CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 16 octobre 2025, n° 21/08795
AIX-EN-PROVENCE
Autre
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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 16 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/08795 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHUBP
SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE [Localité 4]
C/
S.A.R.L. RE.MEC
S.C.P. [J]
Copie exécutoire délivrée
le :16 octobre 2025
à :
Me Joseph [Localité 6]
Me Nino PARRAVICINI
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge commissaire de [Localité 7] en date du 02 Juin 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2020M3541.
APPELANTE
SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE [Localité 4]
immatriculée au RCS d'[Localité 2] sous le n° 331 121 707, dont le siège social est sis [Adresse 9], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Marie-helene ROUGEMONT-PELLET, avocat au barreau de CARPENTRAS
INTIMEES
S.A.R.L. RE.MEC,
dont le siège social est sis [Adresse 8], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège
représentée par Me Nino PARRAVICINI de la SELARL SELARL NINO PARRAVICINI, avocat au barreau de NICE
S.C.P. [J]
représentée par Maître [U] [J], es-qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SARL RE.MEC, désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce du 05 septembre 2019 et commissaire à l'exécution du plan désigné par Jugement du Tribunal de Commerce de Nice du 20 janvier 2021, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Nino PARRAVICINI de la SELARL SELARL NINO PARRAVICINI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Juillet 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère rapporteure
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La Société civile immobilière [Localité 4] (ci-après la SCI [Localité 4] ou la SCI) a donné à bail commercial des locaux sis à Lapalud (84), [Adresse 5] à la société ACTM exploitant sous l'enseigne Carrosserie du Rhône. Le bail a été renouvelé le 5 juin 2009.
Selon jugement en date du 19 novembre 2024, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a adopté le plan de cession des actifs de la société ACTM à la société Re.Mec comprenant le droit au bail des locaux donnés à bail avec entrée en jouissance le 24 novembre 2014.
Selon ordonnance de référé en date du 27 mars 2019, le président du tribunal de grande instance de Carpentras a constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion de la société Re.Mec et l'a condamnée à payer les loyers et charges dus, outre une indemnité d'occupation. La société Re.Mec a interjeté appel de la décision devant la cour d'appel de Nîmes.
Selon jugement en date du 5 septembre 2019, le tribunal de commerce de Nice a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Re.Mec.
Selon arrêt en date du 10 octobre 2019 la cour d'appel de Nîmes, saisie de l'appel à l'encontre de l'ordonnance de référé, a rouvert les débats afin d'entendre les parties sur la recevabilité de l'instance d'appel en référé, en l'état du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nice le 5 septembre 2019'. L'affaire a été ensuite retirée du rôle.
Selon conclusions d'appelantes n°2 la société Re.Mec et la SCP [J] prise en la personne de Me [J] ont sollicité de la cour d'appel de Nîmes qu'elle prenne acte de l'intervention volontaire de la SCP [J], prise en la personne de Me [J] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Re.Mec, désignée à ces fonctions par le jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 5 septembre 2019, et ordonne la reprise de l'instance.
Le 4 novembre 2019, la SCI [Localité 4] a déclaré sa créance pour les loyers et charges pour la période de juillet 2017 au 4 septembre 2019, d'un montant de 92 277,82 euros en principal, dont 84 021,20 euros à titre privilégié outre la somme de 656,68 euros au titre des intérêts échus .
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 juin 2020, le mandataire judiciaire a informé la SCI [Adresse 3] de la contestation de sa créance compte tenu de l'instance en cours.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 20 juillet 2020, la SCI [Adresse 3] a maintenu sa demande d'admission de sa créance.
Selon assignation en date du 16 avril 2021, la SARL Re.Mec a saisi le tribunal judiciaire de Carpentras aux fins d'obtenir qu'il':
- juge que le rapport entre les parties repose sur des baux verbaux [SIC] aucun bail commercial écrit n'étant opposable à la société Re.Mec';
- fixe la dette locative de la société Re.Mec à l'endroit de la société [Localité 4] à la somme de 42'383,87 euros en l'état de la répétition des sommes versées de manière indue';
- fixe la dette locative de la société Re.Mec à l'endroit de la société Le gré des planières à la somme de 29'665,20 euros en l'état de la répétition des sommes versées de manière indue';
- juge l'exception d'inexécution soulevée par la SARL Re.Mec recevable et condamne la société [Localité 4] et la société Le gré des planières à lui payer la somme de 50'000 euros chacune en indemnisation des préjudices subis ;
- condamne la société [Localité 4] et la société Le gré des planières à lui payer la somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamne la société [Localité 4] et la société Le gré des planières aux dépens.
