'il aurait été intégré à un service organisé par EDF.
Sur la relation qualifiée de relation de travail, force est de considérer que les factures établies par la société Optimaction font apparaître que M.de [M] facturait un service dont le tarif était librement fixé et évolutif, les factures mentionnant toutes des frais de tarification différents.
Ainsi le caractère évolutif de la rémunération des prestations de services résulte du montant toujours différent des factures de sorte qu'elles ne peuvent être qualifiées de salaire.
Il convient de préciser que le salaire perçu par Monsieur [J] lui a été versé par sa société ainsi que l'établissent les relevés de comptes courants de cette dernière mais, à aucun moment par la société EDF.
Enfin sur le "montage artificiel imputé à EDF", les premiers juges ont exactement retenu les dispositions de l'article L. 1254-1 du code du travail tout en rappelant les conditions juridiques de l'intervention de la société Optimaction.
À cet égard, il doit être rappelé que la société Optimaction a été constituée au mois de septembre 2007 alors qu'au mois de mars 2010, par courriel, Monsieur [J] a notifié à son interlocuteur que s'il ne pouvait intervenir sur le projet SIMM déployé par EDF par l'intermédiaire de la société GFI, il proposait de le faire par l'intermédiaire de la société OSIATIS qu'il avait lui-même sollicité.
Il s'en déduit donc que Monsieur [J] est intervenu , dans ce cadre, et en toute connaissance de cause, en qualité de prestataire extérieur d'EDF et non en qualité de salarié de celle-ci.
Il doit y être ajouté que sans ce montage juridique, il n'aurait pas été en mesure d'exercer son activité d'expert auprès de la société EDF.
En outre, force est de constater que Monsieur [J] justifie d'une expertise, d'une qualification et d'une autonomie qui lui permettent de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d'exécution de sa prestation et de son prix.
Enfin, et à cet égard, il est inopérant d'invoquer le non-respect par la société EDF de ses obligations d'acceptation et d'agrément de l'intervention de la société Optimaction dans le cadre des contrats de sous-traitance au regard de la requalification demandée, la prétendue absence de justification du cadre contractuel invoqué n'étant pas de nature à justifier de la réalité d'une relation de travail.
Le jugement mérite donc confirmation sur la compétence en l'état de ces constats et en considération des pièces produites.
Sur la demande d'évocation et la demande reconventionnelle de la Société :
EDF fait valoir que Monsieur [C] a indûment bénéficié de la prise en charge d'une 'part employeur' sur le prix des repas consommés au RIE de [Localité 6]. Conformément aux articles 1302-1 et 2224 du Code civil , EDF est fondée à demander le remboursement de la somme de 4.000 euros.
En l'état de la confirmation de la décision d'incompétence, il n'y a pas lieu d'évoquer le fond y compris sur la demande reconventionnelle de la société EDF.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Monsieur [J], qui succombe sur le mérite de son appel, doit être condamné aux dépens et débouté en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune raison d'équité ne commande l'application de cet article au profit de la société intimée.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à évocation,
CONDAMNE M.[Z] [J] aux dépens d'appel,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRET DU 16 OCTOBRE 2025
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/01180 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKZGZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2025 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 23/03987
APPELANT :
Monsieur [Z] [C]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Assisté de Me Matthieu JANTET-HIDALGO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099,
INTIMÉE :
S.A. EDF, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Bertrand DELCOURT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0023, substitué par Me Martin SAUVIGNY, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Paule ALZEARI, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Eric LEGRIS, président
Christine LAGARDE, conseillère
Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur [J] est dirigeant de la société OPTIMACTION avec laquelle il a conclu divers contrats de prestation de service pour des sociétés sous-traitantes d'EDF.
Une lettre de mission a été rédigée par la société EDF qui a orienté Monsieur [J] vers la société SOPRA, avec laquelle EDF avait un marché ouvert et budgété, pour
« porter » son intervention.
A partir du 6 avril 2010, Monsieur [J] est intervenu en qualité de sous-traitant de la société SOPRA.
Monsieur [J] adressait chaque mois une facture à la société SOPRA pour le nombre de jours travaillés et sur la base d'un tarif journalier directement convenu avec la société EDF.
La relation contractuelle s'est poursuivie de manière continue, et selon le même modèle, jusqu'au mois d'août 2013.
Monsieur [J] a par la suite conclu, par le biais de sa société OPTIMACTION, divers contrats :
- Un contrat de « conseil en systèmes et logiciels informatiques » avec la société ARISTOTE de septembre 2013 à février 2016 ;
- Un contrat de « conseil en systèmes et logiciels informatiques » avec la société ATOS, de mars 2016 à octobre 2017 ;
- Un contrat de « conseil en systèmes et logiciels informatiques » avec la société CONCRETIO de novembre 2017 à décembre 2022.
L'ensemble de ces sociétés étaient elles-mêmes sous-traitantes de la société SOGETI (ensuite absorbée par CAP GEMINI), qui traitait avec EDF.
En 2022, Monsieur [J] a été informé que son intervention ne serait pas reconduite après le mois de décembre 2022.
Le 26 janvier 2023, la direction des ressources humaines a orienté Monsieur [J] vers les offres d'emplois EDF des candidats externes publiées sur son site internet.
Le 23 février 2023, Monsieur [J] a indiqué à la EDF qu'il estimait avoir travaillé pendant 12 ans dans les conditions d'un salariat déguisé et a sollicité, non pas son recrutement, mais la poursuite de la relation de travail dans le cadre d'un contrat de travail.
EDF n'a pas répondu. La demande a été réitérée par courrier d'avocat le 4 avril 2023.
Le 19 mai 2023, Monsieur [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de requalifier le relation de travail entre lui-même et la société EDF en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 avril 2010, de juger que la rupture de la relation de travail du 31 décembre 2022 s'analyse en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, ainsi que la condamnation à lui verser diverses sommes outre la remise d'une attestation employeur destinée à France Travail.
Le 24 septembre 2025, le conseil de prud'hommes a rendu le jugement contradictoire suivant :
'Se déclare incompétent au profit du Conseil du Tribunal de Commerce de PARIS
Dit qu'à défaut d'appel dans les délais, le dossier sera transmis audit tribunal en application de l'article 82 du code de procédure civile.
Réserve les dépens.'
Le 27 janvier 2025, Monsieur [J] a relevé appel de ce jugement.
Par une ordonnance du 18 juin 2025, Monsieur [J] a été autorisé à assigner la Société à jour fixe.
L'assignation à jour fixe a été délivrée le 04 juillet 2025 et déposée le 08 juillet suivant.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 25 avril 2025, Monsieur [J] demande à la cour de :
'D'INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris du Conseil de prud'hommes de Paris prononcé le 14 janvier 2025 et statuant exclusivement sur la compétence ;
Par conséquent,
DECLARER le Conseil de prud'hommes de Paris, et par voie de conséquence, la Cour, matériellement compétents pour se prononcer sur les demandes de Monsieur [J] ;
REJETER l'exception d'incompétence soulevée par la société EDF ;
REQUALIFIER la relation de travail entre Monsieur [J] et la société EDF en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 avril 2010 ;
EVOQUER l'affaire au fond en application de l'article 88 du Code de procédure civile ;
Par conséquent,
JUGER que la rupture de la relation de travail au 31 décembre 2022 s'analyse en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
CONDAMNER la société EDF à verser à Monsieur [Z] [J] les
sommes suivantes :
- 64 366 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;
- 37 986 € à titre d'indemnité légale compensatrice de préavis (2 mois) ;
- 208 927 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (plafond "Macron" de 11 mois) ;
- 113 960 € à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé (6 mois).
DIRE que les sommes de nature salariales et indemnitaires porteront intérêt au taux légal à
compter de la date de la saisine du Conseil et ordonner la capitalisation ;
ORDONNER la remise de l'attestation employeur Pôle-Emploi et les documents de fin de contrat sous astreinte de 100 € par document et par jour de retard ;
DEBOUTER la société EDF de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
CONDAMNER la société EDF à verser à Monsieur [Z] [J] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux éventuels dépens ;'
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 4 août 2025, la Société demande à la cour de:
'- Dire et juger EDF recevable et bien fondée en ses conclusions.
- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Paris le 14 janvier 2025 en toutes ses dispositions
In limine litis et à titre principal,
- Entendre la Cour se déclarer incompétente au profit du Tribunal de commerce de Paris pour connaître des demandes de Monsieur [C], par application des articles 75 du Code de procédure civile et L 1141-1 du Code du travail,
A titre subsidiaire,
- Débouter Monsieur [C] de sa demande visant à voir « requalifier (sa) relation de travail (avec) EDF en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 avril 2010 »,
- Juger Monsieur [C] mal fondé en toutes ses demandes et l'en débouter,
- Condamner Monsieur [C], à titre reconventionnel, à rembourser à EDF la somme de 4.000 € à titre de trop perçu sur une « part employeur » du prix des repas qu'il a consommés au restaurant interentreprise [Localité 6] Picasso, sur le fondement de l'article 1302-1 du Code civil,
- Condamner Monsieur [C] à payer à EDF la somme de 3.000 € sur le fondement de l'Article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner Monsieur [C] aux entiers dépens d'instance,
A titre très subsidiaire,
- Si, par impossible, la Cour retenait que les demandes de Monsieur [C] seraient bien fondées en leur principe, juger que le montant des indemnités dont il poursuit l'octroi devrait être évalué sur la base d'une rémunération mensuelle nette maximale de 7.000 €.
- Juger que dans ce cas, les éventuelles condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts à compter de la date de prononcé de l'arrêt à intervenir.'
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la compétence du conseil de prud'hommes :
Monsieur [J] fait valoir que :
- Ses demandes portent sur la reconnaissance d'un contrat de travail et sur des condamnations incidentes à lui verser des sommes au titre de la rupture injustifiée de la relation contractuelle et du travail dissimulé, le conseil de prud'hommes est donc compétent.
- La présomption de non-salariat résulte en réalité d'un montage artificiel mis en place par EDF.
- Monsieur [D] n'avait pas de relations opérationnelles avec les différentes sociétés intermédiaires (SOPRA, ARISTOTE, ATOS, CONCRETIO) vers lesquelles il était orienté et qui ont porté son intervention au sein d'EDF. Il ne rendait compte de son activité qu'à l'encadrement de la société EDF.
- Monsieur [D] ne tirait aucun bénéfice de ce montage qui résultait de la seule volonté d'EDF.
- L'objectif d'EDF était principalement d'obtenir les services d'un travailleur en s'affranchissant des dispositions légales et des conventions collectives.
- Pour plusieurs périodes Monsieur [J] a directement été rémunéré par la société EDF, entre août 2016 et septembre 2017.
- Les échanges de mails démontrent qu'EDF traitait directement avec lui et qu'elle l'a orienté vers la société SOPRA.
- Son intervention n'est pas le fruit de sous-traitance en cascade puisqu'il n'a jamais réellement eu de lien opérationnel avec aucune des sociétés (SOPRA, ARISTOTE, ATOS, CONCRETIO), ni même la société SOGETI. Il était bien en relation directe avec EDF.
- Monsieur [J] n'est pas un sous-traitant en cascade :
La pièce versée par EDF du contrat conclu le 10 avril 2017 avec la SOGETI ne permet pas de déterminer si ce contrat est effectivement le support primaire de l'intervention de Monsieur [J] en qualité de sous-traitant sur le projet 'SIMM'. A la lecture du contrat, il est en effet impossible d'identifier le lien avec ce projet.
Il n'est justifié d'aucun élément contractuel antérieur au 10 avril 2017 alors que Monsieur [J] travaillait sur le projet 'SIMM' depuis le 6 avril 2010.
Le contrat conclu entre Monsieur [J] et SOGETI n'a jamais mentionné ce projet. Son seul interlocuteur pour l'exécution de cette mission était EDF.
Ce contrat (du 10 avril 2017) interdit la sous-traitance du rang 2 au sens de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, codifiée aux articles L.2193-1 et suivants et R.2193-1 et suivants du Code de la commande publique.
A supposer que Monsieur [J] soit effectivement un sous-traitant en cascade, EDG ne justifie pas du respect de ses obligations d'acceptation et d'agrément de l'intervention de la société OPTIMACTION en application des articles 3 et 5 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 et L.2193-6 et R.2193-1 du Code de la commande publique.
- La rémunération de Monsieur [J] entre août 2016 et septembre 2017 ne peut être faite dans le cadre d'une délégation. EDF ne justifie en rien l'existence d'une délégation.
- Il existait en outre un pouvoir de subordination : EDF détenait un pouvoir de direction, de contrôle de l'activité et de sanction. Contrairement à ce qu'affirme le conseil de prud'hommes, l'absence de liberté dans l'organisation du temps de travail est un indice de nature à caractériser un pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur.
- Monsieur [J] a été rémunéré chaque mois et son volume de travail correspond à celui d'un salarié à temps complet. La variation dans ses rémunérations ne résultait pas d'une liberté dans la fixation de ses tarifs, mais du forfait jour imposé par EDF.
- Monsieur [J] était intégré au sein d'un service organisé au sein d'EDF. Il travaillait au sein des locaux de la société à [Localité 5] et [Localité 6], et travaillait sur du matériel mis à sa disposition (ordinateur portable).
La Société EDF oppose que :
- Elle n'a versé aucun salaire à Monsieur [J], ce dernier adressant des factures aux sociétés sous-traitantes d'EDF.
- Il ne s'agit aucunement d'un 'montage artificiel' mis en place par EDF.
- Il n'existe aucun lien de subordination juridique entre Monsieur [C] et EDF.
EDF n'avait aucun pouvoir de contrôle ou de direction. EDF exerçait un droit de regard car Monsieur [C] était en charge du projet 'SIMM' qui était sensible. Ce droit de regard était bien prévu dans la lettre de mission.
L'organisation de la logistique ne caractérise pas un lien de subordination. Les contrats 'consultant de prestations de services' stipulaient expressément le suivi des missions.
Le prêt de matériel par la société EDF est justifié puisque Monsieur [C] devait se conformer aux règles de sécurité et d'hygiène.
EDF n'avait aucun pouvoir disciplinaire comme l'a souligné le conseil de prud'hommes.
- Monsieur [J] n'était pas intégré à un service organisé par EDF. Le badge d'accès, l'accès aux plannings internes et la place de parking mise à sa disposition résultaient d'habitudes légitimement engendrées par sa situation d'intervenant extérieur depuis 12 ans. L'ensemble des faits reprochés à la Société sont conformes au contrat de prestation de service et aux règles internes à l'entreprise.
L'article L. 8221-6 du code du travail dispose que :
« I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;
(')
3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés.
II.-L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.
(')».
Aux termes de l'article L. 8221-6-1 du même code, « est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d'ordre ».
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Il est constant que M.de [M] est le dirigeant et seul salarié de la société Optimaction qu'il a créé en 2007.
Ainsi, en application des dispositions précitées, sa qualité de dirigeant d'une personne morale implique une présomption de non salariat nécessairement exclusive de tout contrat de travail.
Cependant, toujours en application de ces dispositions, cette présomption simple peut être renversée par la preuve contraire qui incombe à M. [J].
Sur l'existence du lien de subordination, et plus spécifiquement sur le pouvoir de direction et de contrôle par la société EDF, il est utilement rappelé que le projet en vigueur au sein de la Société touchait à des données à caractère sensible avec prévision dans la lettre de mission d'une expertise d'administration SGBD en environnement SAP et VLBD ORACLE.
Dans cette mesure, il a été exactement relevé par le conseil de prud'hommes que la Société avait nécessairement un droit de regard sur la qualité de la mission effectuée par M. [J] et ce, dans le cadre de la mission.
Ainsi, dans le cadre de cette mission et afin de maintenir une nécessaire articulation entre l'activité des prestataires extérieurs et des effectifs de la société EDF affectés au projet, il n'est pas anormal mais au contraire nécessaire que M.de [M] renseigne le temps qu'il consacre à sa mission de consultant sur l'interface Optim ABS.
De même, dans le cadre de sa mission, il n'est pas incongru qu'il soit conduit à rendre compte de ses activités et de l'avancement de ses travaux auprès de la personne en charge du pilotage des différents intervenants du projet.
Ces éléments ne permettent nullement de caractériser l'existence d'un lien de subordination.
Il est justifié sur ce point par la Société que les "contrats consultant de prestations de services"dont M.de [M] a accepté les termes et qu'il a signé au nom et pour le compte de sa société stipulaient que 'chaque mois, le consultant établit un compte rendu d'activité sur l'état d'avancement des prestations réalisées le mois précédent et le communique avant le 5 du mois à Concrétio Services.
Le consultant renseigne le compte rendu d'activité sous sa seule responsabilité. Il s'engage à y faire figurer des informations exactes. Le consultant est informé que ce compte rendu d'activité pourra être remis au client."
Pour les mêmes motifs, il n'est pas contesté qu'il a été demandé à M.de [M] de participer à des réunions, à des points d'étape, étant relevé qu'il est également justifié que ce dernier devait produire dans le cadre de sa mission des comptes rendus d'activité qui étaient adressés au responsable suivi contractuel.
À cet égard force est de constater qu'il ne justifie nullement avoir eu pour interlocuteurs les responsables des ressources humaines, en charge des salariés.
Enfin, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que si M. [J] remplissait son planning dans les logiciels internes à la société EDF et s'adaptait sans doute aux contraintes de l'entreprise pour poser ses congés, aucun élément ne démontre que la société EDF contrôlait son temps de travail, l'acquisition de ses droits à congés, la prise de congés et ses absences au titre d'accident ou d'arrêt maladie.
Sur l'utilisation de matériels propriété d'EDF, il résulte du contrat de "consultant de prestation de services"conclu entre les parties que pour l'exécution des prestations qui s'effectueraient sur le site, le consultant accepte de se soumettre aux règles d'hygiène et de sécurité applicable sur le site.
D'évidence, tout prestataire extérieur effectuant une mission sur le site d'EDF doit nécessairement se conformer aux règles de sécurité de l'entreprise outre la considération du caractère sensible du projet SIMM qui vise à faire migrer les données de facturation de 30 millions de contrats de fourniture d'électricité.
Dans cette mesure, il est nécessairement indispensable que le matériel informatique , propriété de l'entrepris et configuré par elle , soit utilisé par le prestataire extérieur et ce, afin d'éviter une faille de sécurité et/ou de confidentialité dans les fichiers/dossiers.
Sur le pouvoir de sanction, force est de constater que l'intéressé ne justifie, à aucun moment de la relation, de la réalité et de l'exercice d'un pouvoir disciplinaire de la part de la société EDF à son encontre.
En effet, le conseil de prud'hommes a exactement retenu qu'aucun document d'évaluation de formation ou de suivi des objectifs n'est versé aux débats outre d'éventuels griefs ou reproches dans l'exécution de sa mission.
Sur l'intégration à un service organisé, force est de constater que M.de [M] n'apparaît nullement dans l'organigramme du service mais seulement sur un organigramme du projet "OSI MMD" avec la mention "externe EDF".
Il ne disposait nullement d'une adresse e-mail interne à l'entreprise mais au contraire d'une adresse électronique mentionnant sa qualité de prestataire externe : [Courriel 7].
Toujours sur ce point, s'il n'est pas contesté qu'il a bénéficié d'un badge d'accès afin d'accéder au site d'EDF, d'un accès au planning interne pour information du planning de travail mais également d'une place de parking mis à sa disposition dans le cadre de sa mission, les premiers juges en ont exactement déduit qu'il s'agissait de facilités légitimes au regard de sa situation d'intervenant extérieur , effectuant sa prestation exclusivement pour la société EDF durant 12 ans ce qui, dans ce cadre, ne caractérise nullement l'existence d'un contrat de travail.
Il en est nécessairement de même s'agissant de l'accès au restaurant interentreprises du site Pablo Picasso de [Localité 6].
Enfin, il est avéré que la signature électronique dont il pouvait faire usage mentionnait explicitement l'entreprise prestataire pour le compte de laquelle il intervenait et qui était elle-même prestataire de services pour EDF de sorte qu'il n'existait aucune ambiguïté quant au fait qu'il n'était pas salarié :
"[Z] [J]
Expertise ORACLE
CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES lot 2
Contrat infogérance n° C4027 T4000 pour EDF
Accompagnement projet- expertise ORACLE."
Il est utilement précisé par l'intimé, sans être contredite, que le terme d'externe intégré dans l'adresse électronique permet aux correspondants de savoir qu'il n'était pas salarié d'EDF mais un prestataire externe pour le compte de la société, tout en évitant que la correspondance soit exposée à un risque de divulgation puisque l'utilisation d'une adresse e-mail qui n'est pas propre à EDF permettrait que les messages transitent par Internet ce qui implique effectivement une absence totale de confidentialité et génère un non-respect de la politique de sécurité informatique de l'entreprise.
Il en résulte donc que M.de [M] n'établit nullement qu'il aurait été intégré à un service organisé par EDF.
Sur la relation qualifiée de relation de travail, force est de considérer que les factures établies par la société Optimaction font apparaître que M.de [M] facturait un service dont le tarif était librement fixé et évolutif, les factures mentionnant toutes des frais de tarification différents.
Ainsi le caractère évolutif de la rémunération des prestations de services résulte du montant toujours différent des factures de sorte qu'elles ne peuvent être qualifiées de salaire.
Il convient de préciser que le salaire perçu par Monsieur [J] lui a été versé par sa société ainsi que l'établissent les relevés de comptes courants de cette dernière mais, à aucun moment par la société EDF.
Enfin sur le "montage artificiel imputé à EDF", les premiers juges ont exactement retenu les dispositions de l'article L. 1254-1 du code du travail tout en rappelant les conditions juridiques de l'intervention de la société Optimaction.
À cet égard, il doit être rappelé que la société Optimaction a été constituée au mois de septembre 2007 alors qu'au mois de mars 2010, par courriel, Monsieur [J] a notifié à son interlocuteur que s'il ne pouvait intervenir sur le projet SIMM déployé par EDF par l'intermédiaire de la société GFI, il proposait de le faire par l'intermédiaire de la société OSIATIS qu'il avait lui-même sollicité.
Il s'en déduit donc que Monsieur [J] est intervenu , dans ce cadre, et en toute connaissance de cause, en qualité de prestataire extérieur d'EDF et non en qualité de salarié de celle-ci.
Il doit y être ajouté que sans ce montage juridique, il n'aurait pas été en mesure d'exercer son activité d'expert auprès de la société EDF.
En outre, force est de constater que Monsieur [J] justifie d'une expertise, d'une qualification et d'une autonomie qui lui permettent de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d'exécution de sa prestation et de son prix.
Enfin, et à cet égard, il est inopérant d'invoquer le non-respect par la société EDF de ses obligations d'acceptation et d'agrément de l'intervention de la société Optimaction dans le cadre des contrats de sous-traitance au regard de la requalification demandée, la prétendue absence de justification du cadre contractuel invoqué n'étant pas de nature à justifier de la réalité d'une relation de travail.
Le jugement mérite donc confirmation sur la compétence en l'état de ces constats et en considération des pièces produites.
Sur la demande d'évocation et la demande reconventionnelle de la Société :
EDF fait valoir que Monsieur [C] a indûment bénéficié de la prise en charge d'une 'part employeur' sur le prix des repas consommés au RIE de [Localité 6]. Conformément aux articles 1302-1 et 2224 du Code civil , EDF est fondée à demander le remboursement de la somme de 4.000 euros.
En l'état de la confirmation de la décision d'incompétence, il n'y a pas lieu d'évoquer le fond y compris sur la demande reconventionnelle de la société EDF.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Monsieur [J], qui succombe sur le mérite de son appel, doit être condamné aux dépens et débouté en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune raison d'équité ne commande l'application de cet article au profit de la société intimée.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à évocation,
CONDAMNE M.[Z] [J] aux dépens d'appel,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente