Cass. 1re civ., 9 juillet 1996, n° 94-15.412
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Société générale (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. LEMONTEY
Sur le pourvoi formé par la Société générale, société anonyme, dont le siège social est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 mars 1994 par la cour d'appel de Grenoble (1re Chambre), au profit :
1°/ de M. Henri X...,
2°/ de Mme Suzanne Z..., épouse X..., demeurant ensemble ..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 4 juin 1996, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Delaroche, conseiller rapporteur, M. Fouret, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre;
Sur le rapport de Mme le conseiller Delaroche, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la Société générale, de la SCP Boré et Xavier, avocat des époux X..., les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par actes sous seing privé du 17 janvier 1990, chacun des époux Y... s'est porté caution solidaire de M. Jean-Paul X..., leur fils, pour garantir le paiement des sommes dues par celui-ci à la Société générale, à concurrence de 300 000 francs chacun; qu'un jugement du 21 mars 1990 a prononcé la liquidation judiciaire des biens du débiteur principal; qu'après déclaration de sa créance, la Société générale a réclamé aux cautions paiement du montant des soldes débiteurs des comptes ouverts au nom de M. Jean-Paul X..., ainsi que le montant résultant du crédit à moyen terme de 200 000 francs accordé à celui-ci le 1er février 1990; que les cautions ont opposé la nullité de leurs engagements en prétendant que la banque avait manqué à son obligation de contracter de bonne foi en omettant, par une réticence dolosive, de les informer de la situation lourdement obérée du débiteur principal; que l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 mars 1994) a prononcé la nullité pour dol des deux actes de cautionnement;
Attendu que la Société générale fait grief à la cour d'appel de s'être ainsi prononcée, alors, selon le moyen, d'une part, que le relevé du compte n° 205.21.328 montrait une position nulle au 17 janvier 1990; que, dès lors, en estimant que ce compte présentait un solde débiteur de 88 940,86 francs à cette date, la juridiction du second degré a dénaturé le relevé en cause; alors, d'autre part, qu'en affirmant que la situation du débiteur principal était irrémédiablement compromise au jour où les cautions se sont engagées, sans s'expliquer, ainsi qu'elle y était invitée, sur le fait, d'une part, que le découvert du compte n° 205.20.031 n'atteignait pas un montant anormal et que le compte n° 205.21.328 ne présentait aucun découvert, que, par ailleurs, les échéances du prêt à moyen terme étaient régulièrement assurées et, enfin, que des cessions de créances avaient été accordées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1116 du Code civil;
Mais attendu que, sans dénaturer le relevé bancaire du compte n° 205.21.328 délivré le 18 janvier 1990, la cour d'appel, qui a constaté que l'autre compte présentait, au 17 janvier 1990, un solde débiteur de 312 790 francs, a considéré, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, qu'à cette date, la banque savait que la situation financière de M. Jean-Paul X... était irrémédiablement compromise et qu'elle n'en avait pas informé les époux X... au moment de la signature des actes de cautionnement, en sorte que ceux-ci, en cautionnant une facilité de caisse, avaient pu légitimement penser que la Société générale allait accorder à son débiteur un crédit de 300 000 francs, ce qui n'avait pas été le cas, puisque, dès le 8 février suivant, elle refusait les chèques émis par lui pour défaut de provision; que, de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a déduit que cette banque avait obtenu les cautionnements non pour bénéficier d'une garantie pour l'avenir, mais pour disposer, à la suite de la défaillance inéluctable de M. Jean-Paul X..., de deux co-obligés solvables; que sa décision est ainsi légalement justifiée; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses critiques;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société générale, envers les époux X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt;