CA Bordeaux, 4e ch. com., 20 octobre 2025, n° 23/05511
BORDEAUX
Autre
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Volkswagen Group Automotive Retail France (SAS), Volkswagen Group France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franco
Conseillers :
Mme Masson, Mme Vallée
Avocats :
Me Silva, Me Nadaud, Me Ratajczak, Vogel & Vogel
EXPOSE DU LITIGE
1. La société Volkswagen Group France est à la tête d'un réseau de distribution et de réparation agréées des marques Seat, Audi, Skoda et Volkswagen véhicules utilitaires en France.
La société Bab Utilitaires, radiée du Registre du commerce et des sociétés depuis le 28 février 2018, avait pour activité l'entretien et la réparation de véhicules automobiles légers.
Par contrats conclus respectivement les 05 janvier 2004 et 20 janvier 2004, la société Bab Utilitaires s'est vue confier les prestations de distributeur puis réparateur agréé du constructeur Volkswagen dans les Pyrénées Atlantiques.
A l'issue d'un processus d'audit de surveillance tendant à vérifier le respect par le réparateur agréé des standards qualitatifs de la marque Volkswagen, la société Volkswagen Group France a, par lettre recommandé du 19 mars 2015 avec accusé de réception signé le 31 mars 2015, notifié à la société Bab Utilitaires la résiliation extraordinaire du contrat de réparateur agréé avec effet immédiat.
Par ailleurs, par courrier recommandé du 08 avril 2015 avec accusé de réception, la société Volkswagen Group France a notifié à la société Bab Utilitaires la résiliation de son contrat de distributeur agréé avec un préavis de 24 mois 'en raison de ses mauvaises performances commerciales récurrentes depuis maintenant 4 années et l'absence d'une quelconque perspective d'amélioration'.
2. Après avoir demandé à la société Volkswagen Group France de reconsidérer la résiliation du contrat de réparateur agréé dans un courrier du 12 avril 2015, la société Bab Utilitaires a assigné cette dernière en référé devant le président du tribunal de commerce de Bordeaux afin de solliciter l'autorisation de poursuivre son activité. Par ordonnance de du 05 mai 2015, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a débouté la société Bab Utilitaires au motif qu'aucun dommage imminent n'était caractérisé.
Par jugement du 09 décembre 2015, le tribunal de commerce de Bordeaux a placé la société Bab Utilitaires en liquidation judiciaire et désigné la SCP [U]-Baujet en qualité de liquidateur. Par jugement du 22 février 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a procédé à la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs.
Par jugement du 04 décembre 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a ordonné la reprise de la procédure de liquidation judiciaire pour permettre à la SCP [U]-Baujet ès qualités d'introduire la présente instance.
3. C'est dans ces conditions que par actes des 16 mars 2020 et 10 novembre 2020, la SCP [U]-Baujet ès qualités, a assigné respectivement la société Volkswagen Group Automotive Retail France et la société Volkswagen Group France devant le tribunal de commerce de Bordeaux, au visa des articles L. 442-6-1-5° du code de commerce (devenu L. 442-1 II) et 1240 du code civil, en indemnisation de ses préjudices du fait de la rupture brutale et abusive de la relation commerciale.
4. Par jugement du 6 novembre 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- Joint les affaires enrôlées sous les numéros RG 2020F00349 et 2020F01120,
- Débouté la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur de la société Bab Utilitaires SARL de l'ensemble de ses demandes,
- Condamné la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur de la société Bab Utilitaires SARL à payer aux sociétés Volkswagen Group Automotive Retail France SA et Volkswagen Group France SA la somme de 1 500 euros chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur de la société Bab Utilitaires SARL aux dépens dont distraction au profit de la SELARL Millesime Avocats pour ceux avancés au profit des sociétés Volkswagen Group Automotive Retail France SA et Volkswagen Group France SA,
- Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.
5. Par déclaration au greffe du 05 décembre 2023, la société Bab Utilitaires prise en la personne de la SCP [U]-Baujet, ès qualité de liquidateur judiciaire, a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la société Volkswagen Group Automotive Retail France et la société Volkswagen Group France.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
6. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 23 juillet 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Bab Utilitaires prise en la personne de la SCP [U]-Baujet, ès qualité de liquidateur judiciaire, demande à la cour de :
Vu les articles L. 442-6-I-5 du code de commerce,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu les articles 514 et 700 du code de procédure civile,
- Recevoir la société Bab Utilitaires prise en la personne de la SCP [U]-Baujet ès qualités de liquidateur judiciaire en son action et l'y déclarer bien fondée,
En conséquence,
- Infirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a débouté la société Bab Utilitaires des demandes dirigées à l'encontre des sociétés Volkswagen Group Automotive Retail France et Volkswagen Group France, et l'a condamnée au titre des frais irrépétibles,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a déclaré l'action de la société Bab Utilitaires recevable tant à l'égard de la société Volkswagen Group Automotive Retail France que Volkswagen Group France,
Statuant de nouveau,
- Dire et juger que la résiliation des contrats prononcée par les sociétés Volkswagen Group Automotive Retail France et Volkswagen Group France est abusive,
- Condamner solidairement la société Volkswagen Group Automotive Retail France et la société Volkswagen Group France à régler la somme de 355 896,67 euros à la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Bab Utilitaires au titre du gain manqué par la résiliation du contrat de réparateur agréé,
- Condamner solidairement la société Volkswagen Group Automotive Retail France et la société Volkswagen Group France à régler la somme de 376 900 euros à la SCP Silvetsri-Baujet ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Bab Utilitaires à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par sa perte de chiffre d'affaires sur son activité de concessionnaire,
En tout état de cause,
- Débouter les sociétés Volkswagen Group Automotive Retail France et Volkswagen Group France de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- Condamner la société Volkswagen Group Automotive Retail France et la société Volkswagen Group France à régler la somme de 12 000 euros à la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Bab Utilitaires au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
7. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 04 août 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Volkswagen Group Automotive Retail France demande à la cour de :
Vu les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile,
Vu les articles 1103 du code civil et L. 442-6, I, 5° du code de commerce,
A titre principal :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a dit recevable l'action dirigée par la SCP [U]-Baujet ès qualités à l'encontre de la société Volkswagen Group Automotive Retail France,
Statuant à nouveau,
- Déclarer irrecevable l'action dirigée par la SCP [U]-Baujet ès qualités à l'encontre de la société Volkswagen Group Automotive Retail France,
- Confirmer le jugement pour le surplus.
A titre subsidiaire, si l'action devait être déclarée recevable :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCP [U]-Baujet ès qualités de liquidateur de la société Bab Utilitaires de l'ensemble de ses demandes,
En tout état de cause :
- Débouter la SCP [U]-Baujet ès qualités de l'ensemble de ses moyens, fins et demandes formés à l'encontre de la société Volkswagen Group Automotive Retail France,
- Condamner la société Bab Utilitaires, prise en la personne de la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur judiciaire, à verser à la société Volkswagen Group Automotive Retail France la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Bab Utilitaires, prise en la personne de la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur judiciaire, aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Millesime Avocats en application de l'article 699 du code de procédure civile.
8. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 4 août 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Volkswagen Group France demande à la cour de :
Vu les articles 331 et 367du code de procédure civile,
Vu l'article L. 110-4 du code de commerce,
Vu l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période,
A titre principal :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'action engagée le 20 novembre 2020 par la SCP [U]-Baujet ès qualité à l'encontre de la société Volkswagen Group France est recevable,
Statuant à nouveau,
- Déclarer irrecevable l'action dirigée par la SCP [U]-Baujet ès qualités à l'encontre de la société Volkswagen Group France,
- Confirmer le jugement pour le surplus.
A titre subsidiaire, si l'action devait être déclarée recevable :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCP [U]-Baujet ès qualités de liquidateur de la société Bab Utilitaires de l'ensemble de ses demandes,
En tout état de cause :
- Débouter la SCP [U]-Baujet ès qualités de l'ensemble de ses moyens, fins et demandes formés à l'encontre de la société Volkswagen Group France,
- Condamner la société Bab Utilitaires, prise en la personne de la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur judiciaire, à verser à la société Volkswagen Group France la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Bab Utilitaires, prise en la personne de la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur judiciaire, aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Millesime Avocats en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.
9. L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er septembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la recevabilité des demandes formées par la société Bab Utilitaires
A- Sur la recevabilité des demandes à l'encontre de la société Volkswagen Group Automotive Retail France (VGARF)
Moyens des parties
10. La société VGARF sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action introduite à son encontre recevable, faisant valoir, en substance, qu'il résulte du traité d'apport partiel d'actifs en date du 24 octobre 2017 que la société VGARF, société apporteuse, n'est pas débitrice solidaire des éventuelles dettes transmises à la société bénéficiaire, Volkswagen Group France, seule société intéressée à la présente procédure.
11. La SCP [U] Baujet, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Bab Utilitaires, conclut à la confirmation du jugement sur ce point, faisant valoir, au visa des articles 1330 du code civil et L. 236-20 du code de commerce, que la transmission universelle attachée à l'apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions ne libère pas de plein droit la société apporteuse, qui reste solidairement obligée au côté de la société bénéficiaire au paiement des dettes attachées à la branche d'activité transmise.
Réponse de la cour
12. Aux termes de l'article L. 236-3 du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige :
'La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération (...)'.
En vertu de l'article L. 236-20 du même code, dans sa version applicable à l'espèce :
' Les sociétés bénéficiaires des apports résultant de la scission sont débitrices solidaires des obligataires et des créanciers non obligataires de la société scindée, au lieu et place de celle-ci sans que cette substitution emporte novation à leur égard.'
Suivant l'article L. 236-21 :
'Par dérogation aux dispositions de l'article L. 226-87, il peut être stipulé que les sociétés bénéficiaires de la scission ne seront tenues que de la partie du passif de la société scindée mise à la charge respective et sans solidarité entre elles.
En ce cas, les créanciers non obligataires des sociétés participantes peuvent former opposition à la scission dans les conditions et sous les effets prévus aux alinéas deuxième et suivants de l'article L. 236-14".
L'article L. 236-22 dispose :
'La société qui apporte une partie de son actif à une autre société et la société qui bénéficie de cet apport peuvent décider d'un commun accord de soumettre l'opération aux dispositions des articles L. 236-16 à L. 236-21".
13. Il est admis qu'à la différence d'une fusion ou d'une scission, l'apport partiel d'actif s'analyse en un apport en nature de biens particuliers ou d'un ensemble de biens, n'entraînant pas en principe transmission universelle d'une partie de son patrimoine, à moins que les sociétés apporteuse et bénéficiaire aient décidé, lorsqu'elles en ont la faculté, de soumettre l'opération au droit commun des scissions.
Il est également admis que l'apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions emporte, à l'image de celles-ci, transmission universelle du patrimoine pour la branche d'activité faisant l'objet de l'apport (Cass. Com., 15 mars 1994, pourvoi n° 91-20.334 ; Cass. Civ. 3, 30 avril 2003, pourvoi n° 01-16.697 ; Cass. Com., 4 février 2004, pourvoi n° 00-13.501).
Toutefois, il a été jugé, au visa des articles L. 236-20 et L. 236-21 du code de commerce que, sauf dérogation prévue dans le traité d'apport, en cas d'apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions, la société apporteuse reste solidairement obligée avec la société bénéficiaire au paiement des dettes transmises à cette dernière (Cass. Com., 12 décembre 2006, pourvoi n° 05-15.619 ; Cass. Civ. 2, 19 février 2009, pourvoi n°05-22.044; Cass. Com., 8 février 2011, pourvoi n° 10-12.273).
Enfin, si la solidarité peut être écartée par une stipulation du traité d'apport, les créanciers peuvent, dans ce cas, former opposition à une opération qui a pour effet de réduire l'assiette de leur gage.
14. En l'espèce, par un traité d'apport partiel d'actifs en date du 24 octobre 2017, déposé au RCS le 26 octobre 2017 et publié au BODACC le 30 octobre 2017, la société Volkswagen Group Automotive Retail France (VGARF), alors dénommée Volkswagen Group france, a transféré à la société Volkswagen Group France II, devenue plus tard la nouvelle société Volkswagen Group France (VGF), la branche complète et autonome d'activité d'importation et de vente d'automobiles, de camions, de moteurs et de tout matériel industriel s'y rapportant directement ou indirectement, ainsi que des pièces détachées et accessoires des marques appartenant au Groupe Volkswagen.
Cet apport partiel d'actifs a été soumis au régime juridique des scissions (article 2 du traité).
L'article 6.1 du traité stipule que : 'L'application du régime juridique des scissions emporte transmission universelle à la société bénéficiaire de tous les droits, biens et obligations de la société apporteuse pour la branche d'activité faisant l'objet de l'apport'.
15. Les dettes de la société VGARF relatives notamment à l'activité d'importation et de vente d'automobiles et de camions, ainsi que des pièces détachées et accessoires, ont ainsi été transférées à la société VGF.
Or, les services de distribution de pièces d'origine Volkswagen et d'exécution des services d'entretien et de réparation, objets du contrat de réparateur agréé de la société Bab Utilitaires, sont indissociables de la branche d'activité de vente de pièces détachées et d'accessoires apportée par la société VGARF à la société VGF.
16. En outre, il ressort du traité d'apport partiel d'actifs que la société VGARF, société apporteuse, n'est pas débitrice solidaire des éventuelles dettes transmises à la société bénéficiaire VGF, l'article 2 du traité prévoyant expressément que 'la société apporteuse ne restera pas débitrice solidaire des dettes transmises par elle à la société bénéficiaire.'
17. Dès lors qu'il n'est ni invoqué ni démontré que la société Bab Utilitaires a formé opposition à l'opération d'apport partiel d'actifs, il résulte de ce qui précède que la société VGF a acquis, aux lieu et place de la société VGARF à laquelle elle se trouve substituée, la qualité de partie pour défendre à l'instance engagée par la société Bab Utilitaires.
18. En conséquence, il convient, en application de l'article 32 du code de procédure civile, de déclarer irrecevables les demandes formées par la société Bab Utilitaires à l'encontre de la société Volkswagen Group Automotive Retail France (VGARF), le jugement déféré étant infirmé de ce chef.
B- Sur la recevabilité des demandes à l'encontre de la société Volkswagen Group France (VGF)
Moyens des parties
19. La société Volkswagen Group France (VGF) critique le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action en responsabilité formée à son encontre, faisant valoir que les demandes de la SCP [U] Baujet ès qualités sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies dans le cadre de l'instance engagée par l'assignation du 10 novembre 2020, sont prescrites. Elle relève que le point de départ du délai de prescription est en l'espèce le 19 mars 2015, date de rupture du contrat de réparateur agréé, et que compte tenu de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, la société Bab Utilitaires avait jusqu'au 23 août 2020 pour agir. Elle soutient que le délai de prescription n'a été ni suspendu ni interrompu.
20. La SCP [U] Baujet, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Bab Utilitaires, conclut à la confirmation du jugement sur ce point, faisant valoir que le point de départ de la prescription court à compter de la connaissance par le demandeur des faits lui permettant d'exercer ses droits ; qu'il ne ressort en aucun cas de l'extrait Kbis de la société Volkswagen Group Automotive Retail France (VGARF) que cette dernière avait cédé à la société Volkswagen Group France (VGF) la branche d'activité 'd'importation et de vente d'automobiles, de camions, de moteurs et de tous matériels industriels s'y rapportant directement ou indirectement', de sorte qu'elle ne pouvait avoir connaissance de l'apport partiel d'actif conclu au profit de la société VGF. Elle précise que le délai de prescription a en outre été suspendu entre le 24 juillet et le 4 décembre 2019, période de 4 mois et 10 jours au cours de laquelle a été introduite une requête aux fins de réouverture des opération de liquidation judiciaire, soit jusqu'au 02 janvier 2021. Enfin, elle ajoute que la société Volkswagen Group France (VGF) est codébitrice solidaire de la société Volkswagen Group Automotive Retail France (VGARF) au sens des articles L. 236-20 du code de commerce et 2245 du code civil. Elle en déduit que l'action engagée par elle le 20 novembre 2020 à l'encontre de la société Volkswagen Group France (VGF) est bien recevable.
Réponse de la cour
21. L'action en responsabilité fondée sur l'ancien article L. 442-6, 5° du code de commerce, relative à la rupture brutale de la relation commerciale établie, est soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce selon lequel 'I.-Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.'
Il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le point de départ du délai de prescription quinquennale d'une action en réparation de la brutalité d'une rupture de relation commerciale établie est le jour où celui qui s'en prétend victime, a été avisé de la rupture.
22. En l'espèce, le courrier de rupture du contrat de réparateur agréé a été reçu par la société Bab Utilitaires le 31 mars 2015. Le délai quinquennal de prescription de l'action en réparation du préjudice subi du fait de cette rupture a donc couru à compter de cette date.
23. L'appelante ne peut valablement soutenir qu'elle ignorait l'existence du traité d'apport partiel d'actifs en date du 24 octobre 2017 alors qu'en application de l'article 2224 précité du code civil, elle aurait dû avoir connaissance de cette opération soumise à un régime de publicité légale.
24. Elle n'est pas davantage fondée à invoquer l'effet interruptif de prescription de sa demande en référé, introduite par acte du 22 avril 2015, dès lors que celle-ci a été définitivement rejetée par décision du 05 mai 2015 du président du tribunal de commerce de Bordeaux.
25. Est également inopérant le moyen selon lequel le délai de prescription aurait été interrompu par l'assignation adressée le 16 mars 2020 à la société VGARF, dès lors qu'il a été jugé ci-avant que cette dernière n'est pas co-débitrice solidaire de la société VGF, le traité d'apport partiel d'actifs excluant expressément la solidarité de la société apporteuse (VGARF) au titre du passif attaché à la branche d'activité transmise à la société bénéficiaire (VGF).
26. Enfin, s'il est exact qu'en application de l'article 2234 du code civil, le délai de prescription a été suspendu à compter du 24 juillet 2019, date à laquelle la SCP [U]-Baujet, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Bab Utilitaires, a introduit une requête aux fins de voir ordonner la réouverture des opérations de liquidation judiciaire pour lui permettre d'intenter la présente action, jusqu'au 04 décembre 2019, date à laquelle le tribunal de commerce a ordonné cette reprise, soit pendant une période de 4 mois et 11 jours au cours de laquelle l'appelante était dans l'impossibilité d'agir, il n'en demeure pas moins qu'au 04 décembre 2019, date à laquelle la suspension de la prescription a cessé, il restait à la SCP [U]-Baujet ès qualités, 8 mois et 6 jours pour agir à l'encontre de la société VGF, soit jusqu'au 10 août 2020.
27. Or, l'action n'ayant été engagée par la SCP [U]-Baujet ès qualités à l'encontre de la société VGF que le 10 novembre 2020, ses demandes sont irrecevables comme prescrites.
28. La décision déféré est par voie de conséquence infirmée de ce chef.
II- Sur les dépens et les frais irrépétibles
29. Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
30. Succombant en son recours, la société Bab Utilitaires, prise en la personne de la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur judiciaire, supportera les dépens d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Millesime Avocats en application de l'article 699 du code de procédure civile, et sera équitablement condamnée à payer à chacune des intimées la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau dans cette limite,
Déclare irrecevable l'action formée par la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Bab Utilitaires à l'encontre de la société Volkswagen Group Automobile Retail France,
Déclare irrecevable l'action formée par la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Bab Utilitaires à l'encontre de la société Volkswagen Group France,
Condamne la société Bab Utilitaires, prise en la personne de la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur judiciaire, à payer à la société Volkswagen Group France et la société Volkswagen Group Automobile Retail France, la somme, à chacune, de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Bab Utilitaires, prise en la personne de la SCP [U]-Baujet ès qualité de liquidateur judiciaire, aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Millesime Avocats en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.