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CA Paris, Pôle 1 - ch. 8, 17 octobre 2025, n° 25/00578

PARIS

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CA Paris n° 25/00578

17 octobre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8

ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2025

(n° , 3 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/00578 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKS47

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Décembre 2024 -Tribunal judiciaire de MELUN - RG n° 24/00555

APPELANTE

L'ASSOCIATION [11] [Localité 20] agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Elisabeth DE LA TOUANNE-ANDRILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0017 et ayant pour avocat plaidant Me Sandrine GODEMER de la SAS AGORA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

LA [18] agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandrine ROUSSEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0119

et ayant pour avocat plaidant Me Jérôme BERTHET, avocat au barreau de LYON, toque : 1523

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 septembre 2025, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président de chambre et Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:

Florence LAGEMI, Président de chambre,

Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Lydia BEZZOU

ARRÊT :

- Contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Président de chambre et par Catherine CHARLES, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

Le réseau associatif d'Aide à Domicile en Milieu Rural ([5]) intervient auprès des personnes et des familles, de la naissance à la fin de vie, et couvre tous les champs des services à la personne : autonomie, services de confort à domicile, famille et santé.

Ce réseau s'organise autour d'une Union nationale, de fédérations départementales et d'associations locales.

Les associations locales sont tenues lors de leur affiliation au réseau [5] d'adopter des statuts types établis par l'Union nationale et d'adhérer à l'association constituant la fédération [5] de leur département d'implantation.

L'association locale [9] a été créée le 1er juin 2001 et était affiliée à la fédération [8] jusqu'à l'assemblée générale extraordinaire du 12 mars 2024 au cours de laquelle elle a décidé de quitter le réseau [5] à compter du 1er septembre 2024, de changer sa dénomination en [11] [Localité 20] et de résilier le mandat de gestion signé avec la fédération [8].

Exposant principalement que la fédération [8] ne lui a pas reversé les subventions des financeurs publics qui lui revenaient et servaient à rémunérer ses salariés, l'association [11] Provins l'a, par acte de commissaire de justice en date du 23 octobre 2024, fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Melun aux fins, d'obtenir sa condamnation à lui régler la somme provisionnelle de 347 550,35 euros au titre des aides perçues par le Département de Seine-et-Marne et la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par ordonnance contradictoire du 6 décembre 2024, le premier juge a :

- constaté la nullité de l'assignation délivrée par l'association [11] [Localité 20] à la fédération départementale [8],

- condamné l'association [11] [Localité 20] aux dépens et à verser à la fédération départementale [8] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 19 décembre 2024, l'association [11] [Localité 20] (ci-après désignée l'association [10]) a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 septembre 2025, l'association [10] demande à la cour de :

- condamner la fédération départementale [8] à lui verser, à titre de provision, la somme de 142.695,36 euros au titre des aides perçues par le Département de Seine-et-Marne,

- condamner la fédération départementale [8] à lui verser la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la fédération départementale [8] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel incluant la somme de 480 euros exposée au titre de la sommation de communiquer.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 1er septembre 2025, la fédération [8] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance rendue le 19 décembre 2024 ;

Par conséquent,

- déclarer nulle l'assignation délivrée par l'association [10] pour défaut de pouvoir de son représentant légal ;

À titre subsidiaire,

- débouter l'association [10] de l'intégralité de ses demandes du fait de l'existence de contestations sérieuses ;

En tout état de cause,

- condamner l'association [10] aux entiers dépens de l'instance et à lui verser la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 septembre 2025.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la nullité de l'assignation

Aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :

Le défaut de capacité d'ester en justice ;

Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;

Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.

Et selon l'article 121 du même code, dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Il résulte de ces textes que le fait d'agir en justice sans disposer des pouvoirs nécessaires est analysée comme une irrégularité de fond et que la nullité pour irrégularité de fond n'est pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue y compris devant le juge d'appel.

Au cas présent, le premier juge a retenu que le procès-verbal du conseil d'administration de l'association [10] en date du 2 septembre 2024 habilitant la présidente à ester en justice tant en demande qu'en défense contre la fédération [8] ne comportait aucune signature des membres composant le conseil.

L'association [10] fait valoir que la pièce communiquée au premier juge était malheureusement tronquée, le verso du procès-verbal qui comportait les signatures des membres du conseil d'administration faisant défaut. Elle soutient que cette irrégularité est couverte par le procès-verbal versé à hauteur de cour en intégralité (sa pièce n°12) et qu'au surplus, un nouveau procès-verbal en date du 16 décembre 2024 a, de nouveau, autorisé la présidente à ester en justice.

La fédération [8] qui émet des doutes sur la réalité des signatures sur le procès-verbal initial du conseil d'administration soutient, en tout état de cause, que la régularisation devait intervenir avant que le premier juge ne statue.

La cour constate que le procès-verbal du 2 septembre 2024 autorisant la présidente à ester en justice contre la fédération [8] comporte au verso l'adoption de la première résolution et les signatures de tous les membres du conseil d'administration présents. Si la fédération [8] émet des doutes sur ce document et l'existence d'un verso ab initio, rien de permet de remettre en cause sa véracité.

L'association [10] justifiant désormais d'un pouvoir régulier donné à sa présidente pour ester en justice contre la fédération [8], il convient d'infirmer l'ordonnance qui a constaté la nullité de l'assignation délivrée par l'association [10] à la fédération [6].

Sur la provision sollicitée

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l'article 3.2 de la convention de mandat de gestion signée entre la fédération [8] et l'association [9] (devenue l'association [10]), « la fédération s'engage à :

(')

- à la faire bénéficier de toutes les conventions qu'elle a passées ou passera avec tous les organismes financeurs dans le cadre des prises en charge possibles pour les personnes aidées (Conseil Départemental, [13], [12], autres caisses, mutuelles, etc')

- à réaliser tous les mois les paies des salariés de l'association au vu des éléments d'activités envoyés par l'association adhérent. La fédération s'engage à ce que les virements de salaires soient effectués le plus vite possible.

- à effectuer la facturation auprès des organismes payeurs dans la mesure où un accord a été donné.

- Dans le cas où les organismes auraient du retard dans le paiement de la facturation et que l'association soit en difficulté financière non liée à une mauvaise gestion, il est possible de faire une avance de trésorerie. Elle devra être demandée par un document indiquant le montant et la nature précise de cette avance.

- Les reversements des sommes perçues des caisses seront effectués par virement avec l'envoi d'un bordereau explicatif déduction faite des avances déjà effectuées. Lors d'un prélèvement exceptionnel la fédération s'engage à prévenir l'association pour qu'elle ne soit pas mise en difficulté financière. »

L'association [10] sollicite une provision d'un montant de 142.695,36 euros correspondant au solde dû au titre des « financements » du Département perçus par la fédération [8] pour son compte soit 54.585,09 euros pour 2023 et 88.110,27 euros pour 2024.

La fédération [8] soulève plusieurs contestations relatives aux fluctuations des demandes chiffrées de l'association [10], à l'absence de lisibilité des relevés de compte et à la non prise en compte par l'appelante de plusieurs versements qu'elle a effectuée à hauteur de 69.817,85 euros en l'année 2023 et de 222.434,07 euros en mars 2025. Elle en conclut qu'elle a remboursé à l'association [10] une somme supérieure à celle qui lui était due et estime en conséquence avoir une créance à son égard de 82.821,54 euros.

Il n'est pas contesté par les parties que la fédération [8] percevait pour le compte de l'association [10] d'une part, des « financements » du Département de Seine-et-Marne (correspondant aux diverses aides sociales accordées aux bénéficiaires et à des versements liés à des contrats pluriannuels d'objectifs) d'autre part, des financements provenant des Caisses de retraites, de mutuelles etc et devait les lui reverser.

Si le montant de la provision sollicitée par l'association [10] a évolué depuis l'assignation pour être revu à la baisse, la cour ne peut tirer aucune conséquence de cette évolution sur le bien-fondé de la demande, et ce d'autant que l'association [10] se fonde aujourd'hui pour réclamer une provision sur deux tableaux Excel intitulés « paiements 2023 ADMR [Localité 20] » et « paiements 2024 ADMR [Localité 20] » adressés le 19 mai 2025 par le Département de Seine-et-Marne, à la suite d'une réunion tenue le 12 mai 2025.

Il résulte de ces tableaux que :

- pour l'année 2023, le Département a versé à la fédération [8] la somme totale de 729.967,37 euros (33.640 + 696.327,37) au titre des divers financements qui devaient être reversés à l'association [10] ;

- pour l'année 2024, le Département a versé à la fédération [8] la somme de 698.596,05 euros (57.946 + 640.650,05) au titre des divers financements qui devaient être reversés à l'association [10].

Pour justifier des versements effectués par la fédération [8] à son profit, l'association [10] produit l'intégralité de ses relevés de comptes pour les années 2023 et 2024, parfaitement lisibles et exploitables. Elle considère ainsi que les sommes qui lui ont été reversées au titre des financements du Départements se sont élevées à 675.382 euros en 2023 soit un solde en sa faveur de 54.585,09 euros et 610.485,78 euros en 2024, soit un solde en sa faveur de 88.110,27 euros.

