CA Versailles, ch. soc. 4-3, 20 octobre 2025, n° 23/00799
VERSAILLES
Autre
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
Chambre sociale 4-3
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 OCTOBRE 2025
N° RG 23/00799
N° Portalis DBV3-V-B7H-VYA5
AFFAIRE :
[Y] [G]
C/
[T] [K]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu
le 08 Décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
N° Section : C
N° RG : F 21/000434
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Marion LAROCHE
Me Jocelyne DULAC
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [Y] [G]
né le 13 Décembre 1955 à [Localité 6]
nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Marion LAROCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R268
APPELANT
****************
Monsieur [T] [K]
né le 10 Mars 1954 à [Localité 10]
nationalité française
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentant : Me Jocelyne DULAC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1541
Société CAVE BORDELAISE
N° SIRET : 327 059 408
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Jocelyne DULAC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1541
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Présidente,
Madame Anne DUVAL, Conseillère,
Monsieur Hervé HENRION, Conseiller chargé du secrétariat général,
Greffière en pré affectation lors des débats : Meriem EL FAQIR
FAITS ET PROCÉDURE
La société Cave bordelaise est une SARL immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Libourne.
La société Cave bordelaise avait pour activité l'achat et la revente de vins fins et exploite un fonds de commerce à [Localité 12]. Le fonds de commerce a été cédé le 29 mai 2015 à la SARL les Caves de [Localité 7] Elle est sans activité depuis le 9 janvier 2018.
Elle emploie moins de 11 salariés.
Le 2 juin 2009, M. [Y] [G] a été engagé par La société Cave bordelaise, en qualité de Responsable magasin à compter du 2 juin 2009.
Trois contrats de travail à durée indéterminée sont produits et une discussion est engagée sur ces conventions :
Le premier contrat de travail prévoyait une durée hebdomadaire de travail de 26 heures ainsi qu'une rémunération mensuelle brut fixée à 1 625,83 euros avec une répartition du temps de travail du mardi au vendredi, de 10h à 12h puis de 15h à 18h et le samedi, de 10h à 12h et de 15h à 19h.
Le deuxième contrat de travail prévoyait la même durée hebdomadaire de travail et rémunération mensuelle brut que le premier mais avec une répartition du temps de travail différente, du mardi au vendredi 10h30 à 12h30 puis de 16h30 à 19h30 et le samedi de 10h à 12h30 et de 16h à 19h30.
Le dernier contrat de travail prévoyait une durée hebdomadaire de travail de 40 heures ainsi qu'une rémunération de 1 556,98 euros, avec une répartition du temps de travail, du mardi au samedi de 9h30 à 13h et de 15h à 19h30.
D'après les bulletins de salaire, au dernier état de la relation de travail, M.[G] exerçait les fonctions de Responsable magasin dans le cadre d'une durée du travail de 112,67 heures mensuelle soit 26 heures hebdomadaires et percevait un salaire moyen brut de 1 690,05 euros par mois.
La relation contractuelle était régie par les dispositions de la convention collective nationale des vins, cidres, jus de fruits, spiritueux et liqueurs de France (IDCC 493).
Le 15 octobre 1998, M. [G] a été reconnu travailleur handicapé classé en catégorie B pour une durée de cinq ans, soit jusqu'au 15 octobre 2003.
Le 2 juillet 2009 lors de la visite d'embauche, M. [G] a été déclaré apte par la médecine du travail dans son emploi de Responsable magasin avec une limitation sur le port de charge.
Le 2 juin 2010 lors d'une visite de reprise, la médecine du travail a déclaré M. [G] apte dans son emploi en préconisant un port de charge maximale de 10 kilogrammes. En 2012, la condition ne figurait plus sur les avis médicaux et l'aptitude est sans réserve.
Après l'échec d'une tentative de rupture conventionnelle, par courrier remis en main propre contre décharge en date du 10 juin 2015, La société Cave bordelaise a convoqué M. [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
L'entretien s'est tenu le 17 juin 2015.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 juin 2015, La société Cave bordelaise a notifié à M. [G] son licenciement pour motif économique, en ces termes :
« Suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé le 17 Juin 2015, nous vous informons que nous sommes contraints de poursuivre notre projet de licenciement économique vous concernant.
Par la présente, nous avons donc le regret de vous notifier votre licenciement pour motif économique.
Les motifs économiques de cette décision, que nous vous avons exposés lors de l'entretien préalable, sont les suivants :
Comme vous savez nous avons cessé l'activité au sein de notre magasin de [Localité 12], auquel vous étiez affecté en qualité de responsable de magasin. De ce fait votre emploi a été supprimé. Nous avons dès lors effectué une recherche de reclassement au sein de notre autre magasin situé à [Localité 9].
Mais il s'avère qu'il n'existe pas de poste au sein de ce magasin qui puisse vous être proposé. En effet ce magasin est tenu par un autre salarié travaillant à temps plein et il n'existe aucun besoin de personnel complémentaire sur ce site.
En égard à cette absence de possibilité de reclassement, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique.
Au cours de l'entretien préalable au licenciement, qui s'est tenu le 17 Juin 2015, nous vous avons exposé les motifs nous conduisant à envisager votre licenciement.
En cette occasion et en application des dispositions des articles L. 1233-65 et suivants du code du travail, nous vous avons également indiqué que vous avez la faculté d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) destiné à favoriser votre reclassement. Pour vous permettre de bénéficier de ce dispositif, nous vous avons remis contre récépissé, un dossier contenant une notice d'information sur le contrat de sécurisation professionnelle, ainsi qu'un bulletin d'acceptation.
Comme cela vous a été précisé, le délai de réflexion qui vous est imparti pour demander ou non le bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle, en nous retournant dûment complété le bulletin d'acceptation, est de 21 jours à compter de la remise de ces documents, soit jusqu'au 8 juillet 2015 au soir. A défaut de réponse dans ce délai, vous serez réputé avoir refusé le contrat de sécurisation professionnelle.
En cas d'adhésion au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle, votre contrat sera rompu d'un commun accord, à l'expiration du délai de réflexion de 21 jours auquel il est fait référence ci-dessus. La présente notification sera alors sans objet.
Vous bénéficierez, après la rupture de votre contrat de travail, d'actions d'accompagnement, d'évaluations des compétences, et de formation.
En cas de refus d'adhérer au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle, la présente vaudra notification de votre licenciement pour motif économique, dont le préavis, d'une durée de deux mois, commencera à courir à compter des présentes.
Par ailleurs, l'article L. 1233-45 du code du travail vous ouvre droit à une priorité de réembauchage pendant une durée d'un an à compter de la rupture de votre contrat de travail, à condition que vous manifestiez le désir d'user de cette priorité à l'intérieur de ce délai. Cette priorité de réembauchage s'applique en principe à tout emploi qui deviendrait disponible et serait compatible avec votre qualification actuelle ou avec celle que vous pourriez acquérir ultérieurement et dont vous nous informeriez.
Nous vous informons également qu'en application de l'article L. 1235-7 du code du travail, le délai de douze mois pendant lequel vous pourrez user de la faculté d'exercer votre droit individuel à contester la régularité ou la validité de votre licenciement commencera à courir à compter de la présente notification de licenciement. »
Par requête introductive reçue au greffe en date du 14 juin 2018, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles d'une demande tendant à ce que son contrat de travail à temps partiel soit requalifié en contrat de travail à temps plein et obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires.
Par jugement rendu le 8 décembre 2022, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Versailles a :
- Dit que les demandes de M. [G] sont recevables et non prescrites ;
- Fixe la moyenne des salaires de M. [G] à 1 690,05 euros (mille six cent quatre-vingt-dix euros et cinq centimes) ;
- Dit que M. [G] était en contrat de travail à temps partiel ;
- Dit qu'il n'y a pas lieu à requalifier le contrat de travail de M. [G] à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;
- Déboute M. [G] des demandes suivantes : demande de requalification à temps complet, rappel de salaire concernant l'indemnité de requalification outre les congés payés, le paiement de la gratification de la prime exceptionnelle, les dommages et intérêts quant aux manquements de son employeur lié à l'obligation de loyauté ;
- Dit que le conseil part en départage concernant toutes les autres demandes ;
- Dit que le conseil part en départage concernant les demandes reconventionnelles ;
- Renvoyé les parties pour le surplus des demandes à l'audience du juge départiteur le mardi 7 mars 2023 à 11 heures salle d'audience numéro F au premier étage ;
' Dit que la notification de la présente décision vaut convocations des parties à l'audience de départage.
Par un jugement du le 4 avril 2023, le conseil des prud'hommes de [Localité 11] statuant en départage a :
- Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 10 février 2022 ;
- Mis hors de cause M. [K] ;
- Débouté M. [G] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, du travail dissimulé et de l'obligation de sécurité ;
- Dit n'y avoir lieu à prononcer une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [G] aux entiers dépens ;
- Dit n'y avoir à exécution provisoire de la décision.
Par déclaration d'appel reçue au greffe le 3 janvier 2023, M. [G] a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.
En raison de l'incompétence de la cour d'appel de Paris, M. [G] a régularisé son recours devant la cour d'appel de Versailles par une déclaration d'appel en date du 24 mars 2023 avant de se désister de l'instance parisienne.
Par déclaration d'appel reçue au greffe le 17 avril 2023, M. [G] a interjeté appel devant la cour d'appel de Versailles de ce jugement.
La jonction des deux procédures d'appel a été ordonné.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 avril 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA, le 13 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [G], appelante, demande à la cour de :
- Confirmer les jugements en ce qu'ils ont :
. Mis hors de cause M. [K] ;
. Dit n'y avoir lieu à prononcer une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- Infirmer les jugements en ce qu'ils ont :
. Fixé la moyenne des salaires de M. [G] à 1 690,05 euros ;
. Dit que M. [G] était en contrat de travail à temps partiel ;
. Dit qu'il n'y a pas lieu à requalifier le contrat de travail de M. [G] à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;
. Débouté M. [G] des demandes suivantes : demande de requalification à temps complet, rappel de salaire concernant l'indemnité de requalification outre les congés payés, le paiement de la gratification de la prime exceptionnelle, les dommages et intérêts quant aux manquements de son employeur lié à l'obligation de loyauté ;
. Débouté M. [G] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, du travail dissimulé et de l'obligation de sécurité ;
Y faisant droit et statuant à nouveau :
- Fixer le salaire mensuel de référence de M. [G] à la somme de 4 190 euros brut (calculée sur la base d'un temps plein avec les heures supplémentaires).
Au titre de la relation de travail à titre principal :
- Prononcer la requalification du contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein.
Au titre de la relation de travail à titre subsidiaire si la Cour de céans devait juger que le contrat de travail est un contrat à temps partiel, alors il lui sera demandée de :
- Déclarer que les heures complémentaires réalisées dépassent très largement la durée légale hebdomadaire ;
- Ainsi de prononcer la requalification du contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein.
En conséquence et en tout état de cause :
- Condamner La société Cave bordelaise au paiement des sommes suivantes :
. Rappels de salaires : 21 043,80 euros ;
. Congés payés afférents : 2 104,38 euros ;
. Heures supplémentaires : 68 977,00 euros ;
. Congés payés afférents : 6 897,00 euros ;
. Repos compensateurs : 20 498,00 euros ;
. Congés payés afférents : 2 049,00 euros ;
. Travail dissimulé : 50 280,00 euros ;
. Primes exceptionnelles : 3 620,00 euros.
- Condamner La société Cave bordelaise au titre du manquement à l'obligation de sécurité à verser à M. [G] la somme de 25 140,00 euros ;
- Condamner La société Cave bordelaise au titre du manquement à l'obligation de loyauté à verser à M. [G] la somme de 2 000,00 euros ;
- Condamner La société Cave bordelaise à verser à M. [G] la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;
- Ordonner l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civil.
Et enfin,
- Condamner La société Cave bordelaise à verser à M. [G] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 25 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, La société Cave bordelaise, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du 8 décembre 2022 du conseil des prud'hommes de [Localité 11] en ce qu'il
a :
. Fixé la moyenne des salaires de M. [G] à la somme de 1 690,05 euros,
. Dit que M. [G] était en contrat de travail à temps partiel,
. Dit qu'il n'y a pas lieu de requalifier le contrat de travail de M. [G] à temps partiel en contrat de travail à temps plein,
. Débouté M. [G] des demandes suivantes :
. Demande de requalification à temps complet ;
. Rappel de salaire concernant l'indemnité de requalification outre les congés payés ;
. Le paiement de la gratification de la prime exceptionnelle ;
. Les dommages et intérêts quant aux manquements de son employeur lié à l'obligation de loyauté,
Y faisant droit et y ajoutant :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a dit que les demandes de M. [G] étaient recevables et non prescrites ;
Y ajoutant :
- Débouter M. [G] de ses nouvelles réclamations visant à :
. « Fixer le salaire de référence de M. [G] à la somme de 4 190 euros brut (calculée sur la base d'un temps plein avec les heures supplémentaires) ;
. Prononcer la requalification du CDI à temps partiel en CDI à temps plein ;
. Condamner La société Cave bordelaise au paiement des sommes suivantes :
. Rappel de salaire : 21 043,80 euros ;
. Congés payés y afférents 2 104,38 euros ;
. Heures supplémentaires : 68 977,00 euros ;
. Congés payés y afférents : 6 897,00 euros ;
. Repos compensateur : 20 498,00 euros ;
. Congés payés y afférents : 2 049,00 euros ;
. Travail dissimulé : 50 280,00 euros ;
. Prime exceptionnelle : 3 620,00 euros.
. Condamner La société Cave bordelaise au titre du manquement à l'obligation de loyauté à verser à M. [G] la somme de 2 000 euros ;
. Condamner La société Cave bordelaise à verser à M. [G] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 ;
. Condamner La société Cave bordelaise à verser à M. [G] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 et les entiers dépens » ;
- Confirmer le jugement du 4 avril 2023 prononcé par le juge départiteur du conseil des prud'hommes de [Localité 11] en ce qu'il a :
. « Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 10 février 2022, Met hors de cause M. [K],
. Débouté M. [G] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, du travail dissimulé et de l'obligation de sécurité »
. Condamné M. [G] aux entiers dépens »
Y faisant droit et y ajoutant :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu prononcer une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
Par conséquent ;
- Condamner M. [G] à verser à la cave bordelaise la somme de 5 000 euros au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;
- Condamner M. [G] à verser à M. [K] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,
Y ajoutant :
- Débouter M. [G] de ses nouvelles réclamations visant à :
. « Fixer le salaire de référence de M. [G] à la somme de 4 190,00 euros brut (calculé sur la base d'un temps plein avec les heures supplémentaires) ;
. Débouter La cave bordelais et M. [K] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de M. [G].
Au titre de la relation de travail :
. Déclarer que les heures complémentaires réalisées dépassent très largement la durée légale hebdomadaire ;
. Prononcer la requalification du contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein,
En conséquence,
. Condamner la société La cave bordelaise au paiement des sommes suivantes :
. Rappels de salaires : 21 043,80 euros ;
. Congés payés afférents : 2 104,38 euros ;
. Heures supplémentaires : 68 977,00 euros ;
. Congés payés afférents : 6 897,00 euros ;
. Repos compensateurs : 20 498,00 euros ;
. Congés payés afférents : 2 049,00 euros ;
. Travail dissimulé : 50 280,00 euros.
. Condamner La société Cave bordelaise au titre du manquement à l'obligation de sécurité à verser à M. [G] la somme de 25 140,00 euros ;
. Condamner La société Cave bordelaise à verser à M. [G] la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;
. Ordonner l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile »;
- Recevoir La société Cave bordelaise en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner M. [G] à payer à M. [K] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [G] à payer à La société Cave bordelaise la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [G] aux entiers dépens, y compris ceux de première instance.
MOTIFS
Sur la mise hors de cause Monsieur [K]
La cour constate que le salarié qui en cause d'appel a attrait Monsieur [K] demande la confirmation du jugement du conseil du prud'homme statuant départage du 4 avril 2023 en ce qu'il a mis hors de cause Monsieur [T] [K].
Dès lors en l'absence de contestation des parties sur ce point, il y a lieu de confirmer la décision prud'homale.
Sur la requalification contrat de travail à temps partiel
. Sur la prescription de l'action
M. [G] demande la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et ce depuis l'origine, soit le 2 juin 2009 et des rappels de salaire sur une période de 36 mois précédant la rupture. La société invoque la prescription de l'action en requalification.
La cour rappelle que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée et que si le juge est saisi de demandes multiples notamment salariales, il leur applique à chacune la prescription adéquate. La cour doit donc déterminer la nature des demandes formées par le salarié.
En ce qui concerne la demande de requalification du contrat de travail à temps plein, elle constitue une demande de rappel de salaire soumise à la prescription de l'article L 3245 ' 1 du code du travail. Or aux termes de ces dispositions issues de la loi numéro 2013 ' 504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou lorsque le contrat de travail est rompu sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. Avant cette loi la prescription était une prescription quinquennale par renvoi à l'article 2277 du Code civil jusqu'au 19 juin 2008 puis à compter de cette date à l'article 2224 du Code civil. Un système transitoire est instauré par l'article 21 de la loi susvisée qui prévoit en son paragraphe V alinéa 1 que les dispositions du code du travail prévues au III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi sans que la durée totale de prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
M. [G] formule des demandes de rappel de salaire pour la période entre 2012 et 2015, soit pour les trois années précédant la rupture. En conséquence les dispositions transitoires sont applicables pour les créances nées antérieurement au 16 juin 2013. Au-delà les créances nées postérieurement au 16 juin 2013 se trouvent soumises aux nouvelles règles de la prescription triennale.
En matière de créance de salaire, le point de départ de cette prescription est constitué par la date d'exigibilité du salaire. La date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise. Ainsi les textes instaurent un point de départ glissant. Ce point départ peut être reporté si le salarié n'est pas en mesure de connaître ses droits à cette date ou que la créance dépend d'éléments qui ne sont pas connus de lui.
Avec une date de saisine du Conseil de prud'hommes du 14 juin 2018, M. [G] disposait de la faculté d'agir en justice dans les trois ans suivant la date d'exigibilité du dernier salaire. Avec une date de rupture de la relation de travail au 26 juin 2015, l'action de M. [G] concernant la demande de rappel de salaire pour le mois de juin 2015 n'est pas prescrite puisqu'il disposait d'un délai de 3 ans allant jusqu'au 26 juin 2018 pour saisir la juridiction prud'hommale. Ainsi, l'action est recevable et le salarié en vertu des dispositions de l'article L 3245 '1 du code de travail peut solliciter les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
. Sur la forclusion
Si l'action n'est pas prescrite, la cour constate néanmoins, la forclusion des demandes de rappel de salaire en application des dispositions de l'article L 1234 ' 20 du code du travail. En effet, l'article L 1234 ' 20 du code du travail fixe au profit du salarié un délai de six mois pour dénoncer le reçu du solde de tout compte.
Concernant l'effet libératoire du reçu du solde de tout compte invoqué par l'employeur, la cour rappelle que le document doit répondre à un formalisme rigoureux et le solde de tout compte qui fait état d'une somme globale sans détailler les sommes versées ou qui renvoie au bulletin de salaire comportant le détail des sommes versées perd son effet libératoire. Le solde de tout compte ne peut pas non plus avoir d'effet libératoire à l'égard des dettes nées postérieurement à sa signature. Par ailleurs, il n'a d'effet libératoire que pour les sommes qui y sont mentionnées, peu importe qu'elles soient rédigées en termes généraux. Le point de savoir si la somme dont le salarié demande le paiement fait partie des sommes détaillées par l'employeur dans le reçu du solde de tout compte relève du pouvoir souverain du juge du fond.
En l'espèce, le reçu de solde de tout compte remis le 16 juillet 2015 au salarié comporte le détail du salaire mensuel, de la prime variable, de l'indemnité compensatrice de congés payés et de l'indemnité de licenciement restant dus au salarié. Il comporte l'information relative à la faculté de dénonciation. Le document est signé du salarié et sa date est certaine.
La cour constate des éléments du dossier que le licenciement de M. [G] est intervenu en raison de la cessation d'activité du fonds de commerce de [Localité 12]. Même s'il n'est pas contesté que le salarié faisait partie des effectifs au moment de cette cession, le fonds de commerce a été cédé le 29 mai 2015 à la société les Caves de [Localité 7]. Le salarié à la date du licenciement le 26 juin 2015 a cessé toute activité et il a été réglé de l'intégralité de son salaire au mois de juin 2015 et le « salaire du mois » figurant sur le solde de tout compte correspond à un reliquat de 31 heures de travail pour le mois de juillet 2015, conformément au bulletin du 1er juillet au 8 juillet 2015.
Le salaire du mois tel qu'il apparaît dans le solde de tout compte est donc conforme à l'ensemble des créances restant dues au salarié. Ces salaires sont calculés sur la base de 112,67 heures de travail mensuel. M. [G] qui conteste son temps de travail depuis 2012 avait connaissance au moment de la signature de son solde de tout compte de ses droits et notamment des heures de travail qui devaient lui être rémunérées.
Il disposait d'un délai de six mois à compter du 16 juillet 2015 (soit jusqu'au 16 janvier 2016) pour dénoncer le solde de tout compte. À défaut de respecter ce délai, la cour considère que le salarié est forclos dans sa demande de rappels de salaire. Par conséquence de ces motifs et par confirmation de la décision prud'homale, il y a lieu de débouter M. [G] de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents.
En conséquence de la décision de la cour et la demande au titre des repos compensateurs étant fondée sur le dépassement d'un contingent d'heures supplémentaires, il convient également de débouter le salarié de cette demande.
Le solde de tout compte comporte au titre d'une gratification une somme de 880 euros. M. [G] prétend pouvoir bénéficier à ce titre d'un reliquat de 3620 euros. En application des dispositions de l'article 1134 ' 1 du code du travail et faute d'avoir dénoncé le solde de tout compte dans les six mois, il est forclos à solliciter une demande sur ce point.
S'agissant de la demande au titre du travail dissimulé, la cour rappelle qu'elle se rattache à l'exécution du contrat de travail et qu'en conséquence la prescription biennale de l'action relève des dispositions de l'article L 1471 '1 alinéa 1 du code du travail. La rupture du contrat de travail étant une condition à l'engagement de l'action au titre du travail dissimulé, le délai de prescription court à compter de la rupture. En saisissant le conseil des prud'hommes en juin 2018 alors qu'il a été licencié en juin 2015, l'action du salarié est prescrite.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité
M. [G] sollicite la condamnation de son employeur pour manquement à l'obligation de sécurité. Il fait valoir qu'il travaillait 56 heures par semaine, il était le seul salarié dans la boutique et assurait la manutention de charges lourdes puisqu'il s'agissait de réapprovisionnement des bouteilles. Il justifie avoir eu le statut de travailleur handicapé et soutient que le gérant de la société en était informé par les bilans de visites médicales qui lui étaient transmis. Il indique que le non-respect par l'employeur des mesures de prévention a conduit à une dégradation de son état de santé. Il invoque un accident du travail intervenu le 27 janvier 2010, lors de la manutention d'une caisse. Il prétend qu'à la suite de son opération l'employeur a refusé de faire une déclaration d'accident du travail et qu'il a perdu le bénéfice de l'indemnisation qui y était attachée. Il justifie de la dégradation de son état de santé en produisant le certificat médical du Docteur [B] du 30 mars 2018 et sa carte d'invalidité permanente.
L'employeur soulève la prescription biennale de l'action sur le fondement des dispositions de l'article L4131 ' 2 du code de la sécurité sociale. Il précise que le salarié ne peut invoquer la prescription de 10 ans prévue par l'article 2226 du Code civil, relative à l'action en réparation du dommage corporel, dans la mesure où il n'établit pas que son affection soit en lien avec ses conditions de travail.
Sur le fond l'employeur conteste avoir été informé du handicap, de la dégradation de l'état de santé du salarié et avoir refusé de déclarer l'accident du travail de M. [G]. Il ajoute avoir respecté les préconisations de 2009 et 2010 du médecin du travail concernant la limitation du port de charges et verse aux débats plusieurs attestations témoignant du fait que le gérant effectuait lui-même les livraisons. Il estime que les pièces adverses ne font pas la preuve de ce que le salarié ait été obligé de porter des charges lourdes et qu'il ait eu des difficultés physiques particulières dans la manutention des colis.
L'obligation de sécurité résultant de l'exécution du contrat de travail, l'action indemnitaire engagée sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation se prescrit par deux ans en application des dispositions de l'article L 1471 ' 1 du code du travail. Le point de départ de ce délai est constitué par le jour où le salarié a eu connaissance du dommage et de son lien avec un manquement de l'employeur étant précisé que l'aggravation de l'état de santé ne diffère pas le point de départ du délai.
Pour apprécier la prescription de l'action, la cour doit déterminer le point de départ du délai au vu des pièces transmises aux débats.
M. [G] présente la notification d'attribution d'une pension d'invalidité par courrier du 11 avril 2003 et l'avis de la Cotorep qui lui accorde le statut de travailleur handicapé en catégorie B du 15 octobre 1998 au 15 octobre 2003, deux certificats médicaux du médecin du travail du 2 juillet 2009 et 2 juin 2010 limitant le port de charges à 10 kg, le certificat médical du Docteur [B] du 3 mars 2018 indiquant sur l'invalidité de son patient : « la dégradation de son état de santé justifie le passage en catégorie supérieure », les justificatifs de sa carte de mobilité et de station debout pénible, les documents relatifs au paiement de sa pension d'invalidité, les justificatifs de novembre 98 délivrés par l'AFPA attestant de son statut de travailleur handicapé à l'entrée de sa formation « commercialisation des vins» et la réalisation de son stage de perfectionnement du 19 octobre 1998 au 15 janvier 1999 au sein de La société Cave bordelaise, le compte rendu opératoire du 29 janvier 2010 et l'examen radiographique ainsi que le règlement des indemnités journalières de janvier 2010 à mai 2010. Il communique en outre les témoignages de plusieurs personnes attestant que pour assurer les livraisons, il devait porter des colis en quantité parfois importante.
Si les éléments relatifs à l'invalidité du salarié ou à son statut de travailleur handicapé ne permettent pas de déduire que M. [G] ne pouvait pas travailler au sein de la société, à l'inverse le certificat du médecin du travail qui déclare le salarié apte mais qui limite de port de charge à 10 kg le 2 juin 2010 a permis à la fois au salarié et à l'employeur de connaître précisément les mesures de prévention à mettre en place dans l'exécution du contrat de travail pour prévenir la dégradation de l'état de santé du salarié.
En effet, à cette date ni M. [G] ni l'employeur ne pouvaient ignorer que le port de charges supérieures à 10 kg que le salarié devait effectuer dans le cadre de ses fonctions, engendrerait pour lui des conséquences dommageables sur sa santé. Cet avis médical a permis ainsi au salarié de connaître ses droits. La cour considère que cet avis médical constitue le point de départ de l'action fondée sur le manquement à l'obligation de sécurité.
Le salarié n'a saisi le conseil de prud'hommes qu'en 2018 et en conséquence l'action indemnitaire fondée sur le manquement à l'obligation de sécurité est prescrite.
Sur l'obligation de loyauté
M. [G] invoque l'inexécution de bonne foi du contrat de travail et soutient que durant les six années de la relation de travail, il ignorait quel était le contrat de travail applicable et que les contrats ne correspondaient pas aux conditions réelles d'exécution de ses fonctions. Il conteste le point de départ de la prescription alléguée par l'employeur sur le fondement de 2224 du Code civil dans la mesure où il considère n'avoir pas été informé sur son temps de travail chaque mois jusqu'à la rupture de son contrat.
La société demande la confirmation du jugement prud'homal, invoque la prescription quinquennale applicable au moment de la conclusion du contrat sur les dispositions de l'article l'article 2224 du Code civil et considère que le contrat du 2 juin 2009 constitue le point de départ du délai de prescription. Sur le fond, elle estime que la demande n'est pas fondée.
S'agissant d'une demande indemnitaire se rattachant à l'exécution du contrat de travail, la demande relève de la prescription biennale définie par l'article L. 1471-1, alinéa 1er du code du travail. En effet, les dispositions de cet article sont applicables aux actions en réparation d'un préjudice matériel ou moral lié à un manquement de l'employeur à ses obligations. L'obligation de loyauté en est une. Dans la mesure où le salarié invoque des manquements jusqu'à la date de la rupture, la cour considère que dans le cas d'espèce la date de la rupture constitue le point de départ de la prescription.
Au vu des dates relatives au licenciement et à la saisine prud'homale, l'action est prescrite.
Sur la demande reconventionnelle
La société Cave bordelaise sollicite l'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes qui a dit n'y avoir lieu à prononcer une amende civile sur le fondement de l'article 32 '1 du code de procédure civile. Elle allègue la mauvaise foi du salarié, l'importance des sommes sollicitées par M. [G] et la mise en cause y compris en appel de Monsieur [K].
M. [G] sollicite la confirmation du jugement prud'homal qui a dit n'y avoir lieu à prononcer une amende civile.
En application des articles 32 ' 1 et 559 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive y compris en cause d'appel peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient lui être réclamés.
Il résulte de l'ensemble des éléments du dossier et des débats que la société, malgré la prescription des demandes de M. [G], ne démontre pas que l'engagement de son action en justice ait un caractère dilatoire ou abusif. Il convient en conséquence de rejeter la demande par confirmation de la décision prud'homale.
Sur la demande de l'article 700 du code de procédure civile
En équité la cour considère qu'il convient de débouter les parties de leurs demandes concernant les frais irrépétibles engagés et de confirmer les décisions prud'homales sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:
CONFIRME les jugements du conseil du prud'homme des 8 décembre 2022 et 4 avril 2023 en ce qu'ils ont mis hors de cause Monsieur [T] [K], ont rejeté la demande d'amende civile et ont condamné M. [G] aux dépens ;
INFIRME les décisions pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
CONSTATE la forclusion des demandes relatives aux heures supplémentaires et les congés payés afférents et à la demande de rappel de prime ;
DÉCLARE prescrite l'action indemnitaire relative au travail dissimulé et celle fondée sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et à son obligation de loyauté ;
DÉBOUTE Monsieur [G] de ses autres demandes ;
DÉBOUTE La société Cave bordelaise de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive ;
DÉBOUTE les parties pour le surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE M. [G] aux dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame EL FAQIR, greffière en préaffectation, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
Chambre sociale 4-3
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 OCTOBRE 2025
N° RG 23/00799
N° Portalis DBV3-V-B7H-VYA5
AFFAIRE :
[Y] [G]
C/
[T] [K]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu
le 08 Décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
N° Section : C
N° RG : F 21/000434
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Marion LAROCHE
Me Jocelyne DULAC
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [Y] [G]
né le 13 Décembre 1955 à [Localité 6]
nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Marion LAROCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R268
APPELANT
****************
Monsieur [T] [K]
né le 10 Mars 1954 à [Localité 10]
nationalité française
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentant : Me Jocelyne DULAC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1541
Société CAVE BORDELAISE
N° SIRET : 327 059 408
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Jocelyne DULAC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1541
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Présidente,
Madame Anne DUVAL, Conseillère,
Monsieur Hervé HENRION, Conseiller chargé du secrétariat général,
Greffière en pré affectation lors des débats : Meriem EL FAQIR
FAITS ET PROCÉDURE
La société Cave bordelaise est une SARL immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Libourne.
La société Cave bordelaise avait pour activité l'achat et la revente de vins fins et exploite un fonds de commerce à [Localité 12]. Le fonds de commerce a été cédé le 29 mai 2015 à la SARL les Caves de [Localité 7] Elle est sans activité depuis le 9 janvier 2018.
Elle emploie moins de 11 salariés.
Le 2 juin 2009, M. [Y] [G] a été engagé par La société Cave bordelaise, en qualité de Responsable magasin à compter du 2 juin 2009.
Trois contrats de travail à durée indéterminée sont produits et une discussion est engagée sur ces conventions :
Le premier contrat de travail prévoyait une durée hebdomadaire de travail de 26 heures ainsi qu'une rémunération mensuelle brut fixée à 1 625,83 euros avec une répartition du temps de travail du mardi au vendredi, de 10h à 12h puis de 15h à 18h et le samedi, de 10h à 12h et de 15h à 19h.
Le deuxième contrat de travail prévoyait la même durée hebdomadaire de travail et rémunération mensuelle brut que le premier mais avec une répartition du temps de travail différente, du mardi au vendredi 10h30 à 12h30 puis de 16h30 à 19h30 et le samedi de 10h à 12h30 et de 16h à 19h30.
Le dernier contrat de travail prévoyait une durée hebdomadaire de travail de 40 heures ainsi qu'une rémunération de 1 556,98 euros, avec une répartition du temps de travail, du mardi au samedi de 9h30 à 13h et de 15h à 19h30.
D'après les bulletins de salaire, au dernier état de la relation de travail, M.[G] exerçait les fonctions de Responsable magasin dans le cadre d'une durée du travail de 112,67 heures mensuelle soit 26 heures hebdomadaires et percevait un salaire moyen brut de 1 690,05 euros par mois.
La relation contractuelle était régie par les dispositions de la convention collective nationale des vins, cidres, jus de fruits, spiritueux et liqueurs de France (IDCC 493).
Le 15 octobre 1998, M. [G] a été reconnu travailleur handicapé classé en catégorie B pour une durée de cinq ans, soit jusqu'au 15 octobre 2003.
Le 2 juillet 2009 lors de la visite d'embauche, M. [G] a été déclaré apte par la médecine du travail dans son emploi de Responsable magasin avec une limitation sur le port de charge.
Le 2 juin 2010 lors d'une visite de reprise, la médecine du travail a déclaré M. [G] apte dans son emploi en préconisant un port de charge maximale de 10 kilogrammes. En 2012, la condition ne figurait plus sur les avis médicaux et l'aptitude est sans réserve.
Après l'échec d'une tentative de rupture conventionnelle, par courrier remis en main propre contre décharge en date du 10 juin 2015, La société Cave bordelaise a convoqué M. [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
L'entretien s'est tenu le 17 juin 2015.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 juin 2015, La société Cave bordelaise a notifié à M. [G] son licenciement pour motif économique, en ces termes :
« Suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé le 17 Juin 2015, nous vous informons que nous sommes contraints de poursuivre notre projet de licenciement économique vous concernant.
Par la présente, nous avons donc le regret de vous notifier votre licenciement pour motif économique.
Les motifs économiques de cette décision, que nous vous avons exposés lors de l'entretien préalable, sont les suivants :
Comme vous savez nous avons cessé l'activité au sein de notre magasin de [Localité 12], auquel vous étiez affecté en qualité de responsable de magasin. De ce fait votre emploi a été supprimé. Nous avons dès lors effectué une recherche de reclassement au sein de notre autre magasin situé à [Localité 9].
Mais il s'avère qu'il n'existe pas de poste au sein de ce magasin qui puisse vous être proposé. En effet ce magasin est tenu par un autre salarié travaillant à temps plein et il n'existe aucun besoin de personnel complémentaire sur ce site.
En égard à cette absence de possibilité de reclassement, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique.
Au cours de l'entretien préalable au licenciement, qui s'est tenu le 17 Juin 2015, nous vous avons exposé les motifs nous conduisant à envisager votre licenciement.
En cette occasion et en application des dispositions des articles L. 1233-65 et suivants du code du travail, nous vous avons également indiqué que vous avez la faculté d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) destiné à favoriser votre reclassement. Pour vous permettre de bénéficier de ce dispositif, nous vous avons remis contre récépissé, un dossier contenant une notice d'information sur le contrat de sécurisation professionnelle, ainsi qu'un bulletin d'acceptation.
Comme cela vous a été précisé, le délai de réflexion qui vous est imparti pour demander ou non le bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle, en nous retournant dûment complété le bulletin d'acceptation, est de 21 jours à compter de la remise de ces documents, soit jusqu'au 8 juillet 2015 au soir. A défaut de réponse dans ce délai, vous serez réputé avoir refusé le contrat de sécurisation professionnelle.
En cas d'adhésion au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle, votre contrat sera rompu d'un commun accord, à l'expiration du délai de réflexion de 21 jours auquel il est fait référence ci-dessus. La présente notification sera alors sans objet.
Vous bénéficierez, après la rupture de votre contrat de travail, d'actions d'accompagnement, d'évaluations des compétences, et de formation.
En cas de refus d'adhérer au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle, la présente vaudra notification de votre licenciement pour motif économique, dont le préavis, d'une durée de deux mois, commencera à courir à compter des présentes.
Par ailleurs, l'article L. 1233-45 du code du travail vous ouvre droit à une priorité de réembauchage pendant une durée d'un an à compter de la rupture de votre contrat de travail, à condition que vous manifestiez le désir d'user de cette priorité à l'intérieur de ce délai. Cette priorité de réembauchage s'applique en principe à tout emploi qui deviendrait disponible et serait compatible avec votre qualification actuelle ou avec celle que vous pourriez acquérir ultérieurement et dont vous nous informeriez.
Nous vous informons également qu'en application de l'article L. 1235-7 du code du travail, le délai de douze mois pendant lequel vous pourrez user de la faculté d'exercer votre droit individuel à contester la régularité ou la validité de votre licenciement commencera à courir à compter de la présente notification de licenciement. »
Par requête introductive reçue au greffe en date du 14 juin 2018, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles d'une demande tendant à ce que son contrat de travail à temps partiel soit requalifié en contrat de travail à temps plein et obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires.
Par jugement rendu le 8 décembre 2022, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Versailles a :
- Dit que les demandes de M. [G] sont recevables et non prescrites ;
- Fixe la moyenne des salaires de M. [G] à 1 690,05 euros (mille six cent quatre-vingt-dix euros et cinq centimes) ;
- Dit que M. [G] était en contrat de travail à temps partiel ;
- Dit qu'il n'y a pas lieu à requalifier le contrat de travail de M. [G] à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;
- Déboute M. [G] des demandes suivantes : demande de requalification à temps complet, rappel de salaire concernant l'indemnité de requalification outre les congés payés, le paiement de la gratification de la prime exceptionnelle, les dommages et intérêts quant aux manquements de son employeur lié à l'obligation de loyauté ;
- Dit que le conseil part en départage concernant toutes les autres demandes ;
- Dit que le conseil part en départage concernant les demandes reconventionnelles ;
- Renvoyé les parties pour le surplus des demandes à l'audience du juge départiteur le mardi 7 mars 2023 à 11 heures salle d'audience numéro F au premier étage ;
' Dit que la notification de la présente décision vaut convocations des parties à l'audience de départage.
Par un jugement du le 4 avril 2023, le conseil des prud'hommes de [Localité 11] statuant en départage a :
- Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 10 février 2022 ;
- Mis hors de cause M. [K] ;
- Débouté M. [G] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, du travail dissimulé et de l'obligation de sécurité ;
- Dit n'y avoir lieu à prononcer une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [G] aux entiers dépens ;
- Dit n'y avoir à exécution provisoire de la décision.
Par déclaration d'appel reçue au greffe le 3 janvier 2023, M. [G] a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.
En raison de l'incompétence de la cour d'appel de Paris, M. [G] a régularisé son recours devant la cour d'appel de Versailles par une déclaration d'appel en date du 24 mars 2023 avant de se désister de l'instance parisienne.
Par déclaration d'appel reçue au greffe le 17 avril 2023, M. [G] a interjeté appel devant la cour d'appel de Versailles de ce jugement.
La jonction des deux procédures d'appel a été ordonné.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 avril 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA, le 13 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [G], appelante, demande à la cour de :
- Confirmer les jugements en ce qu'ils ont :
. Mis hors de cause M. [K] ;
. Dit n'y avoir lieu à prononcer une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- Infirmer les jugements en ce qu'ils ont :
. Fixé la moyenne des salaires de M. [G] à 1 690,05 euros ;
. Dit que M. [G] était en contrat de travail à temps partiel ;
. Dit qu'il n'y a pas lieu à requalifier le contrat de travail de M. [G] à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;
. Débouté M. [G] des demandes suivantes : demande de requalification à temps complet, rappel de salaire concernant l'indemnité de requalification outre les congés payés, le paiement de la gratification de la prime exceptionnelle, les dommages et intérêts quant aux manquements de son employeur lié à l'obligation de loyauté ;
. Débouté M. [G] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, du travail dissimulé et de l'obligation de sécurité ;
Y faisant droit et statuant à nouveau :
- Fixer le salaire mensuel de référence de M. [G] à la somme de 4 190 euros brut (calculée sur la base d'un temps plein avec les heures supplémentaires).
Au titre de la relation de travail à titre principal :
- Prononcer la requalification du contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein.
Au titre de la relation de travail à titre subsidiaire si la Cour de céans devait juger que le contrat de travail est un contrat à temps partiel, alors il lui sera demandée de :
- Déclarer que les heures complémentaires réalisées dépassent très largement la durée légale hebdomadaire ;
- Ainsi de prononcer la requalification du contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein.
En conséquence et en tout état de cause :
- Condamner La société Cave bordelaise au paiement des sommes suivantes :
. Rappels de salaires : 21 043,80 euros ;
. Congés payés afférents : 2 104,38 euros ;
. Heures supplémentaires : 68 977,00 euros ;
. Congés payés afférents : 6 897,00 euros ;
. Repos compensateurs : 20 498,00 euros ;
. Congés payés afférents : 2 049,00 euros ;
. Travail dissimulé : 50 280,00 euros ;
. Primes exceptionnelles : 3 620,00 euros.
- Condamner La société Cave bordelaise au titre du manquement à l'obligation de sécurité à verser à M. [G] la somme de 25 140,00 euros ;
- Condamner La société Cave bordelaise au titre du manquement à l'obligation de loyauté à verser à M. [G] la somme de 2 000,00 euros ;
- Condamner La société Cave bordelaise à verser à M. [G] la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;
- Ordonner l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civil.
Et enfin,
- Condamner La société Cave bordelaise à verser à M. [G] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 25 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, La société Cave bordelaise, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du 8 décembre 2022 du conseil des prud'hommes de [Localité 11] en ce qu'il
a :
. Fixé la moyenne des salaires de M. [G] à la somme de 1 690,05 euros,
. Dit que M. [G] était en contrat de travail à temps partiel,
. Dit qu'il n'y a pas lieu de requalifier le contrat de travail de M. [G] à temps partiel en contrat de travail à temps plein,
. Débouté M. [G] des demandes suivantes :
. Demande de requalification à temps complet ;
. Rappel de salaire concernant l'indemnité de requalification outre les congés payés ;
. Le paiement de la gratification de la prime exceptionnelle ;
. Les dommages et intérêts quant aux manquements de son employeur lié à l'obligation de loyauté,
Y faisant droit et y ajoutant :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a dit que les demandes de M. [G] étaient recevables et non prescrites ;
Y ajoutant :
- Débouter M. [G] de ses nouvelles réclamations visant à :
. « Fixer le salaire de référence de M. [G] à la somme de 4 190 euros brut (calculée sur la base d'un temps plein avec les heures supplémentaires) ;
. Prononcer la requalification du CDI à temps partiel en CDI à temps plein ;
. Condamner La société Cave bordelaise au paiement des sommes suivantes :
. Rappel de salaire : 21 043,80 euros ;
. Congés payés y afférents 2 104,38 euros ;
. Heures supplémentaires : 68 977,00 euros ;
. Congés payés y afférents : 6 897,00 euros ;
. Repos compensateur : 20 498,00 euros ;
. Congés payés y afférents : 2 049,00 euros ;
. Travail dissimulé : 50 280,00 euros ;
. Prime exceptionnelle : 3 620,00 euros.
. Condamner La société Cave bordelaise au titre du manquement à l'obligation de loyauté à verser à M. [G] la somme de 2 000 euros ;
. Condamner La société Cave bordelaise à verser à M. [G] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 ;
. Condamner La société Cave bordelaise à verser à M. [G] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 et les entiers dépens » ;
- Confirmer le jugement du 4 avril 2023 prononcé par le juge départiteur du conseil des prud'hommes de [Localité 11] en ce qu'il a :
. « Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 10 février 2022, Met hors de cause M. [K],
. Débouté M. [G] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, du travail dissimulé et de l'obligation de sécurité »
. Condamné M. [G] aux entiers dépens »
Y faisant droit et y ajoutant :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu prononcer une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
Par conséquent ;
- Condamner M. [G] à verser à la cave bordelaise la somme de 5 000 euros au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;
- Condamner M. [G] à verser à M. [K] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,
Y ajoutant :
- Débouter M. [G] de ses nouvelles réclamations visant à :
. « Fixer le salaire de référence de M. [G] à la somme de 4 190,00 euros brut (calculé sur la base d'un temps plein avec les heures supplémentaires) ;
. Débouter La cave bordelais et M. [K] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de M. [G].
Au titre de la relation de travail :
. Déclarer que les heures complémentaires réalisées dépassent très largement la durée légale hebdomadaire ;
. Prononcer la requalification du contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein,
En conséquence,
. Condamner la société La cave bordelaise au paiement des sommes suivantes :
. Rappels de salaires : 21 043,80 euros ;
. Congés payés afférents : 2 104,38 euros ;
. Heures supplémentaires : 68 977,00 euros ;
. Congés payés afférents : 6 897,00 euros ;
. Repos compensateurs : 20 498,00 euros ;
. Congés payés afférents : 2 049,00 euros ;
. Travail dissimulé : 50 280,00 euros.
. Condamner La société Cave bordelaise au titre du manquement à l'obligation de sécurité à verser à M. [G] la somme de 25 140,00 euros ;
. Condamner La société Cave bordelaise à verser à M. [G] la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;
. Ordonner l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile »;
- Recevoir La société Cave bordelaise en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner M. [G] à payer à M. [K] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [G] à payer à La société Cave bordelaise la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [G] aux entiers dépens, y compris ceux de première instance.
MOTIFS
Sur la mise hors de cause Monsieur [K]
La cour constate que le salarié qui en cause d'appel a attrait Monsieur [K] demande la confirmation du jugement du conseil du prud'homme statuant départage du 4 avril 2023 en ce qu'il a mis hors de cause Monsieur [T] [K].
Dès lors en l'absence de contestation des parties sur ce point, il y a lieu de confirmer la décision prud'homale.
Sur la requalification contrat de travail à temps partiel
. Sur la prescription de l'action
M. [G] demande la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et ce depuis l'origine, soit le 2 juin 2009 et des rappels de salaire sur une période de 36 mois précédant la rupture. La société invoque la prescription de l'action en requalification.
La cour rappelle que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée et que si le juge est saisi de demandes multiples notamment salariales, il leur applique à chacune la prescription adéquate. La cour doit donc déterminer la nature des demandes formées par le salarié.
En ce qui concerne la demande de requalification du contrat de travail à temps plein, elle constitue une demande de rappel de salaire soumise à la prescription de l'article L 3245 ' 1 du code du travail. Or aux termes de ces dispositions issues de la loi numéro 2013 ' 504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou lorsque le contrat de travail est rompu sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. Avant cette loi la prescription était une prescription quinquennale par renvoi à l'article 2277 du Code civil jusqu'au 19 juin 2008 puis à compter de cette date à l'article 2224 du Code civil. Un système transitoire est instauré par l'article 21 de la loi susvisée qui prévoit en son paragraphe V alinéa 1 que les dispositions du code du travail prévues au III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi sans que la durée totale de prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
M. [G] formule des demandes de rappel de salaire pour la période entre 2012 et 2015, soit pour les trois années précédant la rupture. En conséquence les dispositions transitoires sont applicables pour les créances nées antérieurement au 16 juin 2013. Au-delà les créances nées postérieurement au 16 juin 2013 se trouvent soumises aux nouvelles règles de la prescription triennale.
En matière de créance de salaire, le point de départ de cette prescription est constitué par la date d'exigibilité du salaire. La date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise. Ainsi les textes instaurent un point de départ glissant. Ce point départ peut être reporté si le salarié n'est pas en mesure de connaître ses droits à cette date ou que la créance dépend d'éléments qui ne sont pas connus de lui.
Avec une date de saisine du Conseil de prud'hommes du 14 juin 2018, M. [G] disposait de la faculté d'agir en justice dans les trois ans suivant la date d'exigibilité du dernier salaire. Avec une date de rupture de la relation de travail au 26 juin 2015, l'action de M. [G] concernant la demande de rappel de salaire pour le mois de juin 2015 n'est pas prescrite puisqu'il disposait d'un délai de 3 ans allant jusqu'au 26 juin 2018 pour saisir la juridiction prud'hommale. Ainsi, l'action est recevable et le salarié en vertu des dispositions de l'article L 3245 '1 du code de travail peut solliciter les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
. Sur la forclusion
Si l'action n'est pas prescrite, la cour constate néanmoins, la forclusion des demandes de rappel de salaire en application des dispositions de l'article L 1234 ' 20 du code du travail. En effet, l'article L 1234 ' 20 du code du travail fixe au profit du salarié un délai de six mois pour dénoncer le reçu du solde de tout compte.
Concernant l'effet libératoire du reçu du solde de tout compte invoqué par l'employeur, la cour rappelle que le document doit répondre à un formalisme rigoureux et le solde de tout compte qui fait état d'une somme globale sans détailler les sommes versées ou qui renvoie au bulletin de salaire comportant le détail des sommes versées perd son effet libératoire. Le solde de tout compte ne peut pas non plus avoir d'effet libératoire à l'égard des dettes nées postérieurement à sa signature. Par ailleurs, il n'a d'effet libératoire que pour les sommes qui y sont mentionnées, peu importe qu'elles soient rédigées en termes généraux. Le point de savoir si la somme dont le salarié demande le paiement fait partie des sommes détaillées par l'employeur dans le reçu du solde de tout compte relève du pouvoir souverain du juge du fond.
En l'espèce, le reçu de solde de tout compte remis le 16 juillet 2015 au salarié comporte le détail du salaire mensuel, de la prime variable, de l'indemnité compensatrice de congés payés et de l'indemnité de licenciement restant dus au salarié. Il comporte l'information relative à la faculté de dénonciation. Le document est signé du salarié et sa date est certaine.
La cour constate des éléments du dossier que le licenciement de M. [G] est intervenu en raison de la cessation d'activité du fonds de commerce de [Localité 12]. Même s'il n'est pas contesté que le salarié faisait partie des effectifs au moment de cette cession, le fonds de commerce a été cédé le 29 mai 2015 à la société les Caves de [Localité 7]. Le salarié à la date du licenciement le 26 juin 2015 a cessé toute activité et il a été réglé de l'intégralité de son salaire au mois de juin 2015 et le « salaire du mois » figurant sur le solde de tout compte correspond à un reliquat de 31 heures de travail pour le mois de juillet 2015, conformément au bulletin du 1er juillet au 8 juillet 2015.
Le salaire du mois tel qu'il apparaît dans le solde de tout compte est donc conforme à l'ensemble des créances restant dues au salarié. Ces salaires sont calculés sur la base de 112,67 heures de travail mensuel. M. [G] qui conteste son temps de travail depuis 2012 avait connaissance au moment de la signature de son solde de tout compte de ses droits et notamment des heures de travail qui devaient lui être rémunérées.
Il disposait d'un délai de six mois à compter du 16 juillet 2015 (soit jusqu'au 16 janvier 2016) pour dénoncer le solde de tout compte. À défaut de respecter ce délai, la cour considère que le salarié est forclos dans sa demande de rappels de salaire. Par conséquence de ces motifs et par confirmation de la décision prud'homale, il y a lieu de débouter M. [G] de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents.
En conséquence de la décision de la cour et la demande au titre des repos compensateurs étant fondée sur le dépassement d'un contingent d'heures supplémentaires, il convient également de débouter le salarié de cette demande.
Le solde de tout compte comporte au titre d'une gratification une somme de 880 euros. M. [G] prétend pouvoir bénéficier à ce titre d'un reliquat de 3620 euros. En application des dispositions de l'article 1134 ' 1 du code du travail et faute d'avoir dénoncé le solde de tout compte dans les six mois, il est forclos à solliciter une demande sur ce point.
S'agissant de la demande au titre du travail dissimulé, la cour rappelle qu'elle se rattache à l'exécution du contrat de travail et qu'en conséquence la prescription biennale de l'action relève des dispositions de l'article L 1471 '1 alinéa 1 du code du travail. La rupture du contrat de travail étant une condition à l'engagement de l'action au titre du travail dissimulé, le délai de prescription court à compter de la rupture. En saisissant le conseil des prud'hommes en juin 2018 alors qu'il a été licencié en juin 2015, l'action du salarié est prescrite.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité
M. [G] sollicite la condamnation de son employeur pour manquement à l'obligation de sécurité. Il fait valoir qu'il travaillait 56 heures par semaine, il était le seul salarié dans la boutique et assurait la manutention de charges lourdes puisqu'il s'agissait de réapprovisionnement des bouteilles. Il justifie avoir eu le statut de travailleur handicapé et soutient que le gérant de la société en était informé par les bilans de visites médicales qui lui étaient transmis. Il indique que le non-respect par l'employeur des mesures de prévention a conduit à une dégradation de son état de santé. Il invoque un accident du travail intervenu le 27 janvier 2010, lors de la manutention d'une caisse. Il prétend qu'à la suite de son opération l'employeur a refusé de faire une déclaration d'accident du travail et qu'il a perdu le bénéfice de l'indemnisation qui y était attachée. Il justifie de la dégradation de son état de santé en produisant le certificat médical du Docteur [B] du 30 mars 2018 et sa carte d'invalidité permanente.
