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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 1, 16 octobre 2025, n° 24/05930

DOUAI

Autre

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CA Douai n° 24/05930

16 octobre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 16/10/2025

****

N° de MINUTE :

N° RG 24/05930 - N° Portalis DBVT-V-B7I-V5VN

Jugement (N° 24/00720) rendu le 12 Novembre 2024 par le président du tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

S.A.S. FETISH

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Rodolphe Huber, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

S.C.I. Horadamy, la Société civile immobilière Horadamy, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social,

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Maître Marion Calmels, avocat au barreau de Montpellier, avocat plaidant, représentée par Me Florence Mas, avocat au barreau de Lille, avocat postulant.

DÉBATS à l'audience publique du 03 septembre 2025 tenue par Déborah Bohée magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Béatrice Capliez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Déborah Bohée, présidente de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Carole Catteau, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 octobre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Déborah Bohée, présidente et Béatrice Capliez, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 3 septembre 2025

****

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé du 1er janvier 2023, la SCI Horadamy a consenti à la société Fetish un bail commercial, portant sur des locaux situés à [Adresse 1], pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2023, moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 3 085 euros HT, soumis à indexation annuelle, payable mensuellement et d'avance, outre provisions pour charges et versement d'un dépôt de garantie de 3085 euros et pour y exploiter un cabinet médical.

Les loyers étant impayés, la SCI Horadamy a fait signifier le 18 janvier 2024 à la société Fetish un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire insérée au bail, puis par acte du 15 avril 2024, a fait assigner la même, devant le président du tribunal judiciaire de Lille, statuant en référés, aux fins de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et mesures accessoires.

Par ordonnance du 12 novembre 2024 dont appel, le juge des référés a statué en ces termes:

- Constatons l'acquisition à effet du 18 février 2024 de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail du 1er janvier 2023, portant sur les locaux situés à [Localité 4] ([Adresse 1],

- Ordonnons, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la SAS Fetish et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 1] , avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,

- Disons n'y avoir lieu à prononcé d'une astreinte,

- Disons, en cas de besoin, que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- Fixons à titre provisionnel, l'indemnité mensuelle d'occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, à compter du 19 février 2024,

- Condamnons à titre provisionnel la SAS Fetish au paiement de cette indemnité et ce, jusqu'à libération effective des lieux ;

- Condamnons la SAS Fetish à payer à la SCI Horadamy la somme provisionnelle de 74860,91 euros (soixante quatorze mille huit cent soixante euros et quatre-vingt-onze centimes) au titre des loyers impayés terme d'octobre 2024 inclus et appels de charges 4ème T.2024, impayés, déduction déjà faite des règlements de 10.000 euros,

- Disons que les sommes dues porteront intérêts au taux légal, à compter du prononcé de la présente décision,

- Disons que les intérêts dus depuis plus d'un an à compter de la présente décision, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- Disons n'y avoir lieu à référé sur les prétentions au titre de clause pénale,

- Déboutons la SAS Fetish de ses demandes reconventionnelles en paiement au titre de la perte d'exploitation et des frais d'aménagement des locaux,

- Condamnons la SAS Fetish à payer à la SCI Horadamy la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamnons la SAS Fetish aux dépens, y incluant les frais de commandement de payer du 18 janvier 2024, à l'exclusion du coût de la saisie conservatoire et des frais de l'article A444-32 du code de commerce,

- Rappelons que l'exécution provisoire est de droit.

La société Fetish a interjeté appel de cette ordonnance le 17 décembre 2024.

Vu les conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 11 mars 2025 par la société Fetish, qui demande à la cour, de :

- Infirmer le jugement entrepris,

- Débouter la SCI Horadamy de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Reconventionnellement,

- Condamner la société Horadamy à payer à la SAS Fetish la somme de 800.000 € au titre de la perte d'activité,

- Condamner la société Horadamy à payer à la SAS Fetish la somme de 60.652,26 € au titre des dépenses réalisées,

- Condamner la SCI Horadamy à payer la somme de 5.000 € à la SAS Fetish sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la SCI Horadamy aux entiers frais et dépens

Vu les conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 18 avril 2025 par la SCI Horadamy qui demande à la cour de :

- Constater qu'elle n'est pas saisie des demandes de l'appelant,

- Confirmer l'ordonnance de première instance en ce qu'elle a tranché ce qui suit :

- Constatons l'acquisition à effet du 18 février 2024 de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail du 1er janvier 2023, portant sur les locaux situés à [Localité 4] [Adresse 1],

- Ordonnons à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la SAS Fetish et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 1] , avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,

- Disons, en cas de besoin, que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- Condamnons à titre provisionnel la SAS Fetish au paiement de cette indemnité et ce, jusqu'à libération effective des lieux ;

- Condamnons la SAS Fetish à payer à la SCI Horadamy la somme provisionnelle de 74860,91 euros (soixante quatorze mille huit cent soixante euros et quatre-vingt-onze centimes) au titre des loyers impayés terme d'octobre 2024 inclus et appels de charges 4ème T.2024, impayés, déduction déjà faite des règlements de 10.000 euros,

- Disons que les sommes dues porteront intérêts au taux légal, à compter du prononcé de la présente décision,

- Disons que les intérêts dus depuis plus d'un an à compter de la présente décision, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- Déboutons la SAS Fetish de ses demandes reconventionnelles en paiement au titre de la perte d'exploitation et des frais d'aménagement des locaux,

- Condamnons la SAS Fetish à payer à la SCI Horadamy la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamnons la SAS Fetish aux dépens, y incluant les frais de commandement de payer du 18 janvier 2024, à l'exclusion du coût de la saisie conservatoire et des frais de l'article A444-32 du code de commerce,

- Infirmer l'ordonnance de première instance en ce qu'elle a tranché ce qui suit :

- Disons n'y avoir lieu à prononcé d'une astreinte,

- Fixons à titre provisionnel, l'indemnité mensuelle d'occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, à compter du 19 février 2024,

- Disons n'y avoir lieu à référé sur les prétentions au titre de clause pénale,

En conséquence de la réformation partielle de la décision de première instance:

- Débouter la société Fetish de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Déclarer la demande de la SCI Horadamy recevable et bien fondée, et en conséquence :

Se voir les parties renvoyées à se pourvoir au fond ;

Et cependant, dès à présent et par provision, en sus des condamnations prononcées en première instance confirmées en appel :

- Condamner à titre provisionnel la société Fetish au paiement à la SCI Horadamy d'une astreinte définitive de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, jusqu'à complète libération des locaux.

- Condamner à titre provisionnel la société Fetish au paiement à la SCI Horadamy des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation dus à ce jour, soit la somme de 110.035,65 €, sauf à régulariser l'indemnité d'occupation en fonction du montant qui sera fixé par le juge conformément aux clauses et conditions du bail et à actualiser le compte des sommes dues jusqu'à la décision à intervenir.

- Condamner à titre provisionnel la société Fetish au paiement à la SCI Horadamy d'une indemnité d'occupation équivalente à 1.5 fois le montant du dernier loyer indexé à compter de la date de résiliation du bail jusqu'à complète libération des locaux, outre les charges telles que prévues par le bail, jusqu'à complète libération des locaux par la remise des clés.

- Ordonner l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation à compter de la date de résiliation du bail sur la base de l'indice des loyers commerciaux publié par l'INSEE au jour de la résiliation du bail, l'indice de révision étant le même indice trimestriel calendaire de l'année suivante,

- Condamner à titre provisionnel la société Fetish au paiement à la SCI Horadamy d'une somme correspondant à 10 % des loyers, charges, accessoires dus à ce jour, soit la somme de 11.003,56 €, en application de la clause pénale insérée dans le contrat de bail, sauf à actualiser son montant en fonction du montant des loyers et charges qui seront dus à la date de l'ordonnance à intervenir.

- Condamner à titre provisionnel la société Fetish au paiement à la SCI Horadamy des intérêts calculés sur la base de trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'exigibilité des loyers, charges, accessoires restant dus à ce jour jusqu'à complet paiement en application du contrat de bail.

- Condamner à titre provisionnel la société Fetish au paiement à la SCI Horadamy d'une somme de 10 000 € correspondant aux frais irrépétibles de la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

- Condamner à titre provisionnel la société Fetish, en cas de recouvrement forcé des condamnations mises à sa charge par la décision à intervenir, au paiement du droit proportionnel de l'huissier en application de l'article A444-32 du code du commerce.

- Vu l'article 1343-2 du code civil, prononcer la capitalisation des intérêts par périodes annuelles.

- Condamner à titre provisionnel la société Fetish aux frais et entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2025.

MOTIFS DE L'ARRÊT

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur l'étendue de l'effet dévolutif

La SCI Horadamy constate que, dans ses conclusions, la société Fetish se contente de solliciter l'infirmation du jugement sans mentionner les chefs de la décision critiquée de sorte que, selon elle, la cour n'est saisie d'aucune demande.

La société Fetish ne répond pas sur ce point.

En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, 'L'appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Toutefois, la dévolution opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement.'

Puis selon l'article 901 du même code, 'La déclaration d'appel, qui peut comporter une annexe, est faite par un acte contenant, à peine de nullité : (...)

6° L'objet de l'appel en ce qu'il tend à l'infirmation ou à l'annulation du jugement ;

7° Les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est, sans préjudice du premier alinéa de l'article 915-2, limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement. (...)'

Et selon l'article 915-2 du même code tel que modifié par le décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023,'L'appelant principal peut compléter, retrancher ou rectifier, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans les délais prévus au premier alinéa de l'article 906-2 et à l'article 908, les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d'appel. La cour est saisie des chefs du dispositif du jugement ainsi déterminés et de ceux qui en dépendent.(...)'

Enfin, en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, '(...) Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif dans lequel l'appelant indique s'il demande l'annulation ou l'infirmation du jugement et énonce, s'il conclut à l'infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués, et dans lequel l'ensemble des parties récapitule leurs prétentions (...) La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.»

Ainsi, si la dévolution du litige à la cour résulte de la déclaration d'appel, le décret du 29 décembre 2023 a prévu qu'il peut être complété par voie de conclusions, dans les conditions de l'article 915-2 du code de procédure civile tel que modifié.

Cependant, si l'article 954 du code de procédure civile mentionne que l'appelant indique, s'il conclut à l'infirmation, les chefs du jugement critiqués, la cour ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, il doit être relevé que ces dispositions ne sont accompagnées expressément d'aucune sanction, de sorte qu'en déduire, en cas d'omission des seuls chefs du jugement critiqués, une absence de dévolution et une caducité procède d'un formalisme excessif, alors qu'au cas présent l'appelant a précisément listé, dans sa déclaration d'appel, l'ensemble des chefs du jugement dont il demande l'infirmation, même s'il a omis de les re-détailler dans ses conclusions.

Il convient, en conséquence, de constater que la cour est effectivement saisie de la demande d'infirmation de l'ensemble des chefs du jugement, tels que mentionnée dans la déclaration d'appel de la société Fetish et confirmée dans le dispositif de ses premières conclusions, qui sollicitent l'infirmation du jugement entrepris, et qui n'ont, ainsi, pas entendu compléter, retrancher ou rectifier les chefs du dispositif du jugement critiqués tels que mentionnés dans la déclaration d'appel.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

La société Fetish expose en substance qu'elle a constaté, lors de la prise à bail des locaux, qu'une fuite d'eau les rendaient inexploitables reprochant à son bailleur à la fois un manquement à son devoir d'information, estimant que cette information lui a été cachée, et également un manquement à l'obligation de délivrance et considère en conséquence être bien fondée à voir réparer les pertes subies causées par l'impossibilité d'exploiter les lieux, contestant, au regard de l'exception d'inexécution, l'ordonnance ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire au vu des loyers impayés.

La SCI Horadamy conteste les manquements qui lui sont imputés, rappelant que la société Fetish connaissait l'existence de la fuite d'eau qui ne lui a pas été dissimulée lors de la prise à bail des locaux, et qu'il ne peut lui être imputé aucun défaut de délivrance alors que l'infiltration constatée, et depuis réparée, n'a jamais empêché la société Fetish d'exploiter les locaux et ce d'autant qu'elle ne concerne qu'un seul bureau sur un vaste plateau, composé de plusieurs autres bureaux.

Elle estime en conséquence être bien fondée, au regard de l'impayé de loyers conséquent, à voir appliquer la clause résolutoire stipulée au contrat de bail et à obtenir la condamnation du preneur à lui régler les loyers et indemnités d'occupation dus.

Sur ce, aux termes des articles 834 et 835 du code de procédure civile , 'Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend' et ' le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'

Puis, aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.'

La résiliation de plein droit du bail, par l'effet d'une clause résolutoire, doit être constatée par le juge dès lors qu'est établi un manquement du locataire à l'une des obligations visées par la clause résolutoire, sans que le juge dispose d'un quelconque pouvoir d'appréciation quant à la gravité du manquement reproché.

Cependant, la mise en oeuvre de la clause résolutoire, prévue par l'alinéa 1 de ce texte, est subordonnée à certaines conditions. En particulier, il doit être établi un manquement du locataire à une clause expresse du bail, ce manquement doit être visé par la clause résolutoire, la résiliation de plein droit du bail prévue par l'article L. 145-41 précité ne pouvant sanctionner qu'un manquement pour lequel la mise en oeuvre de la clause résolutoire est prévue (Civ. 3e, 8 juin 2023, n° 21-19.099), et le manquement doit persister au-delà du délai d'un mois après la délivrance d'un commandement ou d'une mise en demeure.

En l'espèce, comme l'a relevé le premier juge, le bail liant les parties contient une clause résolutoire, en vertu de laquelle le bailleur a fait délivrer le 18 janvier 2024 au preneur un commandement de payer la somme en principal de 49 996,50 euros. Il n'est pas contesté qu'à l'exception d'une somme de 10 000 euros, aucun versement n'a été opéré par le preneur, qui oppose à la SCI Horadamy divers manquements, l'autorisant ainsi, selon elle, à invoquer l'exception d'inexécution.

Il existait donc incontestablement, au jour de la délivrance du commandement de payer, un arriéré locatif, que la locataire n'allègue ni démontre avoir apuré dans le mois suivant la délivrance de cet acte.

S'agissant des manquements invoqués par la société Fetish, la cour rappelle que le bailleur, en application des dispositions du droit commun du bail, est tenu d'une obligation de délivrance des locaux en conformité avec leur destination et de garantir au preneur une jouissance paisible des lieux, qui est tenu, en contrepartie notamment au paiement des loyers aux termes convenus. En outre, le preneur ne peut opposer au bailleur l'exception d' inexécution et, partant, légitimement refuser de payer les loyers, que si le manquement du bailleur a rendu les locaux impropres à l'usage auxquels ils sont destinés.

C'est en conséquence par de justes motifs en droit et en fait adoptés par la cour que le premier juge a retenu que les désordres allégués, limités à un bureau de consultation, sur un plateau de 185m², qui en comportait six, ne permettaient nullement de caractériser une impossibilité totale d'exploiter les lieux, et ce alors que le bailleur a été diligent dans le traitement du sinistre qui concernait une fuite en provenance des parties communes, générant des opérations d'expertise communes aux constructeurs de l'immeuble et au syndicat des copropriétaires.

Il n'est pas davantage démontré que le bailleur aurait caché l'existence de cette fuite à son locataire, alors qu'il ressort des pièces versées que ce dernier a pu prendre possession des locaux dès le mois de novembre 2022 pour y faire réaliser des travaux avant la signature du contrat de bail, et qu'il ressort des échanges entre les parties, qu'il était informé de l'existence de cette fuite dès cette date et a ensuite été associé aux réunions d'expertise, de sorte que c'est en toute connaissance que la société Fetish a signé le bail le 1er février 2023, sans qu'aucune information ne lui soit cachée par la SCI Horadamy.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge, retenant que la société Fetish ne pouvait se prévaloir d'une exception d'inexécution du bailleur ou d'un défaut d'information pour justifier de son abstention de payer les loyers, a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 18 février 2024, soit un mois après la délivrance du commandement de payer et accueilli la demande d'expulsion présentée par le bailleur.

L'ordonnance déférée doit en conséquence être confirmée de ces chefs.

Sur la demande de condamnation provisionnelle au paiement d'une indemnité d'occupation

Comme l'a pertinemment relevé le premier juge, le maintien dans les lieux de la société Fetish après l'acquisition de la clause résolutoire est fautif et cause un préjudice non sérieusement contestable à la société Horadamy qui ne peut disposer de son bien dont le bail a pris fin.

C'est ainsi à juste titre qu'il a retenu que le bailleur était fondé à obtenir à titre provisionnel la fixation d'une indemnité d'occupation mensuelle due à compter du 19 février 2024, jusqu'à la complète libération des lieux.

S'agissant de son montant, il convient de rappeler que si le juge des référés peut entrer en voie de condamnation provisionnelle en application de clauses pénales claires et précises, nonobstant le pouvoir modérateur des juges du fond, ses pouvoirs sont cependant limités par le caractère non sérieusement contestable de celle-ci, et en conséquence à la condition que l'application de la clause pénale ne procure pas un avantage disproportionné pour le créancier.

En l'espèce, la clause 7. 7 du contrat de bail, qui stipule que si le locataire se maintient indûment dans les lieux, il encourt à la fois une majoration de 50 % de l'indemnité d'occupation due et une astreinte supplémentaire de 100 euros par jour et la clause 14.5, qui prévoit, en cas de non paiement du loyer, un intérêt de retard égal à trois fois le taux d'intérêt légal, outre le versement d'une majoration de 10% sur les sommes restant dues, s'analysent, sans qu'il ne soit besoin de procéder à une interprétation excédant les pouvoirs confiés au juge des référés, comme des clauses pénales, puisqu'il s'agit de sommes dues en cas d'inexécution du contrat initialement signé entre les parties et sont susceptibles de conférer au créancier un avantage manifestement excessif et donc d'être soumises au pouvoir modérateur du juge du fond, de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a jugé qu'il n'y avait lieu à référé sur les prétentions formulées à ce titre.

En conséquence, s'agissant de l'indemnité d'occupation mensuelle, il convient de la fixer montant du loyer dû si le bail s'était poursuivi, auquel il sera ajouté les charges, avec indexation annuelle de l'indemnité d'occupation à compter de la résiliation du bail sur la base de l'indice des loyers commerciaux publié par l'INSEE.

Par ailleurs, si dans le corps de ses écritures, la SCI Horadamy présente une demande de condamnation provisionnelle en application de l'article 14.4 du contrat de bail qui prévoit la refacturation des frais de rédaction du bail commercial en cas de défaillance du preneur, soit pour une somme de 1 200 euros, force est de constater que cette demande, rejetée par le premier juge, ne figure nullement dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour.

L'ordonnance déférée doit en conséquence être confirmée de ces chefs et complétée, en ce qu'a été omise dans son dispositif la mention relative à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation.

Sur la demande de condamnation provisionnelle au paiement de l'arriéré

La SCI Horadamy justifie par la production du bail, du commandement de payer, du décompte, des justificatifs de charges que la société Fetish a cessé de payer ses loyers, charges, taxes et indemnités d'occupation et reste lui devoir les sommes de :

- 74 860,91 euros, terme d'octobre 2024 inclus, tels que détaillés par le juge des référés, dont les modalités de calcul ne sont pas critiquées par l'appelante, et correspondant aux loyers, indemnités d'occupation et charges dûs sur la période, déduction faite du règlement de la somme de 10 000 euros,

- 20 011,32 euros au titre de l'indemnités d'occupation due sur la période novembre 2024 - avril 2025,

- 15 163,42 euros au titre des charges et taxes dues en vertu du contrat de bail.

Soit la somme totale de 110 035, 65 euros, terme du mois d'avril 2025 et appels de charge du 2e trimestre 2025 inclus au paiement de laquelle la société Fetish sera condamnée à titre provisionnel.

Cette somme produira intérêts au taux légal et les intérêts dus depuis plus d'un an à compter de la présente décision seront capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil.

L'ordonnance déférée doit en conséquence être infirmée sur le quantum de la condamnation provisionnelle.

Sur les demandes de la société Fetish

La société Fetish sollicite la condamnation de la société Horadamy à lui verser les sommes de 800 000 euros au titre de la perte d'activité, outre 60 652,26 euros au titre des dépenses réalisées dans les locaux.

Cependant, comme l'a justement relevé le juge des référés, ces demandes en paiement, qui ne sont à nouveau pas formées à titre provisionnel, excèdent ses pouvoirs, la cour ne pouvant davantage en connaître.

L'ordonnance déférée doit en conséquence être confirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

La société Fetish, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel, en ce non compris les frais de l'article A444-32 du code du commerce, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner la société Fetish à verser à la SCI Horadamy une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Dit que la cour est saisie de la demande d'infirmation de l'ensemble des chefs du jugement, tels que mentionnés dans la déclaration d'appel de la société Fetish,

Confirme l'ordonnance déférée sauf sur le montant de la condamnation provisionnelle,

L'infirme de ce chef et statuant à nouveau,

Condamne la société Fetish à payer à la société Horadamy la somme de provisionnelle de 110 035,65 euros au titre des loyers, indemnités d'occupation, charges impayés, terme du mois d'avril 2025 compris,

Y ajoutant,

Ordonne l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation à compter de la résiliation du bail sur la base de l'indice des loyers commerciaux publié par l'INSEE au jour de la résiliation du bail,

Condamne la société Fetish aux dépens d'appel, en ce non compris les frais de l'article A444-32 du code du commerce,

Condamne la société Fetish à verser à la SCI Horadamy une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Béatrice Capliez

La présidente

Déborah Bohée

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