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Décisions

CA Pau, 2e ch - sect. 1, 22 mars 2016, n° 15/01391

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

RAIFFEISENBANK TAXENBACH (Sté)

Défendeur :

Commune CARCEN PONSON

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme MORILLON

Conseiller :

Mme DIXIMIER

Avocats :

Me Xavier DE GINESTET DE PUIVERT, Me Pierre olivier DILHAC

CA Pau n° 15/01391

21 mars 2016

Suivant acte sous seing privé du 30 octobre 2010, la société RAIFFEISENBANK TAXENBACH GmbH (ci après la société RAIFFEISENBANK), société coopérative de droit autrichien, s'est portée caution solidaire du paiement du prix de vente de résineux sur pieds acquis de gré à gré par une société de droit autrichien auprès de la commune de CARCEN PONSON.

Compte tenu de la défaillance du débiteur principal, la commune de CARCEN PONSON a assigné la société RAIFFEISENBANK par acte du 25 septembre 2013 devant le tribunal de grande instance de Dax en paiement de la somme de 15 773,98 €.

Par conclusions d'incident notifiées le 27 juin 2014, la société RAIFFEISENBANK a soulevé l'incompétence de cette juridiction au profit des juridictions autrichiennes.

Par ordonnance du 3 avril 2015, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Dax a :

- vu les article 771 et 776 du code de procédure civile,

- dit que le cautionnement fourni par la société RAIFFEISENBANK est soumis à la loi française,

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société RAIFFEISENBANK ,

- condamné la société RAIFFEISENBANK aux dépens de l'incident et à payer à la commune de CARCEN PONSON une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 7 mai 2015 avec avis de conclure à la société RAIFFEISENBANK .

Par déclara t ion enregis t rée au greffe de la cour le 17 avr i l 2015, la socié té RAIFFEISENBANK a interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été fixée à l'audience du 1er septembre 2015, en application de l'article 905 du code de procédure civile, puis renvoyée à l'audience du 5 janvier 2016.

Prétentions et moyens des parties

Selon dernières conclusions du 13 octobre 2015, la société RAIFFEISENBANK demande à la cour de :

Vu l'article 5 du règlement européen (CE) n°44/2001 du 22 décembre 2000,

Vu les articles 75 et suivants du code de procédure civile,

Vu l'article 905 du code civil général autrichien dans sa version antérieure au 16 mars 2013,

Vu l'article 1247 du Code civil,

- réformer la décision déférée,

- statuant à nouveau,

- déclarer le tribunal de grande instance de Dax incompétent au profit des juridictions autrichiennes,

- condamner la commune de CARCEN PONSON aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP DE GINESTET DE PUIVERT, ainsi qu'au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante prétend que les clauses générales des ventes de l'ONF ne lui sont pas opposables, et en particulier l'article 1 relatif à l'application du droit français, et l'article 47 attribuant compétence aux tribunaux français ; qu'en effet, l'engagement de caution est un contrat autonome soumis à sa loi propre.

Elle rappelle qu'en application de l'article 5 du règlement européen n° 44/2001 du 22 décembre 2000, une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite en matière contractuelle devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; qu'il est constant que ce lieu doit être déterminé par la loi applicable au litige ; qu'en l'espèce, aucune stipulation du contrat de cautionnement conclu entre les parties ne prévoit l'application de la loi française ; que par ailleurs le débiteur de l'obligation, ou encore de la 'prestation caractéristique' au sens de l'article 4.2 du règlement européen du 17 juin 2008, est une société de droit autrichien ayant son siège social en Autriche ; qu'en tout état de cause, quelle que soit la loi applicable (française ou autrichienne), seules les juridictions autrichiennes sont compétentes pour connaître du litige, tant l'article 1247 alinéa 3 du code civil que l'article 905 du code civil général autrichien prévoyant que le lieu d'exécution du contrat de cautionnement est le lieu du domicile de la caution, c'est-à- dire l'Autriche.

* * *

Selon dernières conclusions du 31 août 2015, la commune de CARCEN PONSON demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- condamner la société RAIFFEISENBANK aux entiers dépens dont distraction au profit de Me DILHAC, ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient qu'en application du règlement (CE) no 593/2008 (Rome I) du 17 juin 2008, la loi applicable au fond est la loi française ; qu'en effet les parties ont expressément choisi la loi française comme loi applicable à leurs relations contractuelles ; que, subsidiairement, ce choix résulte des dispositions du contrat et des circonstances de la cause ; que plus subsidiairement encore, il sera constaté que le contrat présente les liens les plus étroits avec la France.

Dès lors que la loi française est applicable, la juridiction doit apprécier sa compétence par rapport au lieu d'exécution de l'obligation de cautionnement, qui se situe en l'espèce à CARCEN PONSON. Le tribunal de grande instance de Dax est donc bien compétent.

Elle ajoute que la compétence des juridictions françaises a été contractuellement choisie, ainsi que cela ressort de l'article 47 des clauses générales des ventes de bois de l'ONF.

Il résulte des termes de l'acte souscrit le 30 octobre 2010 que la société RAIFFEISENBANK s'est portée caution solidaire de la commune de CARCEN PONSON « conformément aux articles L. 134 - 3, L. 134 - 6 du code forestier, et dans les conditions des clauses générales des ventes de bois de l'ONF approuvées le 28 novembre 2007, pour répondre auprès des comptables compétents, d'un défaut de paiement du prix de la vente (...) », sa signature étant précédée de la mention « nous déclarons avoir pris connaissance des conditions générales de la vente » .

La commune de CARCEN PONSON se prévaut de l'application de l'article 47 des clauses générales des ventes de bois de l'ONF, lequel stipule que 'pour tous les litiges susceptibles de s'élever à l'occasion de l'exécution du contrat de vente, les tribunaux français sont seuls compétents'.

Si les conditions des clauses générales des ventes de bois sont incontestablement opposables à la caution, puisqu'elle en a accepté les termes, cependant l'application de la clause attributive de compétence de juridiction doit être écartée dès lors qu'elle ne concerne expressément que le contrat de vente lui même.

Selon l'article 5 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre en matière contractuelle devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée.

Il revient au juge saisi d'établir si le lieu de l'obligation est localisé dans le domaine de sa compétence territoriale en déterminant quelle est la loi applicable au contrat.

Selon l'article 3.1 du règlement (CE) no 593/2008 (Rome I) du 17 juin 2008, le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. (...).

En l'espèce, si le cautionnement a été souscrit en Autriche par une société de droit autrichien et si les parties n'ont pas expressément choisi la loi applicable au contrat, cependant le choix de la loi française résulte de façon certaine des circonstances de la cause.

En effet, l'acte de cautionnement, rédigé en français, est accessoire à un contrat de vente de bois appartenant à l'ONF, qui est un établissement public français chargé de la gestion des forêts publiques. En cas de paiement différé, le cautionnement est obligatoire et ne peut être consenti que par un organisme agréé par le comité des établissements de crédits, mentionné à l'article L 612-1 du code monétaire et financier, ce que rappelle l'acte de caution. Par ailleurs, le contrat de vente est régi par le code forestier et par des clauses générales publiées au journal officiel, prévoyant expressément l'application à ce contrat du droit français et de la compétence des tribunaux français.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la loi applicable au contrat est la loi française.

L'obligation de la caution est une obligation à paiement. Le lieu du paiement est défini par l'article 1247 du code civil, qui dispose que 'le paiement doit être exécuté dans le lieu désigné par la convention. (...)'.

En l'espèce, l'engagement de caution souscrit par la société RAIFFEISENBANK prévoit que le paiement doit être fait ' auprès des comptables compétents', soit en réalité auprès du Trésor public de Tartas, autorité chargée d'encaisser les produits revenant à l'Office National des Forêts, en tant que personne publique.

Il en résulte que le lieu où l'obligation doit être exécutée se situe dans le ressort du tribunal de grande instance de Dax.

Il convient par conséquent de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a retenu la compétence de cette juridiction.

L'appelante, qui succombe dans le cadre de la procédure, sera condamnée aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 alinéa 1 1° du code de procédure civile, au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance déférée dans toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Condamne la société RAIFFEISENBANK à payer à la commune de CARCEN PONSON la somme de 1 500 € en application de l'article 700 alinéa 1 1° du code de procédure civile,

La condamne aux dépens d'appel,

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Arrêt signé par Madame MORILLON, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Catherine SAYOUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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