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CA Bordeaux, 4e ch. com., 20 octobre 2025, n° 24/03961

BORDEAUX

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CA Bordeaux n° 24/03961

20 octobre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 20 OCTOBRE 2025

N° RG 24/03961 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N5PK

Madame [V] [E]

c/

Madame [B] [D]

Monsieur [O] [S]

S.C.P. [I] BAUJET

Nature de la décision : AU FOND

Notifié aux parties par LRAR le :

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 juillet 2024 (R.G. 2023L02801) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 27 août 2024

APPELANTE :

Madame [V] [E], née le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 7] (33), de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

Représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Bernard QUESNEL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Madame [B] [D], née le [Date naissance 4] 1983 à [Localité 8] (33), de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]

Monsieur [O] [S], né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 9] (17), de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]

Représentés par Maître Camille MOGAN, avocat au barreau de BORDEAUX

S.C.P. [I] BAUJET, es-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS LE SOLEIL DE CELESTINE, domiciliée en cette qualité [Adresse 3]

Représentée par Maître Benjamin BLANC, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérengère VALLEE, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Madame Bérengère VALLEE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

1. Mme [B] [D] et M. [O] [S] ont confié des travaux d'extension et de surélévation de leur maison à la SAS Sohe Bois, désormais dénommée la SAS Le Soleil de Celestine.

Par jugement du 21 septembre 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Le Soleil de Celestine, laquelle procédure a été convertie en liquidation judiciaire selon jugement du 10 novembre 2022, la SCP [I] Baujet étant désignée comme liquidateur judiciaire.

Faute d'avoir déclaré leur créance, Mme [D] et M. [S] ont, par requête du 06 février 2023, saisi le juge-commissaire du tribunal de commerce de Bordeaux en relevé de forclusion.

Par ordonnance du 06 juillet 2023, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Bordeaux a relevé Mme [D] et M. [S] de la forclusion encourue.

Mme [E], ès qualité de dirigeante de la société Le Soleil de Celestine, a formé un recours contre cette ordonnance.

2. Selon jugement du 08 juillet 2024, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- Constaté la non-comparution de Mme [E],

- Statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

- Dit irrecevable la demande de Mme [E],

- Condamné Mme [E] à payer à la SCP [I]-Baujet ès qualité de liquidateur de la société Le Soleil de Celestine SAS la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Mme [E] à payer à M. [S] la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Mme [E] à payer à Mme [B] [D] la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Mme [E] aux entiers dépens.

Après avoir rappelé qu'aux termes de l'article 860-1 du code de procédure civile, la procédure devant le tribunal de commerce était orale et qu'en vertu de l'article 446-1 du même code, l'oralité de la procédure imposait aux parties de comparaître ou de se faire représenter pour formuler valablement leurs prétentions et en justifier sauf dispense accordée par le juge, le tribunal, constatant que Mme [E] n'était ni représentée, ni présente à l'audience et n'en avait pas été dispensée, a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'examiner sa demande, celle-ci étant déclarée irrecevable.

3. Par déclaration au greffe du 27 août 2024, Mme [E] a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant Mme [D], M. [S] et la SCP [I]-Baujet ès qualité de liquidateur de la société Le Soleil de Celestine. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 24/03961.

Par déclaration au greffe du 28 août 2024, Mme [E] a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant Mme [D], M. [S] et la SCP [I]-Baujet ès qualité de liquidateur de la société Le Soleil de Celestine. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 24/03974.

Les deux affaires ont été jointes par mention au dossier sous le numéro RG 24/03961.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

4. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 27 novembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme [E], 'dernière présidente en exercice de la société Le Soleil de Celestine lors de son placement en liquidation judiciaire, agissant également dans le cadre de ses droits propres', demande à la cour de :

- Juger recevable et bien fondé l'appel formé contre le jugement du tribunal de commerce,

- Réformer le jugement rendu en première instance par le tribunal de commerce et déclarer les consorts [Y]/[S] forclos en leur demande de relevé de forclusion,

- Condamner les intimés à payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les intimés aux dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL KPDB sur ces affirmations de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile.

5. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 22 février 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme [D] et M. [S] demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu le 8 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Bordeaux,

- Débouter intégralement Mme [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Relever M. [S] et Mme [D] de la forclusion du délai de déclaration de créance,

- Les autoriser à déclarer leur créance au passif de la société Sohe Bois devenue Le Soleil de Celestine à hauteur de 99 226,58 euros TTC,

- Au surplus et en cause d'appel, condamner Mme [E] à régler à M. [S] et Mme [D] la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens des instances.

6. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 26 février 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la SCP [I]-Baujet ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Soleil de Celestine, demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 8 juillet 2024 en ce qu'il a :

'Dit recevable (sic) la demande de Mme [E],

Condamné Mme [E] à payer à la SCP [I]-Baujet ès qualités de liquidateur de la société Le Soleil de Celestine la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné Mme [E] à payer à M. [S] la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné Mme [E] à payer à Mme [D] la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné Mme [E] aux entiers dépens'.

- Débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Sur la fin de non recevoir,

- Déclarer Mme [E] irrecevable en sa demande en raison de la prescription de son recours,

Au fond,

- Confirmer l'ordonnance du 06 juillet 2023,

En conséquence,

- Relever M. [S] et Mme [D] de la forclusion encourue,

En tout état de cause,

- Condamner Mme [E] à payer à la SCP [I]-Baujet ès qualité la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

7. L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er septembre 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du recours formé par Mme [E]

Moyens des parties

8. Au visa de l'article R. 621-21 du code de commerce, la SCP [I]-Baujet ès qualité soutient que Mme [E], qui avait jusqu'au 07 août 2023 pour former un recours contre l'ordonnance du juge commissaire, a effectué celui-ci le 31 août 2023, de sorte qu'elle est irrecevable à agir.

9. Mme [E] conclut au contraire à la recevabilité de son recours formé auprès du greffe du tribunal de commerce, non pas le 31 août 2023, date du certificat établi par le greffe, mais le 04 août 2023.

Réponse de la cour

10. Aux termes des alinéas 3 et 4 l'article R. 621-21 du code de commerce,

'Les ordonnances du juge-commissaire sont déposées sans délai au greffe qui les communique aux mandataires de justice et les notifie aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés. Sur sa demande, elles sont communiquées au ministère public.

Ces ordonnances peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe.'

11. En l'espèce, l'ordonnance rendue le 06 juillet 2023 par le juge commissaire a été notifiée à Mme [E] le 27 juillet 2023 par lettre recommandée avec avis de réception, de sorte qu'elle avait, conformément aux articles 640 et suivants du code de procédure civile, jusqu'au 07 août 2023 pour former son recours.

Il ressort du certificat établi par le greffe du tribunal de commerce de Bordeaux le 31 août 2023 que Mme [E] a formé son recours le 04 août 2023.

Son action est donc recevable.

12. Le jugement entrepris sera, par motifs substitués, infirmé en ce sens.

Sur le bien-fondé du recours formé par Mme [E]

Moyens des parties

13. Au soutien de son recours, Mme [E] fait valoir que, dans le cadre d'une procédure de référé expertise, le conseil de la société Sohe Bois - devenue Le Soleil de Celestine - avait alerté Mme [D] et M. [S] du placement en liquidation judiciaire de la société dans un délai leur permettant de déclarer leur créance. Elle en déduit qu'ayant été régulièrement avisés de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, ils sont par conséquent forclos et ne peuvent bénéficier d'un relevé de forclusion, le défaut de déclaration de créance leur étant imputable.

14. M. [S] et Mme [D] répliquent qu'alors que la publication au BODACC est datée du 19 novembre 2022, le dire du conseil de la société Sohe Bois devenue Le Soleil de Celestine a été adressé le 19 janvier 2023 à 16h43, soit à une date et un horaire auxquels il leur était impossible d'adresser au mandataire liquidateur une déclaration de créances avant la fin du délai imparti. Surtout, ils rappellent que le simple fait que le créancier soit omis de la liste remise par le débiteur lui permet d'obtenir un relevé de forclusion.

15. Rappelant qu'il est de jurisprudence constante qu'en cas d'omission de déclaration de la part du débiteur d'une créance, le relevé de forclusion du créancier défaillant est justifié, sans qu'il soit besoin de prouver que son défaut de déclaration n'est pas dû à son fait, la SCP [I]-Baujet ès qualité fait valoir qu'alors qu'elle avait été parfaitement informée, antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, de l'existence d'une procédure susceptible d'engager sa responsabilité vis-à-vis de M. [S] et Mme [D], la société Le Soleil de Celestine n'a jamais remis la liste des créanciers à la SCP [I]-Baujet ès qualité.

Réponse de la cour

16. Aux termes de l'article L. 622-26 alinéa premier du code de commerce,

'A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.'

Il est constant que lorsqu'un débiteur s'est abstenu d'établir la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6 de ce code ou que, l'ayant établie, il a omis d'y mentionner un créancier, le créancier omis, qui sollicite un relevé de forclusion, n'est pas tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre cette omission et la tardiveté de sa déclaration de créance (Com., 16 juin 2021, n°19-17.186).

17. En l'espèce, M. [S] et Mme [D] ont, par acte du 18 février 2022, soit antérieurement à l'ouverture de la procédure judiciaire, assigné la société Sohe Bois afin de lui voir déclarer communes les opérations d'expertise en cours portant sur les travaux d'extension et de surélévation confiés à ladite société.

La société Sohe Bois, devenue Le Soleil de Celestine, n'ignorait donc pas qu'une procédure susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de M. [S] et Mme [D] était en cours.

18. Or, il est constant que la société Le Soleil de Celestine n'a jamais remis la liste de ses créanciers à la SCP [I]-Baujet, ès qualité, conformément à l'article L. 622-6 du code de commerce.

19. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le juge commissaire a relevé M. [S] et Mme [D] de la forclusion encourue, le recours formé par Mme [E] à l'encontre de l'ordonnance du 06 juillet 2023 devant en conséquence être rejeté.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

20. Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

21. Mme [E], qui succombe en son recours, en supportera les dépens et sera équitablement condamnée à payer à M. [S] et Mme [D], d'une part, et à la SCP [I]-Baujet ès qualité, d'autre part, la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit irrecevable la demande de Mme [V] [E],

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déclare recevable le recours formé par Mme [V] [E] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 06 juillet 2023 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Bordeaux,

Sur le fond,

Rejette le recours formé par Mme [V] [E] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 06 juillet 2023 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Bordeaux,

Déboute Mme [V] [E] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

Condamne Mme [V] [E] à payer à M. [O] [S] et Mme [B] [D], ensemble, la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [V] [E] à payer à la SCP [I]-Baujet, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Soleil de Celestine, la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [V] [E] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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