CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 16 octobre 2025, n° 24/13320
AIX-EN-PROVENCE
Autre
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 16 OCTOBRE 2025
N° 2025/557
Rôle N° RG 24/13320 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BN5DI
S.A.S. CAGNES MINI MARCHE
C/
[XX] [A]
[EC] [C]
[I] [S]
[VY] [U]
[H] [LA]
[JB] [N]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Maud DAVAL-GUEDJ
Me Pascal ALIAS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le président du TJ de [Localité 17] en date du 22 Août 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/1637.
APPELANTE
S.A.S. CAGNES MINI MARCHE,
dont le siège social est [Adresse 9]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Alexandre ZAGO, avocat au barreau de NICE
et assistée par Me Alexandre ZAGO, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Madame [XX] [A]
née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 28] ( BELGIQUE),
demeurant [Adresse 21]
représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE
Monsieur [EC] [C]
né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 15] (39),
demeurant [Adresse 11]
représenté par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE
Monsieur [I] [S]
né le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 24] (06),
demeurant [Adresse 22]
représenté par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE
Monsieur [VY] [U]
né le [Date naissance 4] 1997 à [Localité 29] (38),
demeurant [Adresse 21]
représenté par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE
Madame [H] [LA]
née le [Date naissance 6] 1997 à [Localité 24] (06), demeurant [Adresse 21]
représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE
Madame [JB] [N]
née le [Date naissance 7] 1992 à [Localité 19] (38), demeurant [Adresse 21]
représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président rapporteur
Mme Angélique NETO, Conseillère
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [XX] [A], monsieur [I] [S], monsieur [VY] [E], madame [H] [LA] et madame [JB] [N] habitent [Adresse 26]. Monsieur [EC] [C] y est propriétaire d'un appartement mis en location.
Se plaignant des nuisances sonores nocturnes produites par les livraisons du magasin de fruits et légumes de la société par actions simplifiée (SAS) [Adresse 12], sis [Adresse 10], et arguant qu'ils sont réalisés en dehors des heures prescrites par un arrêté municipal du 18 décembre 2019, les autorisant seulement entre 6 heures et 10 heures, ils se sont plaints auprès des services de l'hygiène et de la santé de la mairie qui a dressé plusieurs rapports.
Ces derniers datés des 3 septembre 2019, 12 janvier 2023, 2 mars 2023 ont conclu à une gêne caractérisée pour le voisinage de l'établissement en sorte que la mairie a, par courrier en date du 15 mai 2023, fondé sur les dispositions des articles L 2212-1 du code général des collectivités territoriale et R 1336-7 du code de la santé publique, mis en demeure la SAS Cagnes Mini Marché de mettre un terme à cette situation ... dans un délai d'un mois.
Plusieurs plaintes ont ensuite été déposées et deux nouveaux rapports de constatation dressés les 20 et 30 juillet 2023 par les Services de l'hygiène et de la santé de la commune. Des niveaux d'émergence de 8,5 à 11,5 décibels ont été relevés.
Une tentative de conciliation, programmée pour le 29 août suivant ayant échoué, la Commune de Cagnes sur Mer transmettait, le 7 septembre suivant, un procès-verbal de contravention au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grasse.
Par composition pénale validée le 14 juin 2024, M. [GO], dirigeant de la SAS [Adresse 16], était déclaré coupable des faits poursuivis et condamné à verser :
- au Trésor public une amende de 600 euros ;
- à M. [U], Mme [JB] [D], Mme [XX] [A] et M. [I] [Y] une somme de 2 000 euros, chacun, en réparation de leur préjudice moral.
La situation n'ayant pas évolué, Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C] ont, par acte de commissaire de justice en date du 10 octobre 2023, fait assigner la SAS Cagnes Mini Marché devant le président du tribunal judiciaire de Grasse, statuant en référé, aux fins, au principal, de lui voir interdire, sous astreinte, toute activité de livraison et achalandage de ses étals entre 20 heures et 6 heures du matin et de l'entendre condamner à leur verser à chacun la somme provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice.
Par ordonnance contradictoire en date du 22 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du non-respect des dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile ;
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir ;
- fait interdiction à la SAS [Adresse 12] d'exercer toute activité de livraison, d'installation et d'achalandage de ses étals entre 20 heures, le soir, et 6 heures du matin, sous asteinte de 10 000 euros par infraction dument constatée par commissaire de justice ou par trois témoins, courant à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la notification de son ordonnance et pendant une durée de quatre mois passé lequel délai il pourrait être à nouveau statué ;
- condamné la SAS Cagnes Mini Marché à payer, à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice la somme de 2 500 euros à chacun des requérants ;
- condamné la SAS [Adresse 12] aux dépens, qui ne comprendraient pas le coût du procès-verbal de constat de commissaire de justice du 13 septembre 2023 ;
- condamné la SAS Cagnes Mini Marché à verser à Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a notamment considéré :
- qu'une tentative de conciliation avait bien été organisée le 29 août 2023 par Mme [V], conciliatrice de justice en présence de M. [F] [GO], représentant de la SAS [Adresse 12] et de Mme [XX] [A], à laquelle M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] avaient donné procuration ;
- que l'intérêt à agir des requérants était suffisamment établi par leur qualité de d'occupants et/ou propriétaires d'appartements situés à trois angles de la [Adresse 25] et la [Adresse 27] ;
- que les nombreux rapports de constatations, le procès verbal de constat du 13 septembre 2023 et les attestations versées aux débats établissaient l'existence d'un trouble anormal de voisinage justifiant le prononcé de l'interdiction sollicitée.
Selon déclaration reçue au greffe le 4 septembre 2024, la SAS Cagnes Mini marché a interjeté appel de cette décision, l'appel, présenté comme un 'appel nullité', portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.
Par ordonnance en date du 18 septembre 2024, l'affaire a été fixée à l'audience du 25 mars suivant, l'ordonnance de clôture devant être rendue le 11 mars précédent.
L'avis de fixation a été envoyé le jour même au conseil de l'appelant.
Un avis lui a été envoyé le 9 octobre 2024, en lui demandant de justifier, sous 10 jours, de la signification de la déclaration d'appel dans le délai de l'article 906-1 du code de procédure civile (20 jours) à l'intimé non constitué.
Aucune réponse n'étant parvenue dans le délai imparti, une ordonnance de caducité de la déclaration d'appel a été rendue le 28 octobre 2024.
Saisie d'une requête aux fins de déféré déposée deux jours plus tard, la cour a, par arrêt en date du 3 avril 2025, infirmé l'ordonnance de caducité précitée et renvoyé l'affaire à l'audience du 9 septembre 2025 avec une clôture fixée au 1er juillet précédent. Elle a motivé sa décision par le constat que, dans le cadre de la procédure de déféré, le conseil de l'appelante justifiait désormais avoir signifié sa déclaration d'appel le 24 octobre 2024, soit dans le délai de l'article 906-1 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions transmises le 11 février 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS [Adresse 12] sollicite de la cour qu'elle infirme l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau :
- à titre principal déboute Mme [XX] [A], M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] pour irrecevabilité ;
- subsidiairement :
' constate l'existence de contestations sérieuses ;
' déboute Mme [XX] [A], M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] de l'ensemble de leurs demandes ;
' ramène l'astreinte à de plus justes proportions qui ne sauraient dépasser 1 000 euros par éventuelle infraction ;
- en tout état de cause :
' rejette l'ensemble des demandes de Mme [XX] [A], M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] , au titre de leur appel incident ;
' condamne Mme [XX] [A], M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] aux entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj, sur son offre de droit ;
' condamne Mme [XX] [A], M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] à lui verser la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions transmises le 8 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [XX] [A], M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] sollicitent de la cour qu'elle confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qui concerne le montant de la provision allouée et, statuant à nouveau :
- condamne la SAS Cagnes Mini Marché à leur verser, à chacun, une provision de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice ;
- condamne la SAS [Adresse 12] à leur verser la somme supplémentaire de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance d'appel.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 1er juillet 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les fins de non recevoir
Sur la fin de non-recevoir tirée du non respect de l'article 750-1 du code de procédure civile
Aux termes de l'article 750-1 du code de procédure civile dispoe : En application de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.
Les parties sont dispensées de l'obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :
1° Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;
2° Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ;
3° Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste, soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d'un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ;
4° Si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l'article L. 125-1 du code des procédures civiles d'exécution.
La tentative de résolution amiable du litige n'étant pas, par principe, exclue en matière de référé, l'absence de recours à un mode de résolution amiable dans une telle hypothèse peut, le cas échéant, être justifiée par un motif légitime au sens de l'article 750-1 alinéa 2 3°, et notamment par un motif tenant à l'urgence.
Si le trouble anormal de voisinage fait partie des litiges devant faire obligatoirement l'objet d'un préliminaire de conciliation ou médiation, il reste que Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C] ont saisi le juge des référés non seulement sur ce fondement juridique mais en alléguant, aussi, l'existence d'un trouble manifestement illicite né de violation réitérée des horaires de livraision fixés par l'arrêté municipal du n° 2019/1700 du 18 décembre 2019.
Or cette notion de trouble manifestement illicite, tout comme celle de dommage imminent (toutes deux visées par l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile) postule l'urgence. Cette dernière est par ailleurs factuellement caractérisées puisque les rapports de constatations, constats de commissaire de justice et attestations font état de livraisons nocturnes bruyantes, quasi quotidiennes, entre 23 heures et 6 heures du matin, affectant la qualité de vie et notamment de sommeil des personnes résidant dans le voisinage.
Dès lors, Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C] n'étaient pas tenus de solliciter l'organisation d'une médiation, conciliation ou procédure participative préalablement à la délivrance de leur acte introductif d'instance.
Il sera en outre relevé que, titulaire de pouvoirs délivrés, le 8 août 2023 par les autres requérants, Mme [XX] [P] a saisi Mme [V], conciliatrice près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, d'une demande de conciliation et que cette dernière l'a invitée, avec M. [F] [GO], à se présenter le 29 août 2023 à 10 heures 30 au CCAS de la Commune de Cagnes sur Mer. M. [GO] a bien, à cette occasion, été informé que Mme [A] représentait M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C] puisque dans le courriel qu'elle a envoyé le 4 septembre 2023 aux participants, parmi lesquels le conseil (de première instance) de la SAS [Adresse 12], Mme [V] a écrit : Suite aux divers mails de Mme [A] et à notre tentative de conciliation le 29 août à ma permanence au CCAS de [Localité 13], je vous propose de vous faire parvenir un constat d'échec. Je vais contacter le greffe du tribunal de proximité de Cagnes sur Mer pour savoir si je dois établir un constat pour les personnes qui ont donné pouvoir à Mme [A] pour les représenter.
C'est donc par des motifs pertinents que le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir tirée du non respect des dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile.
L'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des requérants
Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, quoiqu'ayant visé, dans sa déclaration d'appel et ses dernières conclusions l'ensemble des chefs de l'ordonnance critiquée et formulé une prétention visant, de manière générale, au 'débouté de M. [B], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] pour irrecevabilité', le conseil de la SAS [Adresse 12] ne consacre aucun paragraphe de la partie 'discussion' de ses écritures à la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt ou qualité à agir que sa cliente avait soulevée en première instance.
L'ordonnance entreprise ne peut, dans ces conditions, qu'être confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des demandeurs. Elle le sera d'autant plus que, comme relevé par le premier juge, M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] justifient, notamment par la production de factures de fluides et d'un procès-verbal d'assemblée générale (du 16 février 2024), résider dans le voisinage du magasin litigieux, soit aux [Adresse 5], ou, pour M. [C], être propriétaire d'un appartement situé à la première des deux adresses précitées qu'il met en location, devenant ainsi garant de la jouissance paisible de son locataire.
Sur le trouble anormal de voisinage et le trouble manifestement illicite
Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Pour en apprécier la réalité, la cour d'appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue. Enfin, le juge des référés apprécie souverainement le choix de la mesure propre à faire cesser le trouble qu'il constate.
Il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, un tel trouble étant susceptible d'être qualifié de manifestement illicite au sens de l'article 835, précité, du code de procédure civile. Le juge des référés a le pouvoir de constater son existence dès lors que la preuve en est faite avec l'évidence requise.
Le trouble anormal de voisinage étant indépendant de la notion de faute, le juge doit, en toute hypothèse, rechercher si le trouble allégué dépasse les inconvénients normaux du voisinage, que son auteur ait ou pas enfreint la réglementation applicable à son activité. Cette appréciation s'exerce concrètement notamment selon les circonstances de temps (nuit et jour) et de lieu (milieu rural ou citadin, zone résidentielle ou industrielle). Ainsi l'anormalité du trouble de voisinage s'apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s'en prévaut.
Le décret du 31 août 2006, relatif à la lutte contre les bruits de voisinage, a inséré dans le code de la santé publique un certain nombre de dispositions destinées à lutter contre le bruit qui ont été depuis modifiées par le décret du 7 août 2017.
L'article R 1336-5 du code de la santé publique dispose : Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité.
L'article suivant dispose que lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.
Lorsque le bruit mentionné à l'alinéa précédent, perçu à l'intérieur des pièces principales de tout logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d'activités professionnelles, l'atteinte est également caractérisée si l'émergence spectrale de ce bruit, définie à l'article R 1336-8, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. Toutefois, l'émergence globale et, le cas échéant, l'émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels pondérés A si la mesure est effectuée à l'intérieur des pièces principales d'un logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 décibels pondérés A dans les autres cas.
En vertu de l'article R 1336-7 du code de la santé publique ajoute : l'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause : les valeurs limites de l'émergence sont de 5 dB pondérés A en période diurne (de 7h à 22h) et de 3 dB pondérés A en période nocturne (de 22h à 7h), valeurs auxquels s'ajoutent un terme correctif en dB pondérés A, fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier.
L'article R 1336-8 du même code précise que l'émergence spectrale est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant dans une bande d'octave normalisée, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau de bruit résiduel dans la même bande d'octave, constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux mentionnés au deuxième alinéa de l'article R. 1336-6, en l'absence du bruit particulier en cause : les valeurs limites de l'émergence spectrale sont de 7 décibels dans les bandes d'octave normalisées centrées sur 125 Hz et 250 Hz et de 5 décibels dans les bandes d'octave normalisées centrées sur 500 Hz, 1 000 Hz, 2 000 Hz et 4 000 Hz.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que les agents du service hygiène santé de la Ville de [Localité 13] ont, sur plainte du voisinage, dressé :
- le mardi 3 septembre 2019, un rapport de constatation aux termes duquel ils relevaient que l'activité du magasin mini-marché ... sis [Adresse 8] ... avait débutée à 00 heures 30 et s'était étalée de façon discontinue jusqu'à 8 heures (livraision mise en place de l'étal ...) générant un bruit ambiant de 59 dBA pour un résiduel de 52 dBA, soit une émergence mesurée de 7 dBA pour une autorisation à hauteur de 4 dBA ;
- le mercredi 12 janvier 2023, un rapport sur les 'livraisons nocturnes du Mini Marché à partir de 23 heures' (établi à la requête de M. [I] [R] et du SDC Le Provençal) concluant à une 'gêne caractérisée' pour les riverains, en relevant des émergences globales de 6,5 dBA et spectrales comprise entre 4 et 9,5 dBA selon les fréquences ;
- les mardi 2, à 20 heures 30, et le mercredi 3 mars 2023, à 23 heures, des rapports qui mettaient à nouveau en exergue une ' gêne caractérisée' par des émergences globales de 5 dBA et spectrales de 6 à 7 dBA selon les fréquences, le premier soir, et de 5,5 dBA (globale) et 6,5 à 7 dBa (spectrale), selon les fréquences, le second soir ;
- le jeudi 20 juillet 2023, un rapport qui caractérisait à 22 heures (rangement de produits) et 23 heures 10 ('livraisons des matières') des émergences globale de 6 dBA et spectrales de 7,5 à 11 dBA selon les fréquences ;
- le 30 juillet 2023, à 22 heures et 23 heures 10 un rapport caractérisant des émergences globales de 6 dBA et sepctrale de 8,5 à 11, 5 dBA selon les fréquences ;
Dans les suites du premier de ces constats, la Commune de [Localité 13] a, le 18 décembre 2019, pris un arrêté concernant toutes les rues se trouvant dans l'aire piétonne du centre ville, dont celle du marché, interdisant la circulation et le stationnement des véhicules à moteur à quelques exceptions près parmi lesquelles les livraisons, autorisées tous les jours entre 6 et 10 heures.
Le 15 mai 2023, elle adressait une mise en demeure à M. [F] [GO], gérant de la société [Adresse 23], lui rappelant qu'il devait remédier, lors de la phase contradictoire, aux anomalies relevées dans les rapport de constatations des 12 janvier et 2 mars 2023.
Le 7 septembre suivant, alors qu'entretemps Mme [A], Mme [N], M. [S] et M. [U] avaient déposé plainte puis écrit au maire et procureur de la République (le 15 juillet), en même temps qu'une sommation était adressée à M. [GO] par la présidente du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 20] (le 2 août 2023), elle adressait au conseil de la SAS [Adresse 12] un courrier d'engagement de mesure coercitive lui rappelant que la problématique était ancienne puisque connue de ses services depuis 2017, que son client n'avait produit aucun document justifiant de la mise en place de mesures correctives, que le revêtement de la chaussée sur la terrasse du commerce et aux abords n'était pas la source principale des nuisances, et qu'elle transmettait donc au procureur de la République de [Localité 17] les procès-verbaux de constatations dressés par ses services.
A l'ensemble de ces éléments, les intimés, ajoutent :
- un procès-verbal dressé le 13 septembre 2023, par Maître [O], dont il résulte que ce commissaire de justice, constate depuis l'appartement de Mme [A], alors que tous les autres commerces sont fermés, un certains nombre de bruits générés par l'activité du magasin Mini marché à savoir :
' ouverture du commerce, situé partiellement au pied de la façade Est de l'immeuble (Le Provençal) à 4 heures 08 ;
' présence d'un homme avec un diable et des cageots allant vers une camionette à 4 heures 13 ;
' échanges (verbaux) puis un cri,'ta gueule', audible depuis le salon malgré le bruit de fond du groupe de climatisation à 4 heures 26 ;
' allées et venues d'un homme avec des cagettes vides, non loin des conteneurs poubelles rangés sous le balcon de la requérante diffusant des odeurs de fruits et légumes passés, à 4 heures 29 ;
' déclenchement d'un groupe frigorifique, localisé sur la partie Ouest de la cour, dont le bruit, plus fort et légèrement plus aigu que celui du marché qu'il couvre, augmente encore à l'ouverture d'une porte à l'arrière du local Sud par un homme, à 4 heures 31 ;
' à 4 heures 33, arrivée d'un camion frigorifique (en contravention avec l'arrêté municipal précité du 18 décembre 2019) ;
' bruit de roulage typique d'un transpalette émergeant nettement au-dessus de ceux des groupes de climatisation venant devant le magasin seul ouvert de la rue, et bruit typique du hayon hydraulique du camion à 4 heures 35 ;
' entre 4 heures 44 et 5 heures 36, bruits des allers-retour qui se poursuivent afin de décharger le camion ;
' 5 heures 41 : le store bannane du Mini Marché est replié découvrant les étals, sa motorisation électrique 'très audible' faisant un bruit grave dans le séjour, pourtant séparé de la façade Est par la chambre ; le transpalette est ramené dans l'impasse ;
' 5 heures 49 : l'homme ayant actionné le transpalette, après avoir vu le commissaire de justice sur le balcon et l'avoir photographié, rentre dans le local, stoppe manifestement les groupes les plus bruyants, puis monte dans la cabine du camion et le retire de la rue ;
' 5 heures 55, un groupe frigorifique bruyant, provenant de l'arrière du local, repend son fonctionnement, couvrant celui du marché ;
' 5 heures 59 : arrivée d'un camion léger de livraison par l'[Adresse 18] ;
' 6 heures : mise en place et ouverture du magasin de fruits et légumes Mini marché avec indication 'ouvert sans interruption de 7 heures à 19 heures' ;
Et l'officier ministériel de conclure : pendant presque deux heures, les bruits de roulage du transpalette sur le pavage et du hayon du camion se sont répétés, laissant parfois 5 minutes de répit entre deux, troublant de façon continue le calme du quartier ; - une attestation, datée du 18 septembre 2023, par laquelle de Mme [T] [J] qui résidait chez Mme [A] témoigne que :
' le jeudi 14 septembre précédent, le magasin a ouvert son rideau à 23 heures et commencé la mise en place des étals, le camoin frigorigique (ayant fait) un bruit infernal, tout comme le chariot élévateur, en sorte qu'elle n'a pu trouver le sommeil qu'à 3 heures du matin ;
' dans la nuit 17 au 18 septembre 2023, le marchant Mini marché a ouvert son rideau à 0 heures 03, (ce qui lui) a grincé violemment dans les oreilles, outre le bruit assourdissant des étals (qui faisait) des échos dans la rue ;
- une attestation de Mme [Z] [K], en date du 18 septembre 2023, par laquelle l'intéressée relate que, présente également chez Mme [A], elle a :
' sursauté le jeudi 14 septembre 2023, à 23 heures à l'ouverture du rideau métallique du marchand de légumes Mini marché, précédant l'arrivée, à 23 heures 10, d'un gros camion frigorifique qui a ensuite déchargé ses palettes en actionnant son hayon arrière particulièrement bruyant ('siffement infernal') : elle ajoute que le transpalette a ensuite fait des allers-retour dans un 'raoult intolérable' en sorte qu'elle n'a pu trouver le sommeil qu'à 2 heures 30 ;
' dans la nuit du dimanche 17 au lundi 18 septembre 2023, le magasion a ouvert ses rideaux métalliques à minuit puis mis en place ses étals dans un 'vacarme total'.
Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que, de manière habituelle et au moins depuis 2017, le magasin Mini marché fait livrer ses marchandises puis les achalande entre 22 heures et 6 heures du matin, sans égard pour le volume sonore dépassant les seuils d'émergence règlementaires autorisés. Ce faisant, il participe à la violation de l'arrêté municipal du 18 septembre 2019 interdisant les livraisons en dehors d'un créneau horaire compris entre 6 et 10 heures du matin et est le seul commerce de la rue du marché et des environs à s'autoriser de telles infractions et pratiques.
Les troubles manifestement illicites tenant au trouble anormal de voisinage et à la violation réitérée du texte réglementaire précité étaient donc constitués au moment où le premier juge a statué.
Il sera à cet égard souligné que les mesures, que l'appelante dit avoir prises et dont elle se prévaut en cause d'appel, sont insuffisantes à relativer le trouble anormal de vosinge ainsi caractérisé puisque le cabinet 'Agna acoutique/son/vibration', qu'elle a elle-même mandaté pour en constater l'effet, conclut son rapport du 30 octobre 2023 en ces termes :
L'activité nocturne de commerce (livraison, mise en place des étals) génère de part certaines de ses activités des émergences sonores supérieures aux limites définies par le décret n° 2006-1099 du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage. Par ailleurs les émergences mesurées sont peut-être inférieures à l'accoutumé du fait de l'attention des employés sur leurs mouvements ce jour-là. Les résultats sont non conformes au exigence du décret (précité) ... Des aménagements sont à prévoir pour réduire les nuisances et rendre la situation conforme vis-à-vis de la règlementation notamment sur le transpalette, le store banane (et) les rideaux métalliques.
Enfin, le moyen tiré de 'l'excuse d'antériorité' énoncée par les dispositions de l'article 1253 du code est inopérant dans la mesure où, alors que ce texte précise bien, en son alinéa 2, que les activités litigieuses autorisées doivent être conformes au lois et règlement, la violation des dispositions du code la santé publique, du décret n° 2006-1099 du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage et de l'arrêté municipal du 18 décembre 2019 est caractérisée par l'expertise du cabinet Agna, les différents rapports de constatations du service de l'hyiène santé de la Ville de [Localité 13], le procès-verbal de constat de Maître [O] et les attestations de mesdames [W].
S'agissant du dernier de ces textes (arrêté municipal), de nature règlementaire, il ne saurait être remis en cause, comme soutenu par la SAS [Adresse 12], par le simple courrier, en date du 25 janvier 2024, par lequel M. [CW] [WL], conseiller municipal, a autorisé, par délégation, les livraisons entre 5 heures et 23 heures. En tout état de cause, les faits imputés à l'appelante dans le cadre du trouble anormal de voisinage sont, pour l'essentiel, situés en dehors de cette plage horaire.
L'ordonnance entreprise sera dès lors confirmée en ce qu'elle fait interdiction à la SAS Cagnes Mini marché d'exercer toute activité de livraison, d'installation et d'achalandage de ses étals entre 20 heures, le soir, et 6 heures du matin.
Elle le sera également en ce qu'elle a assorti cette interdiction, d'une asteinte de 10 000 euros par infraction dument constatée par commissaire de justice ou par trois témoins, courant à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la notification de son ordonnance et pendant une durée de quatre mois passé lequel délai il pourrait être à nouveau statué. En effet, le fait que ladite astreinte soit supérieure au chiffre d'affaire journalier de la SAS [Adresse 23] est indifférent aux débats, et ce, d'autant que :
- l'astreinte provisoire a pour finalité de contraindre la personne qui s'y refuse à exécuter les obligations qu'une décision juridictionnelle lui a imposées et d'assurer le respect du droit à cette exécution : or les développements précédants ont mis en exergue la résistance de l'appelante qui a poussé le parquet de [Localité 17] à engager des poursuites ;
- son bilan met en exergue un chiffre d'affaire de net de 2 270 462 euros en 2022 et 2 514 514 euros en 2023 pour des résultats d'exploitation de 152 5457 euros et 129 522 euros ;
- des procès verbaux de constat en date des 25, 29, 30 septembre 2024 et 2 octobre 2024 ont caractérisé la persistance des faits après que l'ordonnance entreprise a été rendue (le 22 août précédent) et notamment des déchargement de camions et achalandages des camions à 5 heures 01 puis 0 heures 03 et enfin l'arrivée à 4 heures 37 (le 2 octobre 2024) d'un camion de livraison de type poids lourd, passage des Maraichers, (stationnant) après avoir klaxonné car un autre véhicule lui gênait l'accès.
Il n'est enfin pas indifférent de relever que selon l'attestation de M. [M] [L], employé de la SAS Mini marché, ces livraisons sont effectuées soit par camion frigorifique trois fois par semaine, provenant du marché d'intérêt national de [Localité 24], soit une fois par semaine provenant du marché de [Localité 14], soit, pour les autres jours par véhicules légers. Elles sont donc quotidiennes ce qui souligne l'urgence de voir cesser les trouble anormal de voisinage et trouble manifestement illicite précédemment caractérisés.
Sur les demandes de provisions
Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ... le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence ... peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'absence de constestation sérieuse implique l'évidence de la solution qu'appelle le point contesté. Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant, celle-ci n'ayant alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée. C'est enfin au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.
Il n'est pas contestable, au vu des développements qui précèdent, que Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA] et Mme [JB] [N] subissent, depuis de nombreuses années, des nuisances sonores particulièrement caractérisées et pénibles puisque nocturnes. Mme [A] verse ainsi aux débats un certificat médical, en date du 3 août 2023 par lequel le docteur [G] [X] a attesté qu'elle souffrait de troubles de l'humeur avec des symptômes de dépression qu'il mettait en lien, sur déclarations de la patiente, avec de nombreux réveils nocturnes et des nuits courtes .
Il doit être néanmoins relevé que les intimés versent eux mêmes aux débats une ordonnance de composition pénale dont il résulte que M. [GO] a été condamné le 14 juin 2024 à verser, à quatre d'entre eux, à savoir Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E] et Mme [JB] [N] une somme de 2 000 euros, chacun, en réparation du préjudice moral subi durant la période de la prévention à savoir entre le 1er mars 2017 au 2 août 2023. Leur demande de provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice de jouissance ne peut donc porter que sur la période postérieure, en sorte, qu'au vu des éléments versés aux débats, leur droit à indemnisation peut être considéré comme non sérieusement contestable à hauteur de 2 500 euros, comme justement apprécié par le premier juge. L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.
S'agissant de Mme [H] [LA], qui ne s'était pas constituée partie civile dans le cadre de la procédure pénale susvisée, mais qui se trouve dans la même situation que ses voisins, son droit à indemnisation sera considéré comme non sérieusement contestable à hauteur de 4 500 euros. L'ordonnance entreprise sera dès lors infirmée de ce chef.
S'agissant enfin de M. [EC] [C], la cour ne peut que constater que s'il est possible que ses locataires se soient plaints des nuisances sonores nocturnes objet du présent dossier, il ne rapporte aucun élément de preuve, pas même une attestation, de leur lassitude ou mécontentement, de même qu'il n'établit pas qu'il a réalisé le moindre geste financier (indemnitaire) à leur égard. Il ne rapporte donc pas la preuve d'un préjudice qu'il aurait directement subi en sorte que l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle lui a octroyé une provision de 2 500 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la SAS [Adresse 12] aux dépens et à verser à Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS Cagnes Mini marché, qui succombe au litige, sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de ce texte. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais non compris dans les dépens, qu'ils ont exposés pour leur défense. Il leur sera donc alloué une somme de 3 500 euros en cause d'appel.
La SAS [Adresse 12] supportera en outre les dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
- condamné la SAS Cagnes Mini marché à verser à Mme [H] [LA] la somme de 2 500 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
- condamné la SAS [Adresse 12] à verser à M. [EC] [C] la somme de 2 500 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
La confirme pour le surplus des dispositions déférées ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SAS Cagnes Mini marché à verser à Mme [H] [LA] la somme de 4 500 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice de jouissance ;
Déboute M. [EC] [C] de sa demande de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
Condamne la SAS [Adresse 12] à verser à verser à Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C], ensemble, la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS Cagnes Mini marché de sa demande sur ce même fondement,
Condamne la SAS [Adresse 12] aux dépens d'appel.
La greffière Le président
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 16 OCTOBRE 2025
N° 2025/557
Rôle N° RG 24/13320 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BN5DI
S.A.S. CAGNES MINI MARCHE
C/
[XX] [A]
[EC] [C]
[I] [S]
[VY] [U]
[H] [LA]
[JB] [N]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Maud DAVAL-GUEDJ
Me Pascal ALIAS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le président du TJ de [Localité 17] en date du 22 Août 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/1637.
APPELANTE
S.A.S. CAGNES MINI MARCHE,
dont le siège social est [Adresse 9]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Alexandre ZAGO, avocat au barreau de NICE
et assistée par Me Alexandre ZAGO, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Madame [XX] [A]
née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 28] ( BELGIQUE),
demeurant [Adresse 21]
représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE
Monsieur [EC] [C]
né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 15] (39),
demeurant [Adresse 11]
représenté par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE
Monsieur [I] [S]
né le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 24] (06),
demeurant [Adresse 22]
représenté par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE
Monsieur [VY] [U]
né le [Date naissance 4] 1997 à [Localité 29] (38),
demeurant [Adresse 21]
représenté par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE
Madame [H] [LA]
née le [Date naissance 6] 1997 à [Localité 24] (06), demeurant [Adresse 21]
représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE
Madame [JB] [N]
née le [Date naissance 7] 1992 à [Localité 19] (38), demeurant [Adresse 21]
représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président rapporteur
Mme Angélique NETO, Conseillère
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [XX] [A], monsieur [I] [S], monsieur [VY] [E], madame [H] [LA] et madame [JB] [N] habitent [Adresse 26]. Monsieur [EC] [C] y est propriétaire d'un appartement mis en location.
Se plaignant des nuisances sonores nocturnes produites par les livraisons du magasin de fruits et légumes de la société par actions simplifiée (SAS) [Adresse 12], sis [Adresse 10], et arguant qu'ils sont réalisés en dehors des heures prescrites par un arrêté municipal du 18 décembre 2019, les autorisant seulement entre 6 heures et 10 heures, ils se sont plaints auprès des services de l'hygiène et de la santé de la mairie qui a dressé plusieurs rapports.
Ces derniers datés des 3 septembre 2019, 12 janvier 2023, 2 mars 2023 ont conclu à une gêne caractérisée pour le voisinage de l'établissement en sorte que la mairie a, par courrier en date du 15 mai 2023, fondé sur les dispositions des articles L 2212-1 du code général des collectivités territoriale et R 1336-7 du code de la santé publique, mis en demeure la SAS Cagnes Mini Marché de mettre un terme à cette situation ... dans un délai d'un mois.
Plusieurs plaintes ont ensuite été déposées et deux nouveaux rapports de constatation dressés les 20 et 30 juillet 2023 par les Services de l'hygiène et de la santé de la commune. Des niveaux d'émergence de 8,5 à 11,5 décibels ont été relevés.
Une tentative de conciliation, programmée pour le 29 août suivant ayant échoué, la Commune de Cagnes sur Mer transmettait, le 7 septembre suivant, un procès-verbal de contravention au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grasse.
Par composition pénale validée le 14 juin 2024, M. [GO], dirigeant de la SAS [Adresse 16], était déclaré coupable des faits poursuivis et condamné à verser :
- au Trésor public une amende de 600 euros ;
- à M. [U], Mme [JB] [D], Mme [XX] [A] et M. [I] [Y] une somme de 2 000 euros, chacun, en réparation de leur préjudice moral.
La situation n'ayant pas évolué, Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C] ont, par acte de commissaire de justice en date du 10 octobre 2023, fait assigner la SAS Cagnes Mini Marché devant le président du tribunal judiciaire de Grasse, statuant en référé, aux fins, au principal, de lui voir interdire, sous astreinte, toute activité de livraison et achalandage de ses étals entre 20 heures et 6 heures du matin et de l'entendre condamner à leur verser à chacun la somme provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice.
Par ordonnance contradictoire en date du 22 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du non-respect des dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile ;
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir ;
- fait interdiction à la SAS [Adresse 12] d'exercer toute activité de livraison, d'installation et d'achalandage de ses étals entre 20 heures, le soir, et 6 heures du matin, sous asteinte de 10 000 euros par infraction dument constatée par commissaire de justice ou par trois témoins, courant à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la notification de son ordonnance et pendant une durée de quatre mois passé lequel délai il pourrait être à nouveau statué ;
- condamné la SAS Cagnes Mini Marché à payer, à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice la somme de 2 500 euros à chacun des requérants ;
- condamné la SAS [Adresse 12] aux dépens, qui ne comprendraient pas le coût du procès-verbal de constat de commissaire de justice du 13 septembre 2023 ;
- condamné la SAS Cagnes Mini Marché à verser à Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a notamment considéré :
- qu'une tentative de conciliation avait bien été organisée le 29 août 2023 par Mme [V], conciliatrice de justice en présence de M. [F] [GO], représentant de la SAS [Adresse 12] et de Mme [XX] [A], à laquelle M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] avaient donné procuration ;
- que l'intérêt à agir des requérants était suffisamment établi par leur qualité de d'occupants et/ou propriétaires d'appartements situés à trois angles de la [Adresse 25] et la [Adresse 27] ;
- que les nombreux rapports de constatations, le procès verbal de constat du 13 septembre 2023 et les attestations versées aux débats établissaient l'existence d'un trouble anormal de voisinage justifiant le prononcé de l'interdiction sollicitée.
Selon déclaration reçue au greffe le 4 septembre 2024, la SAS Cagnes Mini marché a interjeté appel de cette décision, l'appel, présenté comme un 'appel nullité', portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.
Par ordonnance en date du 18 septembre 2024, l'affaire a été fixée à l'audience du 25 mars suivant, l'ordonnance de clôture devant être rendue le 11 mars précédent.
L'avis de fixation a été envoyé le jour même au conseil de l'appelant.
Un avis lui a été envoyé le 9 octobre 2024, en lui demandant de justifier, sous 10 jours, de la signification de la déclaration d'appel dans le délai de l'article 906-1 du code de procédure civile (20 jours) à l'intimé non constitué.
Aucune réponse n'étant parvenue dans le délai imparti, une ordonnance de caducité de la déclaration d'appel a été rendue le 28 octobre 2024.
Saisie d'une requête aux fins de déféré déposée deux jours plus tard, la cour a, par arrêt en date du 3 avril 2025, infirmé l'ordonnance de caducité précitée et renvoyé l'affaire à l'audience du 9 septembre 2025 avec une clôture fixée au 1er juillet précédent. Elle a motivé sa décision par le constat que, dans le cadre de la procédure de déféré, le conseil de l'appelante justifiait désormais avoir signifié sa déclaration d'appel le 24 octobre 2024, soit dans le délai de l'article 906-1 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions transmises le 11 février 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS [Adresse 12] sollicite de la cour qu'elle infirme l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau :
- à titre principal déboute Mme [XX] [A], M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] pour irrecevabilité ;
- subsidiairement :
' constate l'existence de contestations sérieuses ;
' déboute Mme [XX] [A], M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] de l'ensemble de leurs demandes ;
' ramène l'astreinte à de plus justes proportions qui ne sauraient dépasser 1 000 euros par éventuelle infraction ;
- en tout état de cause :
' rejette l'ensemble des demandes de Mme [XX] [A], M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] , au titre de leur appel incident ;
' condamne Mme [XX] [A], M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] aux entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj, sur son offre de droit ;
' condamne Mme [XX] [A], M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] à lui verser la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions transmises le 8 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [XX] [A], M. [C], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] sollicitent de la cour qu'elle confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qui concerne le montant de la provision allouée et, statuant à nouveau :
- condamne la SAS Cagnes Mini Marché à leur verser, à chacun, une provision de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice ;
- condamne la SAS [Adresse 12] à leur verser la somme supplémentaire de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance d'appel.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 1er juillet 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les fins de non recevoir
Sur la fin de non-recevoir tirée du non respect de l'article 750-1 du code de procédure civile
Aux termes de l'article 750-1 du code de procédure civile dispoe : En application de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.
Les parties sont dispensées de l'obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :
1° Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;
2° Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ;
3° Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste, soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d'un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ;
4° Si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l'article L. 125-1 du code des procédures civiles d'exécution.
La tentative de résolution amiable du litige n'étant pas, par principe, exclue en matière de référé, l'absence de recours à un mode de résolution amiable dans une telle hypothèse peut, le cas échéant, être justifiée par un motif légitime au sens de l'article 750-1 alinéa 2 3°, et notamment par un motif tenant à l'urgence.
Si le trouble anormal de voisinage fait partie des litiges devant faire obligatoirement l'objet d'un préliminaire de conciliation ou médiation, il reste que Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C] ont saisi le juge des référés non seulement sur ce fondement juridique mais en alléguant, aussi, l'existence d'un trouble manifestement illicite né de violation réitérée des horaires de livraision fixés par l'arrêté municipal du n° 2019/1700 du 18 décembre 2019.
Or cette notion de trouble manifestement illicite, tout comme celle de dommage imminent (toutes deux visées par l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile) postule l'urgence. Cette dernière est par ailleurs factuellement caractérisées puisque les rapports de constatations, constats de commissaire de justice et attestations font état de livraisons nocturnes bruyantes, quasi quotidiennes, entre 23 heures et 6 heures du matin, affectant la qualité de vie et notamment de sommeil des personnes résidant dans le voisinage.
Dès lors, Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C] n'étaient pas tenus de solliciter l'organisation d'une médiation, conciliation ou procédure participative préalablement à la délivrance de leur acte introductif d'instance.
Il sera en outre relevé que, titulaire de pouvoirs délivrés, le 8 août 2023 par les autres requérants, Mme [XX] [P] a saisi Mme [V], conciliatrice près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, d'une demande de conciliation et que cette dernière l'a invitée, avec M. [F] [GO], à se présenter le 29 août 2023 à 10 heures 30 au CCAS de la Commune de Cagnes sur Mer. M. [GO] a bien, à cette occasion, été informé que Mme [A] représentait M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C] puisque dans le courriel qu'elle a envoyé le 4 septembre 2023 aux participants, parmi lesquels le conseil (de première instance) de la SAS [Adresse 12], Mme [V] a écrit : Suite aux divers mails de Mme [A] et à notre tentative de conciliation le 29 août à ma permanence au CCAS de [Localité 13], je vous propose de vous faire parvenir un constat d'échec. Je vais contacter le greffe du tribunal de proximité de Cagnes sur Mer pour savoir si je dois établir un constat pour les personnes qui ont donné pouvoir à Mme [A] pour les représenter.
C'est donc par des motifs pertinents que le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir tirée du non respect des dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile.
L'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des requérants
Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, quoiqu'ayant visé, dans sa déclaration d'appel et ses dernières conclusions l'ensemble des chefs de l'ordonnance critiquée et formulé une prétention visant, de manière générale, au 'débouté de M. [B], M. [S], M. [U], Mme [LA] et Mme [N] pour irrecevabilité', le conseil de la SAS [Adresse 12] ne consacre aucun paragraphe de la partie 'discussion' de ses écritures à la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt ou qualité à agir que sa cliente avait soulevée en première instance.
L'ordonnance entreprise ne peut, dans ces conditions, qu'être confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des demandeurs. Elle le sera d'autant plus que, comme relevé par le premier juge, M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] justifient, notamment par la production de factures de fluides et d'un procès-verbal d'assemblée générale (du 16 février 2024), résider dans le voisinage du magasin litigieux, soit aux [Adresse 5], ou, pour M. [C], être propriétaire d'un appartement situé à la première des deux adresses précitées qu'il met en location, devenant ainsi garant de la jouissance paisible de son locataire.
Sur le trouble anormal de voisinage et le trouble manifestement illicite
Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Pour en apprécier la réalité, la cour d'appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue. Enfin, le juge des référés apprécie souverainement le choix de la mesure propre à faire cesser le trouble qu'il constate.
Il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, un tel trouble étant susceptible d'être qualifié de manifestement illicite au sens de l'article 835, précité, du code de procédure civile. Le juge des référés a le pouvoir de constater son existence dès lors que la preuve en est faite avec l'évidence requise.
Le trouble anormal de voisinage étant indépendant de la notion de faute, le juge doit, en toute hypothèse, rechercher si le trouble allégué dépasse les inconvénients normaux du voisinage, que son auteur ait ou pas enfreint la réglementation applicable à son activité. Cette appréciation s'exerce concrètement notamment selon les circonstances de temps (nuit et jour) et de lieu (milieu rural ou citadin, zone résidentielle ou industrielle). Ainsi l'anormalité du trouble de voisinage s'apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s'en prévaut.
Le décret du 31 août 2006, relatif à la lutte contre les bruits de voisinage, a inséré dans le code de la santé publique un certain nombre de dispositions destinées à lutter contre le bruit qui ont été depuis modifiées par le décret du 7 août 2017.
L'article R 1336-5 du code de la santé publique dispose : Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité.
L'article suivant dispose que lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.
Lorsque le bruit mentionné à l'alinéa précédent, perçu à l'intérieur des pièces principales de tout logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d'activités professionnelles, l'atteinte est également caractérisée si l'émergence spectrale de ce bruit, définie à l'article R 1336-8, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. Toutefois, l'émergence globale et, le cas échéant, l'émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels pondérés A si la mesure est effectuée à l'intérieur des pièces principales d'un logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 décibels pondérés A dans les autres cas.
En vertu de l'article R 1336-7 du code de la santé publique ajoute : l'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause : les valeurs limites de l'émergence sont de 5 dB pondérés A en période diurne (de 7h à 22h) et de 3 dB pondérés A en période nocturne (de 22h à 7h), valeurs auxquels s'ajoutent un terme correctif en dB pondérés A, fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier.
L'article R 1336-8 du même code précise que l'émergence spectrale est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant dans une bande d'octave normalisée, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau de bruit résiduel dans la même bande d'octave, constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux mentionnés au deuxième alinéa de l'article R. 1336-6, en l'absence du bruit particulier en cause : les valeurs limites de l'émergence spectrale sont de 7 décibels dans les bandes d'octave normalisées centrées sur 125 Hz et 250 Hz et de 5 décibels dans les bandes d'octave normalisées centrées sur 500 Hz, 1 000 Hz, 2 000 Hz et 4 000 Hz.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que les agents du service hygiène santé de la Ville de [Localité 13] ont, sur plainte du voisinage, dressé :
- le mardi 3 septembre 2019, un rapport de constatation aux termes duquel ils relevaient que l'activité du magasin mini-marché ... sis [Adresse 8] ... avait débutée à 00 heures 30 et s'était étalée de façon discontinue jusqu'à 8 heures (livraision mise en place de l'étal ...) générant un bruit ambiant de 59 dBA pour un résiduel de 52 dBA, soit une émergence mesurée de 7 dBA pour une autorisation à hauteur de 4 dBA ;
- le mercredi 12 janvier 2023, un rapport sur les 'livraisons nocturnes du Mini Marché à partir de 23 heures' (établi à la requête de M. [I] [R] et du SDC Le Provençal) concluant à une 'gêne caractérisée' pour les riverains, en relevant des émergences globales de 6,5 dBA et spectrales comprise entre 4 et 9,5 dBA selon les fréquences ;
- les mardi 2, à 20 heures 30, et le mercredi 3 mars 2023, à 23 heures, des rapports qui mettaient à nouveau en exergue une ' gêne caractérisée' par des émergences globales de 5 dBA et spectrales de 6 à 7 dBA selon les fréquences, le premier soir, et de 5,5 dBA (globale) et 6,5 à 7 dBa (spectrale), selon les fréquences, le second soir ;
- le jeudi 20 juillet 2023, un rapport qui caractérisait à 22 heures (rangement de produits) et 23 heures 10 ('livraisons des matières') des émergences globale de 6 dBA et spectrales de 7,5 à 11 dBA selon les fréquences ;
- le 30 juillet 2023, à 22 heures et 23 heures 10 un rapport caractérisant des émergences globales de 6 dBA et sepctrale de 8,5 à 11, 5 dBA selon les fréquences ;
Dans les suites du premier de ces constats, la Commune de [Localité 13] a, le 18 décembre 2019, pris un arrêté concernant toutes les rues se trouvant dans l'aire piétonne du centre ville, dont celle du marché, interdisant la circulation et le stationnement des véhicules à moteur à quelques exceptions près parmi lesquelles les livraisons, autorisées tous les jours entre 6 et 10 heures.
Le 15 mai 2023, elle adressait une mise en demeure à M. [F] [GO], gérant de la société [Adresse 23], lui rappelant qu'il devait remédier, lors de la phase contradictoire, aux anomalies relevées dans les rapport de constatations des 12 janvier et 2 mars 2023.
Le 7 septembre suivant, alors qu'entretemps Mme [A], Mme [N], M. [S] et M. [U] avaient déposé plainte puis écrit au maire et procureur de la République (le 15 juillet), en même temps qu'une sommation était adressée à M. [GO] par la présidente du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 20] (le 2 août 2023), elle adressait au conseil de la SAS [Adresse 12] un courrier d'engagement de mesure coercitive lui rappelant que la problématique était ancienne puisque connue de ses services depuis 2017, que son client n'avait produit aucun document justifiant de la mise en place de mesures correctives, que le revêtement de la chaussée sur la terrasse du commerce et aux abords n'était pas la source principale des nuisances, et qu'elle transmettait donc au procureur de la République de [Localité 17] les procès-verbaux de constatations dressés par ses services.
A l'ensemble de ces éléments, les intimés, ajoutent :
- un procès-verbal dressé le 13 septembre 2023, par Maître [O], dont il résulte que ce commissaire de justice, constate depuis l'appartement de Mme [A], alors que tous les autres commerces sont fermés, un certains nombre de bruits générés par l'activité du magasin Mini marché à savoir :
' ouverture du commerce, situé partiellement au pied de la façade Est de l'immeuble (Le Provençal) à 4 heures 08 ;
' présence d'un homme avec un diable et des cageots allant vers une camionette à 4 heures 13 ;
' échanges (verbaux) puis un cri,'ta gueule', audible depuis le salon malgré le bruit de fond du groupe de climatisation à 4 heures 26 ;
' allées et venues d'un homme avec des cagettes vides, non loin des conteneurs poubelles rangés sous le balcon de la requérante diffusant des odeurs de fruits et légumes passés, à 4 heures 29 ;
' déclenchement d'un groupe frigorifique, localisé sur la partie Ouest de la cour, dont le bruit, plus fort et légèrement plus aigu que celui du marché qu'il couvre, augmente encore à l'ouverture d'une porte à l'arrière du local Sud par un homme, à 4 heures 31 ;
' à 4 heures 33, arrivée d'un camion frigorifique (en contravention avec l'arrêté municipal précité du 18 décembre 2019) ;
' bruit de roulage typique d'un transpalette émergeant nettement au-dessus de ceux des groupes de climatisation venant devant le magasin seul ouvert de la rue, et bruit typique du hayon hydraulique du camion à 4 heures 35 ;
' entre 4 heures 44 et 5 heures 36, bruits des allers-retour qui se poursuivent afin de décharger le camion ;
' 5 heures 41 : le store bannane du Mini Marché est replié découvrant les étals, sa motorisation électrique 'très audible' faisant un bruit grave dans le séjour, pourtant séparé de la façade Est par la chambre ; le transpalette est ramené dans l'impasse ;
' 5 heures 49 : l'homme ayant actionné le transpalette, après avoir vu le commissaire de justice sur le balcon et l'avoir photographié, rentre dans le local, stoppe manifestement les groupes les plus bruyants, puis monte dans la cabine du camion et le retire de la rue ;
' 5 heures 55, un groupe frigorifique bruyant, provenant de l'arrière du local, repend son fonctionnement, couvrant celui du marché ;
' 5 heures 59 : arrivée d'un camion léger de livraison par l'[Adresse 18] ;
' 6 heures : mise en place et ouverture du magasin de fruits et légumes Mini marché avec indication 'ouvert sans interruption de 7 heures à 19 heures' ;
Et l'officier ministériel de conclure : pendant presque deux heures, les bruits de roulage du transpalette sur le pavage et du hayon du camion se sont répétés, laissant parfois 5 minutes de répit entre deux, troublant de façon continue le calme du quartier ; - une attestation, datée du 18 septembre 2023, par laquelle de Mme [T] [J] qui résidait chez Mme [A] témoigne que :
' le jeudi 14 septembre précédent, le magasin a ouvert son rideau à 23 heures et commencé la mise en place des étals, le camoin frigorigique (ayant fait) un bruit infernal, tout comme le chariot élévateur, en sorte qu'elle n'a pu trouver le sommeil qu'à 3 heures du matin ;
' dans la nuit 17 au 18 septembre 2023, le marchant Mini marché a ouvert son rideau à 0 heures 03, (ce qui lui) a grincé violemment dans les oreilles, outre le bruit assourdissant des étals (qui faisait) des échos dans la rue ;
- une attestation de Mme [Z] [K], en date du 18 septembre 2023, par laquelle l'intéressée relate que, présente également chez Mme [A], elle a :
' sursauté le jeudi 14 septembre 2023, à 23 heures à l'ouverture du rideau métallique du marchand de légumes Mini marché, précédant l'arrivée, à 23 heures 10, d'un gros camion frigorifique qui a ensuite déchargé ses palettes en actionnant son hayon arrière particulièrement bruyant ('siffement infernal') : elle ajoute que le transpalette a ensuite fait des allers-retour dans un 'raoult intolérable' en sorte qu'elle n'a pu trouver le sommeil qu'à 2 heures 30 ;
' dans la nuit du dimanche 17 au lundi 18 septembre 2023, le magasion a ouvert ses rideaux métalliques à minuit puis mis en place ses étals dans un 'vacarme total'.
Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que, de manière habituelle et au moins depuis 2017, le magasin Mini marché fait livrer ses marchandises puis les achalande entre 22 heures et 6 heures du matin, sans égard pour le volume sonore dépassant les seuils d'émergence règlementaires autorisés. Ce faisant, il participe à la violation de l'arrêté municipal du 18 septembre 2019 interdisant les livraisons en dehors d'un créneau horaire compris entre 6 et 10 heures du matin et est le seul commerce de la rue du marché et des environs à s'autoriser de telles infractions et pratiques.
Les troubles manifestement illicites tenant au trouble anormal de voisinage et à la violation réitérée du texte réglementaire précité étaient donc constitués au moment où le premier juge a statué.
Il sera à cet égard souligné que les mesures, que l'appelante dit avoir prises et dont elle se prévaut en cause d'appel, sont insuffisantes à relativer le trouble anormal de vosinge ainsi caractérisé puisque le cabinet 'Agna acoutique/son/vibration', qu'elle a elle-même mandaté pour en constater l'effet, conclut son rapport du 30 octobre 2023 en ces termes :
L'activité nocturne de commerce (livraison, mise en place des étals) génère de part certaines de ses activités des émergences sonores supérieures aux limites définies par le décret n° 2006-1099 du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage. Par ailleurs les émergences mesurées sont peut-être inférieures à l'accoutumé du fait de l'attention des employés sur leurs mouvements ce jour-là. Les résultats sont non conformes au exigence du décret (précité) ... Des aménagements sont à prévoir pour réduire les nuisances et rendre la situation conforme vis-à-vis de la règlementation notamment sur le transpalette, le store banane (et) les rideaux métalliques.
Enfin, le moyen tiré de 'l'excuse d'antériorité' énoncée par les dispositions de l'article 1253 du code est inopérant dans la mesure où, alors que ce texte précise bien, en son alinéa 2, que les activités litigieuses autorisées doivent être conformes au lois et règlement, la violation des dispositions du code la santé publique, du décret n° 2006-1099 du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage et de l'arrêté municipal du 18 décembre 2019 est caractérisée par l'expertise du cabinet Agna, les différents rapports de constatations du service de l'hyiène santé de la Ville de [Localité 13], le procès-verbal de constat de Maître [O] et les attestations de mesdames [W].
S'agissant du dernier de ces textes (arrêté municipal), de nature règlementaire, il ne saurait être remis en cause, comme soutenu par la SAS [Adresse 12], par le simple courrier, en date du 25 janvier 2024, par lequel M. [CW] [WL], conseiller municipal, a autorisé, par délégation, les livraisons entre 5 heures et 23 heures. En tout état de cause, les faits imputés à l'appelante dans le cadre du trouble anormal de voisinage sont, pour l'essentiel, situés en dehors de cette plage horaire.
L'ordonnance entreprise sera dès lors confirmée en ce qu'elle fait interdiction à la SAS Cagnes Mini marché d'exercer toute activité de livraison, d'installation et d'achalandage de ses étals entre 20 heures, le soir, et 6 heures du matin.
Elle le sera également en ce qu'elle a assorti cette interdiction, d'une asteinte de 10 000 euros par infraction dument constatée par commissaire de justice ou par trois témoins, courant à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la notification de son ordonnance et pendant une durée de quatre mois passé lequel délai il pourrait être à nouveau statué. En effet, le fait que ladite astreinte soit supérieure au chiffre d'affaire journalier de la SAS [Adresse 23] est indifférent aux débats, et ce, d'autant que :
- l'astreinte provisoire a pour finalité de contraindre la personne qui s'y refuse à exécuter les obligations qu'une décision juridictionnelle lui a imposées et d'assurer le respect du droit à cette exécution : or les développements précédants ont mis en exergue la résistance de l'appelante qui a poussé le parquet de [Localité 17] à engager des poursuites ;
- son bilan met en exergue un chiffre d'affaire de net de 2 270 462 euros en 2022 et 2 514 514 euros en 2023 pour des résultats d'exploitation de 152 5457 euros et 129 522 euros ;
- des procès verbaux de constat en date des 25, 29, 30 septembre 2024 et 2 octobre 2024 ont caractérisé la persistance des faits après que l'ordonnance entreprise a été rendue (le 22 août précédent) et notamment des déchargement de camions et achalandages des camions à 5 heures 01 puis 0 heures 03 et enfin l'arrivée à 4 heures 37 (le 2 octobre 2024) d'un camion de livraison de type poids lourd, passage des Maraichers, (stationnant) après avoir klaxonné car un autre véhicule lui gênait l'accès.
Il n'est enfin pas indifférent de relever que selon l'attestation de M. [M] [L], employé de la SAS Mini marché, ces livraisons sont effectuées soit par camion frigorifique trois fois par semaine, provenant du marché d'intérêt national de [Localité 24], soit une fois par semaine provenant du marché de [Localité 14], soit, pour les autres jours par véhicules légers. Elles sont donc quotidiennes ce qui souligne l'urgence de voir cesser les trouble anormal de voisinage et trouble manifestement illicite précédemment caractérisés.
Sur les demandes de provisions
Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ... le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence ... peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'absence de constestation sérieuse implique l'évidence de la solution qu'appelle le point contesté. Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant, celle-ci n'ayant alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée. C'est enfin au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.
Il n'est pas contestable, au vu des développements qui précèdent, que Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA] et Mme [JB] [N] subissent, depuis de nombreuses années, des nuisances sonores particulièrement caractérisées et pénibles puisque nocturnes. Mme [A] verse ainsi aux débats un certificat médical, en date du 3 août 2023 par lequel le docteur [G] [X] a attesté qu'elle souffrait de troubles de l'humeur avec des symptômes de dépression qu'il mettait en lien, sur déclarations de la patiente, avec de nombreux réveils nocturnes et des nuits courtes .
Il doit être néanmoins relevé que les intimés versent eux mêmes aux débats une ordonnance de composition pénale dont il résulte que M. [GO] a été condamné le 14 juin 2024 à verser, à quatre d'entre eux, à savoir Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E] et Mme [JB] [N] une somme de 2 000 euros, chacun, en réparation du préjudice moral subi durant la période de la prévention à savoir entre le 1er mars 2017 au 2 août 2023. Leur demande de provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice de jouissance ne peut donc porter que sur la période postérieure, en sorte, qu'au vu des éléments versés aux débats, leur droit à indemnisation peut être considéré comme non sérieusement contestable à hauteur de 2 500 euros, comme justement apprécié par le premier juge. L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.
S'agissant de Mme [H] [LA], qui ne s'était pas constituée partie civile dans le cadre de la procédure pénale susvisée, mais qui se trouve dans la même situation que ses voisins, son droit à indemnisation sera considéré comme non sérieusement contestable à hauteur de 4 500 euros. L'ordonnance entreprise sera dès lors infirmée de ce chef.
S'agissant enfin de M. [EC] [C], la cour ne peut que constater que s'il est possible que ses locataires se soient plaints des nuisances sonores nocturnes objet du présent dossier, il ne rapporte aucun élément de preuve, pas même une attestation, de leur lassitude ou mécontentement, de même qu'il n'établit pas qu'il a réalisé le moindre geste financier (indemnitaire) à leur égard. Il ne rapporte donc pas la preuve d'un préjudice qu'il aurait directement subi en sorte que l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle lui a octroyé une provision de 2 500 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la SAS [Adresse 12] aux dépens et à verser à Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS Cagnes Mini marché, qui succombe au litige, sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de ce texte. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais non compris dans les dépens, qu'ils ont exposés pour leur défense. Il leur sera donc alloué une somme de 3 500 euros en cause d'appel.
La SAS [Adresse 12] supportera en outre les dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
- condamné la SAS Cagnes Mini marché à verser à Mme [H] [LA] la somme de 2 500 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
- condamné la SAS [Adresse 12] à verser à M. [EC] [C] la somme de 2 500 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
La confirme pour le surplus des dispositions déférées ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SAS Cagnes Mini marché à verser à Mme [H] [LA] la somme de 4 500 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice de jouissance ;
Déboute M. [EC] [C] de sa demande de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
Condamne la SAS [Adresse 12] à verser à verser à Mme [XX] [A], M. [I] [S], M. [VY] [E], Mme [H] [LA], Mme [JB] [N] et M. [EC] [C], ensemble, la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS Cagnes Mini marché de sa demande sur ce même fondement,
Condamne la SAS [Adresse 12] aux dépens d'appel.
La greffière Le président