CA Rouen, ch. soc., 16 octobre 2025, n° 24/02493
ROUEN
Autre
Autre
N° RG 24/02493 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JWWB
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 16 OCTOBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 06 Juin 2024
APPELANT :
Monsieur [S] [V]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par M. [F] [O], défenseur syndical
INTIMÉES :
Association AGS (CGEA DE [Localité 8])
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Guillaume DES ACRES DE L'AIGLE de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN
SELARL [L] [U], prise en la personne de maître [L] [U] ès-qualité de mandataire liquidateur de la SAS [R] EXPRESS
[Adresse 1]
[Localité 5]
non comparante, non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 02 Septembre 2025 sans opposition des parties devant Madame DE LARMINAT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame DE LARMINAT, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Monsieur LABADIE, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame KARAM, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 02 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 octobre 2025
ARRET :
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé le 16 Octobre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
***
Rappel des faits constants
La SAS [R] Express, dont le siège social était situé à [Localité 7] dans l'Eure, avait pour activité le transport public routier national et international. Elle employait deux salariés et appliquait la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.
M. [S] [V], né le 18 juillet 1982, a été engagé par cette société en qualité de conducteur routier, selon contrat de travail à durée déterminée (CDD) de quatre mois, du 20 février 2023 au 20 juin 2023, moyennant une rémunération de 1 713,04 euros pour un horaire mensuel de 152 heures.
Après avoir été placé en arrêt de travail de façon ininterrompue à compter du 3 mai 2023, M. [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, par courrier du 23 mai 2023, dans les termes suivants :
« Objet : notification de la prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail.
Mme [N], directrice de l'entreprise [R] Express,
Depuis le 20 février 2023, j'occupe le poste de conducteur routier au sein de votre entreprise.
Les faits suivants vous incombent :
- deux chèques impayés successifs concernant le salaire du mois de mars 2023,
- non-paiement des salaires des mois de mars et avril 2023.
Sur le salaire du mois de mars 2023, vous avez refusé de me payer des heures supplémentaires.
Sur le salaire du mois de mars, vous ne m'avez pas réglé les paniers repas.
Faute de liquidité sur le badge de télépéage de votre société, j'ai réglé 5 passages au télépéage, soit un total de 31,70 euros sans remboursement de votre part.
- refus de votre part de me transmettre le bulletin de salaire du mois d'avril 2023.
Votre conjoint, codirigeant de la société [R] Express, a demandé à un mécanicien automobile de retirer ma carte de conducteur.
Vous m'avez pas transmis l'attestation de salaire à la sécurité sociale afin que je puisse prétendre aux indemnités journalières durant mon congé maladie.
Ces faits, dont la responsabilité incombe entièrement à votre entreprise, [R] Express, me contraignent à vous notifier la présente prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs.
Elle prendra effet à la date de première présentation du présent recommandé avec AR et sera immédiate.
Je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle emploi ».
M. [V] a ensuite saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux, par requête reçue au greffe le 22 septembre 2023.
Après avoir ouvert une procédure collective à l'égard de la société [R] Express le 28 novembre 2019, le tribunal de commerce d'Evreux a, par jugement du 29 février 2024, prononcé :
- la résolution du plan de redressement qu'il avait mis en place, avec une date de cessation des paiements fixée au 29 août 2022,
- la liquidation judiciaire de la société, Me [U] ayant été désigné liquidateur judiciaire de la société.
La décision contestée
Devant le conseil de prud'hommes, M. [V] a présenté les demandes suivantes :
- requalifier le CDD en contrat de travail à durée indéterminée (CDI),
- constater le retard dans le paiement du salaire de mars 2023,
- constater l'absence de versement du solde du salaire de mars 2023,
- constater l'absence de rectification du bulletin de salaire de mars 2023,
- constater l'absence de versement du salaire d'avril 2023,
- constater l'absence de remise des bulletins de salaire d'avril et mai 2023,
- rappeler dans le dispositif du jugement, pour l'application de l'article R. 1454-28 du code du travail, que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à 2 391,02 euros,
- dire et juger qu'il a été victime de harcèlement moral,
- dire et juger qu'il a été victime de travail dissimulé,
en conséquence,
- dire et juger que sa prise d'acte était justifiée,
- dire et juger que la rupture s'analyse en un licenciement nul,
- subsidiairement, dire et juger que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- fixer au passif de la société [R] Express à son profit les sommes suivantes :
. 2 391,02 euros à titre d'indemnité de requalification du CDD,
. 430,72 euros à titre de rappel de salaire de mars 2023,
. 43,10 euros au titre des congés payés afférents,
. 2 819,19 euros à titre de rappel de salaire du mois d'avril 2023,
. 281,91 euros au titre des congés payés afférents,
. 14 346,12 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
. 9 564,08 euros à titre de dommages-intérêts au visa de l'article 1231-1 du code civil,
. 14 346,12 euros au titre de l'article L. 1235-3-1 du code du travail,
. subsidiairement, 2 391,02 euros au titre de l'article L. 1235-3 du code du travail,
. 552,20 euros au titre du préavis,
. 55,22 euros au titre des congés payés afférents,
. 441,35 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
. 44,14 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire et juger que ces sommes sont opposables à l'AGS-CGEA de [Localité 8] sauf celle concernant l'article 700 du code de procédure civile qui sera inscrite au passif de la société [R] Express dans la limite des disponibilités,
- ordonner la remise des documents sociaux suivants :
. bulletins de salaire de mars, avril et mai 2023 conformes à la décision à intervenir,
. certificat de travail,
. attestation France Travail,
. bulletin de salaire récapitulatif des sommes versées,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions,
- condamner Me [U], ès qualités, au paiement des dépens afférents à l'instance et aux éventuels actes et procédures d'exécution du jugement à intervenir.
L'AGS-CGEA de [Localité 8] a présenté les demandes suivantes :
à titre liminaire,
- rejeter les pièces 5 et 6 versées par M. [V], totalement illisibles, le principe de la contradiction n'étant pas respecté,
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
subsidiairement,
- limiter sa garantie concernant les salaires des mois de mars et avril 2023 à la somme maximale de 2 569,56 euros en brut,
- exclure de la garantie de l'AGS les demandes liées à la requalification de la prise d'acte de M. [V] en un licenciement nul ou injustifié, ainsi que la demande concernant les astreintes, l'article 700 et les dépens.
en tout état de cause,
- déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA et à l'AGS dans la limite de la garantie légale,
- dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail,
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire,
- statuer ce que de droit quant aux dépens et frais d'instance sans qu'ils ne puissent être mis à sa charge.
Me [U], ès qualités, n'était ni présent, ni représenté.
L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation a eu lieu le 7 mars 2024 (après un renvoi à l'audience du 23 novembre 2023). L'audience devant le bureau de jugement s'est tenue le 2 mai 2024.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 6 juin 2024, la section commerce du conseil de prud'hommes d'Evreux a :
- donné acte à Me [U], ès qualités, appelée à la procédure, de même que l'association pour le régime de garantie des salaires AGS-CGEA de [Localité 8] de leurs interventions dans l'instance au titre des dispositions de l'article L. 625-1 du code du commerce,
- débouté M. [V] de sa demande de requalification de CDD en CDI,
- dit que la rupture du contrat de travail de M. [V] s'analyse en une démission,
- ordonné à Me [U] de remettre à M. [V] les bulletins de salaire d'avril à mai 2023, ainsi que le certificat de travail et l'attestation France Travail,
- débouté M. [V] de ses autres chefs de demandes,
- dit que les dispositions du jugement relatives à l'article 700 du code de procédure civile, aux dépens et aux intérêts légaux ne sont pas opposables à l'AGS-CGEA de [Localité 8],
- condamné M. [V] aux dépens.
La procédure d'appel
M. [V] a interjeté appel du jugement par déclaration du 3 juillet 2024 enregistrée sous le numéro de procédure 24/02493.
Par ordonnance rendue le 26 août 2025, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries le mardi 2 septembre 2025, dans le cadre d'une audience rapporteur.
Prétentions de M. [V], appelant
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 17 février 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [V] demande à la cour d'appel de :
- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de requalification de CDD en CDI, en ce qu'il a dit que la rupture de son contrat de travail s'analysait en une démission ainsi qu'en ce qu'il l'a débouté de ses autres chefs de demandes,
statuant à nouveau,
- requalifier le CDD en CDI,
- constater les faits suivants :
. retard dans le paiement du salaire de mars 2023,
. absence de rectification du bulletin de salaire de mars 2023,
. absence de versement du salaire d'avril 2023,
. absence de remise des bulletins de salaire d'avril et mai 2023,
- rappeler que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à 2 459,88 euros,
- dire et juger qu'il a été victime de harcèlement moral et de travail dissimulé,
- dire et juger en conséquence que sa prise d'acte de rupture est justifiée et que la rupture s'analyse en un licenciement nul,
- subsidiairement, dire et juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- fixer au passif de la société [R] Express à son profit les sommes et indemnités suivantes :
. indemnité de requalification du contrat de travail : 2 459,88 euros,
. rappel de salaire de mars 2023 : 454,16 euros,
. congés payés afférents : 13,65 euros,
. rappel de salaire du mois d'avril 2023 : 2 690,56 euros,
. congés payés afférents : 219,72 euros,
. indemnité prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail : 14 759,25 euros,
. dommages-intérêts au visa de l'article 1231-1 du code civil : 9 839,50 euros,
. indemnité au titre de l'article L. 1235-3-1 du code du travail : 14 759,25 euros,
. subsidiairement en application de l'article L. 1235-3 du code du travail : 2 459,88 euros,
. indemnité compensatrice de préavis : 568,10 euros,
. congés payés afférents : 56,81 euros,
. indemnité compensatrice de congés payés : 441,35 euros,
. congés payés afférents : 44,14 euros,
. indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros,
- dire et juger que ces sommes sont opposables à l'AGS-CGEA de [Localité 8] sauf celle qui concerne l'article 700 du code de procédure civile qui sera inscrite au passif de la société [R] Express dans la limite des disponibilités,
- ordonner à Me [U], ès qualités, la remise des documents sociaux suivants :
. bulletin de salaire de mars, avril et mai 2023 conformes à la décision à intervenir,
. certificat de travail,
. attestation France Travail,
. bulletin récapitulatif des sommes versées,
- condamner Me [U], ès qualités, au paiement des dépens afférents à l'instance et aux éventuels actes et procédures d'exécution du jugement à intervenir, qui comprennent les frais d'huissier.
Prétentions de l'AGS-CGEA de [Localité 8], intimée
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 9 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, l'AGS-CGEA de Rouen demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à la seule exception des demandes accueillies par le conseil de prud'hommes dans le cadre du jugement entrepris,
subsidiairement,
- limiter la garantie de l'AGS concernant les salaires des mois de mars et avril 2023 à la somme maximale de 2 569,56 euros brute,
- exclure de la garantie de l'AGS les demandes liées à la requalification de la prise d'acte de M. [V] en un licenciement nul ou injustifié, ainsi que de la demande concernant les astreintes, l'article 700 et les dépens,
en tout état de cause,
- déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA et à l'AGS dans les limites de la garantie légale,
- dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail,
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire,
- statuer ce que de droit quant aux dépens et frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'association concluante.
Prétentions de Me [U] en qualité de mandataire liquidateur de la société [R] Express
Me [U], ès qualités, n'a pas constitué avocat.
La déclaration d'appel lui a été signifiée par acte du 28 août 2024, remis à personne habilitée à le recevoir. Les conclusions de M. [V] lui ont été signifiées par acte du 16 septembre 2024, remis à personne habilitée à le recevoir. Les conclusions de l'AGS-CGEA de [Localité 8] lui ont été signifiées par acte du 16 décembre 2024, remis à tiers présent à domicile.
L'arrêt sera réputé contradictoire, en application des dispositions de l'article 472 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
A titre liminaire, il est rappelé qu'en application du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, « La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ».
Par ailleurs, en application de l'article 472 du code de procédure civile, le juge d'appel ne fait droit à l'appel que si celui-ci lui paraît fondé dans ses critiques de la décision rendue par les premiers juges.
Sur la requalification du CDD
M. [V] sollicite la requalification du CDD qu'il a signé, motif pris que celui-ci avait pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Il soutient que l'employeur ne peut sérieusement justifier du bien-fondé du recours au CDD, qui, selon lui, n'a été utilisé que pour voir s'il faisait l'affaire avant de l'engager en CDI.
L'AGS-CGEA de [Localité 8] fait quant à elle valoir que le salarié profite de l'absence de défense de la part de l'employeur pour solliciter la requalification de son CDD en CDI, qu'elle ne dispose pas d'éléments permettant de démontrer le bien-fondé du recours au CDD mais que la cour pourra relever que c'est M. [V], et lui seul, qui a mis fin à son contrat alors que l'employeur entendait, selon ses dires, l'engager en CDI. Elle fait valoir que lorsqu'un CDD se poursuit en CDI, l'indemnité de requalification n'est pas due et qu'en l'espèce, c'est le salarié qui a pris l'initiative de la rupture, empêchant de fait l'employeur de l'engager en CDI.
Sur ce,
Il résulte des termes de l'article L. 1242-1 du code du travail qu'« un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. »
Il est par ailleurs de jurisprudence constante qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le CDD.
En l'espèce, il est indiqué dans le contrat signé par les parties que celui-ci « est conclu pour faire face à un accroissement temporaire d'activité liée à des prestations de transport supplémentaires » (pièce 1 du salarié).
Or, il n'est pas rapporté la preuve de l'« accroissement temporaire d'activité liée à des prestations de transport supplémentaires » allégué.
Le seul fait que le contrat énonce bien un des motifs de recours visés à l'article L. 1242-2 du code du travail est inopérant à répondre au moyen, contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes.
Par ailleurs, le fait que le salarié ait pris acte de la rupture de son contrat de travail est également inopérant, l'hypothèse selon laquelle l'employeur l'aurait par la suite engagé en CDI, le privant de l'indemnité de requalification, étant totalement aléatoire, même si l'employeur lui a écrit, par message du 7 février 2023, au sujet de la visite médicale, « Je pourrais en avoir [de la place pour la visite médicale] à la fin de la période d'essai pour l'embauche » (pièce 7 du salarié).
Il s'ensuit que le CDD signé par M. [V] doit être requalifié en CDI, lui ouvrant droit au bénéfice d'une indemnité de requalification, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, en application de l'article L. 1245-2 du code du travail.
M. [V] sollicite l'allocation d'une somme de 2 459,88 euros à ce titre. Étant rappelé que la rémunération mensuelle brute du salarié est fixée à 1 713,04 euros aux termes de son contrat de travail, il lui sera allouée une somme de 2 000 euros, qui sera fixé au passif de la liquidation judiciaire.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur le salaire du mois de mars 2023
M. [V] réclame un rappel de salaire d'un montant de 454,16 euros au titre du mois de mars 2023. Il prétend que l'employeur a commis une erreur de 11,85 heures en moins dans le décompte de ses heures travaillées, d'une part, et qu'il ne lui a pas réglé les indemnités repas, d'autre part.
S'agissant du nombre d'heures travaillées, il n'est pas discuté que M. [V] a perçu un salaire correspondant à 185,15 heures alors qu'il prétend avoir accompli 197 heures.
Cette demande s'analyse en une demande d'heures supplémentaires puisque la durée contractuelle du travail a été fixée à 152 heures.
Il est rappelé qu'il résulte des dispositions des articles L. 3171-2 et suivants du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [V] produit un décompte précis des heures qu'il prétend avoir réalisées et, à l'appui de sa démonstration, les relevés de contrôle émanant du chronotachygraphe de son véhicule du mois de mars 2023 (sa pièce 5), ces éléments apparaissant suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Il n'est cependant produit aucun élément pour le compte de l'employeur, l'AGS-CGEA de [Localité 8] opposant, de façon inopérante, que les relevés de contrôle versés aux débats par le salarié sont incompréhensibles et doivent conduire au débouté.
Après analyse des pièces produites aux débats, il y a lieu de retenir l'existence d'heures supplémentaires, lesquelles seront évaluées, en tenant compte de l'horaire de référence et des heures supplémentaires déjà rémunérées, au regard de la rémunération du salarié, à la somme de 126,40 euros, outre les congés payés afférents, correspondant à la période du mois de mars 2023.
S'agissant des indemnités repas, réclamées à hauteur de 304 euros, soit 15,20 euros sur 20 jours travaillés, M. [V] invoque l'application des dispositions de la convention collective.
Selon l'article 2 du protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers annexé à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, les indemnités de repas et les indemnités de repas unique sont une somme forfaitaire allouée par l'employeur au salarié en déplacement, en complément de ce que celui-ci aurait dépensé s'il avait pris son repas à son domicile ou à son lieu de travail, le déplacement étant défini comme l'obligation impliquée par le service de quitter le lieu de travail et le domicile.
L'article 8 de ce protocole dispose : « 1° Le personnel qui se trouve, en raison d'un déplacement impliqué par le service, obligé de prendre un repas hors de son lieu de travail perçoit une indemnité de repas unique, dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, sauf taux plus élevé résultant des usages [...]».
En l'espèce, au vu des documents de contrôle, tous produits sur la période considérée, M. [V], qui fait partie du personnel roulant, justifie avoir travaillé 20 jours au mois de mars 2023 et à chaque fois, avoir été contraint de prendre ses repas hors de son domicile ou de son lieu de travail.
M. [V] est en conséquence légitime à réclamer à ce titre pour les 20 jours travaillés du mois de mars 2023, sur la base d'une indemnité repas journalière fixée à 15,20 euros, la somme totale de 304 euros.
Sur le salaire du mois d'avril 2023
Après avoir précisé qu'il n'a perçu aucun salaire à ce titre, M. [V] réclame paiement d'une somme de 2 690,56 euros, outre les congés payés afférents, se décomposant en une somme de 1 747,24 euros correspondant à son salaire de base, une somme de 450 euros à titre d'heures supplémentaires et une somme de 273,60 euros au titre de 18 indemnités repas correspondant aux 18 jours travaillés sur le mois.
Le salaire de base, qui résulte des termes du contrat de travail, n'est pas discutable.
Après analyse des pièces produites aux débats relatives au mois d'avril 2023, selon le même raisonnement que celui suivi au titre du mois de mars 2023, il y a lieu de retenir l'existence d'heures supplémentaires, lesquelles seront évaluées, au titre du mois d'avril 2023, à la somme de 423,59 euros, outre les congés payés afférents.
Au total, il est dû au salarié la somme de 2 170,83 euros outre la somme de 217,08 euros au titre des congés payés afférents.
Après avoir vérifié que le salarié a été contraint de prendre ses repas hors de son domicile ou de son lieu de travail, les 18 jours travaillés du mois d'avril 2023, il convient de lui allouer une somme de 273,60 euros à ce titre.
Il est constant que l'indemnité de repas, ayant « pour objet de compenser le surcoût du repas consécutif au déplacement, cette indemnité constitue, nonobstant son caractère forfaitaire, un remboursement de frais qui n'entre pas dans l'assiette de l'indemnité de congés payés », aucun congés payés n'est dû sur ces indemnités (Cass. soc., 17 déc. 2014, pourvoi n° 13-14.855).
Il n'y a donc pas lieu d'additionner les sommes allouées, comme le propose à tort le salarié, certaines ouvrant droit à congés payés tandis qu'une autre n'y ouvre pas droit.
Sur la remise des bulletins de salaire
M. [V] réclame qu'il lui soit remis les bulletins de salaire du mois de mars 2023, compte tenu de la rectification intervenue, ainsi que ceux des mois d'avril et mai 2023, qu'il prétend ne pas avoir reçus.
Il demande la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la remise des bulletins de salaire d'avril et mai 2023 et la condamnation du mandataire liquidateur à lui remettre un bulletin de salaire rectifié pour mars 2023.
La cour constate que M. [V] ne demande pas d'indemnisation pour la remise tardive de ses bulletins de salaire, de sorte qu'il conviendra d'examiner cette demande en même temps que sa demande accessoire tendant à la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif.
Sur le travail dissimulé
M. [V] sollicite l'allocation d'une indemnité forfaitaire de 14 759,25 euros à ce titre.
A l'appui de sa demande, il soutient que son employeur a manqué à son obligation de payer la totalité de son salaire de mars 2023 et qu'il ne lui a rien versé au titre du salaire d'avril 2024, qu'en outre, il s'est soustrait à son obligation de lui remettre ses bulletins de salaire malgré ses demandes. Il prétend encore que son employeur lui a demandé de placer le sélecteur de son chronotachygraphe en position repos pendant les temps de chargement et de déchargement et qu'il a demandé à un mécanicien d'enlever la carte de l'appareil. Il conclut à l'intentionnalité des faits.
L'AGS-CGEA de [Localité 8] conteste cette demande et, en tout état de cause, dénie sa garantie à ce titre.
Elle fait valoir que la preuve n'est pas rapportée, ni de l'ordre qui aurait été donné au salarié de mettre son chronotachygraphe en position repos pendant les temps de chargement et de déchargement, ni du non-paiement d'une partie du salaire de mars 2023 et de l'intégralité de celui d'avril 2023, également que l'absence de remise des bulletins de salaire ne rentre pas dans la définition du travail dissimulé.
Sur ce,
L'article L. 8221-5 du code du travail dispose : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales. »
Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce toutefois, l'intention de l'employeur de dissimuler des heures de travail n'apparaît pas établie, dès lors qu'il n'est pas remis en cause que celui-ci a bien effectué la déclaration préalable à l'embauche, qu'il a bien payé le salaire du mois de février 2023 ainsi que le salaire du mois de mars 2023, même s'il existait un différend sur les heures réalisées et les indemnités de repas, que les difficultés se sont cristallisées en avril 2023, alors que la société [R] Express ne parvenait manifestement plus à respecter le plan de redressement mis à sa charge, sans que cette circonstance ne permette de caractériser que l'employeur ait agi de manière intentionnelle, le salarié parlant lui-même de comportement négligent de son employeur, page 2 de ses conclusions.
M. [V] allègue par ailleurs qu'il lui a été demandé, pendant l'exécution de son contrat de travail, de « placer le sélecteur de son chronotachygraphe en position repos pendant les périodes de chargement et de déchargement ».
L'unique échange de SMS qu'il produit à ce sujet n'est cependant pas probant. Outre qu'il n'a pas été authentifié, il ne contient pas d'ordre précis, mais d'avantage des conseils et il concerne une situation particulière en relation avec une attente exceptionnellement longue pour décharger, qui ne permet pas d'établir une pratique généralisée, ni qu'elle aurait été constitutive d'un temps de travail effectif (pièce 8 du salarié).
M. [V] allègue également qu'il a été demandé au mécanicien, lorsqu'il emmenait le véhicule au garage, d'enlever sa carte conducteur.
L'échange de messages produit à ce sujet mentionne :
M. [V] ; « Pourquoi tu demandes au mécanicien d'enlever ma carte conducteur du camion ' »
[W] [R] : « Bonjour [C], c'est juste parce qu'une fois, on a eu un problème en passant la valise, ça effaçait les données de carte chauffeur » (pièce 23 du salarié)
Il sera constaté que le salarié n'explicite pas son argument et que la réponse apportée apparaît acceptable, de sorte que cet élément sera écarté, comme non probant.
Dans ces conditions, faute pour M. [V] de rapporter la preuve du caractère intentionnel du travail dissimulé qu'il reproche à son employeur, celui-ci sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.
Sur l'exécution fautive du contrat de travail
M. [V] sollicite l'allocation d'une somme de 9 839,50 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1231-1 du code civil.
Il expose qu'en raison des manquements de l'employeur à ses différentes obligations, il subit un préjudice incontestable, d'abord financier, mais également moral, compte tenu des façons de faire inacceptables de l'entreprise. Il souligne qu'à ce jour, il n'est toujours pas rémunéré pour son travail, et il ne peut justifier, via ses bulletins de salaire, de sa situation auprès de l'administration.
Il poursuit donc l'infirmation du jugement de ce chef, en ce qu'il a été débouté de cette demande.
L'AGS-CGEA de [Localité 8] s'oppose à la demande, faisant valoir qu'aucune pièce n'est produite, ni aucune explication donnée à l'appui de cette prétention. Elle s'étonne que le salarié réclame une somme aussi précise et soutient qu'il devrait, dans ces conditions, démontrer au centime près, l'existence de son préjudice.
Sur ce,
L'article 1231-1 du code civil dispose : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »
En l'espèce, M. [V] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui, déjà indemnisé par la teneur de la décision rendue, incluant rappels de salaire et intérêts moratoires.
Il ne justifie par aucune pièce utile que l'absence de remise de certains bulletins de salaire ont eu une incidence sur le paiement des indemnités journalières auxquelles il pouvait prétendre. Il produit certes, un échange de messages avec la caisse primaire d'assurance maladie du 23 mai 2023 aux termes duquel il demande quelles pièces il doit produire et la CPAM lui répond qu'il est nécessaire de produire notamment les 12 derniers bulletins de salaire, mais il n'est pas indiqué quelle suite a été donnée à cette démarche et si le salarié a effectivement subi une perte d'indemnisation ou même un retard dans le versement de celle-ci (pièce 15 du salarié).
Dans ces conditions, faute pour M. [V] de rapporter la preuve d'un préjudice spécifique, il sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.
Sur le harcèlement moral
En application des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Aux termes de l'article L. 1154-1 du même code, « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 [...], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il y a lieu d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il y a lieu d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l'appui de sa demande tendant à ce qu'il soit reconnu qu'il a été victime de faits de harcèlement moral, M. [V] se limite à énoncer : « A plus forte raison, l'employeur a manqué à son obligation de loyauté dans l'exécution de la convention synallagmatique qu'est le contrat de travail qui liait les parties notamment au regard de l'absence de remise de bulletins de salaire malgré les demandes du salarié, ainsi qu'au recours au travail dissimulé, outre l'attitude permettant d'établir le harcèlement moral », sans énoncer spécifiquement des faits à l'appui de sa demande.
M. [V] énonce toutefois dans ses conclusions différents manquements qu'il reproche à son employeur au titre de l'exécution du contrat de travail, qu'il convient d'examiner ici.
Il invoque, en premier lieu, le versement tardif et incomplet du salaire du mois de mars 2023.
Il explique qu'il a fini par obtenir, non sans mal, le paiement de son salaire de mars 2023, le 16 mai 2023, après plusieurs rejets de chèque, dont il justifie, caractérisant ainsi le retard de paiement.
Ce fait est établi.
M. [V] invoque, en deuxième lieu, le non-versement du salaire d'avril 2023, ce fait étant également établi.
M. [V] invoque, en troisième lieu, la non-remise de ses bulletins de salaire d'avril, mai et juin 2023. Ce fait est établi.
M. [V] invoque en quatrième lieu le recours au travail dissimulé, ce qui n'a pas été retenu.
M. [V] invoque, en cinquième et dernier lieu, le manquement de l'employeur à son obligation de loyauté, sans expliciter davantage cet élément qui sera écarté.
Au demeurant, M. [V], qui ne verse aux débats que 4 arrêts de travail à compter du 3 mai 2023, le dernier étant illisible, ne produit aucun élément médical, permettant d'apprécier de l'existence ou non d'une altération de sa santé physique ou psychique en lien avec ses conditions de travail.
Il s'ensuit qu'en l'état des explications et des pièces fournies, dans le contexte de difficultés financières rencontrées par l'entreprise comme en témoigne la cessation des paiements actée au 29 août 2022, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer, appréciés dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée.
M. [V] sera débouté de sa demande à ce titre, par confirmation du jugement entrepris, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner si l'employeur justifie ses décisions par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail
En vertu des dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Le salarié peut mettre fin au contrat de travail unilatéralement en raison de faits imputables à l'employeur. Cette prise d'acte de la rupture produit les effets soit d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire. C'est au salarié de rapporter la preuve de ces manquements et de leur gravité.
Il est précisé que dans la mesure où les motifs énoncés dans la lettre de prise d'acte ne fixent pas les limites du litige, il y a lieu d'examiner tous les griefs invoqués par le salarié, même s'ils ne sont pas mentionnés dans la lettre.
M. [V] sollicite, à titre principal, que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement nul, en raison du harcèlement moral qu'il prétend avoir subi. Mais, dès lors qu'il a été retenu qu'il n'avait pas été victime de faits de harcèlement moral, il doit être débouté de cette demande.
M. [V] sollicite, à titre subsidiaire, que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au regard des développements qui précèdent, il rapporte effectivement la preuve de manquements de son employeur, tenant au non-paiement de salaire et à la non-remise de bulletins de salaire, dont la gravité, en ce qu'ils ont privé le salarié de son moyen de subsistance, justifie la prise d'acte.
Le jugement dont appel sera en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu que la prise d'acte s'analysait en une démission.
Sur l'indemnisation du salarié
M. [V] sollicite une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents.
Il est précisé qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte des heures supplémentaires revendiquées dans l'assiette des indemnités, celles-ci n'étant ni contractualisées, ni habituelles et pour partie non retenues.
S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il sollicite l'allocation d'une somme de 2 459,88 euros.
Il est rappelé que l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au présent litige, prévoit au profit du salarié ayant moins d'un an d'ancienneté et ayant travaillé dans une entreprise employant moins de onze salariés, dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, une indemnité maximale d'un mois de salaire brut à la charge de l'employeur.
Sur cette base, compte tenu des circonstances de la rupture mais en l'absence d'information sur la situation actuelle du salarié, il convient d'évaluer le préjudice qu'il a subi du fait de la rupture injustifiée de son contrat de travail à la somme de 1 500 euros.
S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, le salarié réclame une somme de 568,10 euros outre les congés payés afférents.
Conformément aux articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail et à la convention collective applicable, laquelle prévoit qu'en cas de licenciement d'un ouvrier comptant moins de 6 mois d'ancienneté, période d'essai comprise, le délai-congé est d'une semaine,
M. [V] peut prétendre, sur la base d'un salaire contractuel de 1 713,04 euros, à la somme de 395,62 euros outre les congés payés afférents.
Sur l'indemnité compensatrice de congés payés
M. [V] sollicite en outre une indemnité compensatrice de congés payés d'un montant de 441,35 euros outre les congés payés afférents.
A l'appui de sa demande, il explique qu'il bénéficiait de 3,34 jours de congés sur le bulletin de salaire de mars 2023, que ce nombre doit être porté à 4 et rémunéré au moyen d'une indemnité compensatrice.
L'AGS-CGEA de [Localité 8] indique s'en rapporter à justice sur cette demande.
Sur ce,
Il est rappelé que la rupture du contrat avant que le salarié ait pu solder l'intégralité de ses droits à congé annuel lui ouvre le droit à une indemnité compensatrice de congés payés.
La prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail mettant fin immédiatement au contrat de travail, c'est à la date de cette prise d'acte qu'il y a lieu de se placer pour calculer l'indemnité compensatrice (Cass. soc., 4 avr. 2007, pourvoi n° 05-43.406).
M. [V] produit son bulletin de salaire de mars 2023, dont il résulte qu'il a acquis 3,34 jours de congés payés, portés à 4, conformément aux dispositions de l'article L. 3141-7 du code du travail qui édictent : « Lorsque le nombre de jours ouvrables calculé conformément aux articles L. 3141-3 et L. 3141-6 n'est pas un nombre entier, la durée du congé est portée au nombre entier immédiatement supérieur. »
Il peut donc prétendre, sur la base d'un salaire de 1 713,04 euros, à la somme de 228,40 euros, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, sans qu'il y ait lieu à condamnation à congés payés en plus.
Sur la fixation au passif de la procédure collective
Il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et qu'en application des dispositions des articles L. 622-22 et L. 625-1 du même code, les éventuelles créances du demandeur ne pourront faire l'objet, le cas échéant, que d'une fixation au passif de la liquidation judiciaire.
Sur la garantie de l'AGS-CGEA de [Localité 8]
Aux termes de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ainsi que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d'observation.
Compte tenu de la nature des sommes allouées, l'AGS-CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 8] dans la limite de sa garantie.
Au-delà, l'AGS-CGEA de [Localité 8] demande d'exclure de sa garantie les demandes liées à la requalification de la prise d'acte, ainsi que les demandes concernant les astreintes, les frais irrépétibles et les dépens.
Si les exclusions demandées au titre des astreintes, des frais irrépétibles et des dépens sont acquises, il est précisé qu'au contraire, l'assurance couvre les créances impayées résultant de la rupture du contrat de travail, lorsque le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail pendant l'une des périodes visées à l'article L. 3253-8 2° du code du travail, en raison des manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite du contrat (Cass. soc., 8 janvier 2025, pourvoi n° 20-18.484).
L'AGS-CGEA de [Localité 8] demande également de limiter sa garantie concernant les salaires des mois de mars et avril 2023 à la somme maximale de 2 569,56 euros en brut correspondant à 45 jours sur la base d'un salaire de 1 713,04 euros. Elle fait valoir que toute somme sollicitée pour la période comprise entre le redressement judiciaire de la société, ici ouvert le 28 novembre 2019, et la conversion en liquidation judiciaire, prononcée le 29 février 2024, est limitée dans le cadre de la garantie due par l'AGS à un montant maximal d'un mois et demi, soit 45 jours de travail, en application de l'article L. 3253-5 5° du code du travail.
La cour donne acte à l'AGS de cette limitation qu'elle entérine.
Pour le surplus des demandes de l'AGS-CGEA de [Localité 8], il sera rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.
Sur la remise des documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt
M. [V] est bien fondé à solliciter la remise par Me [U], ès qualités, d'un certificat de travail, d'une attestation destinée à France Travail, anciennement Pôle emploi, et d'un bulletin de salaire récapitulatif, et non les bulletins de salaire des mois de mars, avril et mai 2023 comme demandés, compte tenu des rectifications à y apporter, l'ensemble de ces documents devant être conformes aux termes du présent arrêt.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
Tenant compte de la décision rendue, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [V] aux dépens et confirmé en ce qu'il n'a pas prononcé de condamnation au titre des frais irrépétibles.
Il convient d'inscrire au passif de la société [R] Express les entiers dépens, de première instance et d'appel, tels qu'ils sont définis par l'article 695 du code de procédure civile, ainsi qu'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 250 euros.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Evreux le 6 juin 2024, excepté en ce qu'il a débouté M. [S] [V] de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, d'indemnité pour licenciement nul et d'indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [S] [V] est justifiée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS [R] Express au profit de M. [S] [V] les sommes suivantes :
. 2 000 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée,
. 126,40 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires correspondant au mois de mars 2023,
. 12,64 euros au titre des congés payés afférents,
. 304 euros au titre des indemnités de repas du mois de mars 2023,
. 1 747,24 euros au titre du salaire de base du mois d'avril 2023
. 174,72 euros au titre des congés payés afférents,
. 423,59 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires correspondant au mois de mars 2023,
. 42,35 euros au titre des congés payés afférents,
. 273,59 euros au titre des indemnités de repas du mois d'avril 2023,
. 1 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 395,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 39,56 euros au titre des congés payés afférents,
. 228,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
. les entiers dépens de première instance et d'appel,
. 250 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [S] [V] de ses demandes plus amples ou contraires,
ENJOINT à Me [L] [U] en qualité de mandataire liquidateur de la société [R] Express de remettre à M. [S] [V] un certificat de travail, une attestation destinée à France Travail et un bulletin de paie récapitulatif conformes aux termes du présent arrêt.
