CA Douai, ch. 2 sect. 1, 16 octobre 2025, n° 24/03820
DOUAI
Autre
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 16/10/2025
N° de MINUTE :
N° RG 24/03820 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VWTD
Ordonnance (N° 2024/17) rendue le 16 juillet 2024 par le tribunal de commerce d'Arras
APPELANTE
SAS Vérisure prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité au siège
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai avocat constitué, assistée de Me Louis Gayon, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉE
SAS Artemis Security
ayant son siège social
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Thomas Minne, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 30 avril 2025 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Béatrice Capliez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Aude Bubbe, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 octobre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pauline Mimiague, conseiller, pour le président empêché et Béatrice Capliez, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 12 février 2025
EXPOSÉ DU LITIGE
Invoquant la violation d'une obligation de non-concurrence de son ancienne salariée Mme [G] [Y] avec la complicité de la société Artemis Security, la société Verisure (anciennement dénommée Securitas Direct), a déposé une requête auprès du président du tribunal de commerce d'Arras aux fins de voir ordonner une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 29 novembre 2023 qui, notamment :
- autorise la société Verisure à solliciter tou(s) commissaire(s) de justice de son choix, (...), pour qu'il(s) se rende(nt) dans l'établissement de la société Artemis Security, au [Adresse 2], ainsi qu'en tous autres locaux où se trouveraient les éléments décrits ci-après,
afin de :
- se faire remettre et/ou rechercher, notamment sur tout support informatique, se faire remettre ou procéder à une copie numérique ou papier, et recueillir à titre conservatoire tous actes, contrats dont contrats de travail et avenants, documents dont notamment bulletins de paie, courriers ou courriers électroniques, datés, créés ou modifiés entre le 1er décembre 2021 et le 28 février 2023, présents ou effacés, comportant les prénoms et/ou nom patronymique de Madame [G] [Y] sous l'une des orthographes suivantes '[G] [Y]' ou '[G] [Y]' ou '[G]' ou '[Y]', associés pour chacune de ces ortho-graphes à l'un des termes suivants : 'TELESURVEILLANCE', ou TS' ou 'VERISURE' ou 'SECURITAS DIRECT' ou [R] [B]' ou 'VA', tous ces termes pouvant être pris en majuscules ou en minuscules,
- ordonne au commissaire de justice instrumentaire de ne recueillir que des éléments en rapport avec les faits énoncés dans la requête et en rapport avec le périmètre de la présente ordonnance et d'expurger des documents séquestrés ceux qui n'entrent pas dans le champ ainsi délimité, tels que des 'correspondances confidentielles avocats',
- autorise le commissaire de justice instrumentaire ainsi que le(s) technicien(s) informatique(s) à accéder à tous supports informatiques (tels que notamment ordinateurs, serveurs, téléphones ou smartphones, disques durs, clés USB, CD ROM, etc.) présents sur place ou à distance, à installer tous logiciels adaptés aux fins de réaliser toutes investigations et /ou restaurations de fichiers effacés en rapport avec le périmètre de la présente ordonnance,
- dit que le commissaire de justice instrumentaire se constituera séquestre des éléments recueillis et que les parties viendront devant vous, en référé, afin d'examen, en présence du mandataire de justice, des pièces séquestrées et qu'il soit statué sur la communication desdites pièces,
- dit que seront exclus du périmètre du constat les éléments 'confidentiel avocat'.
La mesure a été exécutée le 24 janvier 2024 par la SAS Axcyan Cuvillon Devernay Trocme Vicongne, commissaire de justice, et les pièces collectées placées sous séquestre.
Par assignation du 15 février 2024 la société Artemis Security a saisi le président du tribunal de commerce en référé rétractation.
Par ordonnance du 16 juillet 2024 le président du tribunal a :
- jugé la société Artemis Security recevable et bien fondée en sa demande de rétractation de l'ordonnance du 29 novembre 2023 à titre principal,
- constaté l'absence de motif légitime requis par l'article 145 du code de procédure civile,
- constaté l'absence de circonstances particulières justifiant de déroger au principe du contradictoire,
- ordonné la rétractation de l'ordonnance rendue le 29 novembre 2023 à l'encontre de la SAS Artemis Security,
- ordonné la conservation sous séquestre des pièces saisies lors des opérations réalisées le 24 janvier 2024 jusqu'à ce que la levée de séquestre soit tranchée et que tous les recours ou délais de recours sur la demande de rétractation soient définitivement tranchés ou expirés,
- débouté la société Verisure de ses demandes autres, plus amples ou contraires,
- débouté la société Artemis Security de ses demandes complémentaires,
- condamné la société Verisure à payer à la société Artemis Security la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Verisure aux entiers dépens en ce compris les frais et débours de greffe taxés et liquidés à la somme de 40,66 euros.
Par déclaration remise au greffe de la cour le 30 juillet 2024 la société Verisure a relevé appel de cette ordonnance, déférant à la cour l'ensemble de ses chefs à l'exception de celui déboutant la société Artemis Security de ses autres demandes.
La société Artemis Security a constitué avocat le 23 octobre 2024 et par conclusions remises au greffe le 1er novembre 2024 a formé appel incident contre le jugement en ce qu'il a ordonné la conservation sous séquestre des pièces saisies.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour et notifiées par voie électronique le 21 novembre 2024 la société Verisure demande à la cour de :
- à titre principal : annuler sinon réformer l'ordonnance de référé dans les termes de la déclaration d'appel,
statuant à nouveau,
- dire n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance du 29 novembre 2023,
- débouter la Société Artemis Security de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- ordonner la mainlevée des pièces placées sous le séquestre de la société Axcyan Cuvillon Devernay Trocme Vicongne, commissaire de justice ayant procédé aux opérations le 24 janvier 2024,
- ordonner en conséquence leur communication à la société Verisure qui pourra librement en disposer dès le jour de l'arrêt à intervenir,
à titre subsidiaire,
- dire que la société de commissaire de justice conservera sous séquestre l'ensemble des pièces saisies à l'occasion des opérations réalisées le 24 janvier 2024 jusqu'à ce que tous les recours suspensifs ou non, ou délais de recours sur la demande de rétractation soient définitivement tranchés ou expirés,
- débouter la société Artemis Security de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- en tout état de cause, débouter la société Artemis Security de toutes ses demandes, fins et prétentions, la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 11 février 2025 la société Artemis Security demande à la cour de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société Verisure,
- infirmer l'ordonnance du 16 juillet 2024 en ce qu'elle a ordonné la conservation sous séquestre des pièces saisies,
statuant à nouveau,
- ordonner à la société Axcyan Cuvillon Devernay Trocme Vicongne, commissaire de justice, de lui restituer l'intégralité des pièces et documents appréhendés lors des opérations d'instruction et copiés sur support électronique,
- ordonner la 'suppression et/ou la destruction' de tout document ou fichier saisi et de tout support qui aurait servi au transfert desdites données et ce, dans les sept jours à compter de la décision à intervenir,
- dire qu'il sera dressé un procès-verbal de cette destruction, dont un exemplaire lui sera remis,
- faire interdiction au commissaire de justice instrumentaire et à l'expert informatique qui l'aurait accompagné de faire mention ou de révéler à quelque titre que ce soit les informations auxquelles ils auraient eu accès dans le cadre des opérations qu'ils ont menées,
- en tout état de cause, condamner la société Verisure à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens dont distraction à Me Thomas Minne, avocat au barreau de Lille.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'instruction est intervenue le 12 février 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 30 avril 2025.
Par avis transmis aux conseils des parties en cours de délibéré, le 25 septembre 2025, la cour a relevé d'office le moyen de fin de non-recevoir tiré du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction statuant avec les pouvoirs du juge de la rétractation pour statuer sur la demande de mainlevée du séquestre et la communication des pièces séquestrées.
MOTIFS
Sur la rétractation de l'ordonnance sur requête
En vertu de l'article 145 du code de procédure civile s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Selon l'article 493 du même code, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.
S'agissant en premier lieu du motif légitime, le premier juge a considéré qu'il n'était rapporté aucun élément en lien avec d'éventuels faits de concurrence déloyale, qu'il n'était pas fait la démonstration d'une embauche frauduleuse de Mme [Y] par la société Artemis Security, alors qu'elle était embauchée par la société Artemis Events, ni de manoeuvres dolosives ou déloyales ayant causé un préjudice avéré ; il a conclu qu'il n'était justifié d'aucun élément concret et fiable ni de raisons légitimes suffisantes pour suspecter que Mme [Y] aurait exercé des activités directement concurrentes chez son nouvel employeur. Le premier juge a rappelé que l'article 146 du code de procédure civile interdit qu'une mesure de l'article 145 ait pour finalité de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.
Une mesure d'instruction ne peut toutefois être refusée au motif que le requérant ne rapporte pas la preuve que la mesure a pour objet d'établir. Il suffit en effet de caractériser un litige potentiel à partir de faits plausibles découlant d'éléments objectivement étayés.
La société Verisure invoque la violation d'une clause de non-concurrence par Mme [Y] avec la complicité de la société Artemis Security.
Il ressort des éléments communiqués que :
- le 2 janvier 2018 Mme [Y] a été embauchée par la société Verisure, qui exerce une activité de 'fourniture de services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles', en qualité de 'Responsable d'activité télésurveillance' (puis de 'Responsable activité télésurveillance France & site VA'), activité qu'elle a exercée à [Localité 8] (59 262),
- Mme [Y] a mis fin à ce contrat par lettre de démission du 17 décembre 2021 et a quitté l'entreprise le 28 février suivant,
- selon contrat de travail, versé aux débats par la société Artemis Security, Mme [Y] a été embauchée le 1er mars 2022 par la société Artemis Events qui a une activité de 'prestations d'accueil' ; son contrat de travail mentionne des fonctions de 'Directrice Qualité' et un lieu de travail à [Localité 6] et à [Localité 7].
Il est établi que le contrat de travail de Mme [Y] avec la société Verisure contenait une clause de non-concurrence (selon avenant au contrat de travail du 18 décembre 2020) sur une période de douze mois à compter du départ effectif de la salariée de la société et sur la zone de France métropolitaine ou à destination d'une clientèle située sur ce secteur. La clause prévoit notamment que la violation par la salariée de son obligation de non-concurrence dispensera la société du paiement de l'indemnité prévue, le remboursement des indemnités déjà perçues et le paiement d'une indemnité dont les modalités sont précisées.
Il est justifié du versement par la société Verisure de l'indemnité prévue en contrepartie de cette obligation de non-concurrence.
La société Verisure verse aux débats une lettre anonyme, non datée, qu'elle dit avoir reçue courant mars 2023, aux termes de laquelle l'auteur indique avoir travaillé pour Artemis et que :
ayant été viré comme une malpropre pour des raisons de découverte d'élément caché, je viens vers vous afin de partager ces informations :
L'embauche en début d'année d'une personne [G] [Y] percevant encore rétribution de clause de non concurrence de la part de Véritas [la lettre étant adressée à 'Verisure'] et qui occupe le poste identique au sein de la société.
En effet suite au rachat de Domoveille par Artemis, celle-ci a été embauché avec son frère pour diriger la télésurveillance.
Artemis lui a donné un poste officieux pour ne pas éveiller les soupçons.
Certes cette lettre n'est pas datée et n'indique pas manière précise la période concernée, mais il peut être relevé que l'obligation de non-concurrence était encore en cours en début d'année 2023 et elle n'apparaît pas dénuée de tout sérieux dès lors qu'elle comporte des affirmations même imprécises qui sont corroborées par d'autres éléments :
- il existe une société dénommée Domovision, qui a acquis un fonds de commerce d'une société Domoveil en octobre 2021, qui est devenue en 2021 la propriété de la société Artemis Group, à laquelle appartient aussi la société Artemis Events ; la société Domovision est devenue la société 'Artemis Telesurveillance' le 22 septembre 2021 et a son siège à [Localité 9],
- selon des extraits du réseau social 'LinkedIn' (édités le 5 novembre 2023), il apparaît qu'un certain M. [T] [Y] a travaillé pour la société Verisure entre septembre 2020 et mai 2022 et se présente comme chef d'équipe commercial chez Artemis Group depuis juin 2022.
Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats que la société Artemis Group a également pour filiale la société Artemis Security dont l'objet est le même que celui de la société Verisure (surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeuble ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles) et qui dispose d'un établissement secondaire à [Localité 6] ([Adresse 2]), l'un des lieux d'exercice prévu dans le contrat de travail de Mme [Y], aucune pièce ne faisant ressortir que la société Artemis Events aurait un établissement à cette adresse. Certaines pièces évoquent une 'agence' de la société Artemis Group à [Localité 6] mais aucun établissement secondaire n'est déclaré à cette adresse sur les documents relatifs à la société Artemis Group.
Il peut être relevé que le profil de Mme [Y] sur le réseau social 'LinkedIn', qui présente ses activités professionnelles depuis 2009, n'a pas été mis à jour après son départ de la société Verisure, les éléments édités en septembre 2023 et mars 2024 la présentent encore comme responsable télésurveillance chez la société Verisure et ne fait pas mention de ses activités chez Artemis Events.
La cour ne tient pas compte du rapport établi par un détective privé communiqué par la société Verisure dans la mesure où les conditions dans lesquelles l'enquête a été menée par ce détective sont inconnues et où le rapport contient des affirmations sur des faits sans aucune mention des constatations ou des éléments matériels qui auraient permis de les établir.
Il n'en reste pas moins que l'existence d'une clause de non-concurrence, les éléments évoqués dans la lettre anonyme, le lieu d'activité de la société Artemis Security suspectée d'avoir utilisé les services de Mme [Y] et ses liens avec la société Artemis Events via la société Artemis Group, le silence de Mme [Y] sur son profil LindedInd sur ses activités professionnelles depuis le mois de mars 2022, constituent des indices sérieux et précis, objectivement étayés, rendant plausible l'existence d'un litige relatif à la violation d'une clause de non-concurrence ou d'actes de concurrence déloyale imputables à la société Artemis Security qui aurait engagé Mme [Y] de manière illicite, et susceptibles de porter préjudice de la société Verisure au regard des indemnités versées à Mme [Y] en contrepartie de la clause de non-concurrence.
Le premier juge a relevé que l'action de la société Verisure était mal dirigée parce que Mme [Y] était salariée de la société Artemis Events et non de la société Artemis Security, mais il apparaît justifié de procéder à une mesure d'investigation dans les locaux de la société Artemis Security pour laquelle elle est suspectée d'avoir travaillé sous couvert d'un contrat de travail signé avec la société Artemis Events, étant relevé en tout état de cause que l'article 145 du code de procédure civile n'exige pas que la personne supportant la mesure soit le défendeur du futur procès en vue duquel la mesure est sollicitée.
Il est ainsi justifié d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, à savoir le fait que Mme [Y] aurait exercé une activité au profit de la société Artemis Security en violation de sa clause de non-concurrence.
Enfin, la cour constate que les mesures d'investigation sont circonscrites dans le temps et dans leur objet, en ce qu'elles ne portaient que sur une période limitée, le fait qu'elles couvrent une période débutant avant la mise en oeuvre de la clause de non-concurrence étant justifiée au regard du litige potentiel qui suppose aussi de connaître les conditions d'embauche de la salariée par une société du groupe Artemis.
S'agissant par ailleurs des circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, la cour constate en premier lieu que la requête, comme l'ordonnance, sont motivées à cet égard.
Il peut être relevé en second lieu que le juge de la rétractation a considéré que la société Verisure 'n'avait pas d'éléments probants' justifiant de déroger au principe du contradictoire sans analyser les circonstances évoquées dans la requête.
La société Artemis Security conclut à l'absence de motif légitime susceptible de justifier une dérogation à la règle de la contradiction relevant que la requête ne repose que sur de simples allégations, que le contexte de la rupture du contrat de travail ne révèle aucun conflit entre Mme [Y] et la société Verisure, ni aucun élément établissant une volonté de dissimulation.
Toutefois, au regard de la nature des pièces que la mesure a pour objet de rechercher (notamment fichiers informatiques), aisément effaçables ou dissimulables, et d'un risque de concertation entre les personnes concer-nées résultant de la nature des faits suspectés, à savoir une embauche sur un poste officieux pour contourner une clause de non-concurrence, qui sous-entend une concertation entre les parties concernées, il est justifié de circonstances rendant nécessaire, pour éviter une déperdition des preuves, la dérogation au principe de la contradiction.
Il en résulte que la demande de mesures d'instruction était justifiée et il convient dès lors d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'il a fait droit à la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête et aux demandes conséquentes, de rejeter la demande de rétractation et la cour constate alors que les demandes de la société Artemis Security relatives à la restitution ou la destruction des documents appréhendés lors des opérations d'instruction sont sans objet.
Sur la demande de mainlevée du séquestre de communication des pièces objet de la mesure
La société Verisure sollicite la mainlevée du séquestre et la communication des pièces saisies et par avis transmis à la cour le 2 octobre 2025, fait valoir que l'interprétation qui peut être donnée de l'article 496 du code de procédure civile pour limiter la saisine du juge de la rétractation à la question de la rétractation n'apparaît pas interdire de saisir la juridiction de prétentions accessoires, d'autant, qu'en l'espèce, l'ordonnance du 29 novembre 2023 précise que la mainlevée du séquestre et la communication des pièces relèvent de la compétence de la même juridiction, et que l'effet dévolutif de l'appel permet à la cour d'appel, après examen de la question de la rétractation de l'ordonnance, de se saisir des demandes de mainlevée de séquestre et de communication des pièces.
Toufefois, l'instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet, de sorte que la cour, statuant avec les pouvoirs de ce juge, n'a pas le pouvoir juridictionnel d'ordonner la mainlevée de la mesure de séquestre et la communication des pièces placées sous séquestre, peu important que l'ordonnance sur requête mentionne qu'il y aura lieu de saisir le même juge pour demander la levée du séquestre.
Les demandes de la société Verisure seront donc déclarées irrecevables.
Sur les demandes accessoires
La mesure d'instruction n'étant ordonnée qu'au bénéfice de celui qui la sollicite en vue d'un éventuel futur procès au fond et l'instance en rétractation ayant pour objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées, la partie défenderesse à une demande de mesure d'instruction ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile. Il convient dès lors de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société Verisure et, en équité, de laisser à chacune des parties la charge de ses frais non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 29 novembre 2023 ;
Déclare irrecevables la demande de mainlevée de la mesure de séquestre ordonnée par cette ordonnance et la demande de communication des pièces placées sous séquestre ;
Condamne la société Verisure aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Béatrice Capliez
Le conseiller, pour le président empêché
Pauline Mimiague
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 16/10/2025
N° de MINUTE :
N° RG 24/03820 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VWTD
Ordonnance (N° 2024/17) rendue le 16 juillet 2024 par le tribunal de commerce d'Arras
APPELANTE
SAS Vérisure prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité au siège
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai avocat constitué, assistée de Me Louis Gayon, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉE
SAS Artemis Security
ayant son siège social
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Thomas Minne, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 30 avril 2025 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Béatrice Capliez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Aude Bubbe, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 octobre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pauline Mimiague, conseiller, pour le président empêché et Béatrice Capliez, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 12 février 2025
EXPOSÉ DU LITIGE
Invoquant la violation d'une obligation de non-concurrence de son ancienne salariée Mme [G] [Y] avec la complicité de la société Artemis Security, la société Verisure (anciennement dénommée Securitas Direct), a déposé une requête auprès du président du tribunal de commerce d'Arras aux fins de voir ordonner une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 29 novembre 2023 qui, notamment :
- autorise la société Verisure à solliciter tou(s) commissaire(s) de justice de son choix, (...), pour qu'il(s) se rende(nt) dans l'établissement de la société Artemis Security, au [Adresse 2], ainsi qu'en tous autres locaux où se trouveraient les éléments décrits ci-après,
afin de :
- se faire remettre et/ou rechercher, notamment sur tout support informatique, se faire remettre ou procéder à une copie numérique ou papier, et recueillir à titre conservatoire tous actes, contrats dont contrats de travail et avenants, documents dont notamment bulletins de paie, courriers ou courriers électroniques, datés, créés ou modifiés entre le 1er décembre 2021 et le 28 février 2023, présents ou effacés, comportant les prénoms et/ou nom patronymique de Madame [G] [Y] sous l'une des orthographes suivantes '[G] [Y]' ou '[G] [Y]' ou '[G]' ou '[Y]', associés pour chacune de ces ortho-graphes à l'un des termes suivants : 'TELESURVEILLANCE', ou TS' ou 'VERISURE' ou 'SECURITAS DIRECT' ou [R] [B]' ou 'VA', tous ces termes pouvant être pris en majuscules ou en minuscules,
- ordonne au commissaire de justice instrumentaire de ne recueillir que des éléments en rapport avec les faits énoncés dans la requête et en rapport avec le périmètre de la présente ordonnance et d'expurger des documents séquestrés ceux qui n'entrent pas dans le champ ainsi délimité, tels que des 'correspondances confidentielles avocats',
- autorise le commissaire de justice instrumentaire ainsi que le(s) technicien(s) informatique(s) à accéder à tous supports informatiques (tels que notamment ordinateurs, serveurs, téléphones ou smartphones, disques durs, clés USB, CD ROM, etc.) présents sur place ou à distance, à installer tous logiciels adaptés aux fins de réaliser toutes investigations et /ou restaurations de fichiers effacés en rapport avec le périmètre de la présente ordonnance,
- dit que le commissaire de justice instrumentaire se constituera séquestre des éléments recueillis et que les parties viendront devant vous, en référé, afin d'examen, en présence du mandataire de justice, des pièces séquestrées et qu'il soit statué sur la communication desdites pièces,
- dit que seront exclus du périmètre du constat les éléments 'confidentiel avocat'.
La mesure a été exécutée le 24 janvier 2024 par la SAS Axcyan Cuvillon Devernay Trocme Vicongne, commissaire de justice, et les pièces collectées placées sous séquestre.
Par assignation du 15 février 2024 la société Artemis Security a saisi le président du tribunal de commerce en référé rétractation.
Par ordonnance du 16 juillet 2024 le président du tribunal a :
- jugé la société Artemis Security recevable et bien fondée en sa demande de rétractation de l'ordonnance du 29 novembre 2023 à titre principal,
- constaté l'absence de motif légitime requis par l'article 145 du code de procédure civile,
- constaté l'absence de circonstances particulières justifiant de déroger au principe du contradictoire,
- ordonné la rétractation de l'ordonnance rendue le 29 novembre 2023 à l'encontre de la SAS Artemis Security,
- ordonné la conservation sous séquestre des pièces saisies lors des opérations réalisées le 24 janvier 2024 jusqu'à ce que la levée de séquestre soit tranchée et que tous les recours ou délais de recours sur la demande de rétractation soient définitivement tranchés ou expirés,
- débouté la société Verisure de ses demandes autres, plus amples ou contraires,
- débouté la société Artemis Security de ses demandes complémentaires,
- condamné la société Verisure à payer à la société Artemis Security la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Verisure aux entiers dépens en ce compris les frais et débours de greffe taxés et liquidés à la somme de 40,66 euros.
Par déclaration remise au greffe de la cour le 30 juillet 2024 la société Verisure a relevé appel de cette ordonnance, déférant à la cour l'ensemble de ses chefs à l'exception de celui déboutant la société Artemis Security de ses autres demandes.
La société Artemis Security a constitué avocat le 23 octobre 2024 et par conclusions remises au greffe le 1er novembre 2024 a formé appel incident contre le jugement en ce qu'il a ordonné la conservation sous séquestre des pièces saisies.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour et notifiées par voie électronique le 21 novembre 2024 la société Verisure demande à la cour de :
- à titre principal : annuler sinon réformer l'ordonnance de référé dans les termes de la déclaration d'appel,
statuant à nouveau,
- dire n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance du 29 novembre 2023,
- débouter la Société Artemis Security de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- ordonner la mainlevée des pièces placées sous le séquestre de la société Axcyan Cuvillon Devernay Trocme Vicongne, commissaire de justice ayant procédé aux opérations le 24 janvier 2024,
- ordonner en conséquence leur communication à la société Verisure qui pourra librement en disposer dès le jour de l'arrêt à intervenir,
à titre subsidiaire,
- dire que la société de commissaire de justice conservera sous séquestre l'ensemble des pièces saisies à l'occasion des opérations réalisées le 24 janvier 2024 jusqu'à ce que tous les recours suspensifs ou non, ou délais de recours sur la demande de rétractation soient définitivement tranchés ou expirés,
- débouter la société Artemis Security de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- en tout état de cause, débouter la société Artemis Security de toutes ses demandes, fins et prétentions, la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 11 février 2025 la société Artemis Security demande à la cour de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société Verisure,
- infirmer l'ordonnance du 16 juillet 2024 en ce qu'elle a ordonné la conservation sous séquestre des pièces saisies,
statuant à nouveau,
- ordonner à la société Axcyan Cuvillon Devernay Trocme Vicongne, commissaire de justice, de lui restituer l'intégralité des pièces et documents appréhendés lors des opérations d'instruction et copiés sur support électronique,
- ordonner la 'suppression et/ou la destruction' de tout document ou fichier saisi et de tout support qui aurait servi au transfert desdites données et ce, dans les sept jours à compter de la décision à intervenir,
- dire qu'il sera dressé un procès-verbal de cette destruction, dont un exemplaire lui sera remis,
- faire interdiction au commissaire de justice instrumentaire et à l'expert informatique qui l'aurait accompagné de faire mention ou de révéler à quelque titre que ce soit les informations auxquelles ils auraient eu accès dans le cadre des opérations qu'ils ont menées,
- en tout état de cause, condamner la société Verisure à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens dont distraction à Me Thomas Minne, avocat au barreau de Lille.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'instruction est intervenue le 12 février 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 30 avril 2025.
Par avis transmis aux conseils des parties en cours de délibéré, le 25 septembre 2025, la cour a relevé d'office le moyen de fin de non-recevoir tiré du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction statuant avec les pouvoirs du juge de la rétractation pour statuer sur la demande de mainlevée du séquestre et la communication des pièces séquestrées.
MOTIFS
Sur la rétractation de l'ordonnance sur requête
En vertu de l'article 145 du code de procédure civile s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Selon l'article 493 du même code, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.
S'agissant en premier lieu du motif légitime, le premier juge a considéré qu'il n'était rapporté aucun élément en lien avec d'éventuels faits de concurrence déloyale, qu'il n'était pas fait la démonstration d'une embauche frauduleuse de Mme [Y] par la société Artemis Security, alors qu'elle était embauchée par la société Artemis Events, ni de manoeuvres dolosives ou déloyales ayant causé un préjudice avéré ; il a conclu qu'il n'était justifié d'aucun élément concret et fiable ni de raisons légitimes suffisantes pour suspecter que Mme [Y] aurait exercé des activités directement concurrentes chez son nouvel employeur. Le premier juge a rappelé que l'article 146 du code de procédure civile interdit qu'une mesure de l'article 145 ait pour finalité de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.
Une mesure d'instruction ne peut toutefois être refusée au motif que le requérant ne rapporte pas la preuve que la mesure a pour objet d'établir. Il suffit en effet de caractériser un litige potentiel à partir de faits plausibles découlant d'éléments objectivement étayés.
La société Verisure invoque la violation d'une clause de non-concurrence par Mme [Y] avec la complicité de la société Artemis Security.
Il ressort des éléments communiqués que :
- le 2 janvier 2018 Mme [Y] a été embauchée par la société Verisure, qui exerce une activité de 'fourniture de services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles', en qualité de 'Responsable d'activité télésurveillance' (puis de 'Responsable activité télésurveillance France & site VA'), activité qu'elle a exercée à [Localité 8] (59 262),
- Mme [Y] a mis fin à ce contrat par lettre de démission du 17 décembre 2021 et a quitté l'entreprise le 28 février suivant,
- selon contrat de travail, versé aux débats par la société Artemis Security, Mme [Y] a été embauchée le 1er mars 2022 par la société Artemis Events qui a une activité de 'prestations d'accueil' ; son contrat de travail mentionne des fonctions de 'Directrice Qualité' et un lieu de travail à [Localité 6] et à [Localité 7].
Il est établi que le contrat de travail de Mme [Y] avec la société Verisure contenait une clause de non-concurrence (selon avenant au contrat de travail du 18 décembre 2020) sur une période de douze mois à compter du départ effectif de la salariée de la société et sur la zone de France métropolitaine ou à destination d'une clientèle située sur ce secteur. La clause prévoit notamment que la violation par la salariée de son obligation de non-concurrence dispensera la société du paiement de l'indemnité prévue, le remboursement des indemnités déjà perçues et le paiement d'une indemnité dont les modalités sont précisées.
Il est justifié du versement par la société Verisure de l'indemnité prévue en contrepartie de cette obligation de non-concurrence.
La société Verisure verse aux débats une lettre anonyme, non datée, qu'elle dit avoir reçue courant mars 2023, aux termes de laquelle l'auteur indique avoir travaillé pour Artemis et que :
ayant été viré comme une malpropre pour des raisons de découverte d'élément caché, je viens vers vous afin de partager ces informations :
L'embauche en début d'année d'une personne [G] [Y] percevant encore rétribution de clause de non concurrence de la part de Véritas [la lettre étant adressée à 'Verisure'] et qui occupe le poste identique au sein de la société.
En effet suite au rachat de Domoveille par Artemis, celle-ci a été embauché avec son frère pour diriger la télésurveillance.
Artemis lui a donné un poste officieux pour ne pas éveiller les soupçons.
Certes cette lettre n'est pas datée et n'indique pas manière précise la période concernée, mais il peut être relevé que l'obligation de non-concurrence était encore en cours en début d'année 2023 et elle n'apparaît pas dénuée de tout sérieux dès lors qu'elle comporte des affirmations même imprécises qui sont corroborées par d'autres éléments :
- il existe une société dénommée Domovision, qui a acquis un fonds de commerce d'une société Domoveil en octobre 2021, qui est devenue en 2021 la propriété de la société Artemis Group, à laquelle appartient aussi la société Artemis Events ; la société Domovision est devenue la société 'Artemis Telesurveillance' le 22 septembre 2021 et a son siège à [Localité 9],
- selon des extraits du réseau social 'LinkedIn' (édités le 5 novembre 2023), il apparaît qu'un certain M. [T] [Y] a travaillé pour la société Verisure entre septembre 2020 et mai 2022 et se présente comme chef d'équipe commercial chez Artemis Group depuis juin 2022.
Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats que la société Artemis Group a également pour filiale la société Artemis Security dont l'objet est le même que celui de la société Verisure (surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeuble ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles) et qui dispose d'un établissement secondaire à [Localité 6] ([Adresse 2]), l'un des lieux d'exercice prévu dans le contrat de travail de Mme [Y], aucune pièce ne faisant ressortir que la société Artemis Events aurait un établissement à cette adresse. Certaines pièces évoquent une 'agence' de la société Artemis Group à [Localité 6] mais aucun établissement secondaire n'est déclaré à cette adresse sur les documents relatifs à la société Artemis Group.
Il peut être relevé que le profil de Mme [Y] sur le réseau social 'LinkedIn', qui présente ses activités professionnelles depuis 2009, n'a pas été mis à jour après son départ de la société Verisure, les éléments édités en septembre 2023 et mars 2024 la présentent encore comme responsable télésurveillance chez la société Verisure et ne fait pas mention de ses activités chez Artemis Events.
La cour ne tient pas compte du rapport établi par un détective privé communiqué par la société Verisure dans la mesure où les conditions dans lesquelles l'enquête a été menée par ce détective sont inconnues et où le rapport contient des affirmations sur des faits sans aucune mention des constatations ou des éléments matériels qui auraient permis de les établir.
Il n'en reste pas moins que l'existence d'une clause de non-concurrence, les éléments évoqués dans la lettre anonyme, le lieu d'activité de la société Artemis Security suspectée d'avoir utilisé les services de Mme [Y] et ses liens avec la société Artemis Events via la société Artemis Group, le silence de Mme [Y] sur son profil LindedInd sur ses activités professionnelles depuis le mois de mars 2022, constituent des indices sérieux et précis, objectivement étayés, rendant plausible l'existence d'un litige relatif à la violation d'une clause de non-concurrence ou d'actes de concurrence déloyale imputables à la société Artemis Security qui aurait engagé Mme [Y] de manière illicite, et susceptibles de porter préjudice de la société Verisure au regard des indemnités versées à Mme [Y] en contrepartie de la clause de non-concurrence.
Le premier juge a relevé que l'action de la société Verisure était mal dirigée parce que Mme [Y] était salariée de la société Artemis Events et non de la société Artemis Security, mais il apparaît justifié de procéder à une mesure d'investigation dans les locaux de la société Artemis Security pour laquelle elle est suspectée d'avoir travaillé sous couvert d'un contrat de travail signé avec la société Artemis Events, étant relevé en tout état de cause que l'article 145 du code de procédure civile n'exige pas que la personne supportant la mesure soit le défendeur du futur procès en vue duquel la mesure est sollicitée.
Il est ainsi justifié d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, à savoir le fait que Mme [Y] aurait exercé une activité au profit de la société Artemis Security en violation de sa clause de non-concurrence.
Enfin, la cour constate que les mesures d'investigation sont circonscrites dans le temps et dans leur objet, en ce qu'elles ne portaient que sur une période limitée, le fait qu'elles couvrent une période débutant avant la mise en oeuvre de la clause de non-concurrence étant justifiée au regard du litige potentiel qui suppose aussi de connaître les conditions d'embauche de la salariée par une société du groupe Artemis.
S'agissant par ailleurs des circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, la cour constate en premier lieu que la requête, comme l'ordonnance, sont motivées à cet égard.
Il peut être relevé en second lieu que le juge de la rétractation a considéré que la société Verisure 'n'avait pas d'éléments probants' justifiant de déroger au principe du contradictoire sans analyser les circonstances évoquées dans la requête.
La société Artemis Security conclut à l'absence de motif légitime susceptible de justifier une dérogation à la règle de la contradiction relevant que la requête ne repose que sur de simples allégations, que le contexte de la rupture du contrat de travail ne révèle aucun conflit entre Mme [Y] et la société Verisure, ni aucun élément établissant une volonté de dissimulation.
Toutefois, au regard de la nature des pièces que la mesure a pour objet de rechercher (notamment fichiers informatiques), aisément effaçables ou dissimulables, et d'un risque de concertation entre les personnes concer-nées résultant de la nature des faits suspectés, à savoir une embauche sur un poste officieux pour contourner une clause de non-concurrence, qui sous-entend une concertation entre les parties concernées, il est justifié de circonstances rendant nécessaire, pour éviter une déperdition des preuves, la dérogation au principe de la contradiction.
Il en résulte que la demande de mesures d'instruction était justifiée et il convient dès lors d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'il a fait droit à la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête et aux demandes conséquentes, de rejeter la demande de rétractation et la cour constate alors que les demandes de la société Artemis Security relatives à la restitution ou la destruction des documents appréhendés lors des opérations d'instruction sont sans objet.
Sur la demande de mainlevée du séquestre de communication des pièces objet de la mesure
La société Verisure sollicite la mainlevée du séquestre et la communication des pièces saisies et par avis transmis à la cour le 2 octobre 2025, fait valoir que l'interprétation qui peut être donnée de l'article 496 du code de procédure civile pour limiter la saisine du juge de la rétractation à la question de la rétractation n'apparaît pas interdire de saisir la juridiction de prétentions accessoires, d'autant, qu'en l'espèce, l'ordonnance du 29 novembre 2023 précise que la mainlevée du séquestre et la communication des pièces relèvent de la compétence de la même juridiction, et que l'effet dévolutif de l'appel permet à la cour d'appel, après examen de la question de la rétractation de l'ordonnance, de se saisir des demandes de mainlevée de séquestre et de communication des pièces.
Toufefois, l'instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet, de sorte que la cour, statuant avec les pouvoirs de ce juge, n'a pas le pouvoir juridictionnel d'ordonner la mainlevée de la mesure de séquestre et la communication des pièces placées sous séquestre, peu important que l'ordonnance sur requête mentionne qu'il y aura lieu de saisir le même juge pour demander la levée du séquestre.
Les demandes de la société Verisure seront donc déclarées irrecevables.
Sur les demandes accessoires
La mesure d'instruction n'étant ordonnée qu'au bénéfice de celui qui la sollicite en vue d'un éventuel futur procès au fond et l'instance en rétractation ayant pour objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées, la partie défenderesse à une demande de mesure d'instruction ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile. Il convient dès lors de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société Verisure et, en équité, de laisser à chacune des parties la charge de ses frais non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 29 novembre 2023 ;
Déclare irrecevables la demande de mainlevée de la mesure de séquestre ordonnée par cette ordonnance et la demande de communication des pièces placées sous séquestre ;
Condamne la société Verisure aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Béatrice Capliez
Le conseiller, pour le président empêché
Pauline Mimiague