Cass. 1re civ., 2 juillet 2002, n° 00-11.014
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Aubert
Attendu que, par acte sous seing privé du 9 avril 1991, la société Le Crédit touristique et des transports (la société C2T) a consenti à la société Financière Treize un prêt de la somme de 5 208 500 francs, au taux effectif global de 10,45 % l'an, remboursable moyennant quarante versements trimestriels d'un montant de 211 437,24 francs, chacun, cet acte stipulant, en outre, qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, la société C2T pourrait demander à ce dernier une indemnité d'un montant de 6 % des sommes restant dues en capital et intérêts ; que, sous la rubrique conditions particulières, ce même acte contenait la mention suivante : "caution divise et solidaire des associés : M. et Mme X..., caution à hauteur de 1 680 KF, M. et Mme Y..., caution à hauteur de 1 680 KF, M. et Mme Z..., caution à hauteur de 1 680 KF, caution de M. A... à hauteur de 980 KF, caution de M. Le B... à hauteur de 980 KF" ; qu'après que la liquidation judiciaire de la société Financière Treize eut été prononcée, la société C2T, se prévalant des cautionnements séparément souscrits par M. A..., M. Le B..., M. et Mme Y..., M. et Mme X..., conformément aux prévisions de la clause précitée, a assigné ceux-ci en paiement du solde de sa créance à l'égard de la société Financière Treize ; que l'arrêt attaqué a condamné solidairement M. A..., M. Le B..., M. et Mme Y..., M. et Mme X... à payer à la société
C2T, représentée par son liquidateur, le solde dudit prêt, dont auront été retranchés tous les intérêts à compter de la première échéance impayée, ainsi que le montant de l'indemnité de 6 % pour le seul M. A..., soit la somme de 4 190 158,60 francs pour celui-ci et la somme de 3 952 989,26 francs pour les autres cautions ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter les prétentions de M. A... qui, à l'effet d'obtenir que fût déduit du solde du prêt cautionné le montant de l'engagement de caution dont M. et Mme Z... avaient été déchargés par la société C2T, soutenait, comme les autres cautions, que les cautionnements en cause revêtaient un caractère commercial, pour avoir été souscrits par les associés de la société Financière Treize à raison de leur intérêt patrimonial commun à la réalisation de l'opération financée par ce prêt, de sorte que l'article 1202 du Code civil n'avait pas vocation à s'appliquer, l'arrêt se borne à énoncer que les engagements pris par actes séparés ne comportent aucune stipulation de solidarité entre les cautions ;
Qu'en se fondant sur un tel motif, qui ne répond pas aux moyens articulés par M. A..., la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1202 du Code civil ;
Attendu qu'après avoir retenu que les cautionnements souscrits par actes séparés par les diverses cautions ne comportaient aucune stipulation de solidarité entre celles-ci, de sorte qu'une telle solidarité ne pouvait être sérieusement invoquée, la cour d'appel a néanmoins condamné M. A..., solidairement avec les autres cautions, à payer le solde du principal de la dette cautionnée ;
En quoi, elle n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient et a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 2015 du Code civil ;
Attendu que l'acte sous seing privé en vertu duquel M. A... s'est porté caution solidaire du remboursement du prêt en cause énonce que cet engagement est limité à 980 000 francs "en principal plus tous intérêts, commissions, frais et accessoires" ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle a fait à l'égard de M. A..., sans se prononcer sur l'incidence d'une telle limitation de garantie sur le montant des sommes dont paiement pouvait être demandé à celui-ci à raison dudit cautionnement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches des premier et troisième moyens ni sur le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;