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 8] dans les limites de sa garantie légale,
RAPPELLE que l'assurance couvre les créances impayées résultant de la rupture du contrat de travail, lorsque le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail pendant l'une des périodes visées à l'article L. 3253-8 2° du code du travail, en raison des manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite du contrat,
CONSTATE que la garantie de l'AGS concernant les salaires des mois de mars et avril 2023 est limitée à la somme maximale de 2 569,56 euros brute,
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Valérie de Larminat, présidente, et par Mme Fatiha Karam, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 16 OCTOBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 06 Juin 2024
APPELANT :
Monsieur [S] [V]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par M. [F] [O], défenseur syndical
INTIMÉES :
Association AGS (CGEA DE [Localité 8])
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Guillaume DES ACRES DE L'AIGLE de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN
SELARL [L] [U], prise en la personne de maître [L] [U] ès-qualité de mandataire liquidateur de la SAS [R] EXPRESS
[Adresse 1]
[Localité 5]
non comparante, non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 02 Septembre 2025 sans opposition des parties devant Madame DE LARMINAT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame DE LARMINAT, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Monsieur LABADIE, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame KARAM, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 02 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 octobre 2025
ARRET :
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé le 16 Octobre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
***
Rappel des faits constants
La SAS [R] Express, dont le siège social était situé à [Localité 7] dans l'Eure, avait pour activité le transport public routier national et international. Elle employait deux salariés et appliquait la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.
M. [S] [V], né le 18 juillet 1982, a été engagé par cette société en qualité de conducteur routier, selon contrat de travail à durée déterminée (CDD) de quatre mois, du 20 février 2023 au 20 juin 2023, moyennant une rémunération de 1 713,04 euros pour un horaire mensuel de 152 heures.
Après avoir été placé en arrêt de travail de façon ininterrompue à compter du 3 mai 2023, M. [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, par courrier du 23 mai 2023, dans les termes suivants :
« Objet : notification de la prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail.
Mme [N], directrice de l'entreprise [R] Express,
Depuis le 20 février 2023, j'occupe le poste de conducteur routier au sein de votre entreprise.
Les faits suivants vous incombent :
- deux chèques impayés successifs concernant le salaire du mois de mars 2023,
- non-paiement des salaires des mois de mars et avril 2023.
Sur le salaire du mois de mars 2023, vous avez refusé de me payer des heures supplémentaires.
Sur le salaire du mois de mars, vous ne m'avez pas réglé les paniers repas.
Faute de liquidité sur le badge de télépéage de votre société, j'ai réglé 5 passages au télépéage, soit un total de 31,70 euros sans remboursement de votre part.
- refus de votre part de me transmettre le bulletin de salaire du mois d'avril 2023.
Votre conjoint, codirigeant de la société [R] Express, a demandé à un mécanicien automobile de retirer ma carte de conducteur.
Vous m'avez pas transmis l'attestation de salaire à la sécurité sociale afin que je puisse prétendre aux indemnités journalières durant mon congé maladie.
Ces faits, dont la responsabilité incombe entièrement à votre entreprise, [R] Express, me contraignent à vous notifier la présente prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs.
Elle prendra effet à la date de première présentation du présent recommandé avec AR et sera immédiate.
Je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle emploi ».
M. [V] a ensuite saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux, par requête reçue au greffe le 22 septembre 2023.
Après avoir ouvert une procédure collective à l'égard de la société [R] Express le 28 novembre 2019, le tribunal de commerce d'Evreux a, par jugement du 29 février 2024, prononcé :
- la résolution du plan de redressement qu'il avait mis en place, avec une date de cessation des paiements fixée au 29 août 2022,
- la liquidation judiciaire de la société, Me [U] ayant été désigné liquidateur judiciaire de la société.
La décision contestée
Devant le conseil de prud'hommes, M. [V] a présenté les demandes suivantes :
- requalifier le CDD en contrat de travail à durée indéterminée (CDI),
- constater le retard dans le paiement du salaire de mars 2023,
- constater l'absence de versement du solde du salaire de mars 2023,
- constater l'absence de rectification du bulletin de salaire de mars 2023,
- constater l'absence de versement du salaire d'avril 2023,
- constater l'absence de remise des bulletins de salaire d'avril et mai 2023,
- rappeler dans le dispositif du jugement, pour l'application de l'article R. 1454-28 du code du travail, que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à 2 391,02 euros,
- dire et juger qu'il a été victime de harcèlement moral,
- dire et juger qu'il a été victime de travail dissimulé,
en conséquence,
- dire et juger que sa prise d'acte était justifiée,
- dire et juger que la rupture s'analyse en un licenciement nul,
- subsidiairement, dire et juger que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- fixer au passif de la société [R] Express à son profit les sommes suivantes :
. 2 391,02 euros à titre d'indemnité de requalification du CDD,
. 430,72 euros à titre de rappel de salaire de mars 2023,
. 43,10 euros au titre des congés payés afférents,
. 2 819,19 euros à titre de rappel de salaire du mois d'avril 2023,
. 281,91 euros au titre des congés payés afférents,
. 14 346,12 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
. 9 564,08 euros à titre de dommages-intérêts au visa de l'article 1231-1 du code civil,
. 14 346,12 euros au titre de l'article L. 1235-3-1 du code du travail,
. subsidiairement, 2 391,02 euros au titre de l'article L. 1235-3 du code du travail,
. 552,20 euros au titre du préavis,
. 55,22 euros au titre des congés payés afférents,
. 441,35 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
. 44,14 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire et juger que ces sommes sont opposables à l'AGS-CGEA de [Localité 8] sauf celle concernant l'article 700 du code de procédure civile qui sera inscrite au passif de la société [R] Express dans la limite des disponibilités,
- ordonner la remise des documents sociaux suivants :
. bulletins de salaire de mars, avril et mai 2023 conformes à la décision à intervenir,
. certificat de travail,
. attestation France Travail,
. bulletin de salaire récapitulatif des sommes versées,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions,
- condamner Me [U], ès qualités, au paiement des dépens afférents à l'instance et aux éventuels actes et procédures d'exécution du jugement à intervenir.
L'AGS-CGEA de [Localité 8] a présenté les demandes suivantes :
à titre liminaire,
- rejeter les pièces 5 et 6 versées par M. [V], totalement illisibles, le principe de la contradiction n'étant pas respecté,
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
subsidiairement,
- limiter sa garantie concernant les salaires des mois de mars et avril 2023 à la somme maximale de 2 569,56 euros en brut,
- exclure de la garantie de l'AGS les demandes liées à la requalification de la prise d'acte de M. [V] en un licenciement nul ou injustifié, ainsi que la demande concernant les astreintes, l'article 700 et les dépens.
en tout état de cause,
- déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA et à l'AGS dans la limite de la garantie légale,
- dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail,
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire,
- statuer ce que de droit quant aux dépens et frais d'instance sans qu'ils ne puissent être mis à sa charge.
Me [U], ès qualités, n'était ni présent, ni représenté.
L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation a eu lieu le 7 mars 2024 (après un renvoi à l'audience du 23 novembre 2023). L'audience devant le bureau de jugement s'est tenue le 2 mai 2024.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 6 juin 2024, la section commerce du conseil de prud'hommes d'Evreux a :
- donné acte à Me [U], ès qualités, appelée à la procédure, de même que l'association pour le régime de garantie des salaires AGS-CGEA de [Localité 8] de leurs interventions dans l'instance au titre des dispositions de l'article L. 625-1 du code du commerce,
- débouté M. [V] de sa demande de requalification de CDD en CDI,
- dit que la rupture du contrat de travail de M. [V] s'analyse en une démission,
- ordonné à Me [U] de remettre à M. [V] les bulletins de salaire d'avril à mai 2023, ainsi que le certificat de travail et l'attestation France Travail,
- débouté M. [V] de ses autres chefs de demandes,
- dit que les dispositions du jugement relatives à l'article 700 du code de procédure civile, aux dépens et aux intérêts légaux ne sont pas opposables à l'AGS-CGEA de [Localité 8],
- condamné M. [V] aux dépens.
La procédure d'appel
M. [V] a interjeté appel du jugement par déclaration du 3 juillet 2024 enregistrée sous le numéro de procédure 24/02493.
Par ordonnance rendue le 26 août 2025, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries le mardi 2 septembre 2025, dans le cadre d'une audience rapporteur.
Prétentions de M. [V], appelant
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 17 février 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [V] demande à la cour d'appel de :
- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de requalification de CDD en CDI, en ce qu'il a dit que la rupture de son contrat de travail s'analysait en une démission ainsi qu'en ce qu'il l'a débouté de ses autres chefs de demandes,
statuant à nouveau,
- requalifier le CDD en CDI,
- constater les faits suivants :
. retard dans le paiement du salaire de mars 2023,
. absence de rectification du bulletin de salaire de mars 2023,
. absence de versement du salaire d'avril 2023,
. absence de remise des bulletins de salaire d'avril et mai 2023,
- rappeler que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à 2 459,88 euros,
- dire et juger qu'il a été victime de harcèlement moral et de travail dissimulé,
- dire et juger en conséquence que sa prise d'acte de rupture est justifiée et que la rupture s'analyse en un licenciement nul,
- subsidiairement, dire et juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- fixer au passif de la société [R] Express à son profit les sommes et indemnités suivantes :
. indemnité de requalification du contrat de travail : 2 459,88 euros,
. rappel de salaire de mars 2023 : 454,16 euros,
. congés payés afférents : 13,65 euros,
. rappel de salaire du mois d'avril 2023 : 2 690,56 euros,
. congés payés afférents : 219,72 euros,
. indemnité prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail : 14 759,25 euros,
. dommages-intérêts au visa de l'article 1231-1 du code civil : 9 839,50 euros,
. indemnité au titre de l'article L. 1235-3-1 du code du travail : 14 759,25 euros,
. subsidiairement en application de l'article L. 1235-3 du code du travail : 2 459,88 euros,
. indemnité compensatrice de préavis : 568,10 euros,
. congés payés afférents : 56,81 euros,
. indemnité compensatrice de congés payés : 441,35 euros,
. congés payés afférents : 44,14 euros,
. indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros,
- dire et juger que ces sommes sont opposables à l'AGS-CGEA de [Localité 8] sauf celle qui concerne l'article 700 du code de procédure civile qui sera inscrite au passif de la société [R] Express dans la limite des disponibilités,
- ordonner à Me [U], ès qualités, la remise des documents sociaux suivants :
. bulletin de salaire de mars, avril et mai 2023 conformes à la décision à intervenir,
. certificat de travail,
. attestation France Travail,
. bulletin récapitulatif des sommes versées,
- condamner Me [U], ès qualités, au paiement des dépens afférents à l'instance et aux éventuels actes et procédures d'exécution du jugement à intervenir, qui comprennent les frais d'huissier.
Prétentions de l'AGS-CGEA de [Localité 8], intimée
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 9 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, l'AGS-CGEA de Rouen demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à la seule exception des demandes accueillies par le conseil de prud'hommes dans le cadre du jugement entrepris,
subsidiairement,
- limiter la garantie de l'AGS concernant les salaires des mois de mars et avril 2023 à la somme maximale de 2 569,56 euros brute,
- exclure de la garantie de l'AGS les demandes liées à la requalification de la prise d'acte de M. [V] en un licenciement nul ou injustifié, ainsi que de la demande concernant les astreintes, l'article 700 et les dépens,
en tout état de cause,
- déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA et à l'AGS dans les limites de la garantie légale,
- dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail,
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire,
- statuer ce que de droit quant aux dépens et frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'association concluante.
Prétentions de Me [U] en qualité de mandataire liquidateur de la société [R] Express
Me [U], ès qualités, n'a pas constitué avocat.
La déclaration d'appel lui a été signifiée par acte du 28 août 2024, remis à personne habilitée à le recevoir. Les conclusions de M. [V] lui ont été signifiées par acte du 16 septembre 2024, remis à personne habilitée à le recevoir. Les conclusions de l'AGS-CGEA de [Localité 8] lui ont été signifiées par acte du 16 décembre 2024, remis à tiers présent à domicile.
L'arrêt sera réputé contradictoire, en application des dispositions de l'article 472 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
A titre liminaire, il est rappelé qu'en application du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, « La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ».
Par ailleurs, en application de l'article 472 du code de procédure civile, le juge d'appel ne fait droit à l'appel que si celui-ci lui paraît fondé dans ses critiques de la décision rendue par les premiers juges.
Sur la requalification du CDD
M. [V] sollicite la requalification du CDD qu'il a signé, motif pris que celui-ci avait pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Il soutient que l'employeur ne peut sérieusement justifier du bien-fondé du recours au CDD, qui, selon lui, n'a été utilisé que pour voir s'il faisait l'affaire avant de l'engager en CDI.
L'AGS-CGEA de [Localité 8] fait quant à elle valoir que le salarié profite de l'absence de défense de la part de l'employeur pour solliciter la requalification de son CDD en CDI, qu'elle ne dispose pas d'éléments permettant de démontrer le bien-fondé du recours au CDD mais que la cour pourra relever que c'est M. [V], et lui seul, qui a mis fin à son contrat alors que l'employeur entendait, selon ses dires, l'engager en CDI. Elle fait valoir que lorsqu'un CDD se poursuit en CDI, l'indemnité de requalification n'est pas due et qu'en l'espèce, c'est le salarié qui a pris l'initiative de la rupture, empêchant de fait l'employeur de l'engager en CDI.
Sur ce,
Il résulte des termes de l'article L. 1242-1 du code du travail qu'« un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. »
Il est par ailleurs de jurisprudence constante qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le CDD.
En l'espèce, il est indiqué dans le contrat signé par les parties que celui-ci « est conclu pour faire face à un accroissement temporaire d'activité liée à des prestations de transport supplémentaires » (pièce 1 du salarié).
Or, il n'est pas rapporté la preuve de l'« accroissement temporaire d'activité liée à des prestations de transport supplémentaires » allégué.
Le seul fait que le contrat énonce bien un des motifs de recours visés à l'article L. 1242-2 du code du travail est inopérant à répondre au moyen, contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes.
Par ailleurs, le fait que le salarié ait pris acte de la rupture de son contrat de travail est également inopérant, l'hypothèse selon laquelle l'employeur l'aurait par la suite engagé en CDI, le privant de l'indemnité de requalification, étant totalement aléatoire, même si l'employeur lui a écrit, par message du 7 février 2023, au sujet de la visite médicale, « Je pourrais en avoir [de la place pour la visite médicale] à la fin de la période d'essai pour l'embauche » (pièce 7 du salarié).
Il s'ensuit que le CDD signé par M. [V] doit être requalifié en CDI, lui ouvrant droit au bénéfice d'une indemnité de requalification, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, en application de l'article L. 1245-2 du code du travail.
M. [V] sollicite l'allocation d'une somme de 2 459,88 euros à ce titre. Étant rappelé que la rémunération mensuelle brute du salarié est fixée à 1 713,04 euros aux termes de son contrat de travail, il lui sera allouée une somme de 2 000 euros, qui sera fixé au passif de la liquidation judiciaire.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur le salaire du mois de mars 2023
M. [V] réclame un rappel de salaire d'un montant de 454,16 euros au titre du mois de mars 2023. Il prétend que l'employeur a commis une erreur de 11,85 heures en moins dans le décompte de ses heures travaillées, d'une part, et qu'il ne lui a pas réglé les indemnités repas, d'autre part.
S'agissant du nombre d'heures travaillées, il n'est pas discuté que M. [V] a perçu un salaire correspondant à 185,15 heures alors qu'il prétend avoir accompli 197 heures.
Cette demande s'analyse en une demande d'heures supplémentaires puisque la durée contractuelle du travail a été fixée à 152 heures.
Il est rappelé qu'il résulte des dispositions des articles L. 3171-2 et suivants du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [V] produit un décompte précis des heures qu'il prétend avoir réalisées et, à l'appui de sa démonstration, les relevés de contrôle émanant du chronotachygraphe de son véhicule du mois de mars 2023 (sa pièce 5), ces éléments apparaissant suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Il n'est cependant produit aucun élément pour le compte de l'employeur, l'AGS-CGEA de [Localité 8] opposant, de façon inopérante, que les relevés de contrôle versés aux débats par le salarié sont incompréhensibles et doivent conduire au débouté.
Après analyse des pièces produites aux débats, il y a lieu de retenir l'existence d'heures supplémentaires, lesquelles seront évaluées, en tenant compte de l'horaire de référence et des heures supplémentaires déjà rémunérées, au regard de la rémunération du salarié, à la somme de 126,40 euros, outre les congés payés afférents, correspondant à la période du mois de mars 2023.
S'agissant des indemnités repas, réclamées à hauteur de 304 euros, soit 15,20 euros sur 20 jours travaillés, M. [V] invoque l'application des dispositions de la convention collective.
Selon l'article 2 du protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers annexé à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, les indemnités de repas et les indemnités de repas unique sont une somme forfaitaire allouée par l'employeur au salarié en déplacement, en complément de ce que celui-ci aurait dépensé s'il avait pris son repas à son domicile ou à son lieu de travail, le déplacement étant défini comme l'obligation impliquée par le service de quitter le lieu de travail et le domicile.
L'article 8 de ce protocole dispose : « 1° Le personnel qui se trouve, en raison d'un déplacement impliqué par le service, obligé de prendre un repas hors de son lieu de travail perçoit une indemnité de repas unique, dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, sauf taux plus élevé résultant des usages [...]».
En l'espèce, au vu des documents de contrôle, tous produits sur la période considérée, M. [V], qui fait partie du personnel roulant, justifie avoir travaillé 20 jours au mois de mars 2023 et à chaque fois, avoir été contraint de prendre ses repas hors de son domicile ou de son lieu de travail.
M. [V] est en conséquence légitime à réclamer à ce titre pour les 20 jours travaillés du mois de mars 2023, sur la base d'une indemnité repas journalière fixée à 15,20 euros, la somme totale de 304 euros.
Sur le salaire du mois d'avril 2023
Après avoir précisé qu'il n'a perçu aucun salaire à ce titre, M. [V] réclame paiement d'une somme de 2 690,56 euros, outre les congés payés afférents, se décomposant en une somme de 1 747,24 euros correspondant à son salaire de base, une somme de 450 euros à titre d'heures supplémentaires et une somme de 273,60 euros au titre de 18 indemnités repas correspondant aux 18 jours travaillés sur le mois.
