CA Douai, ch. 1 sect. 2, 16 octobre 2025, n° 23/03388
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 16/10/2025
****
MINUTE ELECTRONIQUE
N° RG 23/03388 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VAUH
Jugement (N° 20/02196)
rendu le 23 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque
APPELANTE
La SA Kbane
prise en la personne de son président
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Claire Titran, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Madame [Y] [G]
née le 18 Juin 1976
Monsieur [T] [Z]
né le 21 janvier 1979
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentés par Me Dimitri Deregnaucourt, avocat au barreau de Lille, avocat constitué substitué par Me Manon Leuliet, avocat au barreau de Douai
DÉBATS à l'audience publique du 12 mai 2025, tenue par Véronique Galliot magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Véronique Galliot, conseiller
Carole Van Goetsenhoven, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 octobre 2025 après prorogation du délibéré en date du 25 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er avril 2025
****
EXPOSE DU LITIGE
Suivant devis du 19 décembre 2016, M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] ont confié à la société Kbane des travaux d'aménagement (fourniture et pose de menuiseries extérieures) au sein de leur immeuble d'habitation situé au [Adresse 2] à [Localité 6] pour un montant de 18 500 euros TTC.
Se plaignant de la présence de désordres et de malfaçons, M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] ont fait dresser le 30 août 2017 un procès-verbal de constat par un huissier de justice.
Par courrier recommandé du 1er septembre 2017, la société Kbane a mis en demeure M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] de payer le solde des travaux d'un montant de 11 099,98 euros.
Par courrier du 6 septembre 2017, la société Kbane accepte d'intervenir s'agissant de la porte d'entrée non-réglée, du soufflet de la partie grange et pour faciliter la fermeture de la porte-fenêtre uniquement si le solde de la facture est payé.
Par acte d'huissier du 28 mai 2018, la société Kbane a fait assigner M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] devant le tribunal de grande instance de Dunkerque aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum à lui payer les sommes suivantes :
11 099,98 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2017, date de la mise en demeure,
1200 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par une ordonnance rendu 4 juin 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Dunkerque a :
- rejeté la demande d'expertise en écriture en ce qu'elle est formulée devant le juge de la mise en état,
- fait injonction à M. [T] [Z] de verser aux débats tout élément permettant la comparaison de la signature figurant sur le procès-verbal de réception avec sa propre signature,
- ordonné une mesure d'expertise et a désigné Monsieur [D] [O] pour la réalisation des opérations d'expertise,
- sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- dit que pendant la durée du sursis à statuer, l'affaire sera retirée du rôle des affaires en cours,
- dit qu'elle sera réinscrite, à l'issue du sursis prononcé, à la requête de la partie la plus diligente,
- débouté la SARL KBANE de sa demande de provision.
Le 17 janvier 2020, l'expert a déposé son rapport.
Par jugement du 23 mai 2023, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :
- annulé le procès-verbal de réception de travaux du 24 mai 2017,
- débouté la société Kbane de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 646,21 euros au titre de la reprise des désordres,
- dit que la somme allouée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 7 janvier 2020, date du rapport d'expertise, jusqu'à la date du présent jugement,
- condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 000,00 euros au titre du préjudice de jouissance,
- condamné la société Kbane aux entiers dépens,
- condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Douai le 20 juillet 2023, la société Kbane a interjeté appel des chefs du jugement ayant :
- annulé le procès-verbal de réception de travaux du 24 mai 2017,
- débouté la société Kbane de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 646,21 euros au titre de la reprise des désordres,
- dit que la somme allouée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 7 janvier 2020, date du rapport d'expertise, jusqu'à la date du présent jugement,
- condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 000,00 euros au titre du préjudice de jouissance,
- condamné la société Kbane aux entiers dépens,
- condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 avril 2024, la société Kbane demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1193, 1217, 1219 et 1343-2 du code civil, de :
recevoir la société Kbane en son appel et l'en dire bien fondée,
réformer la décision entreprise en l'ensemble de ses dispositions,
À titre principal,
condamner in solidum M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] au paiement de la somme de 11 099,98 euros au titre du solde de marché de travaux, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2017, date de première mise en demeure,
ordonner la capitalisation des intérêts par année échue,
débouter M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] de toute demande plus ample ou contraire comme étant injustifiée et/ou mal fondée, en ce compris leur demande d'annulation du procès-verbal de réception des travaux,
À titre subsidiaire,
après compensation avec les travaux de finition tels qu'évalués par l'expert judiciaire, condamner in solidum M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] au paiement de la somme de 4 453,77 euros (11 099,98 euros - 6 646,21 euros), majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2017, date de première mise en demeure,
ordonner la capitalisation des intérêts par année échue,
En toute hypothèse,
débouter M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] de leur appel incident ;
débouter M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] de toute demande indemnitaire comme étant, si ce n'est mal fondée à tout le moins injustifiée,
décharger la société Kbane de toute obligation d'intervention à nouveau sur le site,
condamner in solidum M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] au paiement de la somme de 4 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
les condamner sous le même régime aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 janvier 2024, M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] demandent à la cour, au visa des articles 287, 288, 1231-1, 1792 et 1792-6 du code civil, de :
confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu'il a :
* annulé le procès-verbal de réception de travaux du 24 mai 2017,
* débouté la société Kbane de l'intégralité de ses demandes,
* condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 646,21 euros au titre de la reprise des désordres,
* dit que la somme allouée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 7 janvier 2020, date du rapport d'expertise, jusqu'à la date du présent jugement,
* condamné la société Kbane aux entiers dépens,
* condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles.
infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu'il a limité l'indemnisation du trouble de jouissance subi à la somme de 6 000 euros, soit jusqu'à l'acte introductif d'instance,
Par voie de conséquence :
annuler le procès-verbal de réception de travaux du 24 mai 2017,
débouter la société Kbane de l'intégralité de ses demandes,
condamner la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 646,21 euros au titre de la reprise des désordres,
dire que la somme allouée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 7 janvier 2020, date du rapport d'expertise, jusqu'à la date du présent jugement,
condamner la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 22 000euros au titre de leur préjudice de jouissance pour la période de juin 2017 à ce jour, somme à parfaire jusqu'au règlement des sommes mis à la charge de la société Kbane pour faire cesser les malfaçons affectant le logement,
condamner la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 5 000,00 euros au titre des frais irrépétibles de la présente instance,
condamner la société Kbane aux entiers dépens ,
ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.
La clôture a été prononcée le 1er avril 2025.
MOTIVATION DE LA DECISION
Sur le procès-verbal de réception
M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] sollicitent, en application des articles 287 et 288 du code civil, la confirmation du jugement en ce qu'il a annulé le procès-verbal de réception du 14 mai 2017 ; ils contestent avoir apposé leur signature sur ce document et affirment qu'aucune réception n'est intervenue. Ils font valoir qu'il convient de comparer la signature apposée sur le contrat conclu avec la société Kbane et celle du procès-verbal pour s'en convaincre. Ils produisent également la carte d'identité et différents documents portant la signature de M. [T] [Z]. Ils affirment que le chèque daté du 24 mai 2017 correspond au deuxième paiement d'un montant de 7 400,02 euros.
La société Kbane soutient que M. [Z] a bien signé le procès-verbal de réception le 24 mai 2017 en même temps qu'il remettait un chèque d'acompte. La société Kbane produit au débat la copie du chèque remis le 14 mai 2017.
Subsidiairement, si la cour confirme la nullité du procès-verbal de réception, la société Kbane fait valoir qu'il n'en demeure pas moins que les travaux étaient réalisés dans leur ensemble et que les finitions restantes à réaliser ne justifiaient pas le refus d'une réception de travaux, ni le non-règlement de près de 60% des travaux.
L'article 287 du code civil dispose que :« Si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l'écrit contesté n'est relatif qu'à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres ».
L'article 288 du code de procédure civile dispose qu' : « Il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture.
Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l'une des parties, qu'ils aient été émis ou non à l'occasion de l'acte litigieux ».
L'article 1792-6 du code civil dispose que : « la réception est l'acte par lequel le maître déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. »
En l'espèce, le procès-verbal de réception litigieux comporte deux dates, l'une du 14 mai 2017 au niveau de la signature du client et l'autre du 24 mai 2017 au niveau de la signature de la société Kbane. La signature qui figure à côté du mot client comporte une grosse boucle. Or, sur la carte nationale d'identité de M. [T] [Z], sur le chèque du 14 mai 2017 ou encore sur le devis du 26 décembre 2016 la signature comporte une petite boucle et deux signes arrondis distincts. La signature apposée sur le procès-verbal de réception dont la société Kbane affirme être celle de M. [T] [Z] est donc bien distincte de celle figurant sur les autres documents et appartenant à M. [T] [Z].
Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a annulé le procès-verbal de réception comportant ces deux