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Décisions

CA Douai, ch. 1 sect. 2, 16 octobre 2025, n° 24/05292

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 24/05292

16 octobre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 16/10/2025

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MINUTE ELECTRONIQUE

N° RG 24/05292 - N° Portalis DBVT-V-B7I-V3PK

Ordonnance (N° 22/01757)

rendue le 24 septembre 2024 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTE

La SELARL WRA

prise en la personne de son représentant légal en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Aménagement Bâtiment Coordination (ABC)

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Fabienne Menu, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

INTIMÉES

La SCI Sone Vane

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Franck Gys, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

La SA Allianz IARD

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 12 février 2025 à personne morale

DÉBATS à l'audience publique du 08 septembre 2025, tenue par Carole Van Goetsenhoven magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, présidente de chambre

Véronique Galliot, conseiller

Carole Van Goetsenhoven, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 octobre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente, et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 juin 2025

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EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 5 avril 2019, la SCI Sone Vane a confié à la SARL Aménagement Bâtiment Coordination (la société ABC) une mission de maîtrise d''uvre dans le cadre de la rénovation d'un immeuble situé [Adresse 3] moyennant des honoraires fixés à une somme forfaitaire de 18 293 euros TTC.

Par contrat du même jour, la SCI Sone Vane a confié à la société ABC les marchés de démolition-déblai, de mise en conformité et de bâtiment pour une somme de 262 622 euros, la fin des travaux étant prévue en octobre 2019.

Au titre des travaux, la société ABC a émis quatre factures pour un montant total de 177 265,36 euros TTC qui a été acquitté.

Au titre de la maîtrise d''uvre, la société ABC a émis trois factures pour un montant total de 14 451,47 euros TTC qui a été acquitté.

Se prévalant du non-respect des délais fixés, d'erreurs d'exécution et de l'absence de règlement de sous-traitants, la SCI Sone Vane a refusé de procéder au paiement des factures suivantes :

- au titre du marché de travaux :

o facture n°02/03/2020 du 10 mars 2020 : 66 647,64 euros TTC

o facture n°04/03/2020 du 10 mars 2020 : 15 629 euros TTC

o facture n°05/03/2020 du 10 mars 2020 : 3 080 euros TTC

- au titre de la maitrise d''uvre : facture n°03/03/2020 du 10 mars 2020 : 3 841,53 euros TTC.

Par courrier recommandé du 19 novembre 2020, la SCI Sone Vane a résilié les contrats conclus avec la société ABC.

Selon protocole d'accord transactionnel du 26 janvier 2021, la société ABC s'est engagée à reprendre un certain nombre de travaux pour le 30 avril 2021 au plus tard, sous réserve de la livraison d'une véranda par une société tierce et hors pose de la cuisine. La SCI Sone Vane s'engageait quant à elle, au règlement de plusieurs sommes.

Se prévalant de l'absence de respect du protocole d'accord transactionnel, la SCI Sone Vane a fait délivrer à la société ABC un courrier recommandé le 21 octobre 2021 dans lequel elle constatait la caducité de celui-ci.

Par jugement du 17 décembre 2021, le tribunal de commerce de Dunkerque a prononcé la liquidation judiciaire de la société ABC et nommé la SELARL WRA prise en la personne de Me [N] en qualité de liquidateur.

Par courriers recommandés du 26 janvier 2022, la SCI Sone Vane a déclaré une créance de 153 812,87 euros au passif de la société ABC, laquelle a été contestée par le liquidateur.

Par exploits du 20 septembre 2022, la SCI Sone Vane a attrait la société ABC prise en la personne de son liquidateur ainsi que M. [W] à titre personnel devant le tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins notamment de fixation de sa créance au passif de la société ABC.

Par ordonnance du 25 novembre 2022, le juge commissaire du tribunal de commerce de Dunkerque a sursis à statuer sur cette contestation dans l'attente de l'issue du litige pendant devant le tribunal judiciaire de Dunkerque.

Par exploit en date du 11 avril 2023, la société ABC représentée par son liquidateur M. [W] a attrait en intervention forcée la société Allianz Iard afin d'obtenir sa garantie de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.

Par ordonnance du 4 juillet 2023, il a été procédé à la jonction des deux procédures.

Par ordonnance du 24 septembre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Dunkerque a :

- déclaré les demandes en constat d'une résiliation ou résolution antérieures à la procédure collective et non fondées sur le défaut de paiement d'une somme d'argent et les demandes en fixation de créances recevables ;

- déclaré les demandes de condamnation de production de pièces et de justification de paiement sous astreinte, de condamnation ou de compensation irrecevables ;

- débouté la SCI Sone Vane de sa demande tendant à voir condamner M. [W] à justifier sous astreinte le paiement des marchés de travaux concernant l'immeuble ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- renvoyé l'affaire à la mise en état ;

- rejeté toutes les autres demandes ;

- dit que les dépens de l'incident suivraient le sort de ceux de l'instance au fond.

Par déclaration au greffe du 6 novembre 2024, la Selarl WRA intervenant en qualité de liquidateur judiciaire de la société ABC a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 17 février 2025, la Selarl WRA, intervenant en qualité de liquidateur judiciaire de la société ABC, demande à la cour de :

- juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Selarl WRA es qualités de liquidateur judiciaire de la société ABD à l'encontre de l'ordonnance rendue le 24 septembre 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Dunkerque,

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce que :

* les demandes en constat d'une résiliation ou résolution antérieures à la procédure collective et non fondées sur le défaut de paiement d'une somme d'argent, et les demandes en fixation de créance ont été jugées recevables,

* il a été dit qu'il n'y avait lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- en conséquence, juger irrecevables les demandes formées par la SCI Sone Vane en constat d'une résiliation ou résolution antérieures à la procédure collective et les demandes en fixation de créance,

- la condamner à régler à la Selarl WRA, es qualités de liquidateur judiciaire de la société ABC, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP action conseils avocats aux offres de droit.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 622-17 du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. Elle soutient que la saisine du tribunal judiciaire de Dunkerque est intervenue après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société ABC et que la SCI Sone Vane aurait dû, dès lors, suivre la procédure de vérification de passif, les demandes en fixation de créances dont elle a saisi le tribunal judiciaire de Dunkerque étant par suite irrecevables. S'agissant de la demande de prononcé de la rupture des marchés de travaux et de maîtrise d''uvre, elle soutient qu'elles doivent s'analyser en demande de constat par le tribunal de cette résolution et d'allocation de dommages et intérêts, et non de prononcer de la rupture des contrats. Or, elle prétend que ces demandes sont irrecevables puisqu'ayant une cause antérieure à l'ouverture de la procédure collective, dès lors que la SCI Sone Vane soutient avoir résilié le marché aux torts de la société ABC par voie de notification, en application de l'article 1226 du code civil.

En réponse à l'argumentaire développé par la SCI Sone Vane sur l'autorité de chose jugée de la décision du juge commissaire du tribunal de commerce, elle rappelle que seule une instance en cours, engagée devant le juge du fond au jour de l'ouverture de la procédure collective, permet de surseoir à statuer sur la déclaration de créance, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Elle ajoute que le juge commissaire n'a pas statué sur la recevabilité des demandes dont est saisi le tribunal judiciaire de Dunkerque.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 6 mars 2025, la SCI Sone Vane demande à la cour de :

- débouter la Selarl WRA es qualités de liquidateur de la société ABC de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de Me Gys, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que les arguments soulevés par l'appelant auraient dû l'être dans le cadre de la procédure de vérification de créances devant le juge commissaire de la liquidation judiciaire et qu'elle a effectivement déclaré sa créance régulièrement puis saisi le juge commissaire en contestation du rejet de sa créance. Elle relève qu'à la suite de cette contestation, le juge commissaire a, par ordonnance définitive, sursis à statuer dans l'attente de la procédure au fond, cette décision ayant autorité de chose jugée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 juin 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des demandes de la SCI Sone Vane en constat d'une résiliation ou résolution antérieure à la procédure collective et les demandes en fixation de créance

L'article L 622-21 du code de commerce, applicable à la procédure de liquidation judiciaire par renvoi de l'article 641-3 du même code, dispose que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 622-17 - qui vise les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour le besoin du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période - et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

En l'espèce, il ressort de l'exposé des faits que la SCI Sone Vane a engagé une procédure au fond contre la Selarl WRA, pris en sa qualité de liquidateur de la société ABC après le jugement d'ouverture de la procédure collective de cette dernière.

En effet, la procédure de liquidation judiciaire de la société ABC a été ouverte par jugement du 17 décembre 2021, puis la SCI Sone Vane a déclaré sa créance au passif par courriers recommandés du 26 janvier 2022, avant d'engager une instance au fond par exploits du 20 septembre 2022. Le juge commissaire du tribunal de commerce a, ensuite, statué sur la contestation de la créance déclarée par la SCI Sone Vane en prononçant un sursis à statuer par ordonnance du 25 novembre 2022, motivé par l'engagement d'une procédure au fond.

La SCI Sone Vane demande, au fond, le prononcé de la rupture des marchés aux torts de la société ABC et la fixation de sa créance au passif, comprenant des travaux de reprise et de finition, un préjudice de jouissance et des travaux non réglés par la société ABC à ses sous-traitants, outre la compensation avec le solde du marché de travaux restant dû.

Elle a introduit son action au fond postérieurement à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, étant observé qu'elle a procédé à la déclaration de sa créance dans le cadre de cette procédure collective avant de saisir le tribunal judiciaire au fond, sa créance ayant fait l'objet d'une contestation puis d'une décision de sursis à statuer par le juge commissaire.

Dans le cadre de la procédure de vérification de créance, l'article L 624-2 du code de commerce dispose qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.

Il s'ensuit que si le juge commissaire a le pouvoir exclusif de décider de l'admission ou du rejet de la créance, il doit, lorsqu'il constate que la contestation d'une créance ne relève pas de son pouvoir juridictionnel en ce qu'elle touche le fond du droit, surseoir à statuer sur la demande d'admission de créance en invitant le cas échéant les parties à saisir le juge compétent (Com., 8 avril 2015, n°14-11.230).

Tel est le cas de l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 25 novembre 2022, étant observé que la Selarl WRA soutenait, dans le cadre de la procédure de vérification de créances devant le juge commissaire, que la contestation de créance nécessitait un débat au fond ne relevant pas du pouvoir juridictionnel du juge commissaire (pièce n°55 de la SCI Sone Vane).

En outre, il n'appartient pas à la cour de statuer sur la régularité de la décision du juge commissaire ni sur les motifs de sa décision.

Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour.

Sur les demandes accessoires

L'ordonnance entreprise sera également confirmée de ce chef.

La Selarl WRA, partie succombante, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de Me Gys, avocat aux offres de droit ainsi qu'à payer à la SCI Sone Vane la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Dunkerque en date du 24 septembre 2024 en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne la Selarl WRA es qualités de liquidateur de la société Aménagement Bâtiment Coordination aux dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de Me Gys, avocat aux offres de droit ;

Condamne la Selarl WRA es qualités de liquidateur de la société Aménagement Bâtiment Coordination à payer à la SCI Sone Vane la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

La présidente

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