Le salaire de base, qui résulte des termes du contrat de travail, n'est pas discutable.
Après analyse des pièces produites aux débats relatives au mois d'avril 2023, selon le même raisonnement que celui suivi au titre du mois de mars 2023, il y a lieu de retenir l'existence d'heures supplémentaires, lesquelles seront évaluées, au titre du mois d'avril 2023, à la somme de 423,59 euros, outre les congés payés afférents.
Au total, il est dû au salarié la somme de 2 170,83 euros outre la somme de 217,08 euros au titre des congés payés afférents.
Après avoir vérifié que le salarié a été contraint de prendre ses repas hors de son domicile ou de son lieu de travail, les 18 jours travaillés du mois d'avril 2023, il convient de lui allouer une somme de 273,60 euros à ce titre.
Il est constant que l'indemnité de repas, ayant « pour objet de compenser le surcoût du repas consécutif au déplacement, cette indemnité constitue, nonobstant son caractère forfaitaire, un remboursement de frais qui n'entre pas dans l'assiette de l'indemnité de congés payés », aucun congés payés n'est dû sur ces indemnités (Cass. soc., 17 déc. 2014, pourvoi n° 13-14.855).
Il n'y a donc pas lieu d'additionner les sommes allouées, comme le propose à tort le salarié, certaines ouvrant droit à congés payés tandis qu'une autre n'y ouvre pas droit.
Sur la remise des bulletins de salaire
M. [V] réclame qu'il lui soit remis les bulletins de salaire du mois de mars 2023, compte tenu de la rectification intervenue, ainsi que ceux des mois d'avril et mai 2023, qu'il prétend ne pas avoir reçus.
Il demande la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la remise des bulletins de salaire d'avril et mai 2023 et la condamnation du mandataire liquidateur à lui remettre un bulletin de salaire rectifié pour mars 2023.
La cour constate que M. [V] ne demande pas d'indemnisation pour la remise tardive de ses bulletins de salaire, de sorte qu'il conviendra d'examiner cette demande en même temps que sa demande accessoire tendant à la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif.
Sur le travail dissimulé
M. [V] sollicite l'allocation d'une indemnité forfaitaire de 14 759,25 euros à ce titre.
A l'appui de sa demande, il soutient que son employeur a manqué à son obligation de payer la totalité de son salaire de mars 2023 et qu'il ne lui a rien versé au titre du salaire d'avril 2024, qu'en outre, il s'est soustrait à son obligation de lui remettre ses bulletins de salaire malgré ses demandes. Il prétend encore que son employeur lui a demandé de placer le sélecteur de son chronotachygraphe en position repos pendant les temps de chargement et de déchargement et qu'il a demandé à un mécanicien d'enlever la carte de l'appareil. Il conclut à l'intentionnalité des faits.
L'AGS-CGEA de [Localité 8] conteste cette demande et, en tout état de cause, dénie sa garantie à ce titre.
Elle fait valoir que la preuve n'est pas rapportée, ni de l'ordre qui aurait été donné au salarié de mettre son chronotachygraphe en position repos pendant les temps de chargement et de déchargement, ni du non-paiement d'une partie du salaire de mars 2023 et de l'intégralité de celui d'avril 2023, également que l'absence de remise des bulletins de salaire ne rentre pas dans la définition du travail dissimulé.
Sur ce,
L'article L. 8221-5 du code du travail dispose : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales. »
Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce toutefois, l'intention de l'employeur de dissimuler des heures de travail n'apparaît pas établie, dès lors qu'il n'est pas remis en cause que celui-ci a bien effectué la déclaration préalable à l'embauche, qu'il a bien payé le salaire du mois de février 2023 ainsi que le salaire du mois de mars 2023, même s'il existait un différend sur les heures réalisées et les indemnités de repas, que les difficultés se sont cristallisées en avril 2023, alors que la société [R] Express ne parvenait manifestement plus à respecter le plan de redressement mis à sa charge, sans que cette circonstance ne permette de caractériser que l'employeur ait agi de manière intentionnelle, le salarié parlant lui-même de comportement négligent de son employeur, page 2 de ses conclusions.
M. [V] allègue par ailleurs qu'il lui a été demandé, pendant l'exécution de son contrat de travail, de « placer le sélecteur de son chronotachygraphe en position repos pendant les périodes de chargement et de déchargement ».
L'unique échange de SMS qu'il produit à ce sujet n'est cependant pas probant. Outre qu'il n'a pas été authentifié, il ne contient pas d'ordre précis, mais d'avantage des conseils et il concerne une situation particulière en relation avec une attente exceptionnellement longue pour décharger, qui ne permet pas d'établir une pratique généralisée, ni qu'elle aurait été constitutive d'un temps de travail effectif (pièce 8 du salarié).
M. [V] allègue également qu'il a été demandé au mécanicien, lorsqu'il emmenait le véhicule au garage, d'enlever sa carte conducteur.
L'échange de messages produit à ce sujet mentionne :
M. [V] ; « Pourquoi tu demandes au mécanicien d'enlever ma carte conducteur du camion ' »
[W] [R] : « Bonjour [C], c'est juste parce qu'une fois, on a eu un problème en passant la valise, ça effaçait les données de carte chauffeur » (pièce 23 du salarié)
Il sera constaté que le salarié n'explicite pas son argument et que la réponse apportée apparaît acceptable, de sorte que cet élément sera écarté, comme non probant.
Dans ces conditions, faute pour M. [V] de rapporter la preuve du caractère intentionnel du travail dissimulé qu'il reproche à son employeur, celui-ci sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.
Sur l'exécution fautive du contrat de travail
M. [V] sollicite l'allocation d'une somme de 9 839,50 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1231-1 du code civil.
Il expose qu'en raison des manquements de l'employeur à ses différentes obligations, il subit un préjudice incontestable, d'abord financier, mais également moral, compte tenu des façons de faire inacceptables de l'entreprise. Il souligne qu'à ce jour, il n'est toujours pas rémunéré pour son travail, et il ne peut justifier, via ses bulletins de salaire, de sa situation auprès de l'administration.
Il poursuit donc l'infirmation du jugement de ce chef, en ce qu'il a été débouté de cette demande.
L'AGS-CGEA de [Localité 8] s'oppose à la demande, faisant valoir qu'aucune pièce n'est produite, ni aucune explication donnée à l'appui de cette prétention. Elle s'étonne que le salarié réclame une somme aussi précise et soutient qu'il devrait, dans ces conditions, démontrer au centime près, l'existence de son préjudice.
Sur ce,
L'article 1231-1 du code civil dispose : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »
En l'espèce, M. [V] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui, déjà indemnisé par la teneur de la décision rendue, incluant rappels de salaire et intérêts moratoires.
Il ne justifie par aucune pièce utile que l'absence de remise de certains bulletins de salaire ont eu une incidence sur le paiement des indemnités journalières auxquelles il pouvait prétendre. Il produit certes, un échange de messages avec la caisse primaire d'assurance maladie du 23 mai 2023 aux termes duquel il demande quelles pièces il doit produire et la CPAM lui répond qu'il est nécessaire de produire notamment les 12 derniers bulletins de salaire, mais il n'est pas indiqué quelle suite a été donnée à cette démarche et si le salarié a effectivement subi une perte d'indemnisation ou même un retard dans le versement de celle-ci (pièce 15 du salarié).
Dans ces conditions, faute pour M. [V] de rapporter la preuve d'un préjudice spécifique, il sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.
Sur le harcèlement moral
En application des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Aux termes de l'article L. 1154-1 du même code, « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 [...], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il y a lieu d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il y a lieu d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l'appui de sa demande tendant à ce qu'il soit reconnu qu'il a été victime de faits de harcèlement moral, M. [V] se limite à énoncer : « A plus forte raison, l'employeur a manqué à son obligation de loyauté dans l'exécution de la convention synallagmatique qu'est le contrat de travail qui liait les parties notamment au regard de l'absence de remise de bulletins de salaire malgré les demandes du salarié, ainsi qu'au recours au travail dissimulé, outre l'attitude permettant d'établir le harcèlement moral », sans énoncer spécifiquement des faits à l'appui de sa demande.
M. [V] énonce toutefois dans ses conclusions différents manquements qu'il reproche à son employeur au titre de l'exécution du contrat de travail, qu'il convient d'examiner ici.
Il invoque, en premier lieu, le versement tardif et incomplet du salaire du mois de mars 2023.
Il explique qu'il a fini par obtenir, non sans mal, le paiement de son salaire de mars 2023, le 16 mai 2023, après plusieurs rejets de chèque, dont il justifie, caractérisant ainsi le retard de paiement.
Ce fait est établi.
M. [V] invoque, en deuxième lieu, le non-versement du salaire d'avril 2023, ce fait étant également établi.
M. [V] invoque, en troisième lieu, la non-remise de ses bulletins de salaire d'avril, mai et juin 2023. Ce fait est établi.
M. [V] invoque en quatrième lieu le recours au travail dissimulé, ce qui n'a pas été retenu.
M. [V] invoque, en cinquième et dernier lieu, le manquement de l'employeur à son obligation de loyauté, sans expliciter davantage cet élément qui sera écarté.
Au demeurant, M. [V], qui ne verse aux débats que 4 arrêts de travail à compter du 3 mai 2023, le dernier étant illisible, ne produit aucun élément médical, permettant d'apprécier de l'existence ou non d'une altération de sa santé physique ou psychique en lien avec ses conditions de travail.
Il s'ensuit qu'en l'état des explications et des pièces fournies, dans le contexte de difficultés financières rencontrées par l'entreprise comme en témoigne la cessation des paiements actée au 29 août 2022, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer, appréciés dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée.
M. [V] sera débouté de sa demande à ce titre, par confirmation du jugement entrepris, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner si l'employeur justifie ses décisions par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail
En vertu des dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Le salarié peut mettre fin au contrat de travail unilatéralement en raison de faits imputables à l'employeur. Cette prise d'acte de la rupture produit les effets soit d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire. C'est au salarié de rapporter la preuve de ces manquements et de leur gravité.
Il est précisé que dans la mesure où les motifs énoncés dans la lettre de prise d'acte ne fixent pas les limites du litige, il y a lieu d'examiner tous les griefs invoqués par le salarié, même s'ils ne sont pas mentionnés dans la lettre.
M. [V] sollicite, à titre principal, que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement nul, en raison du harcèlement moral qu'il prétend avoir subi. Mais, dès lors qu'il a été retenu qu'il n'avait pas été victime de faits de harcèlement moral, il doit être débouté de cette demande.
M. [V] sollicite, à titre subsidiaire, que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au regard des développements qui précèdent, il rapporte effectivement la preuve de manquements de son employeur, tenant au non-paiement de salaire et à la non-remise de bulletins de salaire, dont la gravité, en ce qu'ils ont privé le salarié de son moyen de subsistance, justifie la prise d'acte.
Le jugement dont appel sera en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu que la prise d'acte s'analysait en une démission.
Sur l'indemnisation du salarié
M. [V] sollicite une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents.
Il est précisé qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte des heures supplémentaires revendiquées dans l'assiette des indemnités, celles-ci n'étant ni contractualisées, ni habituelles et pour partie non retenues.
S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il sollicite l'allocation d'une somme de 2 459,88 euros.
Il est rappelé que l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au présent litige, prévoit au profit du salarié ayant moins d'un an d'ancienneté et ayant travaillé dans une entreprise employant moins de onze salariés, dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, une indemnité maximale d'un mois de salaire brut à la charge de l'employeur.
Sur cette base, compte tenu des circonstances de la rupture mais en l'absence d'information sur la situation actuelle du salarié, il convient d'évaluer le préjudice qu'il a subi du fait de la rupture injustifiée de son contrat de travail à la somme de 1 500 euros.
S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, le salarié réclame une somme de 568,10 euros outre les congés payés afférents.
Conformément aux articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail et à la convention collective applicable, laquelle prévoit qu'en cas de licenciement d'un ouvrier comptant moins de 6 mois d'ancienneté, période d'essai comprise, le délai-congé est d'une semaine,
M. [V] peut prétendre, sur la base d'un salaire contractuel de 1 713,04 euros, à la somme de 395,62 euros outre les congés payés afférents.
Sur l'indemnité compensatrice de congés payés
M. [V] sollicite en outre une indemnité compensatrice de congés payés d'un montant de 441,35 euros outre les congés payés afférents.
A l'appui de sa demande, il explique qu'il bénéficiait de 3,34 jours de congés sur le bulletin de salaire de mars 2023, que ce nombre doit être porté à 4 et rémunéré au moyen d'une indemnité compensatrice.
L'AGS-CGEA de [Localité 8] indique s'en rapporter à justice sur cette demande.
Sur ce,
Il est rappelé que la rupture du contrat avant que le salarié ait pu solder l'intégralité de ses droits à congé annuel lui ouvre le droit à une indemnité compensatrice de congés payés.
La prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail mettant fin immédiatement au contrat de travail, c'est à la date de cette prise d'acte qu'il y a lieu de se placer pour calculer l'indemnité compensatrice (Cass. soc., 4 avr. 2007, pourvoi n° 05-43.406).
M. [V] produit son bulletin de salaire de mars 2023, dont il résulte qu'il a acquis 3,34 jours de congés payés, portés à 4, conformément aux dispositions de l'article L. 3141-7 du code du travail qui édictent : « Lorsque le nombre de jours ouvrables calculé conformément aux articles L. 3141-3 et L. 3141-6 n'est pas un nombre entier, la durée du congé est portée au nombre entier immédiatement supérieur. »
Il peut donc prétendre, sur la base d'un salaire de 1 713,04 euros, à la somme de 228,40 euros, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, sans qu'il y ait lieu à condamnation à congés payés en plus.
Sur la fixation au passif de la procédure collective
Il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et qu'en application des dispositions des articles L. 622-22 et L. 625-1 du même code, les éventuelles créances du demandeur ne pourront faire l'objet, le cas échéant, que d'une fixation au passif de la liquidation judiciaire.
Sur la garantie de l'AGS-CGEA de [Localité 8]
Aux termes de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ainsi que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d'observation.
Compte tenu de la nature des sommes allouées, l'AGS-CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 8] dans la limite de sa garantie.
Au-delà, l'AGS-CGEA de [Localité 8] demande d'exclure de sa garantie les demandes liées à la requalification de la prise d'acte, ainsi que les demandes concernant les astreintes, les frais irrépétibles et les dépens.
Si les exclusions demandées au titre des astreintes, des frais irrépétibles et des dépens sont acquises, il est précisé qu'au contraire, l'assurance couvre les créances impayées résultant de la rupture du contrat de travail, lorsque le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail pendant l'une des périodes visées à l'article L. 3253-8 2° du code du travail, en raison des manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite du contrat (Cass. soc., 8 janvier 2025, pourvoi n° 20-18.484).
L'AGS-CGEA de [Localité 8] demande également de limiter sa garantie concernant les salaires des mois de mars et avril 2023 à la somme maximale de 2 569,56 euros en brut correspondant à 45 jours sur la base d'un salaire de 1 713,04 euros. Elle fait valoir que toute somme sollicitée pour la période comprise entre le redressement judiciaire de la société, ici ouvert le 28 novembre 2019, et la conversion en liquidation judiciaire, prononcée le 29 février 2024, est limitée dans le cadre de la garantie due par l'AGS à un montant maximal d'un mois et demi, soit 45 jours de travail, en application de l'article L. 3253-5 5° du code du travail.
La cour donne acte à l'AGS de cette limitation qu'elle entérine.
Pour le surplus des demandes de l'AGS-CGEA de [Localité 8], il sera rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.
Sur la remise des documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt
M. [V] est bien fondé à solliciter la remise par Me [U], ès qualités, d'un certificat de travail, d'une attestation destinée à France Travail, anciennement Pôle emploi, et d'un bulletin de salaire récapitulatif, et non les bulletins de salaire des mois de mars, avril et mai 2023 comme demandés, compte tenu des rectifications à y apporter, l'ensemble de ces documents devant être conformes aux termes du présent arrêt.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
Tenant compte de la décision rendue, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [V] aux dépens et confirmé en ce qu'il n'a pas prononcé de condamnation au titre des frais irrépétibles.
Il convient d'inscrire au passif de la société [R] Express les entiers dépens, de première instance et d'appel, tels qu'ils sont définis par l'article 695 du code de procédure civile, ainsi qu'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 250 euros.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Evreux le 6 juin 2024, excepté en ce qu'il a débouté M. [S] [V] de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, d'indemnité pour licenciement nul et d'indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [S] [V] est justifiée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS [R] Express au profit de M. [S] [V] les sommes suivantes :
. 2 000 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée,
. 126,40 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires correspondant au mois de mars 2023,
. 12,64 euros au titre des congés payés afférents,
. 304 euros au titre des indemnités de repas du mois de mars 2023,
. 1 747,24 euros au titre du salaire de base du mois d'avril 2023
. 174,72 euros au titre des congés payés afférents,
. 423,59 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires correspondant au mois de mars 2023,
. 42,35 euros au titre des congés payés afférents,
. 273,59 euros au titre des indemnités de repas du mois d'avril 2023,
. 1 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 395,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 39,56 euros au titre des congés payés afférents,
. 228,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
. les entiers dépens de première instance et d'appel,
. 250 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [S] [V] de ses demandes plus amples ou contraires,
ENJOINT à Me [L] [U] en qualité de mandataire liquidateur de la société [R] Express de remettre à M. [S] [V] un certificat de travail, une attestation destinée à France Travail et un bulletin de paie récapitulatif conformes aux termes du présent arrêt.
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 8] dans les limites de sa garantie légale,
RAPPELLE que l'assurance couvre les créances impayées résultant de la rupture du contrat de travail, lorsque le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail pendant l'une des périodes visées à l'article L. 3253-8 2° du code du travail, en raison des manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite du contrat,
CONSTATE que la garantie de l'AGS concernant les salaires des mois de mars et avril 2023 est limitée à la somme maximale de 2 569,56 euros brute,
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Valérie de Larminat, présidente, et par Mme Fatiha Karam, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,