Dans ses conclusions, la fédération [8] évalue les sommes qu'elle a perçues par « les financeurs » pour le compte et au nom de l'association [10] à 858.138,79 euros en 2023 et à 751.283,72 euros en 2024 et estime lui avoir reversé en 2023 la somme de 813.947,35 euros et en 2024 la somme de 655.862,63 euros, soit un solde de 44.191,44 euros en 2023 et 95.421,09 euros en 2024 en faveur de l'appelante.

Mais dès lors que la fédération [8] ne justifie par aucune pièce les montants des aides sociales perçues par le Département de Seine-et-Marne pour le compte de l'association [10], il convient de se référer aux seuls montants issus des tableaux émanant du Département.

De même, les tableaux que la fédération [8] produit (ses pièces 1, 8 et 9) pour justifier des montants reversés à son adhérente ne sont ni certifiés par un expert-comptable, ni issus de sa comptabilité et ne se rapportent pas exclusivement aux aides versées par le Département de Seine-et-Marne. En effet, ils incluent aussi des sommes de « Remb uniformation SST1 », « CNAV » « [16] » « [15] » qui n'ont pas été versées par le Département de sorte qu'ils ne sont pas probants.

Pour l'année 2023, la fédération [8] fait en outre valoir que le décompte de l'association [10], établi à partir de ses relevés bancaires, ne prend pas en compte certains virements.

Mais, la somme de 87,44 euros qui correspond à une « régularisation Cesu 2022 », les sommes versées les 4 septembre et 31 octobre qui correspondent à des versements provenant des Caisses et de la [14] et la somme de 9.500 euros versée le 22 décembre qui correspond à une « avance Except Smartphones » n'ont pas vocation à être prises en compte pour l'évaluation de la provision sollicitée dès lors que l'intimée n'établit pas qu'elles concernent les sommes versées par le Département au titre des aides sociales pour l'année 2023.

En revanche, la somme de 30.000 euros, virée le 5 juillet 2023, intitulée « virement avance Provision fin 2022 +2023 » aurait dû être prise en compte au moins partiellement et ce d'autant que l'association [10] a comptabilisé un virement de 40.000 euros effectué le 7 juin portant un intitulé similaire. Les parties ne s'expliquent pas sur la répartition de cette somme au titre de l'année 2022 ou 2023. Il convient donc de retenir qu'il s'agit d'une contestation sérieuse.

Pour l'année 2023, il est alloué à l'association [10] une provision à valoir sur le solde dû au titre des financements versés par le Département de 24.585,09 (54.585,09 ' 30.000 euros).

Pour l'année 2024, la fédération [8] n'élève aucune contestation sérieuse sur le solde dû, chiffré par l'association [10] à 88.110,27 euros.

S'agissant du versement de 222.434,07 euros effectué le 27 mars 2025 par la fédération [8] à l'association [10], la fédération [8] n'établit pas que cette somme se rapporte à un solde au titre des financements du Département de Seine-et-Marne pour les années 2023 et 2024. Au contraire, sa pièce n°10 intitulée dans son bordereau « ensemble des flux financiers sur 2025 » et qui se présente sous forme d'un tableau se rapporte à « des cotisations [17], Facturation [19] » et une « facturation Caisses ». Ce seul document ne permet donc pas d'établir que ce flux financier, pourtant intervenu alors que la présente instance était pendante, concerne des reversements de sommes provenant du Département de Seine-et-Marne au titre des aides sociales. L'association [10] estime au contraire que cette somme correspond à des reversements au titre des sommes perçus par la fédération [7] par des caisses de retraites, mutuelles ou la caisse d'allocations familiales, aucune somme ne lui ayant été reversées à ce titre en 2024. Alors que la fédération [8] est à l'origine du virement, il lui était parfaitement loisible de justifier les motifs précis de cette régularisation. La contestation soulevée par la fédération [8] à ce titre n'est pas sérieuse.

Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance critiquée et d'allouer à l'association [10] une provision de 112.695,36 euros (24.585,09+88.110,27).

Sur autres demandes

Au regard de l'issue du litige en appel, il convient de condamner la fédération [6] aux dépens de première instance et d'appel et à verser à l'association [10] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu d'annuler l'acte introductif d'instance,

Condamne la fédération [8] à payer à l'association [11] [Localité 20] la somme provisionnelle de 112.695,36 euros au titre du solde des aides sociales (financements) versées par le Département de Seine-et-Marne pour les années 2023 et 2024,

Condamne la fédération [6] aux dépens de première instance et d'appel et à verser à l'association [11] [Localité 20] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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