Selon ordonnance en date du 2 juin 2021, le juge commissaire du tribunal de commerce de Nice a considéré que le tribunal de commerce de Nice était incompétent pour statuer et que la SCI [Localité 4] devait saisir le tribunal judiciaire de Carpentras aux fins de valoir ses droits et a rejeté la créance.
La SCI [Localité 4] a interjeté appel de l'ordonnance selon déclaration en date du 14 juin 2021.
Selon jugement en date du 20 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nice a arrêté le plan de redressement de la société Re.Mec.
Selon conclusions notifiées le 20 août 2021, la SCI [Localité 4] demande à la cour de':
Juger recevable et bien fondé l'appel formé par la Société civile immobilière [Localité 4]';
Infirmer l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Nice intervenue le 02 Juin 2021 en ce qu'elle a :
- rejeté la créance de la Société civile immobilière [Localité 4]';
- débouté la Société civile immobilière [Adresse 3] de toutes ses demandes';
Et statuant à nouveau,
En application des dispositions des articles L 624-2, R 624- 5 du code de commerce, se déclarer incompétente pour statuer sur la demande d'admission au passif du redressement judiciaire de la société Re.Mec de la créance déclarée et contestée ;
Renvoyer les parties à mieux se pourvoir';
Inviter l'une des parties à saisir le tribunal judiciaire de Carpentras dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir à peine de forclusion;
Subsidiairement,
Dire recevable la déclaration de créance de la Société civile immobilière [Localité 4] ;
Dire qu'il n'existe aucune instance au fond en cours au sens des articles L 622-22 et L 624-2 du code de commerce ;
Dire que la créance déclarée n'est pas sérieusement contestable';
Dire que la société Re.Mec est mal fondée en ses contestations';
L'en débouter,
En conséquence, admettre en totalité au passif du redressement judiciaire de la SARL Re.Mec la créance de la SCI [Localité 4], d'un montant de 92.277,82 euros à concurrence de la somme de 84.021,20 euros à titre privilégié et de 8256,62 € euros titre chirographaire, en application des articles L 622-16 et L 631-14 du code de commerce et 2332 du code civil, outre intérêts au taux légal d'un montant de 656,68 euros ;
Plus subsidiairement,
Dans l'hypothèse d'une contestation relevant de la compétence du tribunal de commerce de Nice mais jugée sérieuse et susceptible d'avoir une incidence sur la nature, l'existence ou le montant de la créance déclarée,
Dire que la contestation ne relève pas du pouvoir juridictionnel du juge commissaire';
Se déclarer incompétente pour en connaître';
Inviter la SARL Re.Mec, demanderesse à la contestation, à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir pour trancher la contestation déclarée sérieuse, à peine de forclusion ;
Surseoir à statuer sur l'admission de la créance dans l'attente de la décision de la juridiction compétente pour trancher la contestation;
Y ajoutant,
Condamner la société Re.Mec à payer à la Société civile immobilière [Adresse 3] la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de ses demandes, la SCI [Adresse 3] soutient que le tribunal judiciaire ayant compétence exclusive pour statuer en matière de baux commerciaux en application de l'article R.311-3-26 11° du code de l'organisation judiciaire, le juge commissaire aurait dû se déclarer incompétent et ne pouvait pas rejeter la créance comme il l'a fait.
Subsidiairement, la SCI [Localité 4] fait valoir que sa créance ne fait pas l'objet d'une instance en cours, que l'instance en référé n'est pas une instance en cours susceptible d'entraîner le dessaisissement du juge-commissaire, qu'aucune contestation sérieuse n'est soulevée quant à l'existence et au montant de la créance et que les contestations soulevées par la société Re.Mec n'ont pas été jugées sérieuses par le juge des référés.
Elle ajoute que les intérêts réclamés ont été calculés au taux légal, que sa créance est assortie du privilège du bailleur pour les deux dernières années, qu'aucun accord n'est intervenu pour mettre un terme au bail cédé, qu'une exception d'inexécution n'efface pas la dette, que le prix
du loyer et des charges se déduit des virements et courriers échangés depuis 2015 et qu'enfin, une compensation peut toujours être ordonnée ensuite par le juge du fond.
Plus subsidiairement, dans l'hypothèse où les contestations étaient jugées comme étant de la compétence du tribunal de commerce mais également sérieuses et susceptibles d'avoir une incidence sur la créance déclarée, la SCI [Localité 4] sollicite qu'un sursis à statuer soit ordonné.
Selon conclusions notifiées le 18 novembre 2021, la société Re.Mec et le mandataire judiciaire demandent à la cour de':
Infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a rejeté la créance après avoir constaté l'incompétence du juge commissaire';
Statuant à nouveau à titre principal,
Se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire de Carpentras à charge pour les parties de saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à peine de forclusion';
Subsidiairement,
Ordonner le sursis à statuer en l'état de l'existence d'une contestation sérieuse et de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Draguignan';
En tout état de cause,
Rejeter les demandes de la société [Localité 4]'visant à voir admettre la créance et visant à la condamnation de la société Re.Mec à un article 700 du code de procédure civile';
Condamner la société [Localité 4] aux dépens.
La société Re.Mec et la SCP [J] ès qualités indiquent que les locaux loués étaient dans un grand état de vétusté et inexploitables lors de l'entrée dans les lieux, que la surface exploitable s'en est trouvée très diminuée et que l'activité n'étant pas pleinement productive, la société Re.Mec y a mis un terme à la fin de l'année 2019.
Les intimés soutiennent principalement que le juge commissaire n'était pas compétent pour statuer compte tenu de la nature de la créance et dès lors que la procédure engagée au fond l'a été postérieurement à l'ouverture de la procédure collective.
Les parties ont été avisées de la fixation à l'audience du 2 juillet 2025 et de la date prévisible de la clôture.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l'article L.624-2 du code de commerce, «'au'vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.'»
En application de l'article R.624-5 du code de commerce, «'Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.'»
Il résulte des articles L.624-2 et R.624-5 du code de commerce que le juge-commissaire ne statue lui-même sur la créance que si la contestation n'est pas sérieuse et si elle n'est pas de la compétence du juge de droit commun.
Egalement, au cas d'une instance en cours, le'juge commissaire'n'a d'autre choix que de rendre une décision par laquelle il constate qu'une instance est en cours ; cette décision le dessaisissant, exclut qu'il puisse se prononcer sur les demandes ou surseoir à statuer.
L'instance en cours au sens de l'article L 622-22 du code de commence, s'entend d'une instance au fond engagée avant le jugement d'ouverture, par le créancier tendant au paiement d'une somme d'argent contre le débiteur.
Dès lors, l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, n'est pas interrompue par la survenance de la procédure collective et la'créance'faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du'juge'-'commissaire'.
L'instance engagée devant le tribunal judiciaire de Carpentras ayant été engagée par le débiteur postérieurement à l'ouverture de la procédure, ne dessaisit pas le juge commissaire.
La société Re.Mec élève des contestations tenant à l'existence de désordres l'ayant empêchée de jouir normalement des locaux et relevant de l'exécution par le bailleur de ses obligations, sans toutefois produire aucune pièce justifiant de ses dires, ni de courrier adressé au bailleur.
La contestation soulevée par la société Re.Mec n'apparaît, ainsi, pas sérieuse, de sorte que c'est de manière infondée que le juge a rejeté la créance.
Le créancier justifie de sa créance en son principe et en son montant par la production des éléments suivants':
- le jugement de cession rendu par le tribunal de commerce de Romans sur Isère en date du 19 novembre 2014 du bail et le contrat de bail,
- les factures de loyer pour la période du 1er juillet 2017 au 4 septembre 2019
- les avis de taxe foncière de 2017 et 2018 et les calculs des quotes-parts des taxe foncière et des ordures ménagères
- la déclaration de créance.
Les intérêts sollicités d'un montant de 656,68 euros, échus au 5 septembre 2019, sont calculés au taux légal à compter du commandement de payer délivré le 11 octobre 2017 également versé aux débats. Ils sont également justifiés.
La déclaration de créance mentionnant le privilège du bailleur d'immeuble pour les deux dernières années précédant le jugement d'ouverture en application de l'article L.622-16 du code de commerce, la demande d'admission à titre privilégié pour cette partie de la créance est recevable et bien fondée.
En conséquence, il y a lieu d'admettre la créance de la SCI [Localité 4] au passif de la SARL Re.Mec pour la somme de 92 277,82 euros en principal à titre définitif, dont 84 021,20 euros à titre privilégié et 8 256,62 € euros titre chirographaire, outre la somme de 656,68 euros au titre des intérêts échus, pour les loyers et charges pour la période de juillet 2017 au 4 septembre 2019.
L'ordonnance querellée sera donc infirmée en son intégralité.
La société Re.Mec et la SCP [J] prise en la personne de Me [J] qui succombent seront condamnées aux dépens d'appel qui seront inscrits en frais privilégiés de la procédure collective.
En équité, la société Re.Mec sera condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après débats publics, par arrêt rendu contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance querellée en son intégralité';
Statuant à nouveau'et y ajoutant,
Prononce l'admission de la créance de la SCI [Localité 4]'au passif de la SARL Re.Mec pour la somme de 92 277,82 euros en principal à titre définitif, dont 84 021,20 euros à titre privilégié et 8 256,62 € euros titre chirographaire outre la somme de 656,68 euros au titre des intérêts échus, pour les loyers et charges pour la période de juillet 2017 au 4 septembre 2019';
Condamne la SARL Re.Mec à payer à la SCI [Localité 4] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la SARL Re.Mec la SCP [J] prise en la personne de Me [J] ès qualités aux dépens d'appel qui seront inscrits en frais privilégiés de la procédure.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 16 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/08795 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHUBP
SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE [Localité 4]
C/
S.A.R.L. RE.MEC
S.C.P. [J]
Copie exécutoire délivrée
le :16 octobre 2025
à :
Me Joseph [Localité 6]
Me Nino PARRAVICINI
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge commissaire de [Localité 7] en date du 02 Juin 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2020M3541.
APPELANTE
SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE [Localité 4]
immatriculée au RCS d'[Localité 2] sous le n° 331 121 707, dont le siège social est sis [Adresse 9], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Marie-helene ROUGEMONT-PELLET, avocat au barreau de CARPENTRAS
INTIMEES
S.A.R.L. RE.MEC,
dont le siège social est sis [Adresse 8], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège
représentée par Me Nino PARRAVICINI de la SELARL SELARL NINO PARRAVICINI, avocat au barreau de NICE
S.C.P. [J]
représentée par Maître [U] [J], es-qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SARL RE.MEC, désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce du 05 septembre 2019 et commissaire à l'exécution du plan désigné par Jugement du Tribunal de Commerce de Nice du 20 janvier 2021, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Nino PARRAVICINI de la SELARL SELARL NINO PARRAVICINI, avocat au barreau de NICE
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Juillet 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère rapporteure
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La Société civile immobilière [Localité 4] (ci-après la SCI [Localité 4] ou la SCI) a donné à bail commercial des locaux sis à Lapalud (84), [Adresse 5] à la société ACTM exploitant sous l'enseigne Carrosserie du Rhône. Le bail a été renouvelé le 5 juin 2009.
Selon jugement en date du 19 novembre 2024, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a adopté le plan de cession des actifs de la société ACTM à la société Re.Mec comprenant le droit au bail des locaux donnés à bail avec entrée en jouissance le 24 novembre 2014.
Selon ordonnance de référé en date du 27 mars 2019, le président du tribunal de grande instance de Carpentras a constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion de la société Re.Mec et l'a condamnée à payer les loyers et charges dus, outre une indemnité d'occupation. La société Re.Mec a interjeté appel de la décision devant la cour d'appel de Nîmes.
Selon jugement en date du 5 septembre 2019, le tribunal de commerce de Nice a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Re.Mec.
Selon arrêt en date du 10 octobre 2019 la cour d'appel de Nîmes, saisie de l'appel à l'encontre de l'ordonnance de référé, a rouvert les débats afin d'entendre les parties sur la recevabilité de l'instance d'appel en référé, en l'état du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nice le 5 septembre 2019'. L'affaire a été ensuite retirée du rôle.
Selon conclusions d'appelantes n°2 la société Re.Mec et la SCP [J] prise en la personne de Me [J] ont sollicité de la cour d'appel de Nîmes qu'elle prenne acte de l'intervention volontaire de la SCP [J], prise en la personne de Me [J] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Re.Mec, désignée à ces fonctions par le jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 5 septembre 2019, et ordonne la reprise de l'instance.
Le 4 novembre 2019, la SCI [Localité 4] a déclaré sa créance pour les loyers et charges pour la période de juillet 2017 au 4 septembre 2019, d'un montant de 92 277,82 euros en principal, dont 84 021,20 euros à titre privilégié outre la somme de 656,68 euros au titre des intérêts échus .
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 juin 2020, le mandataire judiciaire a informé la SCI [Adresse 3] de la contestation de sa créance compte tenu de l'instance en cours.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 20 juillet 2020, la SCI [Adresse 3] a maintenu sa demande d'admission de sa créance.
Selon assignation en date du 16 avril 2021, la SARL Re.Mec a saisi le tribunal judiciaire de Carpentras aux fins d'obtenir qu'il':
- juge que le rapport entre les parties repose sur des baux verbaux [SIC] aucun bail commercial écrit n'étant opposable à la société Re.Mec';
- fixe la dette locative de la société Re.Mec à l'endroit de la société [Localité 4] à la somme de 42'383,87 euros en l'état de la répétition des sommes versées de manière indue';
- fixe la dette locative de la société Re.Mec à l'endroit de la société Le gré des planières à la somme de 29'665,20 euros en l'état de la répétition des sommes versées de manière indue';
- juge l'exception d'inexécution soulevée par la SARL Re.Mec recevable et condamne la société [Localité 4] et la société Le gré des planières à lui payer la somme de 50'000 euros chacune en indemnisation des préjudices subis ;
- condamne la société [Localité 4] et la société Le gré des planières à lui payer la somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamne la société [Localité 4] et la société Le gré des planières aux dépens.
Selon ordonnance en date du 2 juin 2021, le juge commissaire du tribunal de commerce de Nice a considéré que le tribunal de commerce de Nice était incompétent pour statuer et que la SCI [Localité 4] devait saisir le tribunal judiciaire de Carpentras aux fins de valoir ses droits et a rejeté la créance.
La SCI [Localité 4] a interjeté appel de l'ordonnance selon déclaration en date du 14 juin 2021.
Selon jugement en date du 20 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nice a arrêté le plan de redressement de la société Re.Mec.
Selon conclusions notifiées le 20 août 2021, la SCI [Localité 4] demande à la cour de':
Juger recevable et bien fondé l'appel formé par la Société civile immobilière [Localité 4]';
Infirmer l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Nice intervenue le 02 Juin 2021 en ce qu'elle a :
- rejeté la créance de la Société civile immobilière [Localité 4]';
- débouté la Société civile immobilière [Adresse 3] de toutes ses demandes';
Et statuant à nouveau,
En application des dispositions des articles L 624-2, R 624- 5 du code de commerce, se déclarer incompétente pour statuer sur la demande d'admission au passif du redressement judiciaire de la société Re.Mec de la créance déclarée et contestée ;
Renvoyer les parties à mieux se pourvoir';
Inviter l'une des parties à saisir le tribunal judiciaire de Carpentras dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir à peine de forclusion;
Subsidiairement,
Dire recevable la déclaration de créance de la Société civile immobilière [Localité 4] ;
Dire qu'il n'existe aucune instance au fond en cours au sens des articles L 622-22 et L 624-2 du code de commerce ;
Dire que la créance déclarée n'est pas sérieusement contestable';
Dire que la société Re.Mec est mal fondée en ses contestations';
L'en débouter,
En conséquence, admettre en totalité au passif du redressement judiciaire de la SARL Re.Mec la créance de la SCI [Localité 4], d'un montant de 92.277,82 euros à concurrence de la somme de 84.021,20 euros à titre privilégié et de 8256,62 € euros titre chirographaire, en application des articles L 622-16 et L 631-14 du code de commerce et 2332 du code civil, outre intérêts au taux légal d'un montant de 656,68 euros ;
Plus subsidiairement,
Dans l'hypothèse d'une contestation relevant de la compétence du tribunal de commerce de Nice mais jugée sérieuse et susceptible d'avoir une incidence sur la nature, l'existence ou le montant de la créance déclarée,
Dire que la contestation ne relève pas du pouvoir juridictionnel du juge commissaire';
Se déclarer incompétente pour en connaître';
Inviter la SARL Re.Mec, demanderesse à la contestation, à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir pour trancher la contestation déclarée sérieuse, à peine de forclusion ;
Surseoir à statuer sur l'admission de la créance dans l'attente de la décision de la juridiction compétente pour trancher la contestation;
Y ajoutant,
Condamner la société Re.Mec à payer à la Société civile immobilière [Adresse 3] la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de ses demandes, la SCI [Adresse 3] soutient que le tribunal judiciaire ayant compétence exclusive pour statuer en matière de baux commerciaux en application de l'article R.311-3-26 11° du code de l'organisation judiciaire, le juge commissaire aurait dû se déclarer incompétent et ne pouvait pas rejeter la créance comme il l'a fait.
Subsidiairement, la SCI [Localité 4] fait valoir que sa créance ne fait pas l'objet d'une instance en cours, que l'instance en référé n'est pas une instance en cours susceptible d'entraîner le dessaisissement du juge-commissaire, qu'aucune contestation sérieuse n'est soulevée quant à l'existence et au montant de la créance et que les contestations soulevées par la société Re.Mec n'ont pas été jugées sérieuses par le juge des référés.
Elle ajoute que les intérêts réclamés ont été calculés au taux légal, que sa créance est assortie du privilège du bailleur pour les deux dernières années, qu'aucun accord n'est intervenu pour mettre un terme au bail cédé, qu'une exception d'inexécution n'efface pas la dette, que le prix
du loyer et des charges se déduit des virements et courriers échangés depuis 2015 et qu'enfin, une compensation peut toujours être ordonnée ensuite par le juge du fond.
Plus subsidiairement, dans l'hypothèse où les contestations étaient jugées comme étant de la compétence du tribunal de commerce mais également sérieuses et susceptibles d'avoir une incidence sur la créance déclarée, la SCI [Localité 4] sollicite qu'un sursis à statuer soit ordonné.
Selon conclusions notifiées le 18 novembre 2021, la société Re.Mec et le mandataire judiciaire demandent à la cour de':
Infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a rejeté la créance après avoir constaté l'incompétence du juge commissaire';
Statuant à nouveau à titre principal,
Se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire de Carpentras à charge pour les parties de saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à peine de forclusion';
Subsidiairement,
Ordonner le sursis à statuer en l'état de l'existence d'une contestation sérieuse et de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Draguignan';
En tout état de cause,
Rejeter les demandes de la société [Localité 4]'visant à voir admettre la créance et visant à la condamnation de la société Re.Mec à un article 700 du code de procédure civile';
Condamner la société [Localité 4] aux dépens.
La société Re.Mec et la SCP [J] ès qualités indiquent que les locaux loués étaient dans un grand état de vétusté et inexploitables lors de l'entrée dans les lieux, que la surface exploitable s'en est trouvée très diminuée et que l'activité n'étant pas pleinement productive, la société Re.Mec y a mis un terme à la fin de l'année 2019.
Les intimés soutiennent principalement que le juge commissaire n'était pas compétent pour statuer compte tenu de la nature de la créance et dès lors que la procédure engagée au fond l'a été postérieurement à l'ouverture de la procédure collective.
Les parties ont été avisées de la fixation à l'audience du 2 juillet 2025 et de la date prévisible de la clôture.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l'article L.624-2 du code de commerce, «'au'vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.'»
En application de l'article R.624-5 du code de commerce, «'Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.'»
Il résulte des articles L.624-2 et R.624-5 du code de commerce que le juge-commissaire ne statue lui-même sur la créance que si la contestation n'est pas sérieuse et si elle n'est pas de la compétence du juge de droit commun.
Egalement, au cas d'une instance en cours, le'juge commissaire'n'a d'autre choix que de rendre une décision par laquelle il constate qu'une instance est en cours ; cette décision le dessaisissant, exclut qu'il puisse se prononcer sur les demandes ou surseoir à statuer.
L'instance en cours au sens de l'article L 622-22 du code de commence, s'entend d'une instance au fond engagée avant le jugement d'ouverture, par le créancier tendant au paiement d'une somme d'argent contre le débiteur.
Dès lors, l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, n'est pas interrompue par la survenance de la procédure collective et la'créance'faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du'juge'-'commissaire'.
L'instance engagée devant le tribunal judiciaire de Carpentras ayant été engagée par le débiteur postérieurement à l'ouverture de la procédure, ne dessaisit pas le juge commissaire.
La société Re.Mec élève des contestations tenant à l'existence de désordres l'ayant empêchée de jouir normalement des locaux et relevant de l'exécution par le bailleur de ses obligations, sans toutefois produire aucune pièce justifiant de ses dires, ni de courrier adressé au bailleur.
La contestation soulevée par la société Re.Mec n'apparaît, ainsi, pas sérieuse, de sorte que c'est de manière infondée que le juge a rejeté la créance.
Le créancier justifie de sa créance en son principe et en son montant par la production des éléments suivants':
- le jugement de cession rendu par le tribunal de commerce de Romans sur Isère en date du 19 novembre 2014 du bail et le contrat de bail,
- les factures de loyer pour la période du 1er juillet 2017 au 4 septembre 2019
- les avis de taxe foncière de 2017 et 2018 et les calculs des quotes-parts des taxe foncière et des ordures ménagères
- la déclaration de créance.
Les intérêts sollicités d'un montant de 656,68 euros, échus au 5 septembre 2019, sont calculés au taux légal à compter du commandement de payer délivré le 11 octobre 2017 également versé aux débats. Ils sont également justifiés.
La déclaration de créance mentionnant le privilège du bailleur d'immeuble pour les deux dernières années précédant le jugement d'ouverture en application de l'article L.622-16 du code de commerce, la demande d'admission à titre privilégié pour cette partie de la créance est recevable et bien fondée.
En conséquence, il y a lieu d'admettre la créance de la SCI [Localité 4] au passif de la SARL Re.Mec pour la somme de 92 277,82 euros en principal à titre définitif, dont 84 021,20 euros à titre privilégié et 8 256,62 € euros titre chirographaire, outre la somme de 656,68 euros au titre des intérêts échus, pour les loyers et charges pour la période de juillet 2017 au 4 septembre 2019.
L'ordonnance querellée sera donc infirmée en son intégralité.
La société Re.Mec et la SCP [J] prise en la personne de Me [J] qui succombent seront condamnées aux dépens d'appel qui seront inscrits en frais privilégiés de la procédure collective.
En équité, la société Re.Mec sera condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après débats publics, par arrêt rendu contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance querellée en son intégralité';
Statuant à nouveau'et y ajoutant,
Prononce l'admission de la créance de la SCI [Localité 4]'au passif de la SARL Re.Mec pour la somme de 92 277,82 euros en principal à titre définitif, dont 84 021,20 euros à titre privilégié et 8 256,62 € euros titre chirographaire outre la somme de 656,68 euros au titre des intérêts échus, pour les loyers et charges pour la période de juillet 2017 au 4 septembre 2019';
Condamne la SARL Re.Mec à payer à la SCI [Localité 4] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la SARL Re.Mec la SCP [J] prise en la personne de Me [J] ès qualités aux dépens d'appel qui seront inscrits en frais privilégiés de la procédure.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE