CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 16 octobre 2025, n° 22/13960
AIX-EN-PROVENCE
Autre
Autre
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Mme [W] [E] et M. [P] [O] sont propriétaires d'une maison située [Adresse 3]. Ils ont acquis cette maison de Monsieur [A] [Z] et de Madame [T] [V] le 27 septembre 2016.
Cette maison avait été réceptionnée le 23 novembre 1990. Ses propriétaires initiaux avaient souscrit une assurance dommages ouvrage auprès de la société AXA Assurances.
Suite à l'apparition de désordres de nature décennale, des travaux de confortement des fondations ont été préfinancés par l'assureur dommages ouvrage en 2002. Ces travaux étaient confiés au cabinet Provence Ingénierie en qualité de maître d''uvre. Ils étaient réalisés par la société ALLIANCES BTP pour les reprises en sous-'uvre selon un procédé RESOTEC, qui ne correspondait pas aux préconisations de l'expert dommages ouvrage qui avait privilégié la pose de micropieux.
Ces travaux de reprise en sous-'uvre ont été réceptionnés sans réserve le 07 juin 2002.
Des travaux de ravalement de façades et finitions ont également été confiés à la société ALLIANCES BTP et réceptionnés le 29 mars 2007.
Suite à la réapparition de fissures, la société ALLIANCES BTP est intervenue à nouveau pour la pose de micro-pieux en façade arrière, avec agrafages de fissures et reprises d'enduit localisées dans le courant de l'année 2011. Ces travaux n'ont pas fait l'objet de réception.
Mme [W] [E] et M. [P] [O], devenus propriétaires de ce bien au mois de septembre 2016 ont constaté dès leur installation la présence de fissures. Ils régularisé une déclaration de sinistre auprès de AXA dès le 19 octobre 2016 au titre de fissures que les travaux effectués entre 2002 et 2007 n'auraient pas permis de stabiliser.
Par courrier du 27 octobre 2016, l'assureur dommages ouvrage a refusé sa garantie pour forclusion.
Selon les conclusions du rapport d'expertise du 01 février 2017 du cabinet ELEX, mandaté par la MAIF, assureur protection juridique de Mme [W] [E] et M. [P] [O], les fissures sont apparues entre le mois de juin 2016 et le 27 septembre 2016, date de signature de l'acte de vente. Ce rapport concluait à la non-application de la notion de vices cachés ou de la garantie décennale de la société ALLIANCE BTP. La cause des désordres était attribuée à des phénomènes de dessiccation du sol sensible aux variations hydriques que le système de reprise en sous-'uvre par longrines RESOTEC (2002) n'avait pas suffit à absorber.
Parallèlement, un arrêt reconnaissant l'état de catastrophe naturelle concernant la commune pour la période du 01 avril 2016 au 30 décembre 2016 était promulgué le 25 juillet 2017.
Mme [W] [E] et M. [P] [O] ont ensuite obtenu, par ordonnance de référé en date du 16 mai 2017, la désignation de M. [S] [R] en qualité d'expert judiciaire.
Le rapport d'expertise judiciaire était déposé le 12 juin 2019.
Par exploit d'huissier délivré les 08 et 10 avril 2019, Mme [W] [E] et M. [P] [O] ont fait assigner Mme [T] [V] veuve [Z], ainsi que Mesdames [N] [Z] épouse [B], [L] [Z] et [K] [Z], en leur qualité d'ayants droit de M. [A] [Z], devant le Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE en vue d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudice sur le fondement de l'article 1641 du Code civil et, subsidiairement, de l'article 1792-1 20 du code civil.
Par exploit d'huissier délivré le 05 septembre 2019, Mme [W] [E] et M. [P] [O] ont également assigné devant ce même Tribunal la SARL ALLIANCE BTP, son assureur le SMABTP et la société AVIVA ASSURANCES en sa qualité d'assureur de la garantie des catastrophes naturelles.
Les procédures ont été jointes par ordonnance du 26 novembre 2020.
Par jugement en date du 27 septembre 2022, le Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE :
DECLARE irrecevable l'action de Mme [W] [E] et M. [P] [O] fondée sur la responsabilité décennale à l'encontre de la société ALLIANCE BTP, de la SMABTP et de Mme [F] [V] veuve [Z], Mme [N] [Z], Mme [L] [Z] et Mme [K] [Z], comme étant prescrite,
DEBOUTE Mme [W] [E] et M. [P] [O] de l'ensemble de leurs demandes,
CONDAMNE Mme [W] [E] et M. [P] [O] à supporter la charge des entiers dépens comprenant ceux de l'expertise judiciaire,
ORDONNE l'exécution provisoire du jugement,
DEBOUTE les parties pour le surplus.
Par déclaration en date du 20 octobre 2022, [W] [E] et [P] [O] ont formé appel de cette décision à l'encontre de Madame [T], [D], [U] [V] veuve [Z], Madame [N], [K], [J] [B] née [Z], Madame [K], [M], [I] [Z], Madame [L] [Z], la SASU ALLIANCE BTP, la Compagnie d'Assurances SMABTP en ce qu'elle :
- déclare irrecevable l'action de Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] fondée sur la responsabilité décennale à l'encontre de la société ALLIANCE BTP, de la SMABTP et de Madame [F] [V] veuve [Z], Madame [N] [Z], Madame [L] [Z] et Madame [K] [Z], comme étant prescrite,
- déboute Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamne Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] à supporter la charge des entiers dépens comprenant ceux de l'expertise judiciaire,
- déboute les parties pour le surplus.
***
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Par leurs dernières conclusions notifiées le 5 juin 2025 (conclusions datées du 19 juin 2023), Madame [E] et Monsieur [O] demandent à la Cour de :
A titre principal,
Vu les Articles 1792 et suivants du Code civil,
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de Madame [E] et de Monsieur [O] fondée sur la responsabilité décennale à l'encontre de la société ALLIANCE BTP, de la SMABTP, de Madame [F] [V] veuve [Z], de Madame [N] [Z] épouse [B], de Madame [L] [Z], et de Madame [K] [Z] et les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes
- Condamner solidairement sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la société ALLIANCE BTP devenue RENFORTEC, la SMABTP, Madame [F] [V] veuve [Z], Madame [N] [Z] épouse [B], Madame [L] [Z], et Madame [K] [Z] à payer à Madame [E] et Monsieur [O] les sommes suivantes :
- Au titre des travaux de reprise, la somme de 313.724,66 € à indexer sur l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction à compter du 12 Juin 2019, date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire
- Au titre du préjudice de jouissance avant travaux : 51.840 € arrêté au mois de Janvier 2024, à parfaire au-delà à raison de 540 € par mois
- Au titre du préjudice moral, la somme de 10.000 €
- Au titre des frais induits par la réalisation des travaux de reprise, la somme de 22.244 € à indexer sur l'indice de l'évolution des prix à la consommation depuis le 12 Juin 2019, date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire
Subsidiairement,
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [E] et Monsieur [O] de leurs demandes à l'encontre de la société AVIVA désormais dénommée ABEILLE
- Condamner la société ABEILLE à payer à Madame [E] et Monsieur [O] les sommes suivantes :
- Au titre des travaux de reprise, la somme de 313.724,66 € à indexer sur l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction à compter du 12 Juin 2019, date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire
- Au titre des frais matériels induits par la réalisation des travaux de reprise, la somme de 22.244€ à indexer sur l'indice de l'évolution des prix à la consommation depuis le 12 Juin 2019, date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire
Vu les Articles 1641 et suivants du Code civil,
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [E] et Monsieur [O] de leur recours à l'encontre de leurs vendeurs, Madame [F] [V] [Z], Madame [N] [Z] épouse [B], Madame [L] [Z], et Madame [K] [Z], sur le fondement de la garantie des vices cachés
- Condamner solidairement sur le fondement de la garantie des vices cachés, Madame [F] [V] veuve [Z], Madame [N] [Z] épouse [B], Madame [L] [Z], et Madame [K] [Z] à payer à Madame [E] et Monsieur [O] les sommes suivantes :
- Au titre des travaux de reprise correspondant à l'estimation de la dépréciation de valeur du bien, la somme de 313.724,66 € à indexer sur l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction à compter du 12 Juin 2019, date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire
- Au titre du préjudice de jouissance avant travaux : 51.840 € arrêté au mois de
Janvier 2024, à parfaire au-delà à raison de 540 € par mois
- Au titre du préjudice moral, la somme de 10.000 €
- Au titre des frais induits par la réalisation des travaux de reprise, la somme de 22.244 € à indexer sur l'indice de l'évolution des prix à la consommation depuis le 12 Juin 2019, date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a mis les dépens ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'Article 700 du CPC à la charge de Madame [E] et de Monsieur [O]
- Débouter la société ALLIANCE BTP devenue RENFORTEC, la SMABTP, Madame [F] [V] veuve [Z], Madame [N] [Z] épouse [B], Madame [L] [Z], Madame [K] [Z], et la société ABEILLE, de toutes demandes formées à l'encontre de Madame [E] et de Monsieur [O]
- Condamner in solidum la société ALLIANCE BTP devenue RENFORTEC, la SMABTP, Madame [F] [V] veuve [Z], Madame [N] [Z] épouse [B], Madame [L] [Z], Madame [K] [Z], et la société ABEILLE, à payer à Madame [E] et à Monsieur [O] la somme de 15.000€ sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du CPC, outre les entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire dont ils ont fait l'avance.
A l'appui de leurs prétentions ils font valoir que la société ALLIANCE BTP a procédé en 2011 suite à un nouveau sinistre, à des travaux (reprise partielle par micropieux) qui doivent être qualifiés d'ouvrage, lesquels ont contribué aux désordres qui donnent lieu à la présente instance ; qu'en conséquence, une garantie décennale est due au titre de ces travaux ; qu'en effet, cette relation causale résulte du fait que la pose des micropieux a créé des points durs qui sont à l'origine des désordres actuels (inversion de la fissuration et aggravation des désordres). Ils considèrent en conséquence qu'ils ne peuvent se voir opposer aucune prescription de leur action et que la responsabilité de la société ALLIANCE BTP devenue RENFORTEC est engagée.
Ils indiquent en outre que s'il était considéré que la cause de leur désordre était les évènements de sécheresse, la garantie catastrophe naturelle de la société ABEILLE devrait alors être mobilisée.
S'agissant de la responsabilité des consorts [Z], ils exposent que ces derniers ont dissimulé le fait que des travaux avaient été réalisés en 2011 et qu'ils ont légitimement conduit à penser que les fissures mineures visibles lors de l'acquisition en 2016 n'étaient pas significatives au vu des 15 années écoulées depuis les travaux de confortement dont ils avaient été informés ; que cette maison était donc affectée d'un vice qui n'était pas apparent dans toute son ampleur et ses conséquences au moment de la vente. Ils considèrent donc que la responsabilité de leur vendeur doit être engagée sur le fondement des vices cachés.
Ils concluent ainsi à la condamnation des requis à l'indemnisation de leurs différents postes de préjudice.
Par conclusions notifiées le 5 juin 2025, portant appel incident et demande de révocation de l'ordonnance de clôture, Madame [N] [Z], Madame [L] [Z] et Madame [K] [Z], intervenant toutes trois en qualité d'ayants droits de monsieur [A] [Y] et de Madame [F] [V] veuve [Z] demandent à la Cour de :
Et tous autres à déduire ou à suppléer qu'il y aura lieu de dire en plaidant faisant corps avec le présent dispositif,
Vu les dispositions des articles 1641 et suivants du Code Civil,
Vu les dispositions de l'article 1792-4-3 du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 1792 et suivants du Code Civil,
Vu le rapport de l'expert judiciaire,
Vu la clause exonératoire de garantie des vices cachés figurant à l'acte de vente,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces produites,
Vu le jugement du Tribunal Judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 27 septembre 2016, Il sera demandé à la Cour de céans de :
ORDONNER le rabat de l'ordonnance de clôture du 04 juin 2025
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 27 septembre 2016 en ce qu'il a :
DECLARÉ irrecevable l'action de Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] fondée sur la responsabilité décennale à l'encontre de la Société ALLIANCE BTP, SMABTP et de Madame [F] [V] veuve [Z], Madame [N] [Z], Madame [L] [Z], et Madame [K] [Z], comme étant prescrite,
DÉBOUTÉ Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] de l'ensemble de leurs demandes, CONDAMNÉ Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] à supporter la charge des entiers dépens, comprenant ceux de l'expertise judiciaire
ORDONNÉ l'exécution provisoire du jugement,
DÉBOUTÉ les Consorts [O] [E], la Société ALLIANCE BTP, la Société SMA BTP, la Société AVIVA pour le surplus
INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 27 septembre 2016 en ce qu'il a débouté les Consorts [Z] de leur demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
ET STATUANT DE NOUVEAU :
SUR L'ABSENCE DE VICES CACHES
- Juger que les Consorts [O] [E] étaient parfaitement avisés de l'ensemble des travaux réalisés par les Consorts [Z], Juger que les Epoux [Z] ne pouvaient avoir connaissance au préalable de la présence des fissures apparues postérieurement à la signature du compromis de vente et au plus tard le 27 septembre 2016, date de prise de possession des lieux par les Consorts [O] [E],
- Juger que les époux [Z] ne pouvaient présager l'apparition de nouveaux désordres, Juger la bonne foi des Epoux [Z],
- Juger applicable de la clause exonératoire de garantie des vices cachés, Débouter les Consorts [O] [E] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions
SUR LA GARANTIE DECENNALE
- Juger que les travaux litigieux ont été réceptionnés le 07 juin 2002,
- Juger la garantie décennale prescrite, Juger que les travaux réalisés en 2011 ne sont pas à l'origine des désordres
- Débouter les Consorts [O] [E] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
A défaut,
- Juger que les Epoux [Z] ne sont pas constructeurs de l'ouvrage en ce sens qu'aucune demande n'a été formulée de leur part et qu'aucune réception n'a eu lieu.
- Débouter les Consorts [O] [E] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire :
- Débouter les Consorts [O] [E] de leur demande tendant à se voir allouer un préjudice de jouissance et préjudice moral Réduire le montant des demandes au titre des travaux de reprise et frais annexes à de plus justes proportions
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- Juger que la Société RENFORTEC anciennement ALLIANCE BTP a failli à ses obligations de conseil,
- Juger que la Société RENFORTEC anciennement ALLIANCE BTP a failli à ses obligations de maître d''uvre,
- Condamner la Société RENFORTEC anciennement ALLIANCE BTP à relever et garantir les Consorts [Z] de toutes les éventuelles condamnations mises à leur encontre,
- Juger que la garantie CATNAT doit être mobilisée,
- Condamner tous succombants, à verser aux Consorts [Z] la somme de 7.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure de première instance,
- Condamner tous succombants, à verser aux Consorts [Z] la somme de 15.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la présente procédure d'appel,
- Condamner tous succombants, aux entiers dépens au titre des dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure de première instance,
- Condamner tous succombants, aux entiers dépens au titre des dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile au titre de la présente procédure d'appel.
A l'appui de leurs demandes, ils font valoir que les consorts [O] ' [E] ont bien été informés des travaux qui ont été réalisés dans les 10 ans qui ont précédé la vente, cela malgré les informations mentionnées dans l'acte notarié ; qu'ils étaient donc bien informés de la situation de cette construction et des travaux dont elle avait fait l'objet. Les consorts [Z] soutiennent donc que cette vente s'est faite en toute bonne foi de la part des vendeurs ; qu'ils ne pouvaient pas suspecter que de nouveaux désordres allaient apparaître.
S'agissant des demandes présentées à leur encontre sur le fondement de la garantie décennale, ils exposent que les désordres sont imputables à la société ALLIANCE BTP mais qu'ils ne sont pas imputables à la pose des micropieux en 2011, mais aux travaux de 2002 ; ils considèrent que les travaux de 2011 n'ont pas été de nature à faire partir un nouveau délai de garantie et que ces derniers ne sont de toute façon pas à l'origine de ces désordres. Par ailleurs, ils contestent la qualification d'ouvrage aux travaux réalisés en 2011 et font valoir qu'en tout état de cause, ils ne peuvent pas être considérés comme des constructeurs.
Ils considèrent également que la responsabilité de la société ALLIANCE BTP doit être retenue en l'espèce compte tenu de l'erreur de conception retenue par le rapport d'expertise et compte tenu du fait que celle-ci a été défaillante dans l'exercice de son devoir de conseil ; que cette défaillance est établie tant en sa qualité d'entrepreneur que de maître d''uvre
La société RENFORTEC (ALLIANCE BTP), par conclusions notifiées le 15 avril 2025 demande à la Cour de :
Vu les articles 1792 et suivants du code civil,
Vu l'article 2240 du Code civil,
Vu le rapport d'expertise judiciaire et les pièces visées en appel,
Il est demandé à la Cour de :
A TITRE PRINCIPAL,
' JUGER que l'article 2240 du Code civil, qui admet la reconnaissance de responsabilité du débiteur comme étant une cause d'interruption de la prescription, n'est pas applicable au délai de forclusion, dont fait partie le délai de la garantie décennale des constructeurs,
' JUGER que les travaux de reprise réalisés en 2011 par ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC ne constituent pas un nouvel ouvrage et ne sont pas causals des désordres affectant les fondations de la maison d'habitation des Consorts [O] et [E], lesquels ont pour seule origine les travaux entrepris en 2002 par ALLIANCE BTP,
En conséquence,
' CONFIRMER le jugement rendu le 27 septembre 2022 par le Tribunal judiciaire d'Aix-en Provence en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action intentée par Mme [W] [E] et M. [P] [O], sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, à l'encontre de la société ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC et de son assureur la SMABTP,
' DÉCLARER irrecevable l'action intentée par Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] comme étant forclose, sur le fondement de la responsabilité décennale, à l'encontre de la société ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC et de son assureur la SMABTP,
' DÉBOUTER Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] du surplus de leur demande formée contre ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC et son assureur la SMABTP,
A TITRE SUBSIDIAIRE, dans l'hypothèse où l'action des consorts [O] et [E] ne serait pas jugée forclose à l'encontre d'ALLIANCE BTP et de la SMABTP,
' JUGER qu'ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC, n'a pas commis de faute de conception,
' JUGER que les désordres ont pour origine les périodes de sécheresse et essentiellement la période de sécheresse de 2016, allégués par les Consorts [O] et [E],
' JUGER que la garantie CAT NAT de la compagnie AVIVA ASSURANCE est mobilisable et a vocation à couvrir les désordres allégués par les Consorts [O] et [E],
En conséquence,
' DÉBOUTER Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] de leurs demandes formées à l'encontre d'ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC, les désordres ne lui étant pas imputables mais ayant pour origine une catastrophe naturelle de nature à exonérer ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC de toute responsabilité,
' INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] de leurs demandes à l'encontre de la société AVIVA, en sa qualité d'assureur CAT NAT,
' CONDAMNER AVIVA ès qualité d'assureur CAT NAT à relever indemne et garantir ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,
A TITRE EGALEMENT SUBSIDIAIRE,
' JUGER que les consorts [Z] ont accepté les risques liés à la solution mise en 'uvre par ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC, ce qui constitue une cause exonératoire de responsabilité pour ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC et la SMABTP,
' JUGER qu'ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC n'a pas failli à son obligation de conseil,
' JUGER qu'ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC n'a pas failli à ses obligations de maître d''uvre,
En conséquence,
' DÉBOUTER Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] de leurs demandes formées à l'encontre d'ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC, dans la mesure où les consorts [Z] ont accepté une solution variante différente de celle préconisée par l'assureur dommages-ouvrage, et donc de nature à exonérer ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC de toute responsabilité,
' DÉBOUTER Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] de leurs demandes formées au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral, les montants demandés n'étant justifiés ni dans leur principe ni dans leur montant,
' DÉBOUTER Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] de leurs demandes formées au titre des préjudices annexes, les montants demandés n'étant justifiés ni en droit ni dans leur montant,
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,
' DÉBOUTER les Consorts [O] et [E] de leurs demandes de condamnation au titre des frais annexes, des troubles de jouissance et du préjudice moral,
' RÉDUIRE en tout état de cause, le montant de la demande relative aux travaux réparatoires à de plus justes proportions,
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
' JUGER que la garantie SMABTP à vocation à garantir ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC contre le recours formé par les Consorts [O] et [E],
' CONDAMNER la SMABTP à garantir ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC de toute condamnation qui serait mise à sa charge,
' DÉBOUTER toutes demandes de condamnation formées à l'encontre d'ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC, dont celles des consorts [Z] tendant à les relever et garantir des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre,
' DÉBOUTER les consorts [Z] de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre, d'une part, de la procédure de première instance et, d'autre part, de la présente procédure d'appel,
' DÉBOUTER les consorts [Z] de leurs demandes fondées sur l'article 696 du code de procédure civile, au titre des entiers dépens, d'une part, de la procédure de première instance et, d'autre part, de la présente procédure d'appel,
' CONDAMNER AVIVA ès qualité d'assureur CAT NAT à relever indemne et garantir ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,
' CONDAMNER Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] à supporter la charge des entiers dépens comprenant ceux de l'expertise judiciaire,
' CONDAMNER les parties succombantes à payer à ALLIANCE BTP, devenue RENFORTEC la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société ALLIANCE BTP soutient en premier lieu que l'action à son encontre est irrecevable car forclose sur le fondement de l'article 1792 du Code civil dès lors que les travaux qui sont à l'origine des désordres ont été réceptionnés en 2002 ; que les travaux réalisés en 2011 n'ont pas de rôle causal dans les désordres litigieux et que par ailleurs, ils ne peuvent pas être qualifiés d'ouvrage ; qu'ils n'ont par ailleurs fait l'objet d'aucune réception.
Subsidiairement, elle soutient que le jugement de première instance doit être réformé en ce qu'il a jugé que la garantie de l'état de catastrophe naturelle n'était pas mobilisable ; elle fait valoir que les épisodes de sécheresse qui ont eu lieu ont déterminé les désordres litigieux par un phénomène de dessiccation des sols.
Elle expose également que les demandes à son encontre doivent être rejetées dès lors que le maître d'ouvrage avait accepté les risques liés à la solution mise en 'uvre, à savoir la mise en place de longrines. En tout état de cause, elle soutient qu'elle doit être garantie par son assureur la SMABTP et que le montant des demandes indemnitaires devra être réduit.
Par conclusions notifiées le 6 juin 2025 (conclusions datées du 12 avril 2023), la SMABTP demande à la Cour de :
Vu les articles 1792 et s. du Code de procédure civile,
JUGER irrecevables les demandes formées par les consorts [O]-[E] à l'encontre de la Société ALLIANCE BTP et de la SMABTP, recherchée ès qualité d'assureur décennal de cette dernière et les en DEBOUTER, celles-ci se heurtant à la forclusion affectant leur action,
CONFIRMER le Jugement dont appel en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de Madame [W] [E] et Monsieur [P] [O] fondée sur la responsabilité décennale à l'encontre de la Société ALLIANCE BTP et de la SMABTP comme étant prescrite et, au besoin, déclarer l'action irrecevable comme étant forclose,
DEBOUTER les consorts [O]-[E] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formées à l'endroit de la Société ALLIANCE BTP et, partant, de la SMABTP recherchée ès qualité d'assureur décennal de cette dernière, en l'état de ce que les désordres litigieux ont pour origine une cause étrangère, consistant en une catastrophe naturelle ayant donné lieu à un Arrêté couvrant une période de sécheresse apparue près de quinze années après la réception, exonératrice de toute responsabilité, outre que les travaux réalisés en 2011 ne constituent pas un nouvel ouvrage,
CONDAMNER les consorts [O]-[E] à verser à la concluante la somme de 5.000 € au fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre entiers dépens,
A titre subsidiaire,
JUGER que le montant des travaux ne saurait excéder le devis validé par l'Expert judiciaire,
JUGER n'y avoir lieu à prise en charge d'un assistant à maîtrise d'ouvrage, le devis validé par l'Expert judiciaire intégrant une maîtrise d''uvre spécialisée correspondant à 11% du montant total des travaux,
DEBOUTER les consorts [O]-[E] de leur demande formée au titre des préjudices annexes pour les postes non justifiés,
DEBOUTER les consort [O]-[E] de leur demande formée au titre du préjudice de jouissance et JUGER que ceux-ci ne sauraient valablement prétendre à une indemnité supérieure à la somme de 5.000 € tous préjudices à ce titre confondus,
En tout état de cause,
DEBOUTER les consorts [O]-[E] de leur demande tendant à se voir allouer une somme de 15.000 € au titre des frais irrépétibles, outre entiers dépens, ce alors que ces derniers bénéficient de la prise en charge d'un assureur protection juridique, et, à titre subsidiaire, REDUIRE sensiblement l'indemnité qui sera allouée à ce titre,
CONDAMNER tout succombant solidairement avec tout contestant à verser à la SMABTP la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats Associés, aux offres de droit.
DEBOUTER toute partie de toutes demandes, fins et conclusions formulées à l'endroit de la SMABTP et contraires aux présentes.
La SMABTP conclut également en premier lieu à la forclusion de l'action engagée par les consorts [O] ' [E] ; qu'en effet les désordres prennent leur origine dans les travaux réalisés en 2002 et non as dans l'intervention de 2011 ; qu'aucune interruption du délai de forclusion décennal n'a pu intervenir. Elle considère en outre qu'il ne peut pas être reproché à la société ALLIANCE BTP de ne pas avoir anticipé, lors des travaux de 2002, les phénomènes de sécheresse qui allaient intervenir postérieurement ainsi que leurs conséquences sur les sols.
Subsidiairement, elle conclut sur le montant des sommes à allouer au titre de ces désordres.
L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 4 juin 2025 et a été appelée en dernier lieu à l'audience du 18 juin 2025.
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Les consorts [Z] sollicitent une telle révocation aux fins de régularisation de la procédure. Ils exposent que Madame [F] [Z] est décédée le 6 mai 2025 ; que l'acte de notoriété a été établi le 4 juin 2025 ; que la révocation de l'ordonnance de clôture est sollicitée afin de permettre aux ayants-droits d'intervenir dans l'instance et de régulariser cette situation.
Lors de l'audience de plaidoirie, les parties se sont accordées sur cette demande de révocation de l'ordonnance de clôture avec nouvelle clôture au 18 juin 2025 et pour que cette révocation soit mentionnée dans le cadre du présent arrêt.
En l'état de cet accord, il convient en conséquence d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et de fixer la nouvelle date de clôture au 18 juin 2025, date de l'audience de plaidoirie.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande principale :
Le jugement contesté a donc déclaré irrecevable car prescrite l'action de [W] [E] et [P] [O] fondée sur la garantie décennale à l'encontre de la société ALLIANCE BTP, de la SMABTP et de Mme [F] [V] veuve [Z], Mme [N] [Z], Mme [L] [Z] et Mme [K] [Z] et a débouté [W] [E] et [P] [O] de l'ensemble de leurs demandes.
Les premiers juges ont considéré que le délai applicable à la garantie décennale était un délai de forclusion et non pas de prescription ; que ce délai n'avait donc pas pu connaître une interruption au motif que la société ALLIANCE TP aurait implicitement reconnu sa responsabilité en procédant en 2011 à des travaux de reprise. Ils ont également relevé que si l'intervention de 2011 s'était avérée inefficace et n'avait qu'aggravé le sinistre, elle n'était pas à l'origine des désordres. Ils ont donc retenu que le délai de forclusion avait pris fin en 2012 compte tenu de ce que les travaux initiaux avaient été réalisés en 2002 et que l'action engagée en 2017 à l'encontre de la société ALLIANCE TP était nécessairement prescrite.
Les consorts [O] ' [E] critiquent cette solution en faisant notamment valoir que les travaux qui ont été réalisés en 2011 constituent eux-mêmes un ouvrage ayant consisté en une reprise partielle par micropieux et agrafage de fissures. Selon eux, de tels travaux répondent bien à la qualification d'ouvrage et ont également directement contribué à la survenance des désordres objet de l'instance.
Aux termes de l'article 1792 du Code civil, « tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ».
Au sens de cet article, les travaux réalisés sur existant sont susceptibles de recevoir la qualification d'ouvrage ; pour retenir une telle qualification, il convient de prendre en compte la nature et la consistance des travaux effectués. Par ailleurs, il convient de rappeler que la mobilisation d'une garantie décennale suppose, nonobstant la présomption de responsabilité résultant de l'article précité, que les dommages litigieux soient imputables au constructeur. Ainsi, la garantie décennale d'un constructeur ne peut être engagée qu'en présence de désordres imputables aux travaux qu'il a réalisés.
Dès lors, l'inefficacité des travaux de reprise ne suffit pas, à elle seule, à justifier la mise en jeu de la garantie décennale, si elle ne constitue pas l'origine première des désordres. En revanche, la responsabilité du constructeur est engagée en raison de ses travaux de réparation si ces derniers n'ont pas permis de remédier aux désordres initiaux, mais ont aggravé ceux-ci et ont été à l'origine de l'apparition de nouveaux désordres. En effet, dans une telle situation, les désordres initiaux ne sont pas de nature à constituer une cause étrangère pouvant exonérer le constructeur (Cass. 3e civ., 4 mars 2021, n° 19-25.702).
Selon l'étude de diagnostic géotechnique faite par Monsieur [R], en raison de fissures intervenues en 1998, des travaux de reprises de sous-'uvre ont été réalisés en 2002, élément constant dans le cadre de ce litige. A l'occasion de la réalisation de ces travaux de reprise en sous-'uvre, des longrines ont été réalisées sous les murs porteurs et un dispositif de reprise RESOTEC a été réalisé. Ce n'est qu'en 2011, suite à l'apparition de nouvelles fissures que des micropieux ont été installés sous la façade nord. Dans tous les cas, es désordres sont intervenus compte tenu de la « présence sur une épaisseur significative, de terrains sensibles aux phénomènes de retrait et/ou gonflement lorsque leur teneur en eau varie ». La solution de confortement proposée par l'expert judiciaire consiste en une reprise par micropieux pour l'ensemble de la construction.
Le rapport d'expertise confirme le fait que les différents désordres constatés (fissures) « sont la conséquence de malfaçons de travaux et de mouvements de la structure (notamment tassements différentiels avec affaissements de plancher et autres affaissements de fondations) » ; que l'origine des désordres provient donc d'une construction à l'origine sans étude de sol avec des fondations superficielles insuffisantes. Il est rappelé que la maison a fait l'objet d'une reprise en sous 'uvre par la société ALLIANCE BTP en 2002, puis d'une reprise des fissures en façade jusqu'en 2006 dans l'attente d'une stabilisation de l'ensemble. Ces travaux de 2002 ont consisté, comme indiqué ci-dessus, en une mise en 'uvre du système RESOTEC.
Il est précisé que, suite à une réactivation des désordres, l'entreprise est intervenue à nouveau en 2011 ; cette nouvelle intervention a donc consisté cette fois en une mise en place de micropieux, « en façade arrière au droit de la longrine précédemment réalisée ». Il est apparu dans le cadre de l'expertise que ces travaux de reprise en sous-'uvre se sont avérés inefficaces et qu'en outre, les micropieux réalisés en façade NORD ont créé des points durs ayant entraîné :
« Quelquefois une inversion du sens de la fissuration (')
Des désordres graves au niveau de la liaison refends inférieurs et façade Nord (fracture au niveau de la salle de bains et de la buanderie, de même au niveau de la mezzanine) ; un affaissement important du plancher de la zone « nuit », le refend central (sens E-O) ayant semble'il davantage « tassé » que la façade SUD ».
Il ressort de ces éléments techniques que :
Après l'apparition des premiers désordres en 1998, une reprise en sous-'uvre a été réalisée par la société ALLIANCE BTP selon une solution que l'expert qualifie de « variante » ; en effet, l'expert indique que « l'assureur a indemnisé des travaux avec études mais les travaux réalisés ont été différents que ceux indemnisés suite à une transaction entre le propriétaires et ALLIANCE BTP ».
Ensuite, suite à l'apparition de nouveaux désordres en septembre 2010 et en mai 2011 a eu lieu une nouvelle intervention de la société ALLIANCE BTP qui a consisté en la pose de micropieux en façade arrière.
Ce sont bien ces micropieux installés en 2011 qui ont créé des points durs, puisqu'en 2002, la solution mise en 'uvre par la société ALLIANCE BTP a consisté à recourir au procédé RESOTEC et non pas à la pose de tels micropieux. Il est en outre indiqué dans le rapport de l'expert que les désordres survenus postérieurement à l'intervention de 2011 et que l'aggravation consécutive du sinistre porte atteinte à la solidité de la maison (rapport p.33).
Cependant, il doit être relevé que le détail des travaux réalisés en 2011 par la société ALLIANCE BTP à titre de reprise n'est pas renseigné ; ces travaux n'ont fait l'objet d'aucune facturation et d'aucune réception. Selon le rapport, 2 ou 3 micropieux (« 3u semble-t-il ») auraient ainsi été posés, sans conclusions certaines à ce titre.
Les appelants versent aux débats des échanges de mails réalisés entre la société ALLIANCE BTP et Madame [Z] (pièce n°12, échange du 19 mai 2011). Il y est indiqué que l'intervention consisterait en une « mise en place de micropieux en scellement droit dans la longrine précédemment réalisée et ce pour l'ensemble de la façade arrière subissant actuellement des désordres. A l'issue de ces travaux, les fissures seront agrafées et une reprise de crépi sera réalisée au droit de ces dernières ». L'ensemble de ces travaux aurait été planifié sur une durée de 3 semaines. Ces éléments succincts ne permettent pas de caractériser la réalisation d'un ouvrage de construction.
Par ailleurs, la portée de l'aggravation imputable à cette intervention n'est pas certaine, compte tenu du fait que l'origine des désordres se situe en tout état de cause et à titre principal dans les mouvements affectant de sol et l'inadaptation d'origine des fondations.
Il en résulte d'une part que la Cour ne dispose pas des éléments permettant de qualifier d'ouvrage l'intervention réalisée en 2011 par la société ALLIANCE BTP ; d'autre part, que l'absence de réception de ces travaux de 2011 ne permet pas d'envisager une application de la garantie décennale au titre de ces désordres ; qu'enfin, la part d'imputabilité des désordres à cette intervention n'est pas établie de façon précise.
Il en ressort que les travaux réalisés en 2011 ne sont pas de nature à justifier l'application de la garantie décennale ; et que ces travaux ne sont pas susceptibles d'avoir interrompu le délai de forclusion applicable à cette garantie, le premier juge ayant justement retenu que la reconnaissance de droit en tant qu'évènement interruptif de prescription prévu par l'article 2240 du Code civil n'était pas applicable à un délai de forclusion.
Il convient en conséquence de confirmer la décision contestée en ce qu'elle a déclaré les consorts [O]-[E] irrecevables en leurs prétentions formées sur ce fondement de la garantie décennale.
Par ailleurs, il n'y a pas lieu de considérer que la cause déterminante des désordres survenus soit le phénomène de sécheresse dès lors que ces désordres trouvent leur origine dans l'insuffisance des fondations qualifiées de superficielles. En effet, l'expert indique expressément dans son rapport que les travaux réalisés par la société ALLIANCE BTP auraient dû éviter la survenance des désordres dès lors qu'ils avaient précisément été réalisés après un épisode de sécheresse.
Sur l'application de la garantie des vices cachés :
Selon l'article 1641 du Code civil, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
Au sens de cet article, le vice doit nécessairement être caché de sorte qu'un acquéreur ne peut pas se prévaloir de celui-ci s'il a contracté en connaissance de cause.
Les appelants se prévalent du caractère mensonger de mentions de l'acte de vente pour faire reconnaître l'existence de vices cachés, notamment en ce qu'il a été déclaré par le vendeur qu'aucune construction ou rénovation n'a été effectuée sur l'immeuble dans les dix dernières années et que, s'agissant des travaux réalisés depuis plus de dix ans, aucun sinistre n'est intervenu à la suite de ces travaux. Ils considèrent donc qu'ont été dissimulés d'une part les désordres survenus en 2010 et, d'autre part, les travaux réalisés en 2011.
L'acte de vente conclu entre les consorts [Z] et les consorts [O] ' [E] est donc intervenu le 27 septembre 2016 ; dans les dispositions relatives à la construction, il est effectivement fait mention des éléments précités (acte p.11).
S'agissant de l'absence d'opération de construction depuis dix ans, il s'évince de la solution retenue ci-dessus que les travaux de 2011, tels qu'ils apparaissent dans les éléments de la procédure et notamment le rapport d'expertise, ne peuvent pas être considérés comme des travaux de construction. L'absence de description précise quant au procédé mis en 'uvre et l'ampleur de ces travaux ne permet pas de les qualifier de travaux de construction qualifiables d'ouvrage, ouvrant droit à une garantie décennale et devant être mentionnés dans l'acte de vente à ce titre.
S'agissant de l'absence de sinistre depuis la réalisation des travaux de consolidation de 2002, il est constant que cette indication est contredite par le fait que des nouveaux désordres étaient justement apparus en 2010. Cependant, les consorts [O] ' [E] avaient été informés, préalablement à la vente de l'existence d'un phénomène de fissuration dans les conditions suivantes :
Le rapport d'expertise amiable ELEX indique que les consorts [O] ' [E] avaient été informés par les anciens propriétaires que la maison avait fait l'objet d'un traitement des fissures dans le cadre de l'assurance de la garantie décennale des constructeurs ; ce rapport relève également le fait que Madame [Z] avait informé les acquéreurs de ce que la maison avait fait l'objet d'une consolidation des fondations dans le cadre de la garantie légale des constructeurs.
Lors d'échanges par courriels entre Monsieur [P] [O] et Monsieur [X] (intermédiaire chargé de la vente), les désordres affectant la villa ont été évoqués notamment les « déformations » subies par celles-ci, Monsieur [O] indiquant notamment « sur le premier point, il est possible que nous demandions une expertise pour vérifier que les problèmes de déformation sont réellement résolus » ; il ajoutait en outre « (') je ne suis donc pas inquiet mais nous voulons jouer la clarté avec notre assurance. Imaginons qu'un coup de sécheresse suivi de grosses pluies fassent à nouveau bouger la maison, nous ne voulons pas que notre assurance nous accuse de leur avoir caché l'historique ».
Au vu de ces éléments, il est donc établi que les consorts [O] - [E] étaient bien informés, préalablement à la signature de l'acte de vente des difficultés qui avaient affecté cette villa, des déformations que celle-ci avait subies et, le cas échéant, des vérifications qui pouvaient être faites pour s'assurer qu'il avait été remédié utilement aux causes de ces difficultés d'ordre structurel. S'il n'apparaît pas que les désordres de 2010 aient été expressément portés à leur connaissance, il doit en tout état de cause être considéré que les consorts [O] ' [E] disposaient des informations utiles pour apprécier les difficultés ayant affecté cette maison.
Par ailleurs, aucun élément ne permet de considérer que les consorts [Z] aient dissimulé l'existence d'un phénomène de fissuration au moment de la vente. En effet, il est acquis qu'aucune fissure significative n'affectait la villa lorsque celle-ci a été visitée au printemps 2016. Ces fissures ont été constatées par les consorts [O] ' [E] au moment de leur entrée dans les lieux et il n'est pas contesté que leur apparition est survenue entre le moment où le bien a été visité et le moment de la vente (période pendant laquelle la maison n'était pas occupée). Il ne peut donc pas être reproché aux consorts [Z] d'avoir dissimulé l'existence de fissures dont ils auraient eu connaissance dans le cadre de cette vente.
S'agissant des travaux réparatoires réalisés en 2002 suite à la première déclaration de sinistre, il est reproché aux consorts [Z] d'avoir laissé entendre que les travaux de reprise réalisés avaient été ceux préconisés par la société EURISK en 2002 alors que c'est une technique différente qui a été réalisée par la société ALLIANCE BTP, laquelle s'est avérée par la suite insuffisante.
Cependant si le rapport EURISK, réalisé dans le cadre du premier sinistre de l'année 2001 fait en effet état d'une solution de réparation par une reprise généralisée des fondations par micropieux, il n'emporte que des préconisations et n'était pas de nature à informer les consorts [O] - [E] sur la nature exacte des travaux mis en 'uvre ; par ailleurs, il doit être relevé que par ce rapport, les consorts [O] ' [E] étaient précisément avisés des difficultés qui tenaient à la fois à la sensibilité des sols aux variations hygrométriques et à la structure du bâtiment. Ainsi, cet élément n'est pas de nature à caractériser l'existence d'un vice caché affectant la construction dès lors que les consorts [O] - [E] avaient bien connaissance, avant la vente, des défauts qui affectaient la maison vendue.
Aucune dissimulation n'a ainsi été opérée par les consorts [Z] lors de la vente de ce bien. Certes, par un courriel en date du 28 septembre 2016, Madame [N] [B], fille de Monsieur et Madame [Z] a indiqué à Monsieur [P] [O], en réponse à un courriel de ce dernier faisant état de la présence de fissures dans la maison : « je vous confirme ce que je vous ai dit ce matin : nous n'avions constaté aucun dommage lors de notre dernier passage le 8 août et la maison n'avait pas bougé depuis les tvx de 2000-2001 ».
Cependant, ce message, postérieur à la réalisation de la vente ne caractérise aucune dissimulation qui aurait été faite dans le cadre de celle-ci ; il n'émane en outre pas des vendeurs eux-mêmes.
Il en résulte que l'action fondée sur les vices cachés a été justement rejetée par le premier juge.
La décision contestée sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les demandes annexes :
Au vu de la solution du litige, il convient de condamner les consorts [O] ' [E] à payer aux consorts [Z] une somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile s'agissant de la société ALLIANCE BTP et de la SMABTP.
Les consorts [O] [E] seront condamnés aux entiers dépens de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Constate le décès d'[F] [V] veuve [Z] et que [N] [Z], [L] [Z] et [K] [Z], interviennent désormais en qualité d'ayants droits de [A] [Y] et d'[F] [V] veuve [Z] ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE du 27 septembre 2022 ;
Y ajoutant,
Condamne [W] [E] et [P] [O] à payer à [N] [Z], [L] [Z] et [K] [Z] une somme totale de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne [W] [E] et [P] [O] aux entiers dépens de l'instance d'appel.