Livv
Décisions

CA Colmar, ch. 2 a, 16 octobre 2025, n° 23/01303

COLMAR

Autre

Autre

CA Colmar n° 23/01303

16 octobre 2025

MINUTE N°477/2025

Copie exécutoire

aux avocats

Le

La greffière

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/01303 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IBKV

Décision déférée à la cour : 07 Février 2023 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE et INTIMEE sur appel incident :

Madame [J] [V] divorcée [G]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Mathilde SEILLE, avocat à la cour.

INTIMÉE et APPELANTE sur appel incident :

La S.A.S. MAT'IMMO PREMIUM, représentée par son représentant légal es qualité audit siège.

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour, postulant, et Me COLTAT, avocat au barreau de Strasbourg, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mai 2025, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère

Madame Sophie GINDENSPERGER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Emeline THIEBAUX, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

En 2008, Mme [J] [V] a contacté la société Immo-Select et Patrimoine, aux droits de laquelle vient la SAS Mat'Immo Premium.

Le 18 avril 2008, cette société a établi un bilan financier, fiscal et patrimonial de sa situation.

Après avoir souscrit, le 6 mai 2008, un contrat de réservation portant sur l'acquisition d'un lot au sein d'un lotissement, Mme [V] a, le 7 mai 2008, conclu un contrat de construction d'une maison individuelle avec la société Speos. Elle a également donné tous pouvoirs à la société Immo-Select et Patrimoine pour effectuer les démarches relatives au devis récapitulatif, ainsi qu'un mandat aux dirigeants de cette société pour la signature des documents.

Le 8 septembre 2008, la société Immo-Select et Patrimoine a facturé ses honoraires.

Par acte notarié du 26 septembre 2008, Mme [V] a acquis la propriété du terrain à bâtir, et la maison a été mise en location en 2009.

Par un acte d'huissier de justice délivré le 20 octobre 2020, Mme [V] a assigné la société Mat'Immo Premium devant le tribunal judiciaire de Strasbourg.

Par ordonnance du 8 février 2022, le juge de la mise en état l'a déclarée recevable en sa prétention, en ce qu'elle est fondée sur l'évaluation de la valeur de sortie du bien (en octobre 2017).

Par jugement du 7 février 2023, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- dit n'y avoir lieu à écarter des débats l'annexe 4 produite par Mme [V],

- débouté Mme [V] de l'ensemble de ses prétentions,

- débouté la société Mat'Immo Premium de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné Mme [V] aux dépens de la procédure,

- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a, d'abord, relevé que la prétention de Mme [V] était fondée sur la valeur de sortie du bien, de sorte qu'il ne répondrait pas aux moyens relatifs au manquement de la société à son devoir de conseil, fondé sur le fait que le régime dit 'Robien recentré' n'était pas adapté à sa situation.

Il a ajouté qu'il appartiendrait au tribunal d'apprécier la valeur probante du document produit par Mme [V] en annexe 4, que la société Mat'Immo considérait comme étant un faux grossier.

Il a ensuite retenu que la société Immo-Select Patrimoine était intervenue en qualité de conseil en gestion du patrimoine, et qu'il lui appartenait d'apporter la preuve de l'exécution de son obligation particulière d'information, et qu'en l'espèce :

- Mme [V] recherchait un investissement immobilier, avait été informée des caractéristiques des biens dont elle faisait l'acquisition, et avait reçu une simulation détaillée, qui n'avait de prétentions qu'illustratives, et il ne pouvait être considéré comme fautif de ne pas avoir spécifié qu'il ne s'agissait pas d'une étude scientifique,

- Mme [V] ne démontrait pas que le bien était surévalué,

- la société ne justifiait pas l'avoir informée des risques de l'opération ; aucune autre hypothèse n'était diffusée tenant compte d'une revalorisation moindre de 3,50 % l'an ; aucune hypothèse défavorable n'était mentionnée ; elle avait donc commis un manquement à son obligation d'information,

- cependant, à ce jour, Mme [V] n'avait pas cédé son bien, de sorte que le préjudice restait éventuel ; la perte n'était pas advenue, de sorte que les demandes de réparation du dommage financier devaient être rejetées,

- au regard de la faute commise, la société devait être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Le 27 mars 2023, Mme [V] a interjeté appel de cette décision, en citant tous ses chefs, sauf celui déboutant la société Mat'Immo Premium de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 janvier 2025.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 juin 2024, Mme [V] demande à la cour de :

Sur son appel principal :

- le déclarer recevable et bien fondé,

y faisant droit,

- infirmer le jugement en ce qu'il :

' l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions,

' l'a condamnée aux dépens de la procédure,

' dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

' dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la présente décision,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau et dans cette limite :

- juger que la société Mat'Immo Premium a manqué à son obligation d'information et de conseil,

- condamner la société Mat'Immo Premium à lui payer :

' à titre principal, la somme de 462 141 euros à titre de dommages-intérêts,

' subsidiairement, celle de 129 669,30 euros à titre de dommages-intérêts,

' la somme de 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, et celle de 4 000 euros à ce titre pour la procédure d'appel,

Sur l'appel incident de la société Mat'Immo Premium :

- le juger irrecevable et mal fondé,

- l'en débouter,

Par conséquent :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' dit n'y avoir lieu à écarter des débats l'annexe 4 produite par Mme [V],

' débouté la SAS Mat'Immo Premium de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

En tout état de cause :

- débouter la société Mat'Immo Premium de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à son encontre,

- condamner l'intimée aux entiers frais et dépens de la procédure de l'instance.

Elle indique entendre dresser un état des fautes exhaustif qu'elle impute à la société Mat'Immo Premium, fondées sur la violation de son devoir de conseil et d'information, que toutefois, ses demandes de condamnation sont fondées sur la différence entre la valeur de sortie promise par cette société et la valeur réelle du bien.

Elle précise que la faute à l'origine de ce dommage s'étant révélée en 2017, sa demande n'est pas prescrite.

Elle invoque l'obligation d'information précontractuelle fondée sur les articles 1103 et 1104 du code civil, reprenant les termes de l'ancien article 1134 dudit code, et recherche sa responsabilité civile contractuelle. Elle invoque, en outre, les dispositions des articles L.541-1, L.321-1 et L.541-8-1 du code monétaire et financier relatifs aux obligations du conseiller en investissement et les articles 325-1 A à 325-47 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

Elle soutient avoir pris contact avec la société Immo-Select et Patrimoine pour être conseillée sur le choix le plus opportun et adéquat au regard de sa situation personnelle et financière, en termes de placement et/ou d'investissement, et que le premier juge a, à tort, recherché la responsabilité de cette société seulement sous le prisme de l'opération d'investissement, sans préciser si le fait d'avoir conseillé l'opération d'investissement en litige n'était pas déjà en soi un manquement à l'obligation de conseil et d'information.

Elle ajoute que la société Immo-Select Patrimoine exerce une activité de conseil en gestion de patrimoine, ingénierie financière et fiscale intermédiaire en placement, gestion et transactions immobilières et qu'elle l'a missionnée pour de tels conseils, précisant que cette société a établi une étude personnalisée concernant un projet d'investissement immobilier aux termes de laquelle elle lui a proposé de souscrire à l'opération en litige, et lui a facturé des prestations d'ingénierie financière et fiscale, de montage et de suivi du dossier. Elle ajoute que les éventuelles interventions postérieures de la société quant aux démarches relatives aux travaux ou de gestion locative sont sans incidence sur sa mission première de conseil en gestion de son patrimoine.

S'agissant des manquements, elle soutient, d'une part, que l'étude personnalisée n'énonçait pas suffisamment les risques du placement et les hypothèses, ce qui caractérise le défaut de conseil.

Elle soutient, d'autre part, que l'opération conseillée n'était pas adéquate en tant que telle à sa situation financière et personnelle, ce qui lui a causé un préjudice de perte de chance de ne pas contracter.

Elle invoque, en outre, un défaut de conseil et d'information ayant consisté à établir une 'étude patrimoniale' manifestement erronée, car elle contient une projection sur une dizaine d'années, sans tenir compte de la diminution de ses revenus liée à la retraite qu'elle était susceptible de prendre dans ce laps de temps, ni de la diminution du nombre de parts fiscales - n'ayant plus qu'une part fiscale depuis 2009 - ni de l'augmentation corrélative du montant de ses impôts. Elle ajoute que cette omission est d'autant moins compréhensible que le 'bilan financier, fiscal et patrimonial' établi préalablement faisait expressément état de ces éléments, et que ces erreurs ont eu pour conséquence de fausser les calculs de rentabilité de l'opération.

Elle soutient que, de plus, le taux de revalorisation du bien immobilier de 3,5 % s'est avéré complètement faux, qu'elle a fait évaluer la valeur vénale de son bien à l'issue de la période de neuf ans courant à compter du 1er janvier 2009, que la valeur vénale à retenir est celle correspondant à la sortie de l'investissement, soit celle de l'année 2019 et que son préjudice doit bien être apprécié à la date de sortie du bien du régime. Elle considère que la valeur vénale réelle du bien, soit 196 000 euros, présente la moitié de la valeur de sortie du bien annoncée et que le taux de revalorisation s'est avéré négatif, traduisant une perte de 76 500 euros.

Enfin, elle lui reproche un défaut de conseil et d'information ayant consisté à proposer un dispositif fiscal justifiant la valeur d'achat surévaluée du bien, expliquant que le dispositif fiscal supposait un investissement important et que la surévaluation était compensée par les avantages fiscaux dont bénéficiait le contribuable, et qu'en l'espèce, le bien acquis avait été surévalué à 58 % par rapport à sa valeur vénale réelle et que l'avantage fiscal procuré s'était trouvé annihilé dès le départ par cette surévaluation.

S'agissant du préjudice subi en conséquence, elle soutient que sa perte de chance résulte 'du gain manqué de ne pas contracter' et est survenue au moment même de la conclusion de l'opération immobilière, de sorte qu'il ne peut être imposé, pour évaluer le préjudice, de revendre le bien. Elle fait valoir que si la société n'avait pas manqué à son obligation d'information et de conseil, elle n'aurait jamais conclu une telle opération inappropriée à sa situation de l'époque, et que son préjudice est certain et évalué au montant du coût qu'elle a supporté pour la réalisation de l'opération, soit 272 141 euros, se détaillant comme suit :

- prix d'acquisition du lot : 77 760 euros

- frais et honoraires liés à l'acquisition : 16 785 euros

- coût des travaux de construction : 137 936 euros

- travaux d'aménagement : 29 400 euros

- facture de la société Immo-Select et Patrimoine : 10 260 euros,

outre, l'emprunt bancaire in fine de 190 000 euros et l'apport personnel de 82 500 euros, soit un total de 462 141 euros.

A titre subsidiaire, elle soutient que son dommage se traduit a minima par le gain manqué, à savoir la différence entre la valeur de sortie promise par la défenderesse et la valeur vénale réelle du bien. Elle demande l'indemnisation sur la base d'une perte de chance, à hauteur de 95 %.

Enfin, elle soutient qu'il n'est pas prouvé qu'elle aurait exercé son droit d'agir avec malice ou mauvaise foi. Elle ajoute qu'aucune faute de sa part, ni préjudice en lien de causalité subi par la société Mat'Immo Premium ne sont démontrés.

Sur l'appel incident, elle observe qu'il n'est pas expliqué en quoi le juge aurait mal jugé, et soutient qu'il n'existe aucun élément tangible sur le caractère faux ou frauduleux de l'annexe 4.

Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 avril 2024, la société Mat'Immo Premium demande à la cour de :

Sur l'appel principal :

- le déclarer mal fondé,

- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [V] de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée aux dépens,

Sur son appel incident :

- le déclarer régulier, recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement en ce qu'il :

' a dit n'y avoir lieu à écarter des débats l'annexe 4 produite par Mme [V],

' l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

' a dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau :

- écarter des débats l'annexe 4 produite par Mme [V],

- condamner Mme [V] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner Mme [V] à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,

- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses fins et conclusions,

en tout état de cause :

- condamner Mme [V] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, et aux entiers frais et dépens nés de l'appel.

Elle expose que, contactée par Mme [V] pour obtenir un accompagnement dans le cadre de l'acquisition d'un bien immobilier, la société Immo Select et Patrimoine lui a proposé un projet dit 'clé en main', sans intervenir en qualité de conseil en investissement défiscalisation, mais en qualité d'agent immobilier mandaté par les parties.

Elle soutient que les limites du litige résultent de l'ordonnance du juge de la mise en état du 8 février 2022. Elle considère que Mme [V] recherche sa responsabilité pour manquement à son devoir d'information et de conseil, que, dans un tel cas, le dommage réside en une perte de chance de ne pas contracter qui se réalise au jour de la conclusion du contrat, soit en 2008, et qu'en application des articles 2262 et 2224 du code civil et de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, elle avait jusqu'au 19 juin 2013 pour agir à son encontre, raison pour laquelle, le juge de la mise en état a considéré que toute demande qui reposerait sur le régime fiscal Robien serait prescrite, et ne l'a déclarée recevable en sa prétention qu'en ce qu'elle était fondée sur l'évaluation de la valeur de sortie du bien. Elle en déduit que les moyens relatifs à des manquements à l'obligation d'information et de conseil sont irrecevables et ne pourront être soumis à la cour.

Elle conteste avoir engagé sa responsabilité contractuelle, en soutenant que sa prestation contractuelle consistait à gérer les aspects de la transaction immobilière, au titre desquels aucun manquement ne lui est reproché.

Elle ajoute que Mme [V] ne peut invoquer les dispositions de l'article 1112-1 du code civil, introduit par la réforme du 10 février 2016, et que la Cour de cassation a toujours considéré que le manquement à l'obligation d'information avait pour fondement la responsabilité délictuelle, laquelle ne fonde pas son action.

Elle conteste l'analyse du tribunal ayant retenu qu'elle était intervenue en qualité de conseil en gestion du patrimoine et que le conseil était l'objet même du contrat.

Enfin, elle conteste toute responsabilité pour les raisons suivantes :

- elle n'est intervenue que pour l'accompagner dans le cadre de l'acquisition d'un bien immobilier,

- elle n'a commis aucune faute, le dispositif étant parfaitement adapté à sa situation puisqu'elle allait devenir propriétaire, percevoir des revenus fonciers, être imposée sur ceux-ci, tout en bénéficiant de déductions au titre des revenus de capitaux mobiliers imposables,

- Mme [V] ne démontre pas qu'à la date du 30 avril 2008, le taux de revalorisation indiqué sur l'étude de 3,5 % l'an était faux et surévalué, et ne l'affirme même pas ; elle ne peut être responsable de l'évolution ultérieure du taux ; en outre, le document indique qu'il s'agit d'une simulation ; l'étude permet de mettre en évidence l'effort de trésorerie mensuelle, la vérification de l'impact fiscal et la mesure de l'équilibre de l'opération ; le taux de valorisation foncière n'intervient pas dans l'incidence de la trésorerie mensuelle prévue ; la valeur de sortie hypothétique et simulée ne lui a pas été promise ;

- dans la mesure où l'étude était une simulation, une projection, le résultat ne pouvait être garanti et il ne peut être reproché au professionnel de ne pas avoir établi une autre simulation dite 'défavorable' ; de plus, plusieurs simulations lui ont été présentées.

S'agissant du préjudice invoqué, elle fait valoir que :

- Mme [V] ne démontre pas la valeur de sortie réelle du bien immobilier en 2017 ; en outre, l'avis de M. [P] est erroné et tient compte du fait que le bien est toujours en location, de sorte qu'une décote de 20 % a été appliquée,

- le bien ne cesse de prendre de la valeur, et le préjudice ne peut être qualifié de certain,

- elle ne peut prétendre subir un préjudice en cas de revente, alors que la revente n'a pas eu lieu ; son préjudice n'est qu'éventuel,

- elle n'a en réalité subi aucun préjudice.

S'agissant du lien de causalité, elle observe ne pas être responsable de l'évolution du marché de l'immobilier et des différentes crises qui se sont succédées depuis 2008.

S'agissant de son appel incident, elle considère que la procédure est abusive, car Mme [V] a engagé son action pour permettre à la société Immocob de justifier le licenciement abusif de M. [C] et pour lui nuire ; d'ailleurs, elle produit en annexe 4, un document qui lui a été remis par cette société qui est interne et non remis au client. En outre, ce document est un faux grossier reconstitué de différentes pages issues de différents documents, et qui sera écarté des débats.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

1. Sur l'annexe 4

A titre liminaire, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à écarter des débats l'annexe 4 produite par Mme [V]. En effet, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier sa valeur probante.

2. Sur les demandes de Mme [V]

Mme [V] invoque divers manquements de l'intimée à son obligation d'information et de conseil et demande réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en conséquence, soit, à titre principal, le coût financier total qu'elle a supporté pour réaliser l'opération immobilière, et à titre subsidiaire, la perte de chance du gain manqué de ne pas contracter, qu'elle évalue à 95 % de la différence entre la valeur de sortie que l'intimé lui aurait promise et la valeur vénale réelle du bien.

Or, elle ne démontre pas avoir subi un préjudice certain.

En effet, si elle liste différents postes de coûts financiers supportés pour réaliser l'opération immobilière, elle ne tient pas compte de la valeur du bien qu'elle a acquis et possède toujours, des loyers perçus et des déductions fiscales appliquées, et dès lors des avantages que lui a procuré ledit investissement. Elle ne démontre dès lors pas avoir subi un préjudice.

En outre, la perte de chance invoquée ne peut être évaluée qu'en tenant compte de la valeur de l'immeuble et du gain manqué qu'elle invoque. Or, dans la mesure où elle n'a pas vendu le bien acquis lors de l'opération d'investissement critiquée, elle ne démontre pas avoir subi une perte de gain, ni, partant, une perte de chance d'obtenir ce gain.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes de dommages-intérêts.

3. Sur la demande de la société Mat'Immo Premium

La société Mat'Immo Premium ne justifie pas son allégation relative au mobile qu'elle lui impute et ne démontre pas le caractère abusif de la procédure engagée par Mme [V].

Elle ne démontre pas non plus que l'annexe n° 4 produite par l'appelante constitue un faux. Outre qu'il n'est pas démontré qu'il a été 'reconstitué de différentes pages issues de différents documents' - ce document porte les dates des 18 et 29 avril 2008 et effectue une analyse financière de la situation de Mme [V] après l'opération alors projetée, puisqu'il tient compte de la propriété de l'immeuble, du loyer perçu, de la somme due au titre du prêt et des impôts dus. Ainsi, la mention d'un prêt long non encore souscrit à cette époque ou d'un montant de revenus pour 2012 ne suffit pas à démontrer le caractère faux de ce document.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts.

4. Sur les frais et dépens

Succombant, Mme [V] supportera les dépens de première instance, le jugement étant confirmé de ce chef, et d'appel.

Le jugement sera, en revanche, infirmé en ce que, disant n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile, il a rejeté la demande de la société Mat'Immo Premium à ce titre.

Mme [V] sera condamnée, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la société Mat'Immo Premium la somme de 1 500 euros pour la première instance et celle de 1 500 euros pour l'instance d'appel.

Enfin, ses propres demandes formées en application de cet article seront rejetées, tant pour la première instance, le jugement étant confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à faire application de ces dispositions à son profit, que pour l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 7 février 2023, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SASU Mat'Immo Premium ;

L'INFIRME de ce seul chef ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

CONDAMNE Mme [J] [V] à payer à la SASU Mat'Immo Premium la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;

CONDAMNE Mme [J] [V] à supporter les dépens d'appel ;

CONDAMNE Mme [J] [V] à payer à la SASU Mat'Immo Premium la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel.

La greffière, La présidente,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site