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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 20 octobre 2025, n° 23/05401

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Leasecom (SASU)

Défendeur :

Leasecom (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Masson, Mme Vallée

Avocats :

Me Boutot, SCP Joly Cuturi Wojas Reynet-Dynamis Avocats

T. com. Périgueux, du 27 févr. 2023, n° …

27 février 2023

EXPOSE DU LITIGE

1. M. [Z], exerçant une activité de chauffeur de taxi en qualité d'entrepreneur individuel sous la dénomination Taxis [Z], a signé un bon de commande le 20 décembre 2019 établi par la société Matécopie portant sur la location d'un photocopieur moyennant un loyer de 120 euros HT sur 63 mois.

Le même jour, deux autres contrats ont été conclus :

- un contrat de maintenance du matériel entre la société Matécopie et Taxis [Z],

- un contrat de location financière portant sur le matériel fourni par la société Matécopie entre M. [Z] et la société NBB Lease prévoyant la location du matériel moyennant 21 loyers trimestriels d'un montant de 360 euros HT, soit 432 euros TTC.

Par ailleurs, selon un contrat dit de rachat/reprise du même jour, la société Matécopie a racheté l'ancien photocopieur de M. [Z] pour la somme de 2.420 euros.

Le matériel a été livré le 14 janvier 2020 à M. [Z]. Le 24 janvier 2020, la société Leasecom a adressé à M. [Z] une facture portant sur la location du photocopieur loué et l'échéancier des loyers.

Par courrier recommandé du 5 mai 2020 avec accusé de réception signé le 11 mai 2020, la société NBB Lease a mis en demeure M. [Z] de régler les loyers impayés. A défaut de paiement, le contrat a été résilié le 25 juillet 2020.

2. Sur requête de la société Leasecom venant aux droits de la société NBB Lease, le président du tribunal de commerce de Périgueux a, par ordonnance du 5 août 2020, enjoint à M. [Z] de payer à la société Leasecom la somme de 8 066,40 euros en principal, 684 euros au titre des accessoires, 150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et 5,30 euros au titre d'autres frais.

Cette ordonnance a été signifiée le 16 décembre 2020 puis revêtue de la formule exécutoire le 21 janvier 2021. L'ordonnance revêtue de la formule exécutoire a été signifiée le 4 février 2021.

En exécution de cette ordonnance exécutoire, la société Leasecom a diligenté une saisie-attribution sur les comptes bancaires de M. [Z]. Le procès-verbal de saisie-attribution a été dénoncé à celui-ci le 25 février 2021.

3. Par déclaration au greffe du 2 mars 2021, M. [Z] a formé opposition à l'ordonnance en injonction de payer.

4. Parallèlement, par acte du 24 mars 2021, M. [Z] a assigné la société Leasecom devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Périgueux afin que celui-ci surseoit à statuer en attente du jugement à intervenir sur l'opposition de M. [Z] et, par suite, afin qu'il ordonne la mainlevée de la saisie-attribution opérée.

Par jugement du 2 décembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Périgueux a sursis à statuer dans l'attente de la décision rendue par le tribunal de commerce de Périgueux et ordonné le retrait du rôle de l'affaire.

5. Par jugement du 27 février 2023, le tribunal de commerce de Périgueux, statuant sur l'opposition formée à l'ordonnance d'injonction de payer, a :

- Reçu M. [Z] en son opposition, l'a déclarée régulière, mais l'en a débouté comme non fondée,

- Débouté M. [Z] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- Condamné M. [Z] au paiement de la somme de 8 390,40 euros arrêtée au 25 juillet 2020 augmentée des intérêts au taux légal majoré de 5%,

- Ordonné à M. [Z] d'avoir à restituer à ses frais le matériel objet du contrat de location, sous astreinte de 100 euros par jour, à compter de la signification du jugement à intervenir, à la société Leasecom au lieu choisi par cette dernière ou à toute personne désignée par elle,

- Dit que l'astreinte courra pendant un mois, à l'issu duquel il sera à nouveau fait droit,

- Le tribunal se réserve le droit de liquider l'astreinte,

- A défaut de restitution du matériel, autorisé la société Leasecom assistée d'un commissaire de justice à appréhender le matériel en quelque lieu qu'il se trouve pour en prendre possession en ses lieu et place,

- Dit que les frais de restitution ou d'enlèvement seront supportés par M. [Z],

- Condamné M. [Z] à payer la somme de 800 euros à la société Leasecom au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement, nonobstant appel,

- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- Condamné M. [Z] aux dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 100,45 euros.

6. Par déclaration au greffe du 29 novembre 2023, M. [Z] a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la SAS Leasecom.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

7. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 22 février 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [Z] demande à la cour de :

Vu les articles 1104, 1112, 1112-1 du code civil,

Vu les articles 1130, 1132, 1137 et 1178 du code civil,

Vu les articles L. 121-62, L. 121-3, L. 221-5, L. 221-9, L. 242-1 du code de la consommation,

Vu les pièces versées au débat,

- Réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Périgueux en date du 27 février 2023 en ce qu'il a :

'Débouté M. [Z] de toutes ses demandes, fins et prétentions

Condamné M. [Z] au paiement de la somme de 8 390,40 euros arrêtée au 25/07/2020 augmentée des intérêts au taux légal de 5%,

Ordonné à M. [Z] d'avoir à restituer à ses frais le matériel objet du contrat de location, sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification du jugement à intervenir à la société Leasecom au lieu choisi par cette dernière,

Dit que les frais de restitution ou d'enlèvement seront supportés par M. [Z],

Condamné M. [Z] à payer la somme de 800 euros à la société Leasecom au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonné l'exécution provisoire,

Débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamné M. [Z] aux dépens.'

Statuant à nouveau :

- Prononcer la nullité du contrat de leasing en date du 20/12/2019 conclu par M. [Z] auprès de la société NBB Lease aux droits de laquelle vient la société Leasecom,

- Débouter la socété Leasecom en toutes ses demandes,

- Condamner la société Leasecom à payer à M. [Z] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en ce inclus le coût du constat d'huissier de Me [K] du 29/06/2021,

- Condamner la société Leasecom à payer à M. [Z] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Leasecom aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

8. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 21 mai 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Leasecom demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104, 1112, 1112-1, 1217, 1224, 1137, 1137, 1199 du code civil

- Déclarer la société Leasecom venant aux droits de NBB Lease recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 février 2023 par le tribunal de commerce de Périgueux dans l'instance n°2021.1150, notamment en ce qu'il :

'Déboute M. [Z] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

Condamne M. [Z] au paiement de la somme de 8 390,40 euros arrêtée au 25 juillet 2020 augmentée des intérêts au taux légal majoré de 5%,

Ordonne à M. [Z] d'avoir à restituer à ses frais le matériel objet du contrat de location, sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification du jugement à intervenir à la société Leasecom au lieu choisi par cette dernière ou à toute personne désignée par elle,

Dit que l'astreinte courra pendant un mois à l'issue duquel il sera de nouveau fait droit,

Le tribunal se réserve le droit de liquider l'astreinte,

A défaut de restitution du matériel, autorise société Leasecom assistée d'un commissaire de justice à appréhender le matériel en quelque lieu qu'il se trouve pour en prendre possession en ses lieu et place,

Dit que les frais de restitution ou d'enlèvement seront supportés par M. [Z],

Condamne M. [Z] à payer la somme de 800 euros à la société Leasecom au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne M. [Z] aux dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 100,45 euros TTC.'

- Débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner M. [Z] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner M. [Z] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

9. L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er septembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les manquements de la société Leasecom

Moyens des parties

10. Affirmant que l'opération d'achat et de financement du photocopieur est une opération triangulaire reposant sur trois acteurs (un acheteur, un vendeur et un établissement de crédit finançant la vente du matériel) et invoquant le principe d'ordre public de l'interdépendance des contrats de vente et de crédit, M. [Z] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes tendant notamment à voir prononcer la nullité du contrat de location.

Il expose avoir été trompé par la présentation, le même jour, des contrats de vente avec rachat de son photocopieur et contrat de leasing, soulignant que le commercial de la société Matécopie lui a fait miroiter, par des manoeuvres dolosives, une opération commerciale avantageuse avec la reprise de son ancien photocopieur moyennant une contrepartie de 2.420 euros dont il n'a jamais obtenu le versement.

Il soutient que la société Leasecom a manqué à ses obligations en ne s'assurant pas, avant de financer l'opération d'achat du photocopieur, de la régularité de l'ensemble de l'opération contractuelle et notamment du respect des règles d'ordre public protégeant le consommateur avant de financer l'opération d'achat du photocopieur ainsi que de l'absence d'utilisation, par le prestataire, de pratiques dolosives et trompeuses. Il reproche également à la société Leasecom de n'avoir pas vérifié ses capacités financières, arguant du caractère disproportionné de cet investissement. Enfin, il fait valoir que le photocopieur objet du contrat ne fonctionne pas. Au visa de multiples fondements juridiques, il sollicite la nullité du contrat de leasing conclu le 20 décembre 2019 avec la société Leasecom ainsi que des dommages et intérêts à hauteur de 1.500 euros.

11. La société Leasecom réplique qu'il n'existe pas d'interdépendance entre les contrats et qu'elle est un tiers à toute convention conclue entre M. [Z] et la société Matécopie, que ce soit au titre d'un rachat de son ancien matériel que d'une prestation de maintenance à assurer sur le nouveau matériel. Contestant tout manquement de sa part, elle affirme qu'elle n'avait aucune obligation de vigilance ou de surveillance, n'étant pas un établissement de crédit, ni de vérification de la situation financière de son cocontractant, précisant qu'elle n'était en outre tenue d'aucune obligation de vérifier la régularité de contrats dont elle n'est pas partie. Elle conteste en outre l'existence des manoeuvres dolosives alléguées et conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Réponse de la cour

12. Au préalable, il sera relevé que si M. [Z] invoque l'interdépendance des contrats, laquelle est prévue à l'article 1186 du code civil, il ne formule aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses conclusions.

13. Aux termes de l'article 1137 du code civil, 'Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.'

L'article 9 du code de procédure civile prévoit qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, si M. [Z] fait valoir que la société Matécopie, à qui il reproche de ne pas lui avoir versé la somme de 2.420 euros au titre du rachat de son ancien matériel, a usé de manoeuvres dolosives pour vicier son consentement, il n'en rapporte pas la preuve, étant en tout état de cause observé que la société Matécopie n'a pas été appelée à la présente procédure.

Il n'est pas plus démontré l'existence d'un dol commis par la société Leasecom de connivence avec la société Matecopie.

14. Par ailleurs, il n'appartient pas à l'organisme de location financière de s'assurer de la régularité du contrat qu'il ne fait que financer, étant observé que M. [Z] ne rapporte pas la preuve qu'il peut prétendre au bénéfice des dispositions protectrices de l'article L. 221-4 du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement.

15. La société Leasecom, qui n'est pas un établisement de crédit, n'était pas tenue d'une obligation de vérification des capacités financières de M. [Z].

16. Enfin, si M. [Z] affirme que le photocopieur objet du contrat de location n'a jamais fonctionné correctement, il sera relevé, d'une part, qu'il a signé un procès-verbal de réception du matériel conforme, d'autre part, qu'il n'apporte pas la preuve du défaut de conformité du matériel, le constat produit par lui datant du 29 juin 2021, soit plus d'un an et demi après la souscription du contrat, la mise à disposition du matériel et l'ordonnance d'injonction de payer, l'attestation de sa comptable selon laquelle M. [Z] n'aurait eu qu'une très faible consommation de cartouches d'encre et de consommables bureautiques en 2019 et 2020, n'étant pas de nature à établir qu'il n'a pu se servir du photocopieur objet du contrat litigieux.

17. Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté les demandes en nullité et dommages et intérêts formées par M. [Z] à l'encontre de la société Leasecom.

C'est également à bon droit qu'après avoir relevé que la société Leasecom avait résilié le contrat pour non paiement des loyers en application de l'article 14 des conditions générales du contrat, le tribunal a condamné M. [Z] au paiement des sommes dues et à la restitution du matériel.

18. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

19. M. [Z], qui succombe en son recours, en supportera les dépens et sera équitablement condamné à payer à la société Leasecom la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne M. [S] [Z] à payer à la société Leasecom la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [S] [Z] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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