CA Paris, Pôle 4 - ch. 1, 17 octobre 2025, n° 24/00226
PARIS
Autre
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2025
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00226 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIVWQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2023 - Tribunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOBIGNY - RG n° 23/639
APPELANTE
SCI LA SELUNE immatriculée au RCS de Alençon sous le n° 902 978 865, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentée et assistée de Me Mélanie LEONE CROZAT de la SELARL CABINET LEONE-CROZAT ASSOCIEES, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
SCI EMJJ immatriculée au RCS de Bobigny sous le numéro 444 440 309, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050 assistée de Me Mikaël LOREK, avocat au barreau de PARIS, toque : C1707
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nathalie BRET, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre
Nathalie BRET, conseillère
Catherine GIRARD- ALEXANDRE, conseillère
Greffier, lors des débats : Marylène BOGAERS.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte notarié reçu le 16 novembre 2021, la SCI EMJJ a vendu à la SCI La Selune un appartement sis [Adresse 5], moyennant le prix de 180.000 €, étant précisé que le vendeur a déclaré « qu'il n'y a pas de water-closet de type broyeur/sanibroyeur », ce qui s'est révélé inexact.
Par acte d'huissier enrôlé le 27 octobre 2022, la SCI La Selune a fait assigner la SCI EMJJ devant le tribunal judiciaire de Bobigny, en résolution de la vente et paiement de dommages et intérêts.
Par jugement du 23 octobre 2023, le tribunal judiciaire de Bobigny a statué ainsi :
- déclare irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SCI EMJJ,
- déboute la SCI La Selune de ses demandes,
- condamne la SCI EMJJ aux dépens, en ce inclus les frais d'huissier, avec bénéfice du droit prévu par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamne la SCI EMJJ à payer à la SCI La Selune la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelle que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit,
- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La SCI La Selune a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 13 décembre 2023.
La procédure devant la cour a été clôturée le 22 mai 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions communiquées par la voie électronique le 29 avril 2025, par lesquelles la SCI La Selune, appelante, invite la cour à :
Vu les articles 1603, 1604 et suivants du Code Civil
Vu l'article 1610 du Code Civil
Vu l'article 1611 du Code Civil
Vu les articles 1240 et suivants du Code Civil
A titre subsidiaire vu les articles 1641, 1644 et 1648 du Code Civil
Vu les articles 1343-2 et 2001 du Code civil
Vu l'article 1352-5 et 1352-6 du Code Civil
Vu les articles 565 et 566 du Code de Procédure Civile
Vu l'article 699 et 700 du Code de Procédure Civile
' DECLARER la SCI LA SELUNE recevable et bien fondée en son appel, fins et conclusions
' DECLARER la SCI EMJJ irrecevable et mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
' DEBOUTER la SCI EMJJ de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
' INFIRMER le jugement rendu le 23 octobre 2023 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY (chambre 6/ Section 4- RG 22/10664) en ce qu'il a débouté la SCI LA SELUNE de ses demandes
Et statuant à nouveau :
' DIRE que la vente intervenue le 16 novembre 2021 avait comme condition essentielle l'absence de sanibroyeur dans l'appartement
' PRONONCER la résolution de la vente immobilière régularisée entre la SCI LA SELUNE et la SCI EMJJ le 16 novembre 2021 au titre du défaut de conformité
Si par extraordinaire, la Cour ne retenait pas la non-conformité :
' PRONONCER la résolution de la vente immobilière régularisée entre la SCI LA SELUNE et la SCI EMJJ le 16 novembre 2021 au titre de la garantie des vices cachés
En tout état de cause :
' ORDONNER et CONDAMNER la SCI EMJJ à restituer à la SCI LA SELUNE le prix de vente d'un montant de 180.000 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation du 24 octobre 2022
' CONDAMNER la SCI EMJJ à payer à la SCI LA SELUNE la somme de 22.955,80 euros, correspondant aux frais notariés et taxes acquittés outre les intérêts légaux ayant courus depuis le jour de la délivrance de l'assignation du 24 octobre 2022
' ORDONNER la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du Code Civil.
' CONDAMNER la SCI EMJJ à payer à la SCI LA SELUNE la somme de 2.036,41 euros au titre des travaux de conservation engagés
' CONDAMNER la SCI EMJJ à supporter les entiers frais à intervenir quant à la mutation du bien et les frais notariés futurs en lien.
' JUGER recevable la demande formée par la SCI LA SELUNE de dommages et intérêts au titre des intérêts d'emprunt
' CONDAMNER la SCI EMJJ à payer à la SCI LA SELUNE la somme de 11.457,71 à titre de dommages et intérêts au titre des intérêts d'emprunt
A titre infiniment subsidiaire :
En cas de désignation d'un expert ayant pour mission d'établir les comptes entre les parties suite à l'annulation de la vente :
' CONDAMNER la SCI EMJJ à prendre en charge la totalité des frais et honoraires de l'Expert judiciaire
En tout état de cause :
' CONDAMNER la SCI EMJJ à payer à la SCI LA SELUNE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens de la présente instance, qui pourront être recouvrés par Maître Marie-Hélène LEONE-CROZAT dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
Vu les conclusions communiquées par la voie électronique le 19 mai 2025, par lesquelles ma SCI EMJJ, intimée, invite la cour à :
CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la SCI LA SELUNE de ses demandes
INFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a :
- Déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SCI EMJJ ;
- Condamné la SCI EMJJ aux dépens, en ce inclus les frais d'huissier, avec bénéfice du droit prévu par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- Condamné la SCI EMJJ à payer à la SCI La Selune la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. »
Statuant à nouveau :
A titre principal :
- JUGER la SCI SELUNE irrecevable en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire :
- JUGER la SCI SELUNE mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
En conséquence :
- DEBOUTER la SCI SELUNE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
A titre infiniment subsidiaire :
- JUGER IRRECEVABLE la demande nouvelle formée par la SCI SELUNE de dommages et intérêts au titre des intérêts d'emprunt
- DEBOUTER la SCI SELUNE de l'ensemble de ses demandes indemnitaires
- DESIGNER tel expert qu'il lui plaira avec pour mission d'établir les comptes entre les parties suites à l'annulation de la vente
En tout état de cause
- CONDAMNER la Société SELUNE à verser à la SCI EMJJ la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'en tous les dépens ;
SUR CE,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;
SUR [Localité 11] DE NON-RECEVOIR
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée »
Sur la fin de non-recevoir relative à la publication de l'assignation
La SCI EMJJ sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable sa fin de non-recevoir relative à l'absence de publication de l'assignation ; dans la motivation de ses conclusions, elle conclut qu'elle s'en rapporte sur la recevabilité de sa demande suite à la production en appel par la SCI La Selune de la publication de l'assignation le 16 mars 2023 ;
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SCI EMJJ ;
Sur la fin de non-recevoir relative à la demande nouvelle en appel
La SCI EMJJ sollicite de juger irrecevable la demande formée nouvellement en appel par la SCI La Selune de dommages et intérêts au titre des intérêts d'emprunts ;
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait' ;
Aux termes de l'article 565 du même code, 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent' ;
Aux termes de l'article 566 du même code, 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire' ;
En l'espèce, selon le jugement et les pièces produites, en première instance, la SCI La Selune a sollicité, en conséquence de la résolution de la vente, les sommes suivantes :
- 180.000 € au titre de la restitution du prix de vente,
- 25.800 € au titre du préjudice financier, constitué par les frais de notaire,
- 1.870 € au titre du préjudice financier, constitué par les travaux de conservation ;
En appel, la SCI La Selune sollicite, en conséquence de la résolution de la vente, les sommes suivantes :
- 180.000 € au titre de la restitution du prix de vente,
- 29.955,80 € au titre des frais de notaire (25.800 + 4.155,80),
- 2.036,41 € au titre des travaux de conservation (1.870 + 166,41),
- 11.457,71 € au titre des intérêts d'emprunt ;
Il en ressort que la demande au titre des intérêts d'emprunt n'est pas une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, à savoir les sommes dues en conséquence de la résolution de la vente ;
Il y a donc lieu de rejeter la demande de la SCI EMJJ de déclarer irrecevable la demande en appel de la SCI La Selune de dommages et intérêts au titre des intérêts d'emprunts ;
SUR LE FOND
Sur la demande de résolution de la vente pour manquement à l'obligation de délivrance conforme
La SCI La Selune sollicite la résolution de la vente, sur le fondement des articles 1603, 1604 et 1610 du code civil, et soutient que le bien litigieux n'est pas conforme à ce qui lui a été vendu, du fait de la présence du sanibroyeur, pourtant expressément exclu par l'acte de vente ; elle précise qu'il est source d'inconvénients (installations bruyantes, odorantes, sujettes à refoulement, nécessitant un entretien important), non conforme au regard de la règlementation sanitaire applicable et au droit de la copropriété et qu'il existe une impossibilité technique de raccorder un WC ordinaire ;
La société EMJJ oppose que la clause stipulant l'absence de sanibroyeur figure parmi les dispositifs particuliers » et n'est pas mentionnée comme une condition déterminante du consentement ; elle ajoute que le règlement sanitaire départemental de la Seine [Localité 14] admet la pose des sanibroyeurs dans les immeubles anciens, sans autorisation pour ceux existants à la date de son entrée en vigueur, et que l'inexécution n'est pas suffisamment grave pour justifier la résolution de la vente ; elle précise qu'elle n'avait pas connaissance du sanibroyeur et sollicite l'application de la clause contractuelle d'exclusion de la garantie des vices cachés puisque la SCI La Selune est une professionnelle de l'acquisition immobilière ;
Le tribunal a rejeté la demande au motif qu'il n'était pas démontré le caractère suffisamment grave du défaut de conformité ;
Aux termes de l'article 1603 du code civil, « Il (le vendeur) a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend » ;
Aux termes de l'article 1604 du code civil, « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
Aux termes de l'article 1610 du code civil, « Si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur » ;
Aux termes de l'article 1224 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, « La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice » ;
Aux termes de l'article 1353 du code civil, « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation » ;
La non-conformité de la chose vendue aux spécifications contractuelles constitue un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme (1ère chambre civile, 24 janvier 2006, pourvoi n°04-11.903) ;
La charge de la preuve de la non-conformité pèse sur l'acheteur demandeur à l'exception (chambre commerciale, 3 décembre 1980, pourvoi 78-13.305) ;
En se déterminant sans rechercher si l'absence de certificat de conformité constituait un manquement suffisamment grave du vendeur à ses obligations justifiant la résolution du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision (chambre commerciale, 27 février 2007, pourvoi n°05-21507) ;
En l'espèce, il appartient à la SCI La Sélune de rapporter la preuve du défaut de conformité ; d'autre part, sa demande portant sur la résolution de la vente, consistant en l'anéantissement du contrat, elle doit démontrer que le manquement est suffisamment grave ;
L'acte notarié du 16 novembre 2021 précise :
- en page 3, au titre de l'identification du bien :
« Dans un ensemble immobilier situé à [Localité 13] [Adresse 1]) [Adresse 3] figurant ainsi au cadastre section BE n°[Cadastre 7] Lieudit [Adresse 3] surface 1a48ca
Les lots de copropriété suivants :
Lot n°17
Dans le bâtiment A, au quatrième étage, porte face gauche sur le palier : une pièce avec douche.
Et les 203/10.000èmes des parties communes générales.
Lot n°18
Dans le bâtiment A, au quatrième étage, porte face droite sur le palier : une pièce avec coin cuisine.
Et les 208.100.000èmes des parties communes générales.
Tel que le bien existe, avec tous droits y attachés, sans aucune exception ni réserve.
Plans des lots
Une copie des plans des lots est annexée.
Les parties déclarent que les plans correspondent à la situation ainsi qu'à la désignation des lots.
Superficie de la partie privative
La superficie de la partie privative des biens soumis aux dispositions de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 est de :
17,29 m² pour le lot n°17 et 18 réunis.
Le tout ainsi qu'il est développé à la suite de la partie normalisée »,
- en page 11, au titre de l'état du bien :
« L'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison : des vices apparents, des vices cachés.
S'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas : si le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction, sauf si l'acquéreur a également cette qualité ou s'il est prouvé par l'acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur »,
- en page 16, au titre des dispositifs particuliers :
« Broyeur
Le vendeur déclare qu'il n'existe pas de water-closet de type broyeur/sanibroyeur » ;
La SCI La Sélune démontre qu'il existe un water-closet de type broyeur/sanibroyeur dans l'appartement en produisant les pièces suivantes :
- l'attestation de la société Ecobat du 4 avril 2022 précisant « Nous vous informons par cette présente qu'à la suite du passage de notre technicien au [Adresse 4], il a constaté qu'il y a bien un broyeur dans l'appartement » (pièce 3 Selune),
- le procès-verbal du 15 juin 2022 dans lequel l'huissier constate « l'installation du sanibroyeur équipant la cuvette de toilettes installée dans la salle d'eau » (pièce 4 Selune),
- le courriel du 18 mars 2025, par lequel le service d'hygiène et de santé de la ville de [Localité 12] précise « au regard de mes constats, lors de la visite en date du 06/03/2025 en présence de M. [H] de l'agence Vouille Immo, un sanibroyeur est bien présent dans le logement » (pièce 18 Selune) ;
Il est justifié que le sanibroyeur n'était pas apparent pour l'acquéreur, même pour un professionnel de la vente immobilière, auquel il a été certifié qu'il n'y avait pas de sanibroyeur ; en effet, il ressort du constat de l'huissier du 15 juin 2022 (pièce 4 Selune) et des photographies de la salle d'eau (pièce 5 Selune) qu'il s'agit d'un WC suspendu dont l'apparence visible est identique à celle d'un WC classique ; il n'y a pas d'élément extérieur laissant penser que la déclaration selon laquelle il ne s'agit pas d'un sanibroyeur ne correspond pas à la réalité ; le système d'évacuation qui permet de les différencier est dissimulé derrière un bâti, côté salle d'eau, et derrière une trappe elle-même cachée derrière le réfrigérateur, côté cuisine, l'huissier précisant que ce n'est qu'après avoir déposé la trappe dissimulée derrière le réfrigérateur dans la cuisine, qu'il a constaté l'installation du sanibroyeur équipant la cuvette de toilettes installée dans la salle d'eau ;
Ainsi la SCI La Sélune justifie de la non-conformité aux spécifications contractuelles de la chose vendue, puisqu'elle démontre l'existence d'un water-closet de type broyeur/sanibroyeur alors que, dans l'acte de vente, le vendeur déclare qu'il n'en existe pas, ce qui constitue un manquement de la SCI EMJJ à son obligation de délivrance conforme ;
Il convient de considérer que la clause contractuelle exonératoire de garantie pour le professionnel de l'immobilier ou de la construction, qui est expressément limitée à l'action en garantie des vices cachés, est inapplicable à l'action en manquement à l'obligation de délivrance ;
Le règlement de copropriété du 8 mars 2001 (pièce 10 Selune) ne mentionnant pas l'existence d'un WC dans les lots n°17 et 18 alors qu'il le mentionne dans d'autres lots, et aucun élément ne justifiant que le sanibroyeur existait avant la division de l'immeuble en lots, il convient de considérer qu'il n'existait pas de WC dans les lots n°17 et 18 à cette date, que le sanibroyeur en cause a été installé postérieurement au 8 mars 2001 et que l'article 49 non modifié du règlement sanitaire départemental du 24 décembre 1980, sous-visé, est applicable au sanibroyeur des lots n°17 et 18 réunis, installé postérieurement au 8 mars 2001 et donc postérieurement à l'entrée en vigueur dudit règlement ;
Pour justifier de la gravité du manquement à l'obligation de délivrance conforme, la société La Selune produit les pièces suivantes :
- elle démontre que l'installation du sanibroyeur en cause est irrégulière et qu'il est impossible de la régulariser :
¿aux termes de l'article 49 non modifié du règlement sanitaire départemental du 24 décembre 1980, le système de cabinets d'aisances comportant un dispositif de désagrégation des matières fécales (sanibroyeur), interdit dans un immeuble neuf, est possible exceptionnellement dans les logements anciens après avis de l'autorité sanitaire, sous conditions que le conduit d'évacuation soit raccordé directement sur une canalisation d'eaux vannes (et non d'eaux usées) de diamètre suffisant et convenablement ventilée (pièce 9 Selune) ;
¿selon le rapport de la société Ecobat (pièce 8 Selune) et les plans de l'immeuble (pièces 8 et 15 Selune), le sanibroyeur est raccordé à la colonne d'eaux usées de la cuisine et la colonne d'eaux vannes est située à l'opposé de l'immeuble ;
¿il ressort du rapport de la société Ecobat du 29 novembre 2023 (pièce 8 Selune) que la création d'un raccord pour rejoindre la colonne des eaux vannes située à l'opposé de l'immeuble passerait nécessairement par des chambres d'autres lots, ce qui est interdit ;
¿l'assemblée générale des copropriétaires du 24 mars 2025 a rejeté la résolution de la SCI La Selune relative à la ratification des travaux d'installation du sanibroyeur raccordé à la colonne des eaux usées de l'immeuble (pièces 11 et 19 Selune) ;
¿le service communal d'hygiène et de santé précise dans son courriel du 18 mars 2025 que l'autorité sanitaire est dans l'impossibilité de conforter une installation déjà réalisée (pièce 18 Selune) ;
- elle démontre l'impossibilité technique de remplacer le système par des toilettes ordinaires :
¿la société Ecobat précise dans son rapport du 29 novembre 2023 (pièce 8 Selune) que l'installation d'un WC traditionnel est impossible car le WC doit être raccordé à une colonne d'eau vannes, que celle-ci est située à l'opposé de l'immeuble et que la seule possibilité qui consisterait à créer un raccord passant dans les chambres d'autres lots est interdite ;
- elle démontre les inconvénients du sanibroyeur par rapport au WC traditionnel :
¿l'article 49 non modifié du règlement sanitaire départemental du 24 décembre 1980 précise les précautions à prendre, concernant le sanibroyeur, pour éviter les risques de reflux d'eaux vannes et les nuisances sonores, en indiquant qu'il interdit une telle installation dans les immeubles neufs et l'admet seulement sous conditions dans les logements anciens (pièce 9 Selune) ;
¿elle justifie de plusieurs factures de réparation du sanibroyeur en cause suite au WC bouché (pièces 12 et 21, réparation de la pompe, du joint de mécanisme, du flotteur) ;
Ainsi il convient de considérer qu'en prouvant que l'installation du sanibroyeur est irrégulière, qu'il est impossible de la régulariser et qu'il est impossible techniquement de remplacer le système par des toilettes ordinaires, alors que la vente excluait les inconvénients du sanibroyeur, la SCI La Selune démontre un manquement suffisamment grave du vendeur à son obligation de délivrance conforme pour justifier la résolution du contrat ;
Le fait que la SCI EMJJ n'avait pas connaissance, selon ses dires, de l'existence du sanibroyeur ne l'exonère pas de sa responsabilité puisqu'elle a expressément déclaré dans la clause litigieuse qu'il n'existait pas un tel système ; d'autre part, le fait que cette clause soit intitulée dispositifs particuliers » et qu'il ne soit pas expressément écrit que l'absence de sanibroyeur était une condition déterminante du consentement de la SCI La Selune n'empêche pas l'application de l'article 1610 du code civil, du fait de la démonstration du manquement suffisamment grave du vendeur ;
Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a débouté la SCI La Selune de ses demandes ;
Et il y a lieu d'ordonner la résolution de la vente, par acte notarié reçu le 16 novembre 2021, par la SCI EMJJ au profit de la SCI La Selune des lots n°17 et n°18, moyennant le prix de 180.000 €, dans l'ensemble immobilier situé à Montreuil [Adresse 2] figurant ainsi au cadastre section BE n°[Cadastre 7] Lieudit [Adresse 3] surface 1a48ca, de dire qu'à compter du prononcé de la nullité du contrat de vente, la SCI La Selune est tenue de restituer l'immeuble objet de la vente annulée à la SCI EMJJ et d'ordonner la publication du présent arrêt au service chargé de la publicité foncière de la situation de l'immeuble à la diligence de la SCI EMJJ ;
Sur les demandes financières
Aux termes de l'article 1611 du code civil, « Dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu » ;
Aux termes de l'article 1229 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, « La résolution met fin au contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.
Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 » ;
En l'espèce, il y a lieu de faire droit aux demandes suivantes justifiées par le relevé de compte notarial du 24 avril 2025 (pièce 22 Selune) :
- la somme de 180.000 € au titre de la restitution du prix de vente,
- la somme de 13.938,80 € (10.644 +3.294,80) au titre des frais notariés,
- la somme de 9.000 € au titre des frais d'agence ;
La SCI La Selune justifie avoir réglé des frais de plomberie constituant des travaux de maintenance du sanibroyeur, soit la somme totale de 2.036,41 € (495+143+1.232+166,41) (pièces 12 et 21 Selune) ;
Concernant les intérêts du prêt, la SCI La Selune ne produit que le tableau d'amortissement du 15 novembre 2021 (pièce 14 Selune) qui ne permet pas de déterminer si l'établissement bancaire a maintenu la totalité des intérêts du prêt à la charge de la SCI La Selune ;
Sa demande à ce titre doit être rejetée ainsi que la demande non justifiée au titre des « entiers frais à intervenir quant à la mutation du bien et les frais notariés futurs en lien » ;
La cour disposant de suffisamment d'éléments pour statuer sur ces demandes, il convient de débouter la SCI EMJJ de sa demande d'expertise judiciaire ;
En conséquence, il y a lieu de condamner la SCI EMJJ à payer à la SCI La Selune les sommes suivantes :
- 180.000 € au titre de la restitution du prix de vente,
- 13.938,80 € au titre des frais notariés,
- 9.000 € au titre des frais d'agence,
d'ordonner les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation du 24 octobre 2022 et la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil,
- 2.036,41 € au titre des travaux de conservation ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
La SCI EMJJ, partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la SCI La Selune la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par la SCI EMJJ ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Rejette la demande de la SCI EMJJ de déclarer irrecevable la demande en appel de la SCI La Selune de dommages et intérêts au titre des intérêts d'emprunts ;
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SCI EMJJ ;
Statuant sur les chefs réformés et y ajoutant,
Ordonne la résolution de la vente, par acte notarié reçu le 16 novembre 2021, par la SCI EMJJ au profit de la SCI La Selune des lots n°17 et n°18, moyennant le prix de 180.000 €, dans l'ensemble immobilier situé à Montreuil [Adresse 2] figurant ainsi au cadastre section BE n°[Cadastre 7] Lieudit [Adresse 3] surface 1a48ca ;
Dit qu'à compter du prononcé de la nullité du contrat de vente, la SCI La Selune est tenue de restituer l'immeuble objet de la vente annulée à la SCI EMJJ ;
Condamne la SCI EMJJ à payer à la SCI La Selune les sommes suivantes :
- 180.000 € au titre de la restitution du prix de vente,
- 13.938,80 € au titre des frais notariés,
- 9.000 € au titre des frais d'agence ;
Dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2022 et ordonne la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil ;
Condamne la SCI EMJJ à payer à la SCI La Selune la somme de 2.036,41 € au titre des travaux de conservation ;
Déboute la SCI La Selune de ses demandes au titre des intérêts du prêt et au titre des « entiers frais à intervenir quant à la mutation du bien et les frais notariés futurs en lien » ;
Déboute la SCI EMJJ de sa demande d'expertise judiciaire ;
Ordonne la publication du présent arrêt au service chargé de la publicité foncière de la situation de l'immeuble à la diligence de la SCI EMJJ ;
Condamne la SCI EMJJ aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la SCI La Selune la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel ;
Rejette la demande de la SCI EMJJ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LE GREFFIER,
LA PRÉSIDENTE,
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2025
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00226 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIVWQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2023 - Tribunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOBIGNY - RG n° 23/639
APPELANTE
SCI LA SELUNE immatriculée au RCS de Alençon sous le n° 902 978 865, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentée et assistée de Me Mélanie LEONE CROZAT de la SELARL CABINET LEONE-CROZAT ASSOCIEES, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
SCI EMJJ immatriculée au RCS de Bobigny sous le numéro 444 440 309, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050 assistée de Me Mikaël LOREK, avocat au barreau de PARIS, toque : C1707
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nathalie BRET, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre
Nathalie BRET, conseillère
Catherine GIRARD- ALEXANDRE, conseillère
Greffier, lors des débats : Marylène BOGAERS.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte notarié reçu le 16 novembre 2021, la SCI EMJJ a vendu à la SCI La Selune un appartement sis [Adresse 5], moyennant le prix de 180.000 €, étant précisé que le vendeur a déclaré « qu'il n'y a pas de water-closet de type broyeur/sanibroyeur », ce qui s'est révélé inexact.
Par acte d'huissier enrôlé le 27 octobre 2022, la SCI La Selune a fait assigner la SCI EMJJ devant le tribunal judiciaire de Bobigny, en résolution de la vente et paiement de dommages et intérêts.
Par jugement du 23 octobre 2023, le tribunal judiciaire de Bobigny a statué ainsi :
- déclare irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SCI EMJJ,
- déboute la SCI La Selune de ses demandes,
- condamne la SCI EMJJ aux dépens, en ce inclus les frais d'huissier, avec bénéfice du droit prévu par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamne la SCI EMJJ à payer à la SCI La Selune la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelle que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit,
- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La SCI La Selune a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 13 décembre 2023.
La procédure devant la cour a été clôturée le 22 mai 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions communiquées par la voie électronique le 29 avril 2025, par lesquelles la SCI La Selune, appelante, invite la cour à :
Vu les articles 1603, 1604 et suivants du Code Civil
Vu l'article 1610 du Code Civil
Vu l'article 1611 du Code Civil
Vu les articles 1240 et suivants du Code Civil
A titre subsidiaire vu les articles 1641, 1644 et 1648 du Code Civil
Vu les articles 1343-2 et 2001 du Code civil
Vu l'article 1352-5 et 1352-6 du Code Civil
Vu les articles 565 et 566 du Code de Procédure Civile
Vu l'article 699 et 700 du Code de Procédure Civile
' DECLARER la SCI LA SELUNE recevable et bien fondée en son appel, fins et conclusions
' DECLARER la SCI EMJJ irrecevable et mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
' DEBOUTER la SCI EMJJ de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
' INFIRMER le jugement rendu le 23 octobre 2023 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY (chambre 6/ Section 4- RG 22/10664) en ce qu'il a débouté la SCI LA SELUNE de ses demandes
Et statuant à nouveau :
' DIRE que la vente intervenue le 16 novembre 2021 avait comme condition essentielle l'absence de sanibroyeur dans l'appartement
' PRONONCER la résolution de la vente immobilière régularisée entre la SCI LA SELUNE et la SCI EMJJ le 16 novembre 2021 au titre du défaut de conformité
Si par extraordinaire, la Cour ne retenait pas la non-conformité :
' PRONONCER la résolution de la vente immobilière régularisée entre la SCI LA SELUNE et la SCI EMJJ le 16 novembre 2021 au titre de la garantie des vices cachés
En tout état de cause :
' ORDONNER et CONDAMNER la SCI EMJJ à restituer à la SCI LA SELUNE le prix de vente d'un montant de 180.000 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation du 24 octobre 2022
' CONDAMNER la SCI EMJJ à payer à la SCI LA SELUNE la somme de 22.955,80 euros, correspondant aux frais notariés et taxes acquittés outre les intérêts légaux ayant courus depuis le jour de la délivrance de l'assignation du 24 octobre 2022
' ORDONNER la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du Code Civil.
' CONDAMNER la SCI EMJJ à payer à la SCI LA SELUNE la somme de 2.036,41 euros au titre des travaux de conservation engagés
' CONDAMNER la SCI EMJJ à supporter les entiers frais à intervenir quant à la mutation du bien et les frais notariés futurs en lien.
' JUGER recevable la demande formée par la SCI LA SELUNE de dommages et intérêts au titre des intérêts d'emprunt
' CONDAMNER la SCI EMJJ à payer à la SCI LA SELUNE la somme de 11.457,71 à titre de dommages et intérêts au titre des intérêts d'emprunt
A titre infiniment subsidiaire :
En cas de désignation d'un expert ayant pour mission d'établir les comptes entre les parties suite à l'annulation de la vente :
' CONDAMNER la SCI EMJJ à prendre en charge la totalité des frais et honoraires de l'Expert judiciaire
En tout état de cause :
' CONDAMNER la SCI EMJJ à payer à la SCI LA SELUNE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens de la présente instance, qui pourront être recouvrés par Maître Marie-Hélène LEONE-CROZAT dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
Vu les conclusions communiquées par la voie électronique le 19 mai 2025, par lesquelles ma SCI EMJJ, intimée, invite la cour à :
CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la SCI LA SELUNE de ses demandes
INFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a :
- Déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SCI EMJJ ;
- Condamné la SCI EMJJ aux dépens, en ce inclus les frais d'huissier, avec bénéfice du droit prévu par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- Condamné la SCI EMJJ à payer à la SCI La Selune la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. »
Statuant à nouveau :
A titre principal :
- JUGER la SCI SELUNE irrecevable en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire :
- JUGER la SCI SELUNE mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
En conséquence :
- DEBOUTER la SCI SELUNE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
A titre infiniment subsidiaire :
- JUGER IRRECEVABLE la demande nouvelle formée par la SCI SELUNE de dommages et intérêts au titre des intérêts d'emprunt
- DEBOUTER la SCI SELUNE de l'ensemble de ses demandes indemnitaires
- DESIGNER tel expert qu'il lui plaira avec pour mission d'établir les comptes entre les parties suites à l'annulation de la vente
En tout état de cause
- CONDAMNER la Société SELUNE à verser à la SCI EMJJ la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'en tous les dépens ;
SUR CE,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;
SUR [Localité 11] DE NON-RECEVOIR
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée »
Sur la fin de non-recevoir relative à la publication de l'assignation
La SCI EMJJ sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable sa fin de non-recevoir relative à l'absence de publication de l'assignation ; dans la motivation de ses conclusions, elle conclut qu'elle s'en rapporte sur la recevabilité de sa demande suite à la production en appel par la SCI La Selune de la publication de l'assignation le 16 mars 2023 ;
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SCI EMJJ ;
Sur la fin de non-recevoir relative à la demande nouvelle en appel
La SCI EMJJ sollicite de juger irrecevable la demande formée nouvellement en appel par la SCI La Selune de dommages et intérêts au titre des intérêts d'emprunts ;
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait' ;
Aux termes de l'article 565 du même code, 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent' ;
Aux termes de l'article 566 du même code, 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire' ;
En l'espèce, selon le jugement et les pièces produites, en première instance, la SCI La Selune a sollicité, en conséquence de la résolution de la vente, les sommes suivantes :
- 180.000 € au titre de la restitution du prix de vente,
- 25.800 € au titre du préjudice financier, constitué par les frais de notaire,
- 1.870 € au titre du préjudice financier, constitué par les travaux de conservation ;
En appel, la SCI La Selune sollicite, en conséquence de la résolution de la vente, les sommes suivantes :
- 180.000 € au titre de la restitution du prix de vente,
- 29.955,80 € au titre des frais de notaire (25.800 + 4.155,80),
- 2.036,41 € au titre des travaux de conservation (1.870 + 166,41),
- 11.457,71 € au titre des intérêts d'emprunt ;
Il en ressort que la demande au titre des intérêts d'emprunt n'est pas une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, à savoir les sommes dues en conséquence de la résolution de la vente ;
Il y a donc lieu de rejeter la demande de la SCI EMJJ de déclarer irrecevable la demande en appel de la SCI La Selune de dommages et intérêts au titre des intérêts d'emprunts ;
SUR LE FOND
Sur la demande de résolution de la vente pour manquement à l'obligation de délivrance conforme
La SCI La Selune sollicite la résolution de la vente, sur le fondement des articles 1603, 1604 et 1610 du code civil, et soutient que le bien litigieux n'est pas conforme à ce qui lui a été vendu, du fait de la présence du sanibroyeur, pourtant expressément exclu par l'acte de vente ; elle précise qu'il est source d'inconvénients (installations bruyantes, odorantes, sujettes à refoulement, nécessitant un entretien important), non conforme au regard de la règlementation sanitaire applicable et au droit de la copropriété et qu'il existe une impossibilité technique de raccorder un WC ordinaire ;
La société EMJJ oppose que la clause stipulant l'absence de sanibroyeur figure parmi les dispositifs particuliers » et n'est pas mentionnée comme une condition déterminante du consentement ; elle ajoute que le règlement sanitaire départemental de la Seine [Localité 14] admet la pose des sanibroyeurs dans les immeubles anciens, sans autorisation pour ceux existants à la date de son entrée en vigueur, et que l'inexécution n'est pas suffisamment grave pour justifier la résolution de la vente ; elle précise qu'elle n'avait pas connaissance du sanibroyeur et sollicite l'application de la clause contractuelle d'exclusion de la garantie des vices cachés puisque la SCI La Selune est une professionnelle de l'acquisition immobilière ;
Le tribunal a rejeté la demande au motif qu'il n'était pas démontré le caractère suffisamment grave du défaut de conformité ;
Aux termes de l'article 1603 du code civil, « Il (le vendeur) a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend » ;
Aux termes de l'article 1604 du code civil, « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
Aux termes de l'article 1610 du code civil, « Si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur » ;
Aux termes de l'article 1224 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, « La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice » ;
Aux termes de l'article 1353 du code civil, « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation » ;
La non-conformité de la chose vendue aux spécifications contractuelles constitue un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme (1ère chambre civile, 24 janvier 2006, pourvoi n°04-11.903) ;
La charge de la preuve de la non-conformité pèse sur l'acheteur demandeur à l'exception (chambre commerciale, 3 décembre 1980, pourvoi 78-13.305) ;
En se déterminant sans rechercher si l'absence de certificat de conformité constituait un manquement suffisamment grave du vendeur à ses obligations justifiant la résolution du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision (chambre commerciale, 27 février 2007, pourvoi n°05-21507) ;
En l'espèce, il appartient à la SCI La Sélune de rapporter la preuve du défaut de conformité ; d'autre part, sa demande portant sur la résolution de la vente, consistant en l'anéantissement du contrat, elle doit démontrer que le manquement est suffisamment grave ;
L'acte notarié du 16 novembre 2021 précise :
- en page 3, au titre de l'identification du bien :
« Dans un ensemble immobilier situé à [Localité 13] [Adresse 1]) [Adresse 3] figurant ainsi au cadastre section BE n°[Cadastre 7] Lieudit [Adresse 3] surface 1a48ca
Les lots de copropriété suivants :
Lot n°17
Dans le bâtiment A, au quatrième étage, porte face gauche sur le palier : une pièce avec douche.
Et les 203/10.000èmes des parties communes générales.
Lot n°18
Dans le bâtiment A, au quatrième étage, porte face droite sur le palier : une pièce avec coin cuisine.
Et les 208.100.000èmes des parties communes générales.
Tel que le bien existe, avec tous droits y attachés, sans aucune exception ni réserve.
Plans des lots
Une copie des plans des lots est annexée.
Les parties déclarent que les plans correspondent à la situation ainsi qu'à la désignation des lots.
Superficie de la partie privative
La superficie de la partie privative des biens soumis aux dispositions de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 est de :
17,29 m² pour le lot n°17 et 18 réunis.
Le tout ainsi qu'il est développé à la suite de la partie normalisée »,
- en page 11, au titre de l'état du bien :
« L'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison : des vices apparents, des vices cachés.
S'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas : si le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction, sauf si l'acquéreur a également cette qualité ou s'il est prouvé par l'acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur »,
- en page 16, au titre des dispositifs particuliers :
« Broyeur
Le vendeur déclare qu'il n'existe pas de water-closet de type broyeur/sanibroyeur » ;
La SCI La Sélune démontre qu'il existe un water-closet de type broyeur/sanibroyeur dans l'appartement en produisant les pièces suivantes :
- l'attestation de la société Ecobat du 4 avril 2022 précisant « Nous vous informons par cette présente qu'à la suite du passage de notre technicien au [Adresse 4], il a constaté qu'il y a bien un broyeur dans l'appartement » (pièce 3 Selune),
- le procès-verbal du 15 juin 2022 dans lequel l'huissier constate « l'installation du sanibroyeur équipant la cuvette de toilettes installée dans la salle d'eau » (pièce 4 Selune),
- le courriel du 18 mars 2025, par lequel le service d'hygiène et de santé de la ville de [Localité 12] précise « au regard de mes constats, lors de la visite en date du 06/03/2025 en présence de M. [H] de l'agence Vouille Immo, un sanibroyeur est bien présent dans le logement » (pièce 18 Selune) ;
Il est justifié que le sanibroyeur n'était pas apparent pour l'acquéreur, même pour un professionnel de la vente immobilière, auquel il a été certifié qu'il n'y avait pas de sanibroyeur ; en effet, il ressort du constat de l'huissier du 15 juin 2022 (pièce 4 Selune) et des photographies de la salle d'eau (pièce 5 Selune) qu'il s'agit d'un WC suspendu dont l'apparence visible est identique à celle d'un WC classique ; il n'y a pas d'élément extérieur laissant penser que la déclaration selon laquelle il ne s'agit pas d'un sanibroyeur ne correspond pas à la réalité ; le système d'évacuation qui permet de les différencier est dissimulé derrière un bâti, côté salle d'eau, et derrière une trappe elle-même cachée derrière le réfrigérateur, côté cuisine, l'huissier précisant que ce n'est qu'après avoir déposé la trappe dissimulée derrière le réfrigérateur dans la cuisine, qu'il a constaté l'installation du sanibroyeur équipant la cuvette de toilettes installée dans la salle d'eau ;
Ainsi la SCI La Sélune justifie de la non-conformité aux spécifications contractuelles de la chose vendue, puisqu'elle démontre l'existence d'un water-closet de type broyeur/sanibroyeur alors que, dans l'acte de vente, le vendeur déclare qu'il n'en existe pas, ce qui constitue un manquement de la SCI EMJJ à son obligation de délivrance conforme ;
Il convient de considérer que la clause contractuelle exonératoire de garantie pour le professionnel de l'immobilier ou de la construction, qui est expressément limitée à l'action en garantie des vices cachés, est inapplicable à l'action en manquement à l'obligation de délivrance ;
Le règlement de copropriété du 8 mars 2001 (pièce 10 Selune) ne mentionnant pas l'existence d'un WC dans les lots n°17 et 18 alors qu'il le mentionne dans d'autres lots, et aucun élément ne justifiant que le sanibroyeur existait avant la division de l'immeuble en lots, il convient de considérer qu'il n'existait pas de WC dans les lots n°17 et 18 à cette date, que le sanibroyeur en cause a été installé postérieurement au 8 mars 2001 et que l'article 49 non modifié du règlement sanitaire départemental du 24 décembre 1980, sous-visé, est applicable au sanibroyeur des lots n°17 et 18 réunis, installé postérieurement au 8 mars 2001 et donc postérieurement à l'entrée en vigueur dudit règlement ;
Pour justifier de la gravité du manquement à l'obligation de délivrance conforme, la société La Selune produit les pièces suivantes :
- elle démontre que l'installation du sanibroyeur en cause est irrégulière et qu'il est impossible de la régulariser :
¿aux termes de l'article 49 non modifié du règlement sanitaire départemental du 24 décembre 1980, le système de cabinets d'aisances comportant un dispositif de désagrégation des matières fécales (sanibroyeur), interdit dans un immeuble neuf, est possible exceptionnellement dans les logements anciens après avis de l'autorité sanitaire, sous conditions que le conduit d'évacuation soit raccordé directement sur une canalisation d'eaux vannes (et non d'eaux usées) de diamètre suffisant et convenablement ventilée (pièce 9 Selune) ;
¿selon le rapport de la société Ecobat (pièce 8 Selune) et les plans de l'immeuble (pièces 8 et 15 Selune), le sanibroyeur est raccordé à la colonne d'eaux usées de la cuisine et la colonne d'eaux vannes est située à l'opposé de l'immeuble ;
¿il ressort du rapport de la société Ecobat du 29 novembre 2023 (pièce 8 Selune) que la création d'un raccord pour rejoindre la colonne des eaux vannes située à l'opposé de l'immeuble passerait nécessairement par des chambres d'autres lots, ce qui est interdit ;
¿l'assemblée générale des copropriétaires du 24 mars 2025 a rejeté la résolution de la SCI La Selune relative à la ratification des travaux d'installation du sanibroyeur raccordé à la colonne des eaux usées de l'immeuble (pièces 11 et 19 Selune) ;
¿le service communal d'hygiène et de santé précise dans son courriel du 18 mars 2025 que l'autorité sanitaire est dans l'impossibilité de conforter une installation déjà réalisée (pièce 18 Selune) ;
- elle démontre l'impossibilité technique de remplacer le système par des toilettes ordinaires :
¿la société Ecobat précise dans son rapport du 29 novembre 2023 (pièce 8 Selune) que l'installation d'un WC traditionnel est impossible car le WC doit être raccordé à une colonne d'eau vannes, que celle-ci est située à l'opposé de l'immeuble et que la seule possibilité qui consisterait à créer un raccord passant dans les chambres d'autres lots est interdite ;
- elle démontre les inconvénients du sanibroyeur par rapport au WC traditionnel :
¿l'article 49 non modifié du règlement sanitaire départemental du 24 décembre 1980 précise les précautions à prendre, concernant le sanibroyeur, pour éviter les risques de reflux d'eaux vannes et les nuisances sonores, en indiquant qu'il interdit une telle installation dans les immeubles neufs et l'admet seulement sous conditions dans les logements anciens (pièce 9 Selune) ;
¿elle justifie de plusieurs factures de réparation du sanibroyeur en cause suite au WC bouché (pièces 12 et 21, réparation de la pompe, du joint de mécanisme, du flotteur) ;
Ainsi il convient de considérer qu'en prouvant que l'installation du sanibroyeur est irrégulière, qu'il est impossible de la régulariser et qu'il est impossible techniquement de remplacer le système par des toilettes ordinaires, alors que la vente excluait les inconvénients du sanibroyeur, la SCI La Selune démontre un manquement suffisamment grave du vendeur à son obligation de délivrance conforme pour justifier la résolution du contrat ;
Le fait que la SCI EMJJ n'avait pas connaissance, selon ses dires, de l'existence du sanibroyeur ne l'exonère pas de sa responsabilité puisqu'elle a expressément déclaré dans la clause litigieuse qu'il n'existait pas un tel système ; d'autre part, le fait que cette clause soit intitulée dispositifs particuliers » et qu'il ne soit pas expressément écrit que l'absence de sanibroyeur était une condition déterminante du consentement de la SCI La Selune n'empêche pas l'application de l'article 1610 du code civil, du fait de la démonstration du manquement suffisamment grave du vendeur ;
Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a débouté la SCI La Selune de ses demandes ;
Et il y a lieu d'ordonner la résolution de la vente, par acte notarié reçu le 16 novembre 2021, par la SCI EMJJ au profit de la SCI La Selune des lots n°17 et n°18, moyennant le prix de 180.000 €, dans l'ensemble immobilier situé à Montreuil [Adresse 2] figurant ainsi au cadastre section BE n°[Cadastre 7] Lieudit [Adresse 3] surface 1a48ca, de dire qu'à compter du prononcé de la nullité du contrat de vente, la SCI La Selune est tenue de restituer l'immeuble objet de la vente annulée à la SCI EMJJ et d'ordonner la publication du présent arrêt au service chargé de la publicité foncière de la situation de l'immeuble à la diligence de la SCI EMJJ ;
Sur les demandes financières
Aux termes de l'article 1611 du code civil, « Dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu » ;
Aux termes de l'article 1229 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, « La résolution met fin au contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.
Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 » ;
En l'espèce, il y a lieu de faire droit aux demandes suivantes justifiées par le relevé de compte notarial du 24 avril 2025 (pièce 22 Selune) :
- la somme de 180.000 € au titre de la restitution du prix de vente,
- la somme de 13.938,80 € (10.644 +3.294,80) au titre des frais notariés,
- la somme de 9.000 € au titre des frais d'agence ;
La SCI La Selune justifie avoir réglé des frais de plomberie constituant des travaux de maintenance du sanibroyeur, soit la somme totale de 2.036,41 € (495+143+1.232+166,41) (pièces 12 et 21 Selune) ;
Concernant les intérêts du prêt, la SCI La Selune ne produit que le tableau d'amortissement du 15 novembre 2021 (pièce 14 Selune) qui ne permet pas de déterminer si l'établissement bancaire a maintenu la totalité des intérêts du prêt à la charge de la SCI La Selune ;
Sa demande à ce titre doit être rejetée ainsi que la demande non justifiée au titre des « entiers frais à intervenir quant à la mutation du bien et les frais notariés futurs en lien » ;
La cour disposant de suffisamment d'éléments pour statuer sur ces demandes, il convient de débouter la SCI EMJJ de sa demande d'expertise judiciaire ;
En conséquence, il y a lieu de condamner la SCI EMJJ à payer à la SCI La Selune les sommes suivantes :
- 180.000 € au titre de la restitution du prix de vente,
- 13.938,80 € au titre des frais notariés,
- 9.000 € au titre des frais d'agence,
d'ordonner les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation du 24 octobre 2022 et la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil,
- 2.036,41 € au titre des travaux de conservation ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
La SCI EMJJ, partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la SCI La Selune la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par la SCI EMJJ ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Rejette la demande de la SCI EMJJ de déclarer irrecevable la demande en appel de la SCI La Selune de dommages et intérêts au titre des intérêts d'emprunts ;
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SCI EMJJ ;
Statuant sur les chefs réformés et y ajoutant,
Ordonne la résolution de la vente, par acte notarié reçu le 16 novembre 2021, par la SCI EMJJ au profit de la SCI La Selune des lots n°17 et n°18, moyennant le prix de 180.000 €, dans l'ensemble immobilier situé à Montreuil [Adresse 2] figurant ainsi au cadastre section BE n°[Cadastre 7] Lieudit [Adresse 3] surface 1a48ca ;
Dit qu'à compter du prononcé de la nullité du contrat de vente, la SCI La Selune est tenue de restituer l'immeuble objet de la vente annulée à la SCI EMJJ ;
Condamne la SCI EMJJ à payer à la SCI La Selune les sommes suivantes :
- 180.000 € au titre de la restitution du prix de vente,
- 13.938,80 € au titre des frais notariés,
- 9.000 € au titre des frais d'agence ;
Dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2022 et ordonne la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil ;
Condamne la SCI EMJJ à payer à la SCI La Selune la somme de 2.036,41 € au titre des travaux de conservation ;
Déboute la SCI La Selune de ses demandes au titre des intérêts du prêt et au titre des « entiers frais à intervenir quant à la mutation du bien et les frais notariés futurs en lien » ;
Déboute la SCI EMJJ de sa demande d'expertise judiciaire ;
Ordonne la publication du présent arrêt au service chargé de la publicité foncière de la situation de l'immeuble à la diligence de la SCI EMJJ ;
Condamne la SCI EMJJ aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la SCI La Selune la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel ;
Rejette la demande de la SCI EMJJ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LE GREFFIER,
LA PRÉSIDENTE,