Cass. com., 8 juin 2010, n° 08-16.298
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Défendeur :
Crédit agricole Indosuez (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
Me Blanc, Me Le Prado
Joint les pourvois n° F0816298 et J0816485 qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Caen, 12 février 2008), que le 23 avril 1996, la société Les Trois Maj (la société) qui exploitait un restaurant a emprunté auprès de l'Union Bancaire Privée (l'UBP) une somme de 2. 500. 000 francs (381. 122, 54 euros) ; qu'en garantie de ce prêt, Mme X..., Mme Y... et M. Z... se sont rendus cautions solidaires à concurrence de 2. 750. 000 francs (419. 234, 80 euros) et Mme X... a consenti une hypothèque sur un immeuble lui appartenant ; que le 25 novembre 1998, l'UBP a cédé sa créance, avec les garanties l'accompagnant, à la société Banque de Crédit agricole suisse ; que le 6 janvier 2001, la société a été condamnée par la cour de justice du Canton de Genève à payer à la société Banque de Crédit agricole Indosuez suisse la somme de 657. 834, 25 francs suisses avec intérêts ; que le 13 octobre 2003, la société a été mise en redressement judiciaire puis, le 28 avril 2005, a fait l'objet d'un plan de cession totale ; que la société Crédit agricole Indosuez suisse a poursuivi les cautions en exécution de leurs engagements ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° F0816298 et les deux premières branches du moyen unique du pourvoi n° J0816485, rédigés en termes identiques, réunis :
Attendu que Mme X... et Mme Y... font grief à l'arrêt de les avoir condamnées solidairement entre elles et avec M. Z... à payer à la société Crédit agricole Indosuez suisse une certaine somme alors, selon le moyen :
1°) que seul le créancier qui a valablement déclaré sa créance, laquelle à défaut est éteinte, peut agir en paiement à l'encontre de la caution ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que la société agissant en paiement à l'encontre de Mme X... et de Mme Y..., en leur qualité de cautions, est une société dénommée Crédit agricole suisse qui résulte de la fusion intervenue avec la société Banque du Crédit agricole et autres, cette dernière société étant la cessionnaire du contrat de prêt et des garanties afférentes, mais que les décisions rendues par les juridictions suisses, ainsi que l'ordonnance du juge-commissaire d'admission de créance, désignent une société Banque de Crédit agricole Indosuez suisse ; qu'il découle de ces constatations que la société Crédit agricole suisse, dont la créance n'a pas fait l'objet d'une décision d'admission par les organes de la procédure de cette dernière, est sans droit à agir à l'encontre de Mme X... et de Mme Y..., la première en sa qualité de caution solidaire et hypothécaire et la seconde en sa qualité de caution solidaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans vérifier que la société Crédit agricole suisse justifiait de sa déclaration de créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-46, al. 4, ancien du code de commerce, ensemble l'article 2313 du code civil ;
2°) qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que la société agissant en paiement à l'encontre de Mme X... et de Mme Y..., en leur qualité de cautions, est une société dénommée Crédit agricole suisse qui résulte de la fusion intervenue avec la société Banque du Crédit agricole et autres, cette dernière société étant la cessionnaire du contrat de prêt et des garanties afférentes, mais que les décisions rendues par les juridictions suisses, ainsi que l'ordonnance du juge-commissaire d'admission de créance, désignent une société Banque de Crédit agricole Indosuez suisse ; qu'il découle de ces constatations que la société Crédit agricole suisse qui n'a pas obtenu de condamnation à son endroit de la société Les Trois Maj, et dont la créance n'a pas fait l'objet d'une décision d'admission par les organes de la procédure de cette dernière, est sans qualité à agir à l'encontre de Mme X... et de Mme Y..., la première en sa qualité de caution solidaire et hypothécaire et la seconde en sa qualité de caution solidaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations a violé les articles 31 et 32 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'extrait du registre du commerce de Genève faisait apparaître que l'actuelle société Crédit agricole suisse résultait notamment de la fusion avec d'autres de la société Banque du Crédit agricole suisse avec reprise de l'actif et du passif et que la continuation de la personnalité juridique de la banque cessionnaire résultait de ce document, l'arrêt retient que la société Crédit agricole suisse vient légitimement aux droits de la Banque du Crédit agricole suisse et que s'il est vrai que les décisions des juridictions de Genève et l'admission de la créance la dénomment " Banque de Crédit agricole Indosuez suisse ", ces variations n'affectent pas la filiation ci-dessus ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi n° F0816298 :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir, pour se prononcer sur son engagement de caution, refusé de faire application de la loi anglaise, alors, selon le moyen :
1°) que l'article 12 de l'acte de prêt stipule que le contrat « sera gouverné et interprété en accord avec les lois de l'Angleterre » ; que l'acte notarié, constatant l'engagement de caution de Mme X..., stipule, sous l'intitulé « contestations », « Les litiges et contestations de toutes sortes auxquels les présentes pourront donner lieu, tant pour leur validité que pour leur interprétation ou leur exécution, seront soumis aux tribunaux de Paris, et ce, même en cas de pluralité d'instance ou de parties, ou même d'appel en garantie, le tout sous réserve de l'application de la loi anglaise et de l'attribution de juridiction aux tribunaux britanniques contenues dans la convention d'ouverture de crédit et auxquelles la présente clause ne présente pas une exception » ; qu'il ressort très clairement de ces stipulations que l'engagement de caution pris par Mme X... était soumis à la loi anglaise ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
2°) que le cautionnement est régi par la loi applicable à l'obligation principale ; l'article 12 de l'acte de prêt stipule que le contrat « sera gouverné et interprété en accord avec les lois de l'Angleterre » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ;
3°) que l'article 12 de l'acte de prêt stipule que le contrat « sera gouverné et interprété en accord avec les lois de l'Angleterre » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par les motifs inopérants tirés de la cession du contrat de prêt et de l'admission de la créance auprès des organes de la procédure collective ouverte en France, sans incidence sur la loi applicable, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
4°) que dans ses écritures, Mme X... faisait valoir que l'acte de cession du prêt du 25 novembre 1998 renvoyait à la loi anglaise, ledit acte prévoyant une prorogation d'échéance du prêt, dont le remboursement était fixé au 31 décembre 1998 ; qu'elle contestait qu'une telle cession lui était opposable ; qu'en refusant de se prononcer sur l'opposabilité d'une telle cession, au regard du droit anglais, à Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que le contrat de cautionnement est soumis à sa loi propre ; que, selon l'article 3 de la convention de Rome du 19 juin 1980, le contrat est régi par la loi choisie par les parties, ce choix pouvant être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause ; que l'arrêt relève que l'acte régissant le cautionnement litigieux est l'acte notarié du 23 juillet 1996 passé devant M. A..., notaire associé à Paris, que le contrat porte des références traditionnelles du droit français, notamment de solidarité et d'indivisibilité et une référence à l'article 877 du code civil français, que la clause contenue dans le passage " contestations " ne concerne que le contrat de crédit et non le contrat de cautionnement, que la distinction des régimes entre les deux contrats est d'autant plus patente que le contrat de cautionnement attribue compétence aux tribunaux de Paris et que c'est donc le droit français qui s'applique à ce dernier ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'il résultait de façon certaine des dispositions du contrat de cautionnement que les parties avaient choisi de soumettre ce contrat au droit français, la cour d'appel a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient, par des motifs non critiqués, que l'acte de cession du 25 novembre 1998 est formulé en termes de droit français, sans réserve d'application du droit anglais, et que la cession obéit donc au droit français ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur la troisième branche du moyen unique du pourvoi n° J 0816485 :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée solidairement avec Mme X... et M. Z... à payer à la société Crédit agricole Indosuez suisse une certaine somme alors, selon le moyen, que le banquier commet une faute de nature à engager sa responsabilité s'il fait souscrire à son client un engagement manifestement disproportionné par rapport à son patrimoine et à ses revenus à moins que le client ne soit une caution avertie ; qu'en se bornant à relever, pour décider que Mme Y... était une caution avertie, informée suffisamment des risques relatifs à l'opération projetée, que celle-ci était titulaire du tiers des parts de la société, qu'elle était salariée de la société et qu'elle avait possédé un restaurant, sans rechercher si Mme Y..., qui n'était même pas gérante de la société et n'avait donc aucun pouvoir sur les prises de décision de la société et qui a par ailleurs été licenciée peu de temps après la conclusion de son engagement, était réellement avertie des risques de l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme Y..., qui avait déjà possédé un restaurant, était titulaire du tiers des parts de la société à laquelle elle avait apporté, en compte courant, la somme de 72. 350, 31 francs (11. 029, 73 euros) provenant de la cession de son ancien établissement, qu'elle en était aussi salariée et qu'elle savait en s'associant avec les deux autres porteurs de parts et en souscrivant un cautionnement qu'elle se lançait dans une entreprise comprenant le risque de devoir payer la somme empruntée même si les proportions de l'entreprise excédaient ce qu'elle avait antérieurement pratiqué, l'arrêt retient que Mme Y... était une caution avertie qui ne pouvait invoquer la disproportion de son engagement ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres moyens du pourvoi n° J 0816485 ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme X... et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juilllet 1991, rejette toutes les demandes ;