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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 24 juin 2010, n° 07/20219

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Crédit lyonnais (SA)

Défendeur :

SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU PARIS-BERTHIER (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme APELLE

Conseillers :

Mme JACOMET, Mme CHANDELON

Avoué :

SCP HARDOUIN

CA Paris n° 07/20219

23 juin 2010

La société par actions simplifiée Société Immobilière du Paris Berthier, anciennement dénommée Société de Gestion Hôtelière Paris Berthier, a fait procéder à la rénovation de l'hôtel Campanile situé 4 boulevard Berthier à Paris 17ème arrondissement.

Elle a confié à M. A., architecte, une mission de maîtrise d'oeuvre et un contrat d'assistance à la maîtrise d'ouvrage-mission de conseil.

Elle a chargé les sociétés Réponse Project Management et Réponse Ingénierie, agissant en groupement de co-traitance dont la société Réponse Project Management était le mandataire, la réalisation des travaux de restructuration des étages 1 à 7 de l'hôtel.

Dans le cadre de la retenue de garantie qui peut être exigée de l'entrepreneur en application des dispositions de la loi n°71-584 du 16 juillet 1971, la société Réponse Ingénierie a obtenu l'engagement de caution personnelle et solidaire de la société anonyme Crédit Lyonnais dans la limite de la somme de 97.388,16 euros toutes taxes comprises.

Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 8 juillet 2003.

Par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 14 octobre 2003, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Réponse Ingenierie.

Par lettre du 23 janvier 2004, la société Immobilière du Paris Berthier a fait connaître à la société Crédit Lyonnais qu'elle entendait mettre en jeu le cautionnement au motif que des malfaçons s'étaient révélées.

En réponse à la demande de la société Crédit Lyonnais, la Société Immobilière du Paris Berthier a indiqué qu'elle n'avait pas déclaré de créance au passif de la société Réponse Ingenierie.

La société Crédit Lyonnais a précisé, par lettres des 23 août 2004 et 4 janvier 2005, à la Société Immobilière du Paris Berthier qu'elle considérait la créance cautionnée comme éteinte faute de déclaration au passif de la liquidation judiciaire du débiteur principal, ce qui la priverait de tout droit à subrogation à l'égard du débiteur cautionné.

Par acte d'huissier du 29 mars 2005, la Société Immobilière du Paris Berthier a fait assigner la société Crédit Lyonnais en condamnation de cette dernière, au titre de son engagement de caution de retenue de garantie, à lui payer la somme de 97.388,16 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2004, date de la réception de la mise en demeure du 23 janvier précédent, et capitalisation, à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, devant le Tribunal de Commerce de Paris qui, par jugement du 26 septembre 2007, a:

-débouté la banque Le Crédit Lyonnais de ses demandes,

-condamné la banque Le Crédit Lyonnais à payer à la SARL Société de Gestion Hôtelière Paris Berthier:

* 97.388,16 euros au titre de caution de retenue de garantie, outre intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2005, date de l'assignation, avec anatocisme ,

* 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire,

-débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

-condamné la banque Le Crédit Lyonnais aux dépens.

Suivant déclaration du 30 novembre 2007, la société anonyme Crédit Lyonnais a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures du 25 novembre 2009, elle a conclu à l'infirmation, en toutes ses dispositions, du jugement, à l'irrecevabilité et au mal fondé des demandes, à leur débouté, à la condamnation de la Société Immobilière du Paris Berthier à lui payer la somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 26 novembre 2009, la SAS Société Immobilière du Paris Berthier, anciennement dénommée Société de Gestion Hôtelière Paris Berthier, a demandé la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, qu'il soit constaté que l'acte intitulé caution de retenue de garantie-marché privé' de la société Crédit Lyonnais revêt le caractère d'un engagement personnel et autonome des obligations du cautionné et solidaire, qu'en conséquence il n'oblige pas le créancier, la Société de Gestion Hôtelière Paris Berthier, à déclarer sa créance au passif du débiteur principal pour le mettre en oeuvre, qu'il soit dit que l'acte intitulé caution de retenue de garantie-marché privé ne subordonne pas son application à l'existence ou non de réserve, la condamnation de la société le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 97.388,16 euros, formant appel incident avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2004, date de réception de la mise en demeure du 23 janvier 2004, et capitalisation, à lui payer la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 8 février 2010.

****

Considérant que la société anonyme Crédit Lyonnais fait grief au jugement de l'avoir condamnée au titre de caution de retenue de garantie en estimant que le défaut de déclaration de créance, par la société Immobilière du Paris Berthier, au passif de la société Réponse Ingenierie ne faisait pas obstacle à la mise en oeuvre du cautionnement, et indique en préliminaire que, la réception ayant été prononcée le 8 juillet 2003, il appartenait à l'intimée, conformément à l'article 2 de la loi du 16 juillet 1971, de lui notifier son opposition à la libération du cautionnement, motivée par l'inexécution par l'entrepreneur de ses obligations, avant le 8 juillet 2004, mais que la lettre du 23 janvier 2004 ne constitue pas une opposition à mainlevée du cautionnement, pas plus qu'une mise en demeure, ce qui rendrait la demande irrecevable;

Considérant que l'article 3 de l'acte de caution ainsi que l'article 2 de la loi du 16 juillet 1971, énoncent que la caution est libérée si le maître d'ouvrage ne lui a pas notifié, dans le délai d'un an suivant la réception, son opposition à la libération de cette caution;

Considérant que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 janvier 2004 ayant pour objet malfaçons diverses- Mise en jeu de la caution de garantie , la société de Gestion Hôtelière Paris Berthier a précisé d'une part confirmer devoir mettre en jeu la caution de retenue de garantie de marché privé de la société Réponse Ingenierie qui a réalisé les travaux de rénovation de l'hôtel Campanile Paris-Berthier pour son compte et qui ont été réalisés il y a moins d'un an, d'autre part que le directeur de l'hôtel l'a contactée pour lui faire part d'un certain nombre de malfaçons nécessitant une intervention des entreprises dans le cadre de la garantie;

Considérant qu'ainsi que la société Immobilière du Paris Berthier le fait valoir, cette lettre du 23 janvier 2004, envoyée en recommandé avec accusé de réception, est claire et non équivoque puisqu'il y est indiqué, en haut à gauche, objet/ Hôtel Campanile Paris-Berthier ...malfaçons diverses-mise en jeu de la caution de garantie';

Considérant que c'est donc pertinemment que le tribunal a dit que cette lettre, qui précise la mise en jeu de la caution de garantie, doit s'entendre comme constituant bien, de fait, une opposition à la libération de la caution telle que prévue à l'article 2 de la loi du 16 juillet 1971, et que la garantie de la banque a vocation à s'appliquer;

Considérant que la société Crédit Lyonnais soutient que l'acte par lequel elle s'est portée caution personnelle et solidaire de la société Réponse Ingenierie en faveur de la société Immobilière du Paris Berthier est bien un engagement de caution et non une garantie autonome, que la mise en oeuvre de cet engagement suppose que la société Réponse Ingénierie soit elle-même débitrice dans le cadre de ses obligations résultant de sa garantie d'exécution du marché, qu'elle n'a pas renoncé à invoquer les exceptions résultant des rapports entre le débiteur et le bénéficiaire, ainsi que toute exception inhérente à la dette et n'a pas pris d'engagement à titre principal qui soit autonome des obligations résultant du contrat de base; qu'elle oppose donc à la demande l'extinction de la créance pour défaut de déclaration de cette créance au passif de la société Réponse Ingenierie;

Considérant qu'il convient d'observer que cette caution personnelle et solidaire a été donnée par la société Crédit Lyonnais dans les conditions prévues par les articles 1er et 2 de la loi du 16 juillet 1971, ce cautionnement étant limité à la somme de 97.388,16 euros toutes taxes comprises;

Considérant que c'est exactement que le tribunal a dit que le cautionnement solidaire de la société Crédit Lyonnais, substitué à la retenue de garantie, par lequel il s'oblige, en cas de défaillance de l'entrepreneur à garantir contractuellement l'exécution des travaux, possède un caractère spécifique et ne s'assimile pas au cautionnement prévu par les articles 2011 et suivants du Code civil, et que sa mise en oeuvre ne saurait être soumise à une déclaration préalable de créance du fait de la liquidation judiciaire de l'entrepreneur;

Considérant que la société Crédit Lyonnais fait encore valoir que, son engagement intervenant en substitution de la retenue de garantie, sa garantie doit être limitée aux dommages réservés à la réception, que ce n'est qu'en présence de réserves à la réception que le maître d'ouvrage peut faire jouer la garantie de l'entrepreneur en ne libérant pas les 5% retenus ou de celle de la caution en s'opposant à sa libération pour financer les travaux de levée de réserves, pour conclure que l'intimée ne pouvait donc rechercher son cautionnement en l'espèce, en l'absence de réserve à la réception prononcée le 8 juillet 2003;

Considérant qu'il est constant que la réception a été, en l'espèce, prononcée sans réserve suivant procès-verbal de réception du 8 juillet 2003;

Considérant que la retenue de garantie légale vise à garantir l'exécution des travaux de levée des réserves, l'acte de cautionnement litigieux visant d'ailleurs l'article 2 de la loi de 1971 aux termes duquel la caution est libérée à l'expiration du délai d'un an à compter de la réception faite avec ou sans réserve; qu'il s'ensuit que l'acte de cautionnement couvre également les dénonciations de dommages faites postérieurement à la réception dans le délai d'un an;

Considérant que ces désordres ont été constatés par constat d'huissier du 23 mars 2004, dénoncé à la société Crédit Lyonnais le 4 mai suivant et que la copie du courrier du maître d'oeuvre du 28 avril 2004, comportant en annexe le détail des malfaçons et du coût des travaux de reprise a été envoyée à cette même société, ainsi qu'il est justifié par les pièces produites, soit dans le délai d'un an de la réception, peu important qu'il ne soit pas justifié de la réalisation des travaux de reprise;

Considérant que c'est exactement que le jugement a dit que le Crédit Lyonnais doit indemniser l'intimée à concurrence de son engagement de caution;

Considérant que la lettre du 23 janvier 2004 ne vaut pas mise en demeure;

Considérant qu'il convient, dès lors, de confirmer le jugement;

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Immobilière du Paris Berthier la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives à cet article et la demande de la société Crédit Lyonnais de ce chef étant rejetée;

Considérant que la société Crédit Lyonnais, qui succombe en ses prétentions, devant la Cour, doit supporter les dépens d'appel, les dispositions du jugement relatives à cet article étant confirmées;

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement.

Y ajoutant

Condamne la société anonyme Crédit Lyonnais à payer à la SAS Société Immobilière du Paris Berthier la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Rejette toute autre demande.

Condamne la société Crédit Lyonnais aux dépens avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

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