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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 16 octobre 2025, n° 25/00667

AMIENS

Autre

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CA Amiens n° 25/00667

16 octobre 2025

ARRET



[U] [V]

C/

S.C.P. ALPHA MJ

Copie exécutoire

le 16 Octobre 2025

à

Me NGAFAOUNAIN

VD

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 16 OCTOBRE 2025

N° RG 25/00667 - N° Portalis DBV4-V-B7J-JIYU

JUGEMENT DU TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 6] DU 09 JANVIER 2025 (référence dossier N° RG 18/01761)

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [B] [U] [V]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Marcel DOYEN de la SCP MONTIGNY DOYEN, avocat au barreau d'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Jean NGAFAOUNAIN, avocat au barreau de VERSAILLES

ET :

INTIMEE

S.C.P. ALPHA MJ représentée par Me [E] [H] es qualité de commissaire à l'exécution du plan, et de liquidateur judiciaire de Mme [U] [V] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 2]

[J]

Signifié à personne morale le 06 mars 2025.

***

DEBATS :

A l'audience publique du 26 Juin 2025 devant :

Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,

Mme Florence MATHIEU, présidente de chambre,

et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Madame Elise DHEILLY

MINISTERE PUBLIC : Mme Clélie GIBALDO, substitute générale

PRONONCE :

Le 16 Octobre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Madame Elise DHEILLY, Greffière.

*

* *

DECISION

Par un jugement en date du 20 décembre 2018, le tribunal judiciaire de Senlis a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de Madame [B] [U] [V] exerçant la profession de médecin généraliste.

Un plan de redressement a été arrêté par un jugement en date du 13 février 2020 pour une durée de 10 ans, prévoyant le remboursement des créances antérieures par versements de dividendes annuels de 10%, Maître [E] [H] ayant été désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par une requête en date du 25 septembre 2024, Maître [E] [H] a saisi le tribunal judiciaire de Senlis sur le fondement de l'article L. 631-20-1 du code de commerce afin d'obtenir la résolution du plan, exposant que les dividendes annuels n'ont pas été payés sur les 3 dernières années et que les cotisations dues à la CARMF impayées depuis 2019 s'élèvaient à un total de 74.352 euros.

Le Ministère public a requis la résolution du plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Par un jugement en date du 9 janvier 2025, le tribunal judiciaire de Senlis, en application de l'article L.631-1-20 du code de commerce :

- Prononce la résolution du plan arrêté au profit de Madame [B] [U] [V] par jugement du tribunal judiciaire de Senlis du 13 février 2020 ;

- Constate sa cessation des paiements ;

- Constate que les conditions d'application de l'article L.711-1 du code de la consommation sont réunies en ce qui concerne son patrimoine personnel ;

- Ouvre une procédure de liquidation judiciaire à son égard, tant en ce qui concerne son patrimoine professionnel qu'en ce qui concerne son patrimoine personnel ;

- Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 25 septembre 2024;

- Nomme Monsieur [M] [I] magistrat au tribunal judiciaire de Senlis, en qualité de juge-commissaire;

- Nomme la SCP Alpha MJ, en qualité de liquidateur, et désigne Maître [E] [H], associé de ladite société, pour exercer cette mission au sein de celle-ci et en son nom;

- Commet la SELARL Le Coënt De Beaulieu, commissaire de justice, [Adresse 4] à [Localité 3], aux fins de dresser l'inventaire des biens mobiliers dépendant de l'activité professionnelle;

- Rappelle les dispositions du 4ème alinéa de l'article L.622-6 du code de commerce;

- Autorise la poursuite de l'activité de médecin généraliste de Madame [B] [U] [V] pour la durée maximale prévue par l'article R.641-18 du code de commerce;

- Dit que les actes professionnels seront exercés par Madame [B] [U] [V];

- Fixe à 14 mois à compter du présent jugement le délai prévu par l'article L.624-1 du code de commerce;

- Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience le jeudi 20 mars 2025 à 10H00 pour l'application éventuelle de l'article R.641-18 du même code;

- Dit que le présent jugement vaut convocation à cette audience ;

- Rappelle qu'il conviendra d'y convoquer l'ordre professionnel compétent ;

- Ordonne les mesures de publicité légale ;

- Rappelle les dispositions des articles R.621-8 et R.641-7 du code de commerce;

- Rappelle les dispositions des articles R.621-7 et R.641-6 du code de commerce;

- Dit que les dépens seront à la charge de la procédure collective.

Par une déclaration en date du 21 janvier 2025 signifiée à la SCP Alpha MJ par exploit délivré à personne morale le 6 mars 2025, Madame [B] [U] [V] a interjeté appel de cette décision.

Dans son unique jeu de conclusions signifié à la SCP Alpha MJ le 24 mars 2025, par exploit remis à personne, Madame [B] [V] [U] demande à la cour de :

- Recevoir Madame [B] [U] [V] en son appel et l'y dire bien fondée.

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Senlis le 9 janvier 2025 (N° RG 18/01761).

Statuant à nouveau,

- Débouter le mandataire à l'exécution du plan de sa demande ;

- Prononcer la poursuite du plan de redressement arrêté par le jugement du 13 février 2020 ;

- Statuer sur les dépens ce que de droit.

La SCP Alpha MJ, ès-qualités de liquidateur, n'a pas constitué avocat.

L'avis du ministère mublic a été sollicité et il a fait savoir qu'il interviendrait à l'audience.

La clôture de l'instance a été fixée par ordonnance au 5 juin 2025.

A l'audience, le ministère public s'en rapporte à la sagesse de la cour.

MOTIFS :

Sur le prononcé de la résolution du plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire :

Madame [B] [V] [U] estime que le défaut de paiement des dividendes n'entraîne pas la résolution automatique du plan et qu'en application de l'article L.631-20-1 du code de commerce seule la cessation des paiements du débiteur au cours de l'exécution du plan entraîne sa résolution et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, condition qui n'est pas remplie en l'espèce.

En effet, les premiers juges n'ont pas pris en compte 2 postes, qui ramènent pourtant l'insuffisance de l'exécution du plan à 77.418,55 euros, soit la moitié de la dette exigible au titre des dividendes impayés.

Ainsi au moment où le juge statuait les revenus dégagés par l'activité de Madame [B] [U] [V] ainsi que les sommes consignées auprès de la Caisse des Dépôts et des Consignations permettaient de faire face à ce passif.

D'autre part, s'agissant des dettes nées postérieurement au plan, la requête du commissaire au plan signale que de nouvelles dettes seraient apparues, se référant notamment à la lettre de la CARMF signalant une dette de 74.352 euros pour la période de 2019 à 2023 et un acompte de 2024.

Néanmoins, Madame [B] [U] [V] conteste ces dettes, faisant valoir qu'elles ne sont pas exigibles, que depuis l'adoption du plan son activité est en croissance et génère des bénéfices suffisants pour payer les engagements pris dans le cadre du plan arrêté, et que l'exercice de 2023 a été impacté par les charges sociales particulièrement élevées qu'elle ne s'explique pas et n'a dégagé que 64.755 euros de bénéfices contre aux alentours de 140.000 euros les années précédentes.

Elle ajoute qu'elle est célibataire avec un enfant à charge, domicilié à Nogent sur Oise et propriétaire d'un logement à Amiens dont le tribunal de commerce a prononcé l'inaliénabilité, et qu'elle produira les éléments comptables de 2024 mais que d'ores et déjà elle escompte un solde disponible de 89.250 euros après prélèvements pour sa consommation personnelle, de sorte qu'il lui restera bien plus que le dividende de 77.418,55 euros.

La cour rappelle qu'en application de l'article L. 626-27, I, alinéa 2 du code de commerce,

"Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.

Il ressort de l'article L.631-20-1 du code de commerce applicable au redressement judiciaire que "(...)lorsque la cessation des paiements est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de liquidation judiciaire."

Est en état de cessation des paiements, aux termes de l'article L.631-1 du même code, le débiteur qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Le premier juge a constaté que la débitrice n'avait pas payé les dividendes du plan durant les années 2022, 2023 et 2024, de sorte que la résolution du plan s'imposait, et que la débitrice n'était pas en mesure de faire face à ses dettes exigibles, à savoir les dividendes impayés (3) et les cotisations sociales impayées (CARMF) depuis le jugement ayant approuvé le plan.

Sur le passif exigible :

- sur les dividendes du plan restant impayés :

La débitrice en conteste le montant, faisant valoir que des règlements de mars à juillet 2020 adressés au commissaire à l'exécution du plan pour un montant total de 10.000 euros, soit 2000 euros par mois, n'ont pas été comptabilisés; elle produit pour en justifier des extraits d'un compte bancaire professionnel de mars à juillet 2020 montrant cinq virements de 2000 euros chacun au profit de Me Lehericy. Cependant ces seuls relevés de compte ne sauraient faire la preuve que le décompte du commissaire au plan est inexact, dès lors qu'il fait apparaître en recettes un virement de 27.526,50 euros au 23 juillet 2020 et que la débitrice ne démontre pas avoir versé au commissaire au plan plus de 83.614,67 euros en tout au titre des recettes totales du plan apparaissant au compte analytique arrêté au 18 septembre 2024.

La débitrice ajoute que la banque CIC a prélevé directement sur son compte ouvert au guichet de cet établissement les mensualités de son prêt alors qu'il est compris dans le plan : 18.130,50 euros en 2020, 10.072,50 euros en 2021, 8058 euros en 2022, 10.072,50 euros en 2023 et 10.072,50 euros en 2024, soit 56.406 euros qui n'ont pas été comptabilisés par le commissaire au plan et doivent venir en déduction des dividendes. Cependant d'une part elle ne démontre pas les prélèvements qu'elle allègue, d'autre part le CIC a reçu son premier dividende de 10% le 13 octobre 2022, que la débitrice n'a pas contesté ce qu'elle n'aurait pas manqué de faire si elle l'avait déjà réglé par ailleurs.

Le plan approuvé par jugement du 13 février 2020 du tribunal de commerce de Senlis prévoyait un règlement par échéance annuelle de 10%. Il ressort des pièces versés par le commissaire au plan que les sommes versées par la débitrice pour un montant total de 83.614,67 euros au 25 septembre 2024 n'ont permis de régler, outre la facture d'honoraires de 3053,26 euros du commissaire au plan, que la créance inférieure à 500 euros immédiatement exigible à l'ouverture du plan et de répartir le premier dividende annuel de 56.601,21 euros, le solde soit 23.922.548,73 euros étant consigné à la Caisse des dépôts et consignations (solde disponible de 22.548,73 euros en tenant compte des comptes bloqués), ne suffisant pas à régler les trois autres dividendes du 13 mai 2022, 13 mai 2023 et 13 mai 2024 échus pour un montant total de 166.372,28 euros et restés impayés depuis.

- sur les cotisations sociales impayées :

La débitrice conteste toute créance à l'égard de la CARMF, faisant valoir qu'il ressort de son compte de résultats de l'exercice 2023 qu'elle a réglé 88.073 euros au titre des charges sociales personnelles, ce qui doit être une erreur car elle n'a réglé que 15.724 euros en 2022, 12.414 euros en 2021 et 14.611 euros en 2020.

La CARMF par courrier daté du 9 juillet 2024 adressé à la SCP Alpha MJ mandataires judiciaires l'a informée que non seulement Mme [U] [V] n'était pas à jour des annuités lui revenant au titre du plan de continuation homologué le 13 février 2020 mais encore qu'elle lui restait devoir 74.352 euros en principal, arrêtée au 30 juin 2024, au titre des cotisations 2019 à 2023 et de l'acompte de cotisations de 2024, non compris au plan, outre les majorations de retard.

Il ressort des comptes sociaux 2020 à 2023 produits aux débats que les règlements à la CARMF ont été de 9.000 euros en 2020, 9.796 euros en 2021, 10.603 euros en 2022 et 30.898 euros en 2023, et qu'il restait en passif une dette à la CARMF de 26.898 euros au 31 décembre 2023 que la débitrice, qui ne produit aucun document comptable ou financier de 2024 et encore moins de 2025, ne justifie pas avoir réglée.

Il y a donc lieu de tenir compte d'un passif exigible d'au-moins 193.270,28 euros (166.372,28 euros au titre des dividences échus impayés +26.898 euros au titre des cotisations CARMF).

Sur l'actif disponible :

La débitrice prétend que ses bénéfices dégagés par son activité tous les ans soit au moins 80.000 euros déduction faite de ses prélèvements pour besoins personnels, ainsi que les sommes consignées sur la caisse des dépôts et consignations et son appartement à Amiens, qu'elle loue et dont l'inaliénabilité a été prononcé par le tribunal judiciaire dans son jugement arrêtant le plan, lui permettent largement de faire face aux dividendes impayés.

Cependant l'actif disponible s'entend de celui qui est rapidement mobilisable; or le solde disponible à la caisse des dépôts et consignations n'est que de 22.548,73 euros et la débitrice ne produit pas ses relevés de son compte professionnel permettant de connaître l'éventuelle trésorerie de son activité professionnelle en compte actuellement qu'il y a donc lieu de considérer comme nulle.

En tout état de cause l'appartement qu'elle possède à Amiens qui a été déclaré inaliénable par le tribunal fait partie de l'actif immobilisé et non de l'actif disponible, et si les bénéfices réalisés sur les 4 années documentées, à savoir de 2020 à 2023, sont en moyenne de 145.000 euros de 2020 à 2022 puis de 63.294 euros en 2023, cela cache le fait que les capitaux propres sont systématiquements négatifs pour un moment allant de -126.693 euros (en 2023) à -186.607 euros (en 2021) montrant que les pertes comptables excédent de manière importante et continue la valeur des actifs ne permettant pas d'escompter un redressement financier de son activité.

Le seul actif disponible ne suffit pas à faire face au passif exigible et c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que la débitrice était en cessation des paiements.

Sur les dépens d'appel :

Ils seront employés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.

Le Greffier, La Présidente,

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