CA Nîmes, 1re ch., 16 octobre 2025, n° 24/01334
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/01334 -
N° Portalis DBVH-V-B7I-JFHT
MPF
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES
04 avril 2024
RG:22/05209
[B]
C/
[I]
[D]
Copie exécutoire délivrée
le 16 octobre 2025
à :
Me Géraldine Brun
Me Céline Guille
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2025
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 04 avril 2024, N°22/05209
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,
Mme Audrey Gentilini, conseillère,
Mme Marie-Pierre Fournier, magistrate à titre honoraire
GREFFIER :
Mme Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 octobre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
M. [E] [B]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Géraldine Brun de la Selarl PLMC avocats, plaidante/postulante, avocate au barreau de Nîmes
INTIMÉ :
M. [T] [I]
né le 22 janvier 1972 à [Localité 4] (30)
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représenté par Me Céline Guille de la Selarl Celine Guille, plaidante/postulante, avocate au barreau de Nîmes
PARTIE INTERVENANTE
Me [V] [D], en qualité de mandataire judiciaire de M. [E] [B], entrepreneur indépendant
[Adresse 2]
[Localité 5]
pris en son établissement secondaire
[Adresse 1]
[Localité 4],
Assigné le 09 juillet 2025 à personne
Sans avocat constitué
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 16 octobre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Le 30 novembre 2017, M. [T] [I] a cédé à M. [E] [B] et Mme [G] les actions qu'il détenait dans la société Kezenauto Services et Pièces.
Afin de le libérer de son engagement à titre de caution personnelle d'un prêt consenti à cette société par la Société Marseillaise de Crédit à la société, l'article 7 de l'acte stipule que les cessionnaires s'engagent à rembourser la somme de 164 829,51 euros, montant du capital restant dû à la banque.
L'article 4.1 du contrat de cession, intitulé « Déclarations du cédant », mentionne par ailleurs: « la société n'a jamais été mise en redressement ou liquidation judiciaire et n'est pas en état de cessation de paiement ».
Par jugement du 9 janvier 2019 rendu sur assignation de l'URSSAF, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société cédée et fixé la date de cessation de paiement au 9 juillet 2017. La liquidation judiciaire a été ensuite prononcée par jugement du 26 mars 2019.
Par jugement du 18 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nîmes a condamné M.[I] au paiement de la somme de 60 000 euros pour faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif.
Soutenant avoir été trompé par la déclaration mensongère mentionnée à l'article 4.1 de l'acte de cession selon laquelle la société n'avait jamais été en état de cessation de paiement, M. [E] [B] a par acte du 21 novembre 2022 assigné M. [T] [I] aux fins d'annulation pour dol de l'acte de cession et d'indemnisation de son préjudice devant le tribunal judiciaire de Nîmes qui par jugement du 4 avril 2024, l'a débouté de toutes ses demandes.
M. [E] [B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 19 avril 2024.
Par jugement du 20 décembre 2024, le tribunal de commerce de Tarascon a ouvert une procédure de sauvegarde à son égard et désigné Me [V] [D] en qualité de mandataire judiciaire.
Par acte du 9 juillet 2025, M. [E] [B] a assigné celui-ci en intervention forcée à l'instance.
Par ordonnance du 16 mai 2025, l'affaire a été fixée à l'audience du 1er septembre 2025 et la procédure clôturée avec effet différé au 20 août 2025.
EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement signifiées le 21 mai 2024, M. [E] [B], appelant, demande à la cour
- d'infirmer le jugement
et, statuant à nouveau
- de juger nul dans toutes ses dispositions l'acte de cession du 30 novembre 2017 en ce compris l'engagement du cessionnaire de rembourser l'encours du prêt à la société Marseillaise Crédit,
- de condamner M. [T] [I] à lui payer la somme de 200 000 euros de dommages et intérêts avec intérêts de droit à compter de l'assignation du 21 novembre 2022,
- de le condamner au paiement de la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelant estime que le dol commis par le cédant est patent car l'acte de cession du 30 novembre 2017 précise que la société n'est pas en état de cessation des paiements alors que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire a fixé la date de cessation des paiements au 9 juillet 2017.
Il souligne que M. [T] [I] était président de la société au moment de la cession des actions le 30 novembre 2017 et disposait en cette qualité de toutes les informations relatives à la situation comptable et financière de la société'; que comme il savait qu'elle était financièrement condamnée, il a pris soin de prévoir dans l'acte de cession une clause engageant les cessionnaires à rembourser l'encours du prêt souscrit par la société dont il s'était porté caution'; que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire a fixé la date de cessation des paiements au 9 juillet 2017 et que par jugement du 18 octobre 2022, le tribunal de commerce a condamné M. [I] pour faute de gestion en raison de la poursuite d'activité déficitaire sur la période s'étendant d'avril 2017 au 30 novembre 2017.
Au terme de ses dernières conclusions régulièrement signifiées le 1er août 2024, M. [T] [I], intimé, demande à la cour
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de débouter l'appelant de toutes ses demandes
- et de le condamner au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que la dégradation de la situation financière de la société est imputable aux propres manquements de M. [E] [B] qui a géré la société de manière calamiteuse après la cession.
Il allègue par ailleurs que les cessionnaires avaient pleinement connaissance de la situation de la société cédée, les comptes arrêtés au 31 août 2017 ainsi que les bilans des trois exercices précédents leur ayant été remis de sorte qu'ils pouvaient se convaincre de ses difficultés.
Il allègue enfin qu'il ignorait totalement à la date de la cession que la société se trouvait en état de cessation de paiements et que son intention de tromper le cessionnaire n'est pas établie.
Il est expressément fait référence aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens par application des articles 455 et 954 du code de procédure civile.
MOTIVATION
* nullité pour dol
Pour débouter M. [E] [B] de ses demandes, le premier juge a jugé qu'il ne rapportait pas la preuve qu'à la date de la cession de parts de la société, l'état de cessation de paiement était manifeste et que M. [T] [I] avait connaissance de cette situation de cessation de paiement laquelle serait difficile à saisir.
Il a aussi jugé que M. [E] [B] disposait de la documentation comptable de nature à l'informer sur l'état financier exact de la société à la date de la cession le 30 novembre 2017.
Une entreprise est en état de cessation des paiements dès lors qu'elle ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Par jugement du 9 janvier 2019, le tribunal de commerce a jugé que la société Kezenauto se trouvait en état de cessation des paiements à compter du 9 juillet 2017 en relevant notamment que les difficultés remontaient au premier trimestre 2016.
Par jugement du 18 octobre 2022, le même tribunal, après avoir relevé que celui-ci avait cessé ses fonctions de dirigeant le 30 novembre 2017, a jugé que M. [T] [I] avant cette date avait poursuivi à tort l'activité alors qu'il savait qu'elle était déficitaire dès lors que la situation comptable établie le 31 août 2017 révélait un écart de 66 000 euros entre les actifs réalisables et les dettes à court terme et que cet écart s'était aggravé entre le 31 août et le 30 novembre 2017.
Le cédant avait donc à la date de la cession pleinement conscience de la situation gravement obérée de la société cédée.
Alors que M. [T] [I] plaidait devant la juridiction commerciale qu'en juillet 2017 aucun indicateur n'avait attiré son attention sur l'état de cessation des paiements de la société, que l'endettement n'était pas significatif et que les projections d'activité s'avéraient optimistes, le liquidateur a fait valoir au contraire que ce dirigeant était parfaitement conscient de la situation difficile rencontrée par la société mise en évidence par les situations de trésorerie établies en avril 2017.
Il a également souligné que le résultat de l'exercice 2016 était déficitaire à hauteur de 150 745 euros, le résultat intermédiaire arrêté au 31 août de l'exercice 2017 à hauteur de 87 914 euros et que l'endettement avait augmenté de 96 000 euros entre le 31 août et le 30 novembre 2017.
Contrairement à ce qu'il soutient dans ses écritures, la dégradation de la situation de la société avant la date de la cession n'est imputable qu'à M. [T] [I], qui en a été le dirigeant jusqu'au 30 novembre 2017.
Celui-ci ne peut donc soutenir que la détérioration de la situation de la société est exclusivement imputable aux fautes de gestion de M. [E] [B] qui n'en est devenu le dirigeant qu'à compter du 30 novembre 2017, alors que la dégradation de la situation financière de la société a débuté au cours de l'exercice 2016 et n'a fait que s'aggraver jusqu'à la date de la cession.
Le tribunal de commerce dans son jugement du 18 octobre 2022 a d'ailleurs pris soin d'analyser les fautes de gestion commises par M. [T] [I] et par M. [E] [B] en distinguant les périodes pendant lesquelles ils ont occupé successivement la fonction de dirigeant.
M. [T] [I] estime que M. [E] [B] n'a pas pu être induit en erreur sur la situation exacte de la société qu'il connaissait parfaitement pour y avoir été employé avant la cession et avoir disposé avant de signer le contrat de tous les documents comptables lui permettant de se faire une idée précise de ses difficultés.
M. [E] [B] fait valoir que s'il était bien salarié de la société avant la cession, il n'était ni directeur financier ni comptable mais seulement chef de magasin et simple profane, et que l'ancien dirigeant l'a sciemment induit en erreur. Il allègue que la situation comptable arrêtée au 31 août 2017 n'a pas été annexée à l'acte de cession et que M. [I] ne la verse d'ailleurs pas aux débats'; que de surcroît, il ignorait que la situation de la société avait continué à se détériorer entre le 31 août et le 30 novembre 2017, date de la cession.
Selon contrat de travail du 4 janvier 2016, M. [E] [B] a été embauché en qualité de responsable de magasin chargé de la gestion des commandes, de la réalisation des inventaires, du suivi du stock, de l'animation du show-room, du management des magasiniers, du service des clients au comptoir et de l'organisation des tournées au salaire brut de 2 600 euros.
Il a donc été embauché dans la société moins de deux ans avant la date de la cession, et son emploi ne lui donnait aucun accès à la comptabilité ni aux documents sociaux.
Il n'est par ailleurs établi ni qu'il aurait eu des compétences en matière de comptabilité ni qu'il aurait su lire un bilan et analyser des documents comptables.
Ses graves carences dans la gestion de la société après la cession démontrent aussi qu'il n'avait ni l'expérience ni les compétences pour diriger une entreprise.
L'article 5 de l'acte de cession intitulé « Remise des documents » mentionne « le cédant remet aux cessionnaires qui le reconnaissent les bilans et comptes de résultat des derniers exercices approuvés par l'assemblée générale des associés ( 31/12/2015, 31/12/2016 et fin août 2017) ».
M. [E] [B] conteste avoir été en possession de ces documents.
Les bilans et comptes de résultat des exercices 2015 et 2016 et la situation intermédiaire arrêtée au 31 août 2017 ne sont pas produits par l'intimé.
La cour observe qu'ils n'ont été remis aux cessionnaires que le jour même de la cession.
A supposer que M. [E] [B] ait effectivement reçu ces documents le jour de la cession, il n'est pas démontré qu'il disposait des compétences suffisantes pour en mesurer la portée sans se faire préalablement conseiller par un professionnel et qu'il pouvait comprendre avant de signer le contrat qu'était mensongère la déclaration du cédant qui attestait par écrit dans l'article 4.1 du contrat que la société cédée n'était pas en état de cessation des paiements.
Il n'est pas davantage établi qu'il pouvait être alerté sur la situation exacte de la société par la phrase suivante insérée dans l'article 4.1: « la société du fait que ses capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital constatés lors de son assemblée générale annuelle du 30 juin 2017 a décidé lors de son assemblée générale extraordinaire du 27 octobre 2017 de ne pas dissoudre la société afin de continuer son activité ».
En effet, la portée de la mention de la perte de la moitié du capital social, notion comptable dont les effets juridiques sont régis par l'article L 223-42 du code de commerce, ne pouvait qu'échapper à un simple profane ce d'autant plus qu'elle était immédiatement précédée par la mention rassurante de l'absence de tout état de cessation des paiements.
Selon l'article 1137 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges ».
En insérant à l'acte de cession du 30 novembre 2017 l'article 4.1 intitulé « Déclarations du cédant », la société'.n'est pas en état de cessation de paiement », alors qu'il avait pleinement conscience au moins depuis le 31 août qu'elle n'était plus en capacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, M. [T] [I] a menti sur la situation réelle de la société.
Ce mensonge au sujet de la situation économique et financière exacte de la société a constitué une man'uvre de nature à vicier le consentement du cessionnaire en l'induisant en erreur sur la santé de l'entreprise achetée.
En effet, alors qu'il avait une parfaite connaissance de sa situation gravement obérée, le cédant a délibérément fait mention du contraire dans l'acte de cession.
Or, la situation économique et financière de la société était déterminante pour le cessionnaire qui n'aurait pas acheté les parts sociales s'il avait eu connaissance de la situation exacte de la société.
L'acte de cession d'actions du 30 novembre 2017 est donc annulé.
M. [E] [B] doit restituer à M. [T] [I] les 330 premières actions numérotées de 1 à 330 et celui-ci restituer à celui-là la somme de 14 710 Euros représentant le prix de ces actions.
Est annulé l'engagement de M. [E] [B] de rembourser l'encours du prêt à la Société Marseillaise de Crédit dont le capital restant dû s'élevait au 30 novembre 2017 à la somme de 164.829,51 euros.
En conséquence de l'annulation de cet engagement, M. [T] [I] ne pourra plus se prévaloir contre M. [E] [B] de sa créance de remboursement de l'encours du prêt de 164 829,51 euros.
* indemnisation du préjudice
Le dol est à la fois un vice de consentement et une faute civile.
Il en résulte que la victime peut demander l'annulation du contrat et des dommages intérêts ou, à son choix, l'un ou l'autre.
Pour déterminer le préjudice subi par la victime du dol, il convient de faire application du principe selon lequel le propre de la responsabilité est de replacer la victime dans la situation où elle serait si l'acte dommageable ne s'était pas produit.
M. [E] [B] sollicite la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Il allègue en premier lieu que, dirigeant de la société lors de l'ouverture de la procédure collective, il n'a pas perçu d'indemnités de licenciement et n'a pas été pris en charge par Pôle Emploi que s'il n'avait pas acheté les parts sociales et était resté simple salarié, il n'aurait pas été privé de ces ressources qu'il estime à la somme de 50 000 euros.
Sa demande non justifiée est rejetée.
En effet, il ne verse aux débats aucun élément de nature à vérifier la réalité et l'étendue du préjudice allégué et ne démontre pas le montant de l'indemnité de licenciement et celui des allocations de chômage auxquelles il aurait eu droit s'il n'avait pas acheté les actions et était resté simple salarié de la société au lieu d'en devenir le dirigeant.
Il expose en second lieu avoir été condamné à payer à la société la somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts par jugement du 18 octobre 2022 du tribunal de commerce de Nîmes, qui a retenu à son encontre des fautes de gestion ayant contribué à son insuffisance d'actif.
Comme l'objecte à juste titre l'intimé, il n'y a pas de lien direct de causalité entre la signature du contrat de cession d'actions et cette condamnation qui a sanctionné son propre comportement fautif en qualité de dirigeant de la société.
Sa demande tendant à la réparation de ce chef de préjudice est donc rejetée.
Enfin, il estime à la somme de 30 000 euros le dommage causé par les désagréments induits par les poursuites judiciaires entreprises à son encontre.
Il expose que M. [T] [I] sur le fondement de l'acte de cession a obtenu sa condamnation à lui payer la somme de 165 000 euros (arrêt du 20 décembre 2018 confirmant une ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal de commerce le 30 mai 2018) puis qu'il a engagé une action en partage et licitation de la maison d'habitation dont sa compagne et lui sont propriétaires indivis. L'affaire actuellement pendante devant la première chambre sous le n° RG 22/02238, a fait l'objet d'un sursis à statuer dans l'attente de la présente décision par ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 mai 2023.
M. [E] [B] justifie avoir dû défendre ses intérêts depuis 2018 dans les différentes procédures engagées à son encontre par M. [T] [I] pour obtenir l'exécution de l'acte de cession signé alors que son consentement a été vicié par le dol commis par son cocontractant.
Ce chef de préjudice est arbitré à la somme de 15 000 euros.
S'il avait connu la situation exacte de la société, l'appelant n'aurait pas acheté les actions et ne se serait pas engagé à payer l'encours du crédit contracté auprès de la société Marseillaise de Crédit par la société.
Les désagréments à lui causés par les procédures judiciaires engagées par M. [T] [I] pour obtenir l'exécution du contrat de cession d'actions sont donc la conséquence directe de la faute de ce dernier.
Cette somme ne produira intérêts au taux légal qu'à compter du présent arrêt conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil selon lequel la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal à compter de la décision d'appel en cas d'infirmation du jugement de première instance.
* dépens et article 700 du code de procédure civile
Il est équitable de condamner M. [T] [I] qui doit supporter les dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile, à payer à M. [E] [B] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du même code.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Annule le contrat de cession d'actions conclu entre M. [E] [B] et M. [T] [I] le 30 novembre 2017,
Ordonne la restitution par M. [E] [B] à M. [T] [I] des 330 premières actions dans la société Kezenauto numérotées de 1 à 330,
Ordonne la restitution par M. [T] [I] à M. [E] [B] de la somme de 14 710 Euros représentant le prix de ces actions,
Dit qu'en conséquence de l'annulation de l'engagement de M. [E] [B] à rembourser l'encours du prêt à la Société Marseillaise de Crédit dont le capital restant dû s'élevaient au 30 novembre 2017 à la somme de 164.829,51 euros, M. [T] [I] ne peut plus se prévaloir contre celui-ci de sa créance portant sur le remboursement de ladite somme,
Condamne M. [T] [I] à payer à M. [E] [B] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice,
Déboute M. [E] [B] de sa demande tendant à juger que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 21 novembre 2022,
Y ajoutant,
Condamne M. [T] [I] aux dépens,
Le condamne à payer à M. [E] [B] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/01334 -
N° Portalis DBVH-V-B7I-JFHT
MPF
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES
04 avril 2024
RG:22/05209
[B]
C/
[I]
[D]
Copie exécutoire délivrée
le 16 octobre 2025
à :
Me Géraldine Brun
Me Céline Guille
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2025
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 04 avril 2024, N°22/05209
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,
Mme Audrey Gentilini, conseillère,
Mme Marie-Pierre Fournier, magistrate à titre honoraire
GREFFIER :
Mme Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 octobre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
M. [E] [B]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Géraldine Brun de la Selarl PLMC avocats, plaidante/postulante, avocate au barreau de Nîmes
INTIMÉ :
M. [T] [I]
né le 22 janvier 1972 à [Localité 4] (30)
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représenté par Me Céline Guille de la Selarl Celine Guille, plaidante/postulante, avocate au barreau de Nîmes
PARTIE INTERVENANTE
Me [V] [D], en qualité de mandataire judiciaire de M. [E] [B], entrepreneur indépendant
[Adresse 2]
[Localité 5]
pris en son établissement secondaire
[Adresse 1]
[Localité 4],
Assigné le 09 juillet 2025 à personne
Sans avocat constitué
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 16 octobre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Le 30 novembre 2017, M. [T] [I] a cédé à M. [E] [B] et Mme [G] les actions qu'il détenait dans la société Kezenauto Services et Pièces.
Afin de le libérer de son engagement à titre de caution personnelle d'un prêt consenti à cette société par la Société Marseillaise de Crédit à la société, l'article 7 de l'acte stipule que les cessionnaires s'engagent à rembourser la somme de 164 829,51 euros, montant du capital restant dû à la banque.
L'article 4.1 du contrat de cession, intitulé « Déclarations du cédant », mentionne par ailleurs: « la société n'a jamais été mise en redressement ou liquidation judiciaire et n'est pas en état de cessation de paiement ».
Par jugement du 9 janvier 2019 rendu sur assignation de l'URSSAF, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société cédée et fixé la date de cessation de paiement au 9 juillet 2017. La liquidation judiciaire a été ensuite prononcée par jugement du 26 mars 2019.
Par jugement du 18 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nîmes a condamné M.[I] au paiement de la somme de 60 000 euros pour faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif.
Soutenant avoir été trompé par la déclaration mensongère mentionnée à l'article 4.1 de l'acte de cession selon laquelle la société n'avait jamais été en état de cessation de paiement, M. [E] [B] a par acte du 21 novembre 2022 assigné M. [T] [I] aux fins d'annulation pour dol de l'acte de cession et d'indemnisation de son préjudice devant le tribunal judiciaire de Nîmes qui par jugement du 4 avril 2024, l'a débouté de toutes ses demandes.
M. [E] [B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 19 avril 2024.
Par jugement du 20 décembre 2024, le tribunal de commerce de Tarascon a ouvert une procédure de sauvegarde à son égard et désigné Me [V] [D] en qualité de mandataire judiciaire.
Par acte du 9 juillet 2025, M. [E] [B] a assigné celui-ci en intervention forcée à l'instance.
Par ordonnance du 16 mai 2025, l'affaire a été fixée à l'audience du 1er septembre 2025 et la procédure clôturée avec effet différé au 20 août 2025.
EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement signifiées le 21 mai 2024, M. [E] [B], appelant, demande à la cour
- d'infirmer le jugement
et, statuant à nouveau
- de juger nul dans toutes ses dispositions l'acte de cession du 30 novembre 2017 en ce compris l'engagement du cessionnaire de rembourser l'encours du prêt à la société Marseillaise Crédit,
- de condamner M. [T] [I] à lui payer la somme de 200 000 euros de dommages et intérêts avec intérêts de droit à compter de l'assignation du 21 novembre 2022,
- de le condamner au paiement de la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelant estime que le dol commis par le cédant est patent car l'acte de cession du 30 novembre 2017 précise que la société n'est pas en état de cessation des paiements alors que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire a fixé la date de cessation des paiements au 9 juillet 2017.
Il souligne que M. [T] [I] était président de la société au moment de la cession des actions le 30 novembre 2017 et disposait en cette qualité de toutes les informations relatives à la situation comptable et financière de la société'; que comme il savait qu'elle était financièrement condamnée, il a pris soin de prévoir dans l'acte de cession une clause engageant les cessionnaires à rembourser l'encours du prêt souscrit par la société dont il s'était porté caution'; que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire a fixé la date de cessation des paiements au 9 juillet 2017 et que par jugement du 18 octobre 2022, le tribunal de commerce a condamné M. [I] pour faute de gestion en raison de la poursuite d'activité déficitaire sur la période s'étendant d'avril 2017 au 30 novembre 2017.
Au terme de ses dernières conclusions régulièrement signifiées le 1er août 2024, M. [T] [I], intimé, demande à la cour
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de débouter l'appelant de toutes ses demandes
- et de le condamner au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que la dégradation de la situation financière de la société est imputable aux propres manquements de M. [E] [B] qui a géré la société de manière calamiteuse après la cession.
Il allègue par ailleurs que les cessionnaires avaient pleinement connaissance de la situation de la société cédée, les comptes arrêtés au 31 août 2017 ainsi que les bilans des trois exercices précédents leur ayant été remis de sorte qu'ils pouvaient se convaincre de ses difficultés.
Il allègue enfin qu'il ignorait totalement à la date de la cession que la société se trouvait en état de cessation de paiements et que son intention de tromper le cessionnaire n'est pas établie.
Il est expressément fait référence aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens par application des articles 455 et 954 du code de procédure civile.
MOTIVATION
* nullité pour dol
Pour débouter M. [E] [B] de ses demandes, le premier juge a jugé qu'il ne rapportait pas la preuve qu'à la date de la cession de parts de la société, l'état de cessation de paiement était manifeste et que M. [T] [I] avait connaissance de cette situation de cessation de paiement laquelle serait difficile à saisir.
Il a aussi jugé que M. [E] [B] disposait de la documentation comptable de nature à l'informer sur l'état financier exact de la société à la date de la cession le 30 novembre 2017.
Une entreprise est en état de cessation des paiements dès lors qu'elle ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Par jugement du 9 janvier 2019, le tribunal de commerce a jugé que la société Kezenauto se trouvait en état de cessation des paiements à compter du 9 juillet 2017 en relevant notamment que les difficultés remontaient au premier trimestre 2016.
Par jugement du 18 octobre 2022, le même tribunal, après avoir relevé que celui-ci avait cessé ses fonctions de dirigeant le 30 novembre 2017, a jugé que M. [T] [I] avant cette date avait poursuivi à tort l'activité alors qu'il savait qu'elle était déficitaire dès lors que la situation comptable établie le 31 août 2017 révélait un écart de 66 000 euros entre les actifs réalisables et les dettes à court terme et que cet écart s'était aggravé entre le 31 août et le 30 novembre 2017.
Le cédant avait donc à la date de la cession pleinement conscience de la situation gravement obérée de la société cédée.
Alors que M. [T] [I] plaidait devant la juridiction commerciale qu'en juillet 2017 aucun indicateur n'avait attiré son attention sur l'état de cessation des paiements de la société, que l'endettement n'était pas significatif et que les projections d'activité s'avéraient optimistes, le liquidateur a fait valoir au contraire que ce dirigeant était parfaitement conscient de la situation difficile rencontrée par la société mise en évidence par les situations de trésorerie établies en avril 2017.
Il a également souligné que le résultat de l'exercice 2016 était déficitaire à hauteur de 150 745 euros, le résultat intermédiaire arrêté au 31 août de l'exercice 2017 à hauteur de 87 914 euros et que l'endettement avait augmenté de 96 000 euros entre le 31 août et le 30 novembre 2017.
Contrairement à ce qu'il soutient dans ses écritures, la dégradation de la situation de la société avant la date de la cession n'est imputable qu'à M. [T] [I], qui en a été le dirigeant jusqu'au 30 novembre 2017.
Celui-ci ne peut donc soutenir que la détérioration de la situation de la société est exclusivement imputable aux fautes de gestion de M. [E] [B] qui n'en est devenu le dirigeant qu'à compter du 30 novembre 2017, alors que la dégradation de la situation financière de la société a débuté au cours de l'exercice 2016 et n'a fait que s'aggraver jusqu'à la date de la cession.
Le tribunal de commerce dans son jugement du 18 octobre 2022 a d'ailleurs pris soin d'analyser les fautes de gestion commises par M. [T] [I] et par M. [E] [B] en distinguant les périodes pendant lesquelles ils ont occupé successivement la fonction de dirigeant.
M. [T] [I] estime que M. [E] [B] n'a pas pu être induit en erreur sur la situation exacte de la société qu'il connaissait parfaitement pour y avoir été employé avant la cession et avoir disposé avant de signer le contrat de tous les documents comptables lui permettant de se faire une idée précise de ses difficultés.
M. [E] [B] fait valoir que s'il était bien salarié de la société avant la cession, il n'était ni directeur financier ni comptable mais seulement chef de magasin et simple profane, et que l'ancien dirigeant l'a sciemment induit en erreur. Il allègue que la situation comptable arrêtée au 31 août 2017 n'a pas été annexée à l'acte de cession et que M. [I] ne la verse d'ailleurs pas aux débats'; que de surcroît, il ignorait que la situation de la société avait continué à se détériorer entre le 31 août et le 30 novembre 2017, date de la cession.
Selon contrat de travail du 4 janvier 2016, M. [E] [B] a été embauché en qualité de responsable de magasin chargé de la gestion des commandes, de la réalisation des inventaires, du suivi du stock, de l'animation du show-room, du management des magasiniers, du service des clients au comptoir et de l'organisation des tournées au salaire brut de 2 600 euros.
Il a donc été embauché dans la société moins de deux ans avant la date de la cession, et son emploi ne lui donnait aucun accès à la comptabilité ni aux documents sociaux.
Il n'est par ailleurs établi ni qu'il aurait eu des compétences en matière de comptabilité ni qu'il aurait su lire un bilan et analyser des documents comptables.
Ses graves carences dans la gestion de la société après la cession démontrent aussi qu'il n'avait ni l'expérience ni les compétences pour diriger une entreprise.
L'article 5 de l'acte de cession intitulé « Remise des documents » mentionne « le cédant remet aux cessionnaires qui le reconnaissent les bilans et comptes de résultat des derniers exercices approuvés par l'assemblée générale des associés ( 31/12/2015, 31/12/2016 et fin août 2017) ».
M. [E] [B] conteste avoir été en possession de ces documents.
Les bilans et comptes de résultat des exercices 2015 et 2016 et la situation intermédiaire arrêtée au 31 août 2017 ne sont pas produits par l'intimé.
La cour observe qu'ils n'ont été remis aux cessionnaires que le jour même de la cession.
A supposer que M. [E] [B] ait effectivement reçu ces documents le jour de la cession, il n'est pas démontré qu'il disposait des compétences suffisantes pour en mesurer la portée sans se faire préalablement conseiller par un professionnel et qu'il pouvait comprendre avant de signer le contrat qu'était mensongère la déclaration du cédant qui attestait par écrit dans l'article 4.1 du contrat que la société cédée n'était pas en état de cessation des paiements.
Il n'est pas davantage établi qu'il pouvait être alerté sur la situation exacte de la société par la phrase suivante insérée dans l'article 4.1: « la société du fait que ses capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital constatés lors de son assemblée générale annuelle du 30 juin 2017 a décidé lors de son assemblée générale extraordinaire du 27 octobre 2017 de ne pas dissoudre la société afin de continuer son activité ».
En effet, la portée de la mention de la perte de la moitié du capital social, notion comptable dont les effets juridiques sont régis par l'article L 223-42 du code de commerce, ne pouvait qu'échapper à un simple profane ce d'autant plus qu'elle était immédiatement précédée par la mention rassurante de l'absence de tout état de cessation des paiements.
Selon l'article 1137 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges ».
En insérant à l'acte de cession du 30 novembre 2017 l'article 4.1 intitulé « Déclarations du cédant », la société'.n'est pas en état de cessation de paiement », alors qu'il avait pleinement conscience au moins depuis le 31 août qu'elle n'était plus en capacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, M. [T] [I] a menti sur la situation réelle de la société.
Ce mensonge au sujet de la situation économique et financière exacte de la société a constitué une man'uvre de nature à vicier le consentement du cessionnaire en l'induisant en erreur sur la santé de l'entreprise achetée.
En effet, alors qu'il avait une parfaite connaissance de sa situation gravement obérée, le cédant a délibérément fait mention du contraire dans l'acte de cession.
Or, la situation économique et financière de la société était déterminante pour le cessionnaire qui n'aurait pas acheté les parts sociales s'il avait eu connaissance de la situation exacte de la société.
L'acte de cession d'actions du 30 novembre 2017 est donc annulé.
M. [E] [B] doit restituer à M. [T] [I] les 330 premières actions numérotées de 1 à 330 et celui-ci restituer à celui-là la somme de 14 710 Euros représentant le prix de ces actions.
Est annulé l'engagement de M. [E] [B] de rembourser l'encours du prêt à la Société Marseillaise de Crédit dont le capital restant dû s'élevait au 30 novembre 2017 à la somme de 164.829,51 euros.
En conséquence de l'annulation de cet engagement, M. [T] [I] ne pourra plus se prévaloir contre M. [E] [B] de sa créance de remboursement de l'encours du prêt de 164 829,51 euros.
* indemnisation du préjudice
Le dol est à la fois un vice de consentement et une faute civile.
Il en résulte que la victime peut demander l'annulation du contrat et des dommages intérêts ou, à son choix, l'un ou l'autre.
Pour déterminer le préjudice subi par la victime du dol, il convient de faire application du principe selon lequel le propre de la responsabilité est de replacer la victime dans la situation où elle serait si l'acte dommageable ne s'était pas produit.
M. [E] [B] sollicite la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Il allègue en premier lieu que, dirigeant de la société lors de l'ouverture de la procédure collective, il n'a pas perçu d'indemnités de licenciement et n'a pas été pris en charge par Pôle Emploi que s'il n'avait pas acheté les parts sociales et était resté simple salarié, il n'aurait pas été privé de ces ressources qu'il estime à la somme de 50 000 euros.
Sa demande non justifiée est rejetée.
En effet, il ne verse aux débats aucun élément de nature à vérifier la réalité et l'étendue du préjudice allégué et ne démontre pas le montant de l'indemnité de licenciement et celui des allocations de chômage auxquelles il aurait eu droit s'il n'avait pas acheté les actions et était resté simple salarié de la société au lieu d'en devenir le dirigeant.
Il expose en second lieu avoir été condamné à payer à la société la somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts par jugement du 18 octobre 2022 du tribunal de commerce de Nîmes, qui a retenu à son encontre des fautes de gestion ayant contribué à son insuffisance d'actif.
Comme l'objecte à juste titre l'intimé, il n'y a pas de lien direct de causalité entre la signature du contrat de cession d'actions et cette condamnation qui a sanctionné son propre comportement fautif en qualité de dirigeant de la société.
Sa demande tendant à la réparation de ce chef de préjudice est donc rejetée.
Enfin, il estime à la somme de 30 000 euros le dommage causé par les désagréments induits par les poursuites judiciaires entreprises à son encontre.
Il expose que M. [T] [I] sur le fondement de l'acte de cession a obtenu sa condamnation à lui payer la somme de 165 000 euros (arrêt du 20 décembre 2018 confirmant une ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal de commerce le 30 mai 2018) puis qu'il a engagé une action en partage et licitation de la maison d'habitation dont sa compagne et lui sont propriétaires indivis. L'affaire actuellement pendante devant la première chambre sous le n° RG 22/02238, a fait l'objet d'un sursis à statuer dans l'attente de la présente décision par ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 mai 2023.
M. [E] [B] justifie avoir dû défendre ses intérêts depuis 2018 dans les différentes procédures engagées à son encontre par M. [T] [I] pour obtenir l'exécution de l'acte de cession signé alors que son consentement a été vicié par le dol commis par son cocontractant.
Ce chef de préjudice est arbitré à la somme de 15 000 euros.
S'il avait connu la situation exacte de la société, l'appelant n'aurait pas acheté les actions et ne se serait pas engagé à payer l'encours du crédit contracté auprès de la société Marseillaise de Crédit par la société.
Les désagréments à lui causés par les procédures judiciaires engagées par M. [T] [I] pour obtenir l'exécution du contrat de cession d'actions sont donc la conséquence directe de la faute de ce dernier.
Cette somme ne produira intérêts au taux légal qu'à compter du présent arrêt conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil selon lequel la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal à compter de la décision d'appel en cas d'infirmation du jugement de première instance.
* dépens et article 700 du code de procédure civile
Il est équitable de condamner M. [T] [I] qui doit supporter les dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile, à payer à M. [E] [B] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du même code.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Annule le contrat de cession d'actions conclu entre M. [E] [B] et M. [T] [I] le 30 novembre 2017,
Ordonne la restitution par M. [E] [B] à M. [T] [I] des 330 premières actions dans la société Kezenauto numérotées de 1 à 330,
Ordonne la restitution par M. [T] [I] à M. [E] [B] de la somme de 14 710 Euros représentant le prix de ces actions,
Dit qu'en conséquence de l'annulation de l'engagement de M. [E] [B] à rembourser l'encours du prêt à la Société Marseillaise de Crédit dont le capital restant dû s'élevaient au 30 novembre 2017 à la somme de 164.829,51 euros, M. [T] [I] ne peut plus se prévaloir contre celui-ci de sa créance portant sur le remboursement de ladite somme,
Condamne M. [T] [I] à payer à M. [E] [B] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice,
Déboute M. [E] [B] de sa demande tendant à juger que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 21 novembre 2022,
Y ajoutant,
Condamne M. [T] [I] aux dépens,
Le condamne à payer à M. [E] [B] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,