CA Paris, Pôle 1 - ch. 7, 20 octobre 2025, n° 24/06157
PARIS
Ordonnance
Autre
Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 7
ORDONNANCE DU 20 OCTOBRE 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/06157 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJFXU
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Janvier 2024 - Cour d'Appel de PARIS - RG n° 23/9559
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Gilles BUFFET, Conseiller, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Lydia BEZZOU, Greffière.
Statuant sur le recours formé par :
DEMANDEUR
BTSG², en la personne de Me [S], es qualite de liquidateur de la société Voyages Loisirs
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Kristell CATTANI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0163 et Par Me [S].
contre
DÉFENDEURS
VOYAGES LOISIRS
[Adresse 3]
[Localité 6]
Monsieur [N] [T], président de Voyages loisirs
[Adresse 4]
[Localité 1]
Monsieur [M] [U], Directeur général de Voyages loisirs
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentés par Me Jean-Paul PETRESCHI, avocat au barreau de Paris, toque : K79
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 08 Septembre 2025 :
Le 20 février 2024, la société SCP BTSG² a formé un recours contre l'ordonnance rendue le 18 janvier 2024 par le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris, statuant en matière de fixation de la rémunération des administrateurs judiciaires, des commissaires à l'exécution des plans et des liquidateurs judiciaires.
Il est justifié que le recours a été dénoncé à l'ensemble des parties au litige principal.
***
Par jugement rendu le 11 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Voyages Loisirs et désigné la société SCP BTSG², en la personne de Me [K] [S], ès-qualités de mandataire judiciaire.
Par jugement rendu par ce tribunal le 21 décembre 2016, ce tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Voyage Loisirs, nommant la SCP BTSG², en la personne de Me [K] [S], ès-qualités de liquidateur avec la mission de gérer les acomptes payés par les clients pour des voyages futurs.
Aux termes d'un avis rendu le 30 mai 2023, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Voyages Loisirs a émis favorable quant à l'arrêté de la rémunération de la SCP BTSG² au titre de sa mission de liquidateur de la société Voyages Loisirs à un montant de 606 028 euros HT.
Aux termes d'un avis rendu le 7 juillet 2023, le ministère public, estimant que le nombre d'heures indiqué dans les tableaux récapitulant les diligences accomplies par chaque personnel n'apparaissait pas en adéquation avec les diligences accomplies dans un dossier qui ne revêtait aucun caractère exceptionnel, que le mandataire liquidateur a été aidé par la cellule liquidative et la supervision de la société IRC rémunérée avec les fonds de l'entreprise, que le recouvrement de l'actif, s'il apparaissait satisfaisant, résultait pour une très large part du simple recouvrement des soldes bancaires et que la rémunération sollicitée représentait 24% du montant de l'actif recouvré, proposait de ramener les émoluments de Me [K] [S] à la somme maximale de 300 000 euros HT.
Par ordonnance du 18 janvier 2024, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de taxation présentée par la société SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Voyages Loisirs sur le fondement de l'article R.663-31 du code de commerce.
Le 20 février 2024, la SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], a formé un recours contre cette décision.
Elle demande au premier président de la cour d'appel d'infirmer cette ordonnance, se déclarer compétent et fixer le montant de la rémunération de Me [S] ès-qualités, au titre de son mandat de liquidateur judiciaire, à la somme de 640 638 euros HT.
Elle fait valoir que la société Voyages Loisirs avait pour activité l'exploitation d'un fonds de commerce d'agence de voyages et que, dans le cadre de son activité, elle sollicitait de ses clients, au moment de la commande, le versement d'une avance sur le prix du voyage, que les sommes concernées entraient dans l'actif de la société Voyages Loisirs et donc dans l'actif de liquidation, les sommes versées à titre d'arrhes ou d'acomptes n'étant pas restées la propriété des consommateurs qui les avaient versées, que c'est de manière impropre que les sommes concernées ont été qualifiées de compte de tiers parce qu'elles ont été comptabilisées ainsi par la société Loisirs Voyages, ces sommes faisant partie de son patrimoine, que Me [S] ès-qualités a exécuté les prestations commandées et recouvré les sommes restant dues par les consommateurs, que c'est donc à tort que le conseiller de la cour d'appel a soustrait la somme de 1 779 828,39 euros correspondant aux sommes recouvrées à la suite de l'exécution de la prestation de voyage commandée par les consommateurs des sommes constituant la base de calcul au dépassement du plafond selon le barème, de sorte qu'il était compétent pour statuer sur la demande de taxe, qu'elle justifie de ses diligences.
A l'audience du 8 septembre 2025, le conseil de la société SCP BTSG², prise en la personne de Me [S] ès-qualités, renvoie à ses écritures et sollicite la fixation de ses honoraires conformément à sa demande initiale.
Le conseil des sociétés Odalys Groupe, Voyages Loisirs et M. [M] [U] fait valoir oralement que les fonds détenus en trésorerie par la société Voyages Loisirs lui appartenaient et que le mandataire liquidateur a fourni un travail remarquable, tous les consommateurs, sauf un, ayant pu bénéficier de la prestation de voyage commandée.
Aux termes de son avis du 25 avril 2024, le ministère public reprend les termes de son précédent avis du 7 juillet 2023.
Le conseil de la société SCP BTSG², prise en la personne de Me [S] ès-qualités, a adressé au premier président de la cour d'appel une note en délibéré le 10 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Aux termes de l'article R.663-31 du code de commerce, 'Par dérogation aux dispositions de la présente sous-section, l'entière rémunération du liquidateur est arrêtée en considération des frais engagés et des diligences accomplies par lui, de la complexité de l'affaire, de ses enjeux et des objectifs fixés par l'article L. 640-1, et sans qu'il puisse être fait référence au tarif prévu par la présente sous-section lorsque le total de la rémunération calculée en application de ce tarif excède 75 000 € hors taxes.
Dans le cas prévu au premier alinéa, la rémunération du liquidateur, qui ne peut être inférieure à 75 000 € hors taxes, est arrêtée par le magistrat de la cour d'appel délégué à cette fin par le premier président, sur proposition du juge-commissaire, au vu d'un état de frais et d'un état descriptif des diligences accomplies. Le magistrat délégué recueille au préalable l'avis du ministère public et demande celui du débiteur. Il statue dans un délai de six mois à compter de sa saisine. Sa décision peut être frappée de recours devant le premier président de la cour d'appel par le liquidateur, le débiteur et le ministère public.
L'émolument prévu à l'article R. 663-18 ainsi que les acomptes perçus restent acquis dans la limite du montant arrêté en application des alinéas précédents.'
Le recours formé par la SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], est donc recevable.
Aux termes de la décision contestée, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de taxation présentée par la SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], sur le fondement de l'article R.663-31 du code de commerce, retenant que le calcul de la rémunération en application du barème aboutissait à un montant de 54 420,50 euros, dès lors qu'il convenait de soustraire des sommes constituant la base de calcul au titre tant du recouvrement de l'actif que des répartitions la somme de 1 779 828,39 euros correspondant aux sommes recouvrées auprès des clients au titre du solde des séjours et voyages non encore réalisés et au reversement aux professionnels du tourisme de la somme recouvrée auprès des clients.
La SCP BTSG², prise en la personne de Me [V], fait valoir que les sommes versées par les clients, à titre d'arrhes ou d'acomptes, faisaient partie de l'actif de la liquidation judiciaire.
Au cas d'espèce, aux termes de la requête déposée par le mandataire liquidateur, celui-ci indique qu'au regard de l'activité d'agence de voyages de la société Voyages Loisirs, un certain nombre de clients avaient réservé leur séjour avant le placement de la société en liquidation judiciaire ou étaient débiteurs de la société au titre des sommes non réglées, que, dès l'apparition des difficultés, la société Voyages Loisirs a isolé les acomptes versés par les clients permettant de les identifier afin qu'ils ne soient pas affectés à des créances autres que les créances fournisseurs pour les séjours à venir, que ces sommes ont été affectées sur un compte de tiers de sorte que les fonds n'entrent pas dans le patrimoine de la société Voyages Loisirs, qu'après analyse des éléments, il ressortait 1 247 lignes comptables correspondant aux recettes réalisées par Me [S] au titre des créances clients et aux dépenses réalisées pour assurer le désintéressement des fournisseurs, que le montant total des sommes recouvrées s'élevait à 1 779 828,29 euros et celui des dépenses réalisées à 2 675 307,23 euros.
Si les sommes ont été comptabilisées sur un compte de tiers, il y a lieu cependant de considérer que les sommes versées à titre d'acomptes par les consommateurs n'étaient pas restées leur propriété et étaient rentrées dans le patrimoine de la société en liquidation ; les voyages commandés étaient des actifs de la liquidation, Me [S] ès-qualités ayant exécuté les prestations commandées et recouvré les sommes restant dues par les consommateurs.
Par conséquent, la somme de 1 779 828,39 euros correspondant aux montants recouvrés à la suite de l'exécution des prestations commandées doit être prise en compte dans l'application du barème de rémunération du liquidateur et le calcul du dépassement du plafond.
Il s'ensuit que les actifs recouvrés étant d'un montant de 4 749 845,35 euros et les sommes à répartir dans le cadre de la liquidation de 4 751 135,19 euros, le plafond de 75 000 euros HT au titre des droits proportionnels était dépassé ; le calcul du droit proportionnel sur la réalisation des actifs et des encaissements ou recouvrement de créances et des répartitions s'établit à 95 520,08 euros HT.
Aussi, ce montant étant supérieur à la somme de 75 000 euros HT, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel était compétent pour statuer sur la demande de fixation de la rémunération du mandataire liquidateur.
Sur le bien fondé de la demande de fixation de la rémunération de la SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], il est rappelé que la mission de liquidateur judiciaire de la société Voyages Loisirs est intervenue dans le cadre d'une procédure collective concernant une société spécialisée dans la location de séjours en France, en Espagne et en Italie, la vente de circuits culturels et la revente en Espagne et en France de coffrets Daydreams proposant de courts séjours hôteliers, employant 33 salariés en Ile-de-France, et réalisant un chiffre d'affaires de 4 719 738 euros en 2016.
Les diligences de la SCP BTSG², prise en la personne de Me [V], se sont déroulées de décembre 2016 à avril 2020, soit près de trois ans et demi.
Sur le détail et le volume des interventions de la SCP BTSG², prise en la personne de Me [V], il est justifié par les pièces produites, que le mandataire liquidateur a effectué :
- la constitution d'une cellule liquidative,
- la cession de l'activité 'Daydream' avec émission des appels d'offres correspondants,
- la cession du fonds de commerce de la société liquidée,
- la réalisation des actifs corporels,
- le recouvrement des soldes bancaires, fiscales et d'autres créances,
- l'invitation des créanciers à déclarer leurs créances et la vérification du passif,
- le traitement des créances postérieures,
- la gestion du volet social, la recherche de solutions de reclassement, le suivi des licenciements, ainsi que le suivi de trois contentieux sociaux,
- le traitement de quatre litiges,
- la préparation et l'engagement d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre des dirigeants de la société débitrice.
Sont notamment communiqués des tableaux de synthèse des heures consacrées au dossier avec le taux horaire correspondant au traitement par des assistants juridiques (110 euros HT), collaborateurs (240 euros HT) et associé (350 euros HT). Le nombre total d'heures de travail est évalué à 2 687 heures.
La SCP BTSG², prise en la personne de Me [V], produit un état détaillé de ses interventions.
L'état des honoraires présenté par la SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], a été validé par le juge-commissaire.
La qualité du travail accompli a été reconnu par le débiteur.
Toutefois, il est observé que la cellule liquidative mise en place a été supervisée par la société International Restructuring & Consulting, rémunérée sur les fonds de l'entreprise, laquelle a fourni une aide importante au mandataire liquidateur en comptabilité dans la collecte et la transmission des informations et documents nécessaires à la vérification du passif et la réalisation des actifs.
Par ailleurs, les nombres d'heures indiquées n'apparaissent pas en adéquation avec les prestations réalisées. Ainsi, concernant le traitement du passif, sont comptabilisées 267 heures pour le traitement des contestations de créances, alors que le rappel des diligences du mandataire liquidateur ne fait état que de 44 déclarations de créances forcloses, et 650 heures pour le traitement des créances postérieures. Si les créances postérieures sont évaluées à 943, aucun justificatif suffisant n'est communiqué.
Alors que la société Voyages Loisirs comptait 33 salariés, le poste gestion solde de tout compte est évalué à 74 heures et le poste demandes avances AGS à 83 heures.
Enfin, les diligences générales sont évaluées à 470 heures sans être justifiées.
En conséquence, la rémunération demandée apparaît excessive et il convient de déduire de la somme de 606 028 euros, objet du décompte de la requérante, la somme de 161 909 euros après déduction de 718 heures pour un coût horaire pondéré de 225,5 euros.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance et de fixer la rémunération de la SCP BTSG², prise en la personne de Me [V], à la somme de 444 119 euros.
PAR CES MOTIFS
Infirmons l'ordonnance rendue par le magistrat délégué du premier président de la cour d'appel de Paris le 18 janvier 2024,
Statuant à nouveau :
Arrêtons à la somme de 444 119 euros hors taxes la rémunération de la SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], liquidateur judiciaire de la société Voyages Loisirs.
ORDONNANCE rendue par M. Gilles BUFFET, Conseiller, assisté de Mme Lydia BEZZOU, greffière lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Conseiller
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 7
ORDONNANCE DU 20 OCTOBRE 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/06157 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJFXU
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Janvier 2024 - Cour d'Appel de PARIS - RG n° 23/9559
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Gilles BUFFET, Conseiller, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Lydia BEZZOU, Greffière.
Statuant sur le recours formé par :
DEMANDEUR
BTSG², en la personne de Me [S], es qualite de liquidateur de la société Voyages Loisirs
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Kristell CATTANI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0163 et Par Me [S].
contre
DÉFENDEURS
VOYAGES LOISIRS
[Adresse 3]
[Localité 6]
Monsieur [N] [T], président de Voyages loisirs
[Adresse 4]
[Localité 1]
Monsieur [M] [U], Directeur général de Voyages loisirs
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentés par Me Jean-Paul PETRESCHI, avocat au barreau de Paris, toque : K79
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 08 Septembre 2025 :
Le 20 février 2024, la société SCP BTSG² a formé un recours contre l'ordonnance rendue le 18 janvier 2024 par le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris, statuant en matière de fixation de la rémunération des administrateurs judiciaires, des commissaires à l'exécution des plans et des liquidateurs judiciaires.
Il est justifié que le recours a été dénoncé à l'ensemble des parties au litige principal.
***
Par jugement rendu le 11 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Voyages Loisirs et désigné la société SCP BTSG², en la personne de Me [K] [S], ès-qualités de mandataire judiciaire.
Par jugement rendu par ce tribunal le 21 décembre 2016, ce tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Voyage Loisirs, nommant la SCP BTSG², en la personne de Me [K] [S], ès-qualités de liquidateur avec la mission de gérer les acomptes payés par les clients pour des voyages futurs.
Aux termes d'un avis rendu le 30 mai 2023, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Voyages Loisirs a émis favorable quant à l'arrêté de la rémunération de la SCP BTSG² au titre de sa mission de liquidateur de la société Voyages Loisirs à un montant de 606 028 euros HT.
Aux termes d'un avis rendu le 7 juillet 2023, le ministère public, estimant que le nombre d'heures indiqué dans les tableaux récapitulant les diligences accomplies par chaque personnel n'apparaissait pas en adéquation avec les diligences accomplies dans un dossier qui ne revêtait aucun caractère exceptionnel, que le mandataire liquidateur a été aidé par la cellule liquidative et la supervision de la société IRC rémunérée avec les fonds de l'entreprise, que le recouvrement de l'actif, s'il apparaissait satisfaisant, résultait pour une très large part du simple recouvrement des soldes bancaires et que la rémunération sollicitée représentait 24% du montant de l'actif recouvré, proposait de ramener les émoluments de Me [K] [S] à la somme maximale de 300 000 euros HT.
Par ordonnance du 18 janvier 2024, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de taxation présentée par la société SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Voyages Loisirs sur le fondement de l'article R.663-31 du code de commerce.
Le 20 février 2024, la SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], a formé un recours contre cette décision.
Elle demande au premier président de la cour d'appel d'infirmer cette ordonnance, se déclarer compétent et fixer le montant de la rémunération de Me [S] ès-qualités, au titre de son mandat de liquidateur judiciaire, à la somme de 640 638 euros HT.
Elle fait valoir que la société Voyages Loisirs avait pour activité l'exploitation d'un fonds de commerce d'agence de voyages et que, dans le cadre de son activité, elle sollicitait de ses clients, au moment de la commande, le versement d'une avance sur le prix du voyage, que les sommes concernées entraient dans l'actif de la société Voyages Loisirs et donc dans l'actif de liquidation, les sommes versées à titre d'arrhes ou d'acomptes n'étant pas restées la propriété des consommateurs qui les avaient versées, que c'est de manière impropre que les sommes concernées ont été qualifiées de compte de tiers parce qu'elles ont été comptabilisées ainsi par la société Loisirs Voyages, ces sommes faisant partie de son patrimoine, que Me [S] ès-qualités a exécuté les prestations commandées et recouvré les sommes restant dues par les consommateurs, que c'est donc à tort que le conseiller de la cour d'appel a soustrait la somme de 1 779 828,39 euros correspondant aux sommes recouvrées à la suite de l'exécution de la prestation de voyage commandée par les consommateurs des sommes constituant la base de calcul au dépassement du plafond selon le barème, de sorte qu'il était compétent pour statuer sur la demande de taxe, qu'elle justifie de ses diligences.
A l'audience du 8 septembre 2025, le conseil de la société SCP BTSG², prise en la personne de Me [S] ès-qualités, renvoie à ses écritures et sollicite la fixation de ses honoraires conformément à sa demande initiale.
Le conseil des sociétés Odalys Groupe, Voyages Loisirs et M. [M] [U] fait valoir oralement que les fonds détenus en trésorerie par la société Voyages Loisirs lui appartenaient et que le mandataire liquidateur a fourni un travail remarquable, tous les consommateurs, sauf un, ayant pu bénéficier de la prestation de voyage commandée.
Aux termes de son avis du 25 avril 2024, le ministère public reprend les termes de son précédent avis du 7 juillet 2023.
Le conseil de la société SCP BTSG², prise en la personne de Me [S] ès-qualités, a adressé au premier président de la cour d'appel une note en délibéré le 10 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Aux termes de l'article R.663-31 du code de commerce, 'Par dérogation aux dispositions de la présente sous-section, l'entière rémunération du liquidateur est arrêtée en considération des frais engagés et des diligences accomplies par lui, de la complexité de l'affaire, de ses enjeux et des objectifs fixés par l'article L. 640-1, et sans qu'il puisse être fait référence au tarif prévu par la présente sous-section lorsque le total de la rémunération calculée en application de ce tarif excède 75 000 € hors taxes.
Dans le cas prévu au premier alinéa, la rémunération du liquidateur, qui ne peut être inférieure à 75 000 € hors taxes, est arrêtée par le magistrat de la cour d'appel délégué à cette fin par le premier président, sur proposition du juge-commissaire, au vu d'un état de frais et d'un état descriptif des diligences accomplies. Le magistrat délégué recueille au préalable l'avis du ministère public et demande celui du débiteur. Il statue dans un délai de six mois à compter de sa saisine. Sa décision peut être frappée de recours devant le premier président de la cour d'appel par le liquidateur, le débiteur et le ministère public.
L'émolument prévu à l'article R. 663-18 ainsi que les acomptes perçus restent acquis dans la limite du montant arrêté en application des alinéas précédents.'
Le recours formé par la SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], est donc recevable.
Aux termes de la décision contestée, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de taxation présentée par la SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], sur le fondement de l'article R.663-31 du code de commerce, retenant que le calcul de la rémunération en application du barème aboutissait à un montant de 54 420,50 euros, dès lors qu'il convenait de soustraire des sommes constituant la base de calcul au titre tant du recouvrement de l'actif que des répartitions la somme de 1 779 828,39 euros correspondant aux sommes recouvrées auprès des clients au titre du solde des séjours et voyages non encore réalisés et au reversement aux professionnels du tourisme de la somme recouvrée auprès des clients.
La SCP BTSG², prise en la personne de Me [V], fait valoir que les sommes versées par les clients, à titre d'arrhes ou d'acomptes, faisaient partie de l'actif de la liquidation judiciaire.
Au cas d'espèce, aux termes de la requête déposée par le mandataire liquidateur, celui-ci indique qu'au regard de l'activité d'agence de voyages de la société Voyages Loisirs, un certain nombre de clients avaient réservé leur séjour avant le placement de la société en liquidation judiciaire ou étaient débiteurs de la société au titre des sommes non réglées, que, dès l'apparition des difficultés, la société Voyages Loisirs a isolé les acomptes versés par les clients permettant de les identifier afin qu'ils ne soient pas affectés à des créances autres que les créances fournisseurs pour les séjours à venir, que ces sommes ont été affectées sur un compte de tiers de sorte que les fonds n'entrent pas dans le patrimoine de la société Voyages Loisirs, qu'après analyse des éléments, il ressortait 1 247 lignes comptables correspondant aux recettes réalisées par Me [S] au titre des créances clients et aux dépenses réalisées pour assurer le désintéressement des fournisseurs, que le montant total des sommes recouvrées s'élevait à 1 779 828,29 euros et celui des dépenses réalisées à 2 675 307,23 euros.
Si les sommes ont été comptabilisées sur un compte de tiers, il y a lieu cependant de considérer que les sommes versées à titre d'acomptes par les consommateurs n'étaient pas restées leur propriété et étaient rentrées dans le patrimoine de la société en liquidation ; les voyages commandés étaient des actifs de la liquidation, Me [S] ès-qualités ayant exécuté les prestations commandées et recouvré les sommes restant dues par les consommateurs.
Par conséquent, la somme de 1 779 828,39 euros correspondant aux montants recouvrés à la suite de l'exécution des prestations commandées doit être prise en compte dans l'application du barème de rémunération du liquidateur et le calcul du dépassement du plafond.
Il s'ensuit que les actifs recouvrés étant d'un montant de 4 749 845,35 euros et les sommes à répartir dans le cadre de la liquidation de 4 751 135,19 euros, le plafond de 75 000 euros HT au titre des droits proportionnels était dépassé ; le calcul du droit proportionnel sur la réalisation des actifs et des encaissements ou recouvrement de créances et des répartitions s'établit à 95 520,08 euros HT.
Aussi, ce montant étant supérieur à la somme de 75 000 euros HT, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel était compétent pour statuer sur la demande de fixation de la rémunération du mandataire liquidateur.
Sur le bien fondé de la demande de fixation de la rémunération de la SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], il est rappelé que la mission de liquidateur judiciaire de la société Voyages Loisirs est intervenue dans le cadre d'une procédure collective concernant une société spécialisée dans la location de séjours en France, en Espagne et en Italie, la vente de circuits culturels et la revente en Espagne et en France de coffrets Daydreams proposant de courts séjours hôteliers, employant 33 salariés en Ile-de-France, et réalisant un chiffre d'affaires de 4 719 738 euros en 2016.
Les diligences de la SCP BTSG², prise en la personne de Me [V], se sont déroulées de décembre 2016 à avril 2020, soit près de trois ans et demi.
Sur le détail et le volume des interventions de la SCP BTSG², prise en la personne de Me [V], il est justifié par les pièces produites, que le mandataire liquidateur a effectué :
- la constitution d'une cellule liquidative,
- la cession de l'activité 'Daydream' avec émission des appels d'offres correspondants,
- la cession du fonds de commerce de la société liquidée,
- la réalisation des actifs corporels,
- le recouvrement des soldes bancaires, fiscales et d'autres créances,
- l'invitation des créanciers à déclarer leurs créances et la vérification du passif,
- le traitement des créances postérieures,
- la gestion du volet social, la recherche de solutions de reclassement, le suivi des licenciements, ainsi que le suivi de trois contentieux sociaux,
- le traitement de quatre litiges,
- la préparation et l'engagement d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre des dirigeants de la société débitrice.
Sont notamment communiqués des tableaux de synthèse des heures consacrées au dossier avec le taux horaire correspondant au traitement par des assistants juridiques (110 euros HT), collaborateurs (240 euros HT) et associé (350 euros HT). Le nombre total d'heures de travail est évalué à 2 687 heures.
La SCP BTSG², prise en la personne de Me [V], produit un état détaillé de ses interventions.
L'état des honoraires présenté par la SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], a été validé par le juge-commissaire.
La qualité du travail accompli a été reconnu par le débiteur.
Toutefois, il est observé que la cellule liquidative mise en place a été supervisée par la société International Restructuring & Consulting, rémunérée sur les fonds de l'entreprise, laquelle a fourni une aide importante au mandataire liquidateur en comptabilité dans la collecte et la transmission des informations et documents nécessaires à la vérification du passif et la réalisation des actifs.
Par ailleurs, les nombres d'heures indiquées n'apparaissent pas en adéquation avec les prestations réalisées. Ainsi, concernant le traitement du passif, sont comptabilisées 267 heures pour le traitement des contestations de créances, alors que le rappel des diligences du mandataire liquidateur ne fait état que de 44 déclarations de créances forcloses, et 650 heures pour le traitement des créances postérieures. Si les créances postérieures sont évaluées à 943, aucun justificatif suffisant n'est communiqué.
Alors que la société Voyages Loisirs comptait 33 salariés, le poste gestion solde de tout compte est évalué à 74 heures et le poste demandes avances AGS à 83 heures.
Enfin, les diligences générales sont évaluées à 470 heures sans être justifiées.
En conséquence, la rémunération demandée apparaît excessive et il convient de déduire de la somme de 606 028 euros, objet du décompte de la requérante, la somme de 161 909 euros après déduction de 718 heures pour un coût horaire pondéré de 225,5 euros.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance et de fixer la rémunération de la SCP BTSG², prise en la personne de Me [V], à la somme de 444 119 euros.
PAR CES MOTIFS
Infirmons l'ordonnance rendue par le magistrat délégué du premier président de la cour d'appel de Paris le 18 janvier 2024,
Statuant à nouveau :
Arrêtons à la somme de 444 119 euros hors taxes la rémunération de la SCP BTSG², prise en la personne de Me [S], liquidateur judiciaire de la société Voyages Loisirs.
ORDONNANCE rendue par M. Gilles BUFFET, Conseiller, assisté de Mme Lydia BEZZOU, greffière lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Conseiller