L'employeur soulève la prescription biennale de l'action sur le fondement des dispositions de l'article L4131 ' 2 du code de la sécurité sociale. Il précise que le salarié ne peut invoquer la prescription de 10 ans prévue par l'article 2226 du Code civil, relative à l'action en réparation du dommage corporel, dans la mesure où il n'établit pas que son affection soit en lien avec ses conditions de travail.
Sur le fond l'employeur conteste avoir été informé du handicap, de la dégradation de l'état de santé du salarié et avoir refusé de déclarer l'accident du travail de M. [G]. Il ajoute avoir respecté les préconisations de 2009 et 2010 du médecin du travail concernant la limitation du port de charges et verse aux débats plusieurs attestations témoignant du fait que le gérant effectuait lui-même les livraisons. Il estime que les pièces adverses ne font pas la preuve de ce que le salarié ait été obligé de porter des charges lourdes et qu'il ait eu des difficultés physiques particulières dans la manutention des colis.
L'obligation de sécurité résultant de l'exécution du contrat de travail, l'action indemnitaire engagée sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation se prescrit par deux ans en application des dispositions de l'article L 1471 ' 1 du code du travail. Le point de départ de ce délai est constitué par le jour où le salarié a eu connaissance du dommage et de son lien avec un manquement de l'employeur étant précisé que l'aggravation de l'état de santé ne diffère pas le point de départ du délai.
Pour apprécier la prescription de l'action, la cour doit déterminer le point de départ du délai au vu des pièces transmises aux débats.
M. [G] présente la notification d'attribution d'une pension d'invalidité par courrier du 11 avril 2003 et l'avis de la Cotorep qui lui accorde le statut de travailleur handicapé en catégorie B du 15 octobre 1998 au 15 octobre 2003, deux certificats médicaux du médecin du travail du 2 juillet 2009 et 2 juin 2010 limitant le port de charges à 10 kg, le certificat médical du Docteur [B] du 3 mars 2018 indiquant sur l'invalidité de son patient : « la dégradation de son état de santé justifie le passage en catégorie supérieure », les justificatifs de sa carte de mobilité et de station debout pénible, les documents relatifs au paiement de sa pension d'invalidité, les justificatifs de novembre 98 délivrés par l'AFPA attestant de son statut de travailleur handicapé à l'entrée de sa formation « commercialisation des vins» et la réalisation de son stage de perfectionnement du 19 octobre 1998 au 15 janvier 1999 au sein de La société Cave bordelaise, le compte rendu opératoire du 29 janvier 2010 et l'examen radiographique ainsi que le règlement des indemnités journalières de janvier 2010 à mai 2010. Il communique en outre les témoignages de plusieurs personnes attestant que pour assurer les livraisons, il devait porter des colis en quantité parfois importante.
Si les éléments relatifs à l'invalidité du salarié ou à son statut de travailleur handicapé ne permettent pas de déduire que M. [G] ne pouvait pas travailler au sein de la société, à l'inverse le certificat du médecin du travail qui déclare le salarié apte mais qui limite de port de charge à 10 kg le 2 juin 2010 a permis à la fois au salarié et à l'employeur de connaître précisément les mesures de prévention à mettre en place dans l'exécution du contrat de travail pour prévenir la dégradation de l'état de santé du salarié.
En effet, à cette date ni M. [G] ni l'employeur ne pouvaient ignorer que le port de charges supérieures à 10 kg que le salarié devait effectuer dans le cadre de ses fonctions, engendrerait pour lui des conséquences dommageables sur sa santé. Cet avis médical a permis ainsi au salarié de connaître ses droits. La cour considère que cet avis médical constitue le point de départ de l'action fondée sur le manquement à l'obligation de sécurité.
Le salarié n'a saisi le conseil de prud'hommes qu'en 2018 et en conséquence l'action indemnitaire fondée sur le manquement à l'obligation de sécurité est prescrite.
Sur l'obligation de loyauté
M. [G] invoque l'inexécution de bonne foi du contrat de travail et soutient que durant les six années de la relation de travail, il ignorait quel était le contrat de travail applicable et que les contrats ne correspondaient pas aux conditions réelles d'exécution de ses fonctions. Il conteste le point de départ de la prescription alléguée par l'employeur sur le fondement de 2224 du Code civil dans la mesure où il considère n'avoir pas été informé sur son temps de travail chaque mois jusqu'à la rupture de son contrat.
La société demande la confirmation du jugement prud'homal, invoque la prescription quinquennale applicable au moment de la conclusion du contrat sur les dispositions de l'article l'article 2224 du Code civil et considère que le contrat du 2 juin 2009 constitue le point de départ du délai de prescription. Sur le fond, elle estime que la demande n'est pas fondée.
S'agissant d'une demande indemnitaire se rattachant à l'exécution du contrat de travail, la demande relève de la prescription biennale définie par l'article L. 1471-1, alinéa 1er du code du travail. En effet, les dispositions de cet article sont applicables aux actions en réparation d'un préjudice matériel ou moral lié à un manquement de l'employeur à ses obligations. L'obligation de loyauté en est une. Dans la mesure où le salarié invoque des manquements jusqu'à la date de la rupture, la cour considère que dans le cas d'espèce la date de la rupture constitue le point de départ de la prescription.
Au vu des dates relatives au licenciement et à la saisine prud'homale, l'action est prescrite.
Sur la demande reconventionnelle
La société Cave bordelaise sollicite l'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes qui a dit n'y avoir lieu à prononcer une amende civile sur le fondement de l'article 32 '1 du code de procédure civile. Elle allègue la mauvaise foi du salarié, l'importance des sommes sollicitées par M. [G] et la mise en cause y compris en appel de Monsieur [K].
M. [G] sollicite la confirmation du jugement prud'homal qui a dit n'y avoir lieu à prononcer une amende civile.
En application des articles 32 ' 1 et 559 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive y compris en cause d'appel peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient lui être réclamés.
Il résulte de l'ensemble des éléments du dossier et des débats que la société, malgré la prescription des demandes de M. [G], ne démontre pas que l'engagement de son action en justice ait un caractère dilatoire ou abusif. Il convient en conséquence de rejeter la demande par confirmation de la décision prud'homale.
Sur la demande de l'article 700 du code de procédure civile
En équité la cour considère qu'il convient de débouter les parties de leurs demandes concernant les frais irrépétibles engagés et de confirmer les décisions prud'homales sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:
CONFIRME les jugements du conseil du prud'homme des 8 décembre 2022 et 4 avril 2023 en ce qu'ils ont mis hors de cause Monsieur [T] [K], ont rejeté la demande d'amende civile et ont condamné M. [G] aux dépens ;
INFIRME les décisions pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
CONSTATE la forclusion des demandes relatives aux heures supplémentaires et les congés payés afférents et à la demande de rappel de prime ;
DÉCLARE prescrite l'action indemnitaire relative au travail dissimulé et celle fondée sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et à son obligation de loyauté ;
DÉBOUTE Monsieur [G] de ses autres demandes ;
DÉBOUTE La société Cave bordelaise de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive ;
DÉBOUTE les parties pour le surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE M. [G] aux dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame EL FAQIR, greffière en préaffectation, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La Présidente