CA Grenoble, ch. com., 16 octobre 2025, n° 25/01631
GRENOBLE
Autre
Autre
N° RG 25/01631 - N° Portalis DBVM-V-B7J-MV3D
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
la SELARL LEXWAY AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 16 OCTOBRE 2025
Appel d'un jugement (N° RG 25/01107) rendu par le tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 17 avril 2025 suivant déclaration d'appel du 28 avril 2025
APPELANTS :
M. [M] [O] es qualité d'associé et seul gérant de la SARL LA PLANCHETTE
né le [Date naissance 6] 1964 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 9]
représenté et plaidant par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE
S.A.R.L. LA PLANCHETTE représentée par la SELARL [F], représentée par Me [F] es qualité de mandataire ad'hoc avec pour mission de relever appel du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire rendu par le T.J. de [Localité 12] le 17.04.2025
[Adresse 2]
[Localité 9]
représentée et plaidant par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS :
Me [N] [B] es qualité de liquidateur amiable de la SARL LA PLANCHETTE
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 7]
non représenté
Me [L] [D], pris ès qualité de liquidateur de la SARL LA PLANCHETTE.
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 8]
représenté par Me Philippe LAURENT de la SELARL LEXWAY AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Alexandre SPINELLA, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Céline PAYEN, Conseillère,
Assistés lors des débats de Abla AMARI, Greffière.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et représentée lors des débats par Mme Françoise BENEZECH, avocate générale, qui a fait connaître son avis.
DÉBATS :
A l'audience publique du 4 septembre 2025, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. [M] [O] et Mme [I] [W] sont associés à 50 % chacun de la Sarl La Planchette située à [Localité 14], dont l'objet est principalement l'exploitation d'un centre équestre, activités d'élevage de chevaux et poulinière ainsi que l'aménagement de tous locaux à usage agricole et d'hébergement rural.
2. Par arrêt en date du 21 mars 2024, la cour d'appel de Grenoble a prononcé la dissolution anticipée de ladite société et désigné Me [B] en qualité de liquidateur.
3. Aux termes d'une assignation délivrée le 10 mars 2025, Mme [I] [W] a fait citer la Sarl La Planchette, prise en la personne de son liquidateur amiable, devant le tribunal de commerce de Grenoble afin que lui soit restitué son compte courant d'un montant de 169.998 euros.
4. Par requête déposée au greffe le 26 février 2025, Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable de la Sarl La Planchette, a déclaré l'état de cessation des paiements de la société et a sollicité l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
5. Par jugement du 17 avril 2025, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
- constaté l'état de cessation des paiements de la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable, dont le siège social est [Adresse 4];
- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 10 mars 2025 ;
- constaté l'impossibilité manifeste de son redressement au sens de l'article L 640-1 du code de commerce ;
- ouvert immédiatement au profit de la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable, une procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions des articles L 640-1 et suivants du code de commerce ;
- dit n'y avoir lieu à faire application, des dispositions des règles de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée prévue à l'article L 641-2 du code de commerce ;
- désigné Mme [T] en qualité de juge-commissaire, Mme [G] en qualité de juge commissaire suppléant et Me [D], sis [Adresse 10], mandataire judiciaire en qualité de liquidateur ;
- dit que le liquidateur devra établir dans le mois de sa désignation un rapport sur la situation du débiteur en application de l'alinéa 2 de l'article L641-2 du code de commerce ;
- dit et jugé que, conformément aux dispositions de l'article L641-3 de ce code, le jugement ouvrant la liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux prévus en cas de sauvegarde par les premiers et troisièmes alinéas du I et par le III de l'article L622-7, par les articles L622-21 et L622-22, par la première phrase de l'article L622-28 et par l'article L622-30 ;
- dit et jugé que, conformément aux dispositions de l'article L641-9, le présent jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la jouissance de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée, que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ;
- fait défense en conséquence à la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable de la Sarl La Planchette, de régler les créances antérieures à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, en application l'article L641-3 du code de commerce ;
- dit que, conformément aux dispositions de l'article L 641-3 du code de commerce, les créanciers doivent déclarer leurs créances selon les modalités prévues aux articles L622-24 à L622-27 et L622-31 à L622-33, dans le délai de déclaration de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, en application de l'article R622-24 ;
- dit qu'en application de l'article L624, le mandataire judiciaire devra établir dans le délai de 10 mois à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, qu'il transmettra au juge-commissaire;
- désigné la Selarl Torossian sise [Adresse 5], commissaire priseur à l'effet de procéder à l'inventaire avec prisée des biens meubles et objets mobiliers appartenant à la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès- qualités de liquidateur amiable, conformément aux articles L 622-6 et L 641-4 du code de commerce et R622-4 du code de commerce, dans le mois de la présente décision ;
- dit qu'elle devra annexer à son procès-verbal d'inventaire la liste remise par le débiteur des biens gagés, nantis ou placés sous sujétion douanière ainsi que celle qu'il détient en dépôt, location ou crédit-bail, ou sous réserve de propriété ou, plus généralement, qui sont susceptibles d'être revendiqués par des tiers ;
- fixé à 24 mois, à compter de ce jour, conformément aux dispositions de l'article L643-9 du code de commerce, le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée ;
- ordonné la notification du présent jugement dans les termes de l'article R 641-6 du code de commerce ainsi qu'il soit procédé par les soins du greffier, en application de l'article L 641-7, aux mesures de publicité prévues à l'article R 621-8 et à la communication aux personnes mentionnées à l'article R 621-7 du code de commerce ;
- rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire, conformément aux dispositions de l'article R 661-1 du même code ;
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
6. [M] [O], intervenant volontaire en première instance, et la Sarl La Planchette ont interjeté appel de cette décision le 28 avril 2025 en toutes ses dispositions reprises dans leur déclaration d'appel, à l'exception de celle ayant dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire. Cet appel a été formé contre Me [B] et Me [D], en leur qualité de
liquidateurs amiable et judiciaire de la société La Planchette. Mme [W], également intervenant volontaire en première instance et s'associant à la demande de Me [B], n'a pas été intimée.
7. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 28 août 2025.
Prétentions et moyens de [M] [O] et la Sarl La Planchette représentée par la Selarl [F] agissant par Me [F] ès-qualités de mandataire ad'hoc avec pour mission de relever appel du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire:
8. Selon leurs conclusions remises par voie électronique le 19 juin 2025, ils demandent à la cour :
- de déclarer l'appel de la Sarl La Planchette, représentée par son mandataire ad'hoc, la Selarl [F] et de M.[O], agissant en qualité d'associé et seul gérant de la Sarl La Planchette, recevable et bien fondé ;
- de réformer le jugement déféré en ce qu'il a :
* constaté l'état de cessation des paiements de la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable, dont le siège social est [Adresse 3] ;
* fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 10 mars 2025 ;
* constaté l'impossibilité manifeste de son redressement au sens de l'article L 640-1 du code de commerce ;
* ouvert immédiatement au profit de la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable, une procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions des articles L 640-1 et suivants du code de commerce ;
* dit n'y avoir lieu à faire application, des dispositions des règles de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée prévue à l'article L 641-2 du code de commerce ;
* désigné Mme [T] en qualité de juge-commissaire, Mme [G] en qualité de juge commissaire suppléant et Me [D], sis [Adresse 10], mandataire judiciaire en qualité de liquidateur ;
* dit que le liquidateur devra établir dans le mois de sa désignation un rapport sur la situation du débiteur en application de l'alinéa 2 de l'article L641-2 du code de commerce ;
* dit et jugé que, conformément aux dispositions de l'article L641-3 de ce code, le jugement ouvrant la liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux prévus en cas de sauvegarde par les premiers et troisièmes alinéas du I et par le III de l'article L622-7, par les articles L622-21 et L622-22, par la première phrase de l'article L622-28 et par l'article L622-30 ;
* dit et jugé que, conformément aux dispositions de l'article L641-9, le présent jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la jouissance de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée, que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ;
* fait défense en conséquence à la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable de la Sarl La Planchette, de régler les créances antérieures à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, en application l'article L641-3 du code de commerce ;
* dit que, conformément aux dispositions de l'article L 641-3 du code de commerce, les créanciers doivent déclarer leurs créances selon les modalités prévues aux articles L622-24 à L622-27 et L622-31 à L622-33, dans le délai de déclaration de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, en application de l'article R622-24 ;
* dit qu'en application de l'article L624, le mandataire judiciaire devra établir dans le délai de 10 mois à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, qu'il transmettra au juge-commissaire ;
* désigné la Selarl Torossian sise [Adresse 5], commissaire priseur à l'effet de procéder à l'inventaire avec prisée des biens meubles et objets mobiliers appartenant à la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès- qualités de liquidateur amiable, conformément aux articles L 622-6 et L 641-4 du code de commerce et R622-4 du code de commerce, dans le mois de la présente décision ;
* dit qu'elle devra annexer à son procès-verbal d'inventaire la liste remise par le débiteur des biens gagés, nantis ou placés sous sujétion douanière ainsi que celle qu'il détient en dépôt, location ou crédit-bail, ou sous réserve de propriété ou, plus généralement, qui sont susceptibles d'être revendiqués par des tiers ;
* fixé à 24 mois, à compter de ce jour, conformément aux dispositions de l'article L643-9 du code de commerce, le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée ;
* ordonné la notification du présent jugement dans les termes de l'article R 641-6 du code de commerce ainsi qu'il soit procédé par les soins du greffier, en application de l'article L 641-7, aux mesures de publicité prévues à l'article R 621-8 et à la communication aux personnes mentionnées à l'article R 621-7 du code de commerce.
9. Ils demandent à la cour, statuant à nouveau :
- à titre principal, de constater que la Sarl La Planchette ne se trouve pas en état de cessation des paiements,
- par conséquent, de débouter Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable de la Sarl La Planchette de sa demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire,
- de dire n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ;
- à titre subsidiaire, d'ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la Sarl La Planchette,
- de désigner Me [D] ès-qualités de mandataire judiciaire de la Sarl La Planchette,
- de renvoyer la Sarl La Planchette devant le tribunal judiciaire afin que cette dernière propose un plan de redressement,
- de statuer ce que de droit sur les dépens.
10. Les appelants exposent :
11. - que suite à l'arrêt de la cour du 21 mars 2024 ayant prononcé la dissolution anticipée de la société La Planchette et désigné Me [B] en qualité de liquidateur, un pourvoi en cassation a été formé, alors que Me [F] a été désigné en qualité de mandataire ad'hoc avec pour mission de former ce pourvoi; que dans l'attente de l'arrêt à intervenir, Mme [W] a assigné la société en référé afin d'obtenir sa condamnation au paiement de 169.998 euros au titre de son compte-courant, ce qui a contraint Me [B] à déposer une demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire, afin de ne pas voir sa responsabilité être engagée; que par ordonnance du 28 janvier 2025, le juge des référés a rejeté la demande de Mme [W] et l'a renvoyée à se pourvoir au fond, ce qu'elle a fait en délivrant l'assignation du 6 mars 2025; que par ordonnance du 18 mars 2025, Me [F] a été désigné mandataire ad'hoc avec pour mission de former appel de la décision qui sera rendue concernant la demande de liquidation judiciaire ;
12. - sur le fond, que l'origine de la situation résulte d'un conflit personnel entre les associés, désormais séparés ;
13. - que la société est titulaire, depuis le 31 mars 2005, d'un bail rural consenti conjointement par M. [O] et Mme [W] sur des terres agricoles et un local à usage de gîte pour un loyer mensuel de 1 000 euros, dont le montant, non réglé par la société, a été inscrit aux comptes courants d'associé de Mme [W] et de M. [O], augmentant mécaniquement le montant de ces comptes courants après chaque exercice social ; que M. [O] a fait l'avance, sur ses deniers personnels, de toutes les sommes nécessaires aux investissements de la société La Planchette, ainsi que des frais de fonctionnement, l'activité de la société ne générant pas les revenus permettant d'y pourvoir, de sorte que ces sommes ont aussi été inscrites, au fil du temps, au compte courant d'associé de M.[O] ; que ce mode de fonctionnement a entraîné d'emblée l'existence de pertes comptables, en sorte que dès l'assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2006, les associés ont constaté que le premier bilan social, établi à la date du 31 décembre 2005 et précédemment approuvé, faisait apparaître des capitaux propres d'un montant inférieur à la moitié du capital social, tout en décidant de poursuivre l'exploitation, qui a perduré de 2005 à 2020;
14. - qu'en 2021, Mme [W] a démissionné de son poste de cogérante, mais a refusé un rachat de ses parts par M.[U] à leur valeur nominale, outre le rachat de son compte-courant par celui-ci, créant une situation de blocage ;
15. - que la société ne se trouve pas en état de cessation des paiements, en raison des liquidités détenues par M.[O] permettant de régler le passif exigible constitué par le compte courant d'associé de Mme [W], M.[O] ne demandant pas le paiement de son compte courant, dont le solde ne fait pas ainsi partie du passif exigible ;
16. - que l'actif disponible comprend tous les fonds pouvant être utilisés, peu important leur origine, ainsi pour l'apport réalisé par le gérant (Cass.com 1er juillet 2020 n°19-12.068) ;
17. - subsidiairement, que la société peut régler le compte courant d'associé de Mme [W], dans le cadre d'un plan de redressement, puisque son activité est saine, avec des résultats 2024 positifs pour 76.703 euros et une trésorerie de 27.000 euros ; que dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, le tribunal pourra ordonner la cession des parts de Mme [W] par l'effet de l'article L631-19-1 du code de commerce, ce qui pourra débloquer la situation; qu'un plan sur 10 ans permettra de régler le solde du compte courant par annuité de 17.475,20 euros, ce qui est possible au regard des résultats de la société, alors que Me [D] dispose d'une trésorerie de 27.000 euros, et que M.[O] dispose de liquidités permettant, le cas échéant, d'honorer le plan.
Prétentions et moyens de Me [D], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl La Planchette :
18. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 16 juillet 2025, il demande à la cour :
- de constater que la Sarl La Planchette se trouve en état de cessation des paiements,
- par conséquent, d'ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la Sarl La Planchette,
- de désigner le concluant ès-qualités de mandataire judiciaire de la Sarl La Planchette,
- de renvoyer la Sarl La Planchette devant le tribunal judiciaire afin qu'elle propose un plan de redressement,
- de statuer sur les dépens comme en matière de procédure collective.
19. L'intimé indique :
20. - que le passif déclaré est de 1.975.390 euros, constitué pour la quasi-totalité des déclarations de créances de chacun des deux associés au titre de leurs comptes courants respectifs ; que le compte-courant de Mme [W] n'est pas contesté ;
21. - que l'actif disponible se limite à 28.000 euros versés entre les mains du concluant, de sorte que la société est dans l'incapacité de rembourser le compte-courant de Mme [W], de 169.998 euros ; qu'il existe ainsi un état de cessation des paiements ;
22. - que M.[O] souhaite cependant que la société puisse poursuivre son activité dans le cadre d'un plan et, à cet effet, s'est engagé à apporter les fonds nécessaires à l'apurement de son passif; que cette mesure ne sera possible qu'à la condition que l'adoption du plan soit accompagnée d'une cession des parts sociales détenues par Mme [W] dans la mesure où l'administration de la société est, en l'état, impossible à raison des dissensions existant entre les associés, ce que permettra l'article L631-19-1 du code de commerce ;
23. - que le concluant est ainsi favorable à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
Conclusions du Ministère public :
24. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 26 août 2025, il requiert d'ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
*****
25. Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable de la Sarl La Planchette, ne s'est pas constitué devant la cour, bien qu'assigné le 27 juin 2025 à domicile.
26. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
27. Selon le jugement déféré, aucune partie ne conteste le caractère certain, liquide et exigible de la créance de compte courant de Mme [W], ni que la Sarl La Planchette ne dispose pas de l'actif disponible pour la payer. L'état de cessation des paiements est donc avéré, étant précisé que l'intervention de M. [O], pour s'acquitter de cette dette en lieu et place de la société débitrice, n'est pas de nature à remettre en cause cet état, et ce d'autant moins que Mme [W] la refuse. Par conséquent, il convient de constater cet état des paiements dont la date est fixée au 10 mars 2025. La société étant dissoute, son redressement est manifestement impossible.
28. La cour constate que son arrêt infirmatif du 21 mars 2024, prononçant la dissolution anticipée de la société La Planchette, a été motivé notamment par le fait que les capitaux propres sont devenus inférieurs à plus de la moitié du capital social depuis l'année 2006 et que cette situation n'a pas été régularisée selon les dispositions de l'article L223-42 du code de commerce. Il a également été constaté que l'existence d'une activité de production d'électricité et l'affirmation, non assortie d'une preuve, de développement d'une activité équestre et de location de gîtes, ne sont pas davantage de nature à justifier l'absence de reconstitution des capitaux propres de la société. Il a enfin été relevé que ni l'absence de fonctionnement attestée par la banque, ni le fait que
les comptes annuels des exercices 2020 et 2021 n'ont pas été approuvés faute de majorité, ne sont de nature à justifier l'absence de reconstitution des capitaux propres à une valeur au moins égale à la moitié du capital social. La cour a, en conséquence, retenu que Mme [W] est bien fondée à solliciter le prononcé de la dissolution anticipée de la société.
29. Dans le cadre de la présente instance, la cour relève, concernant l'état de cessation des paiements, que la société ne dispose pas de l'actif disponible lui permettant de faire face à la demande de Mme [W] concernant le remboursement de son compte courant, d'un montant de 169.998 euros. La société ne bénéficie en effet que d'un actif disponible de 28.000 euros selon les indications du liquidateur judiciaire.
30. Si M. [O] produit deux relevés de comptes à terme à son nom, pour un total de 174.644,80 euros, la cour note que ces fonds ne figurent pas dans l'actif de la société, alors qu'aucune garantie n'est apportée sur leur affectation au paiement du compte courant de Mme [W]. Ces fonds se trouvent donc, à la date de la clôture des débats, dans le patrimoine de M.[O] et non dans celui de la société La Planchette.
31. La jurisprudence produite par M.[O] (Com 24 mars 2024 n°01-10.927 et 1er juillet 2020 n°19-12.068) est ainsi sans objet, puisque les décisions citées concernent des hypothèses dans lesquels les fonds nécessaires avaient été apportés à la société afin de constituer un actif disponible permettant de faire face au passif exigible. La seconde décision citée relève même qu'un apport en compte courant de son gérant, fût-il suggéré par l'administrateur, constituait un financement anormal destiné à soutenir artificiellement sa trésorerie en dissimulant la persistance de son état de cessation des paiements.
32. Il en résulte que la société La Planchette n'est pas en capacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, de sorte que l'état de cessation des paiements est caractérisé.
33. S'agissant d'une possibilité de redressement, la cour note qu'il n'est justifié d'aucune perspective en dehors d'un nouvel apport de fonds de M.[O]. Aucune pièce n'est versée aux débats permettant de vérifier l'activité réelle de la société La Planchette.
34. Les comptes annuels concernant l'exercice clos le 31 décembre 2024 indiquent que l'endettement de la société est supérieur à deux millions d'euros, endettement constitué en quasi totalité par les comptes courants des associés, dont celui de M.[O] pour 1.858.770 euros. Le résultat de cet exercice est déficitaire pour plus de 76.000 euros, alors que l'exercice 2023 l'a été pour plus de 68.000 euros. Le chiffre d'affaires ne représente que 12.451 euros, dont 11.857 euros proviennent de la revente d'électricité. La cour constate ainsi qu'il n'existe aucune activité équestre correspondant à l'objet social déclaré, d'autant que les charges d'exploitation mentionnent au contraire des frais de pension afférents à des chevaux. Sur l'exercice 2024, les charges d'exploitation sont de 99.407 euros. Les capitaux propres sont désormais négatifs pour 1.792.459 euros, au regard d'un capital social de 8.000 euros.
35. Il en résulte qu'il n'existe aucune possibilité de redressement de la société La Planchette, ainsi que constaté par le tribunal judiciaire.
36. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions. Si Me [D], ès-qualités de liquidateur judiciaire, sollicite l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, il n'a cependant pas sollicité l'infirmation du jugement déféré, et ne peut ainsi valablement demander l'ouverture d'un redressement judiciaire.
37. Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire, par application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, par défaut et mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles L641-1 et suivants du code de commerce ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire;
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
la SELARL LEXWAY AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 16 OCTOBRE 2025
Appel d'un jugement (N° RG 25/01107) rendu par le tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 17 avril 2025 suivant déclaration d'appel du 28 avril 2025
APPELANTS :
M. [M] [O] es qualité d'associé et seul gérant de la SARL LA PLANCHETTE
né le [Date naissance 6] 1964 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 9]
représenté et plaidant par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE
S.A.R.L. LA PLANCHETTE représentée par la SELARL [F], représentée par Me [F] es qualité de mandataire ad'hoc avec pour mission de relever appel du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire rendu par le T.J. de [Localité 12] le 17.04.2025
[Adresse 2]
[Localité 9]
représentée et plaidant par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS :
Me [N] [B] es qualité de liquidateur amiable de la SARL LA PLANCHETTE
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 7]
non représenté
Me [L] [D], pris ès qualité de liquidateur de la SARL LA PLANCHETTE.
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 8]
représenté par Me Philippe LAURENT de la SELARL LEXWAY AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Alexandre SPINELLA, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Céline PAYEN, Conseillère,
Assistés lors des débats de Abla AMARI, Greffière.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et représentée lors des débats par Mme Françoise BENEZECH, avocate générale, qui a fait connaître son avis.
DÉBATS :
A l'audience publique du 4 septembre 2025, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. [M] [O] et Mme [I] [W] sont associés à 50 % chacun de la Sarl La Planchette située à [Localité 14], dont l'objet est principalement l'exploitation d'un centre équestre, activités d'élevage de chevaux et poulinière ainsi que l'aménagement de tous locaux à usage agricole et d'hébergement rural.
2. Par arrêt en date du 21 mars 2024, la cour d'appel de Grenoble a prononcé la dissolution anticipée de ladite société et désigné Me [B] en qualité de liquidateur.
3. Aux termes d'une assignation délivrée le 10 mars 2025, Mme [I] [W] a fait citer la Sarl La Planchette, prise en la personne de son liquidateur amiable, devant le tribunal de commerce de Grenoble afin que lui soit restitué son compte courant d'un montant de 169.998 euros.
4. Par requête déposée au greffe le 26 février 2025, Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable de la Sarl La Planchette, a déclaré l'état de cessation des paiements de la société et a sollicité l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
5. Par jugement du 17 avril 2025, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
- constaté l'état de cessation des paiements de la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable, dont le siège social est [Adresse 4];
- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 10 mars 2025 ;
- constaté l'impossibilité manifeste de son redressement au sens de l'article L 640-1 du code de commerce ;
- ouvert immédiatement au profit de la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable, une procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions des articles L 640-1 et suivants du code de commerce ;
- dit n'y avoir lieu à faire application, des dispositions des règles de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée prévue à l'article L 641-2 du code de commerce ;
- désigné Mme [T] en qualité de juge-commissaire, Mme [G] en qualité de juge commissaire suppléant et Me [D], sis [Adresse 10], mandataire judiciaire en qualité de liquidateur ;
- dit que le liquidateur devra établir dans le mois de sa désignation un rapport sur la situation du débiteur en application de l'alinéa 2 de l'article L641-2 du code de commerce ;
- dit et jugé que, conformément aux dispositions de l'article L641-3 de ce code, le jugement ouvrant la liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux prévus en cas de sauvegarde par les premiers et troisièmes alinéas du I et par le III de l'article L622-7, par les articles L622-21 et L622-22, par la première phrase de l'article L622-28 et par l'article L622-30 ;
- dit et jugé que, conformément aux dispositions de l'article L641-9, le présent jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la jouissance de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée, que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ;
- fait défense en conséquence à la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable de la Sarl La Planchette, de régler les créances antérieures à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, en application l'article L641-3 du code de commerce ;
- dit que, conformément aux dispositions de l'article L 641-3 du code de commerce, les créanciers doivent déclarer leurs créances selon les modalités prévues aux articles L622-24 à L622-27 et L622-31 à L622-33, dans le délai de déclaration de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, en application de l'article R622-24 ;
- dit qu'en application de l'article L624, le mandataire judiciaire devra établir dans le délai de 10 mois à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, qu'il transmettra au juge-commissaire;
- désigné la Selarl Torossian sise [Adresse 5], commissaire priseur à l'effet de procéder à l'inventaire avec prisée des biens meubles et objets mobiliers appartenant à la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès- qualités de liquidateur amiable, conformément aux articles L 622-6 et L 641-4 du code de commerce et R622-4 du code de commerce, dans le mois de la présente décision ;
- dit qu'elle devra annexer à son procès-verbal d'inventaire la liste remise par le débiteur des biens gagés, nantis ou placés sous sujétion douanière ainsi que celle qu'il détient en dépôt, location ou crédit-bail, ou sous réserve de propriété ou, plus généralement, qui sont susceptibles d'être revendiqués par des tiers ;
- fixé à 24 mois, à compter de ce jour, conformément aux dispositions de l'article L643-9 du code de commerce, le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée ;
- ordonné la notification du présent jugement dans les termes de l'article R 641-6 du code de commerce ainsi qu'il soit procédé par les soins du greffier, en application de l'article L 641-7, aux mesures de publicité prévues à l'article R 621-8 et à la communication aux personnes mentionnées à l'article R 621-7 du code de commerce ;
- rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire, conformément aux dispositions de l'article R 661-1 du même code ;
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
6. [M] [O], intervenant volontaire en première instance, et la Sarl La Planchette ont interjeté appel de cette décision le 28 avril 2025 en toutes ses dispositions reprises dans leur déclaration d'appel, à l'exception de celle ayant dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire. Cet appel a été formé contre Me [B] et Me [D], en leur qualité de
liquidateurs amiable et judiciaire de la société La Planchette. Mme [W], également intervenant volontaire en première instance et s'associant à la demande de Me [B], n'a pas été intimée.
7. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 28 août 2025.
Prétentions et moyens de [M] [O] et la Sarl La Planchette représentée par la Selarl [F] agissant par Me [F] ès-qualités de mandataire ad'hoc avec pour mission de relever appel du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire:
8. Selon leurs conclusions remises par voie électronique le 19 juin 2025, ils demandent à la cour :
- de déclarer l'appel de la Sarl La Planchette, représentée par son mandataire ad'hoc, la Selarl [F] et de M.[O], agissant en qualité d'associé et seul gérant de la Sarl La Planchette, recevable et bien fondé ;
- de réformer le jugement déféré en ce qu'il a :
* constaté l'état de cessation des paiements de la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable, dont le siège social est [Adresse 3] ;
* fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 10 mars 2025 ;
* constaté l'impossibilité manifeste de son redressement au sens de l'article L 640-1 du code de commerce ;
* ouvert immédiatement au profit de la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable, une procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions des articles L 640-1 et suivants du code de commerce ;
* dit n'y avoir lieu à faire application, des dispositions des règles de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée prévue à l'article L 641-2 du code de commerce ;
* désigné Mme [T] en qualité de juge-commissaire, Mme [G] en qualité de juge commissaire suppléant et Me [D], sis [Adresse 10], mandataire judiciaire en qualité de liquidateur ;
* dit que le liquidateur devra établir dans le mois de sa désignation un rapport sur la situation du débiteur en application de l'alinéa 2 de l'article L641-2 du code de commerce ;
* dit et jugé que, conformément aux dispositions de l'article L641-3 de ce code, le jugement ouvrant la liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux prévus en cas de sauvegarde par les premiers et troisièmes alinéas du I et par le III de l'article L622-7, par les articles L622-21 et L622-22, par la première phrase de l'article L622-28 et par l'article L622-30 ;
* dit et jugé que, conformément aux dispositions de l'article L641-9, le présent jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la jouissance de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée, que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ;
* fait défense en conséquence à la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable de la Sarl La Planchette, de régler les créances antérieures à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, en application l'article L641-3 du code de commerce ;
* dit que, conformément aux dispositions de l'article L 641-3 du code de commerce, les créanciers doivent déclarer leurs créances selon les modalités prévues aux articles L622-24 à L622-27 et L622-31 à L622-33, dans le délai de déclaration de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, en application de l'article R622-24 ;
* dit qu'en application de l'article L624, le mandataire judiciaire devra établir dans le délai de 10 mois à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, qu'il transmettra au juge-commissaire ;
* désigné la Selarl Torossian sise [Adresse 5], commissaire priseur à l'effet de procéder à l'inventaire avec prisée des biens meubles et objets mobiliers appartenant à la Sarl La Planchette, représentée par Me [B], ès- qualités de liquidateur amiable, conformément aux articles L 622-6 et L 641-4 du code de commerce et R622-4 du code de commerce, dans le mois de la présente décision ;
* dit qu'elle devra annexer à son procès-verbal d'inventaire la liste remise par le débiteur des biens gagés, nantis ou placés sous sujétion douanière ainsi que celle qu'il détient en dépôt, location ou crédit-bail, ou sous réserve de propriété ou, plus généralement, qui sont susceptibles d'être revendiqués par des tiers ;
* fixé à 24 mois, à compter de ce jour, conformément aux dispositions de l'article L643-9 du code de commerce, le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée ;
* ordonné la notification du présent jugement dans les termes de l'article R 641-6 du code de commerce ainsi qu'il soit procédé par les soins du greffier, en application de l'article L 641-7, aux mesures de publicité prévues à l'article R 621-8 et à la communication aux personnes mentionnées à l'article R 621-7 du code de commerce.
9. Ils demandent à la cour, statuant à nouveau :
- à titre principal, de constater que la Sarl La Planchette ne se trouve pas en état de cessation des paiements,
- par conséquent, de débouter Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable de la Sarl La Planchette de sa demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire,
- de dire n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ;
- à titre subsidiaire, d'ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la Sarl La Planchette,
- de désigner Me [D] ès-qualités de mandataire judiciaire de la Sarl La Planchette,
- de renvoyer la Sarl La Planchette devant le tribunal judiciaire afin que cette dernière propose un plan de redressement,
- de statuer ce que de droit sur les dépens.
10. Les appelants exposent :
11. - que suite à l'arrêt de la cour du 21 mars 2024 ayant prononcé la dissolution anticipée de la société La Planchette et désigné Me [B] en qualité de liquidateur, un pourvoi en cassation a été formé, alors que Me [F] a été désigné en qualité de mandataire ad'hoc avec pour mission de former ce pourvoi; que dans l'attente de l'arrêt à intervenir, Mme [W] a assigné la société en référé afin d'obtenir sa condamnation au paiement de 169.998 euros au titre de son compte-courant, ce qui a contraint Me [B] à déposer une demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire, afin de ne pas voir sa responsabilité être engagée; que par ordonnance du 28 janvier 2025, le juge des référés a rejeté la demande de Mme [W] et l'a renvoyée à se pourvoir au fond, ce qu'elle a fait en délivrant l'assignation du 6 mars 2025; que par ordonnance du 18 mars 2025, Me [F] a été désigné mandataire ad'hoc avec pour mission de former appel de la décision qui sera rendue concernant la demande de liquidation judiciaire ;
12. - sur le fond, que l'origine de la situation résulte d'un conflit personnel entre les associés, désormais séparés ;
13. - que la société est titulaire, depuis le 31 mars 2005, d'un bail rural consenti conjointement par M. [O] et Mme [W] sur des terres agricoles et un local à usage de gîte pour un loyer mensuel de 1 000 euros, dont le montant, non réglé par la société, a été inscrit aux comptes courants d'associé de Mme [W] et de M. [O], augmentant mécaniquement le montant de ces comptes courants après chaque exercice social ; que M. [O] a fait l'avance, sur ses deniers personnels, de toutes les sommes nécessaires aux investissements de la société La Planchette, ainsi que des frais de fonctionnement, l'activité de la société ne générant pas les revenus permettant d'y pourvoir, de sorte que ces sommes ont aussi été inscrites, au fil du temps, au compte courant d'associé de M.[O] ; que ce mode de fonctionnement a entraîné d'emblée l'existence de pertes comptables, en sorte que dès l'assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2006, les associés ont constaté que le premier bilan social, établi à la date du 31 décembre 2005 et précédemment approuvé, faisait apparaître des capitaux propres d'un montant inférieur à la moitié du capital social, tout en décidant de poursuivre l'exploitation, qui a perduré de 2005 à 2020;
14. - qu'en 2021, Mme [W] a démissionné de son poste de cogérante, mais a refusé un rachat de ses parts par M.[U] à leur valeur nominale, outre le rachat de son compte-courant par celui-ci, créant une situation de blocage ;
15. - que la société ne se trouve pas en état de cessation des paiements, en raison des liquidités détenues par M.[O] permettant de régler le passif exigible constitué par le compte courant d'associé de Mme [W], M.[O] ne demandant pas le paiement de son compte courant, dont le solde ne fait pas ainsi partie du passif exigible ;
16. - que l'actif disponible comprend tous les fonds pouvant être utilisés, peu important leur origine, ainsi pour l'apport réalisé par le gérant (Cass.com 1er juillet 2020 n°19-12.068) ;
17. - subsidiairement, que la société peut régler le compte courant d'associé de Mme [W], dans le cadre d'un plan de redressement, puisque son activité est saine, avec des résultats 2024 positifs pour 76.703 euros et une trésorerie de 27.000 euros ; que dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, le tribunal pourra ordonner la cession des parts de Mme [W] par l'effet de l'article L631-19-1 du code de commerce, ce qui pourra débloquer la situation; qu'un plan sur 10 ans permettra de régler le solde du compte courant par annuité de 17.475,20 euros, ce qui est possible au regard des résultats de la société, alors que Me [D] dispose d'une trésorerie de 27.000 euros, et que M.[O] dispose de liquidités permettant, le cas échéant, d'honorer le plan.
Prétentions et moyens de Me [D], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl La Planchette :
18. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 16 juillet 2025, il demande à la cour :
- de constater que la Sarl La Planchette se trouve en état de cessation des paiements,
- par conséquent, d'ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la Sarl La Planchette,
- de désigner le concluant ès-qualités de mandataire judiciaire de la Sarl La Planchette,
- de renvoyer la Sarl La Planchette devant le tribunal judiciaire afin qu'elle propose un plan de redressement,
- de statuer sur les dépens comme en matière de procédure collective.
19. L'intimé indique :
20. - que le passif déclaré est de 1.975.390 euros, constitué pour la quasi-totalité des déclarations de créances de chacun des deux associés au titre de leurs comptes courants respectifs ; que le compte-courant de Mme [W] n'est pas contesté ;
21. - que l'actif disponible se limite à 28.000 euros versés entre les mains du concluant, de sorte que la société est dans l'incapacité de rembourser le compte-courant de Mme [W], de 169.998 euros ; qu'il existe ainsi un état de cessation des paiements ;
22. - que M.[O] souhaite cependant que la société puisse poursuivre son activité dans le cadre d'un plan et, à cet effet, s'est engagé à apporter les fonds nécessaires à l'apurement de son passif; que cette mesure ne sera possible qu'à la condition que l'adoption du plan soit accompagnée d'une cession des parts sociales détenues par Mme [W] dans la mesure où l'administration de la société est, en l'état, impossible à raison des dissensions existant entre les associés, ce que permettra l'article L631-19-1 du code de commerce ;
23. - que le concluant est ainsi favorable à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
Conclusions du Ministère public :
24. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 26 août 2025, il requiert d'ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
*****
25. Me [B], ès-qualités de liquidateur amiable de la Sarl La Planchette, ne s'est pas constitué devant la cour, bien qu'assigné le 27 juin 2025 à domicile.
26. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
27. Selon le jugement déféré, aucune partie ne conteste le caractère certain, liquide et exigible de la créance de compte courant de Mme [W], ni que la Sarl La Planchette ne dispose pas de l'actif disponible pour la payer. L'état de cessation des paiements est donc avéré, étant précisé que l'intervention de M. [O], pour s'acquitter de cette dette en lieu et place de la société débitrice, n'est pas de nature à remettre en cause cet état, et ce d'autant moins que Mme [W] la refuse. Par conséquent, il convient de constater cet état des paiements dont la date est fixée au 10 mars 2025. La société étant dissoute, son redressement est manifestement impossible.
28. La cour constate que son arrêt infirmatif du 21 mars 2024, prononçant la dissolution anticipée de la société La Planchette, a été motivé notamment par le fait que les capitaux propres sont devenus inférieurs à plus de la moitié du capital social depuis l'année 2006 et que cette situation n'a pas été régularisée selon les dispositions de l'article L223-42 du code de commerce. Il a également été constaté que l'existence d'une activité de production d'électricité et l'affirmation, non assortie d'une preuve, de développement d'une activité équestre et de location de gîtes, ne sont pas davantage de nature à justifier l'absence de reconstitution des capitaux propres de la société. Il a enfin été relevé que ni l'absence de fonctionnement attestée par la banque, ni le fait que
les comptes annuels des exercices 2020 et 2021 n'ont pas été approuvés faute de majorité, ne sont de nature à justifier l'absence de reconstitution des capitaux propres à une valeur au moins égale à la moitié du capital social. La cour a, en conséquence, retenu que Mme [W] est bien fondée à solliciter le prononcé de la dissolution anticipée de la société.
29. Dans le cadre de la présente instance, la cour relève, concernant l'état de cessation des paiements, que la société ne dispose pas de l'actif disponible lui permettant de faire face à la demande de Mme [W] concernant le remboursement de son compte courant, d'un montant de 169.998 euros. La société ne bénéficie en effet que d'un actif disponible de 28.000 euros selon les indications du liquidateur judiciaire.
30. Si M. [O] produit deux relevés de comptes à terme à son nom, pour un total de 174.644,80 euros, la cour note que ces fonds ne figurent pas dans l'actif de la société, alors qu'aucune garantie n'est apportée sur leur affectation au paiement du compte courant de Mme [W]. Ces fonds se trouvent donc, à la date de la clôture des débats, dans le patrimoine de M.[O] et non dans celui de la société La Planchette.
31. La jurisprudence produite par M.[O] (Com 24 mars 2024 n°01-10.927 et 1er juillet 2020 n°19-12.068) est ainsi sans objet, puisque les décisions citées concernent des hypothèses dans lesquels les fonds nécessaires avaient été apportés à la société afin de constituer un actif disponible permettant de faire face au passif exigible. La seconde décision citée relève même qu'un apport en compte courant de son gérant, fût-il suggéré par l'administrateur, constituait un financement anormal destiné à soutenir artificiellement sa trésorerie en dissimulant la persistance de son état de cessation des paiements.
32. Il en résulte que la société La Planchette n'est pas en capacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, de sorte que l'état de cessation des paiements est caractérisé.
33. S'agissant d'une possibilité de redressement, la cour note qu'il n'est justifié d'aucune perspective en dehors d'un nouvel apport de fonds de M.[O]. Aucune pièce n'est versée aux débats permettant de vérifier l'activité réelle de la société La Planchette.
34. Les comptes annuels concernant l'exercice clos le 31 décembre 2024 indiquent que l'endettement de la société est supérieur à deux millions d'euros, endettement constitué en quasi totalité par les comptes courants des associés, dont celui de M.[O] pour 1.858.770 euros. Le résultat de cet exercice est déficitaire pour plus de 76.000 euros, alors que l'exercice 2023 l'a été pour plus de 68.000 euros. Le chiffre d'affaires ne représente que 12.451 euros, dont 11.857 euros proviennent de la revente d'électricité. La cour constate ainsi qu'il n'existe aucune activité équestre correspondant à l'objet social déclaré, d'autant que les charges d'exploitation mentionnent au contraire des frais de pension afférents à des chevaux. Sur l'exercice 2024, les charges d'exploitation sont de 99.407 euros. Les capitaux propres sont désormais négatifs pour 1.792.459 euros, au regard d'un capital social de 8.000 euros.
35. Il en résulte qu'il n'existe aucune possibilité de redressement de la société La Planchette, ainsi que constaté par le tribunal judiciaire.
36. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions. Si Me [D], ès-qualités de liquidateur judiciaire, sollicite l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, il n'a cependant pas sollicité l'infirmation du jugement déféré, et ne peut ainsi valablement demander l'ouverture d'un redressement judiciaire.
37. Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire, par application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, par défaut et mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles L641-1 et suivants du code de commerce ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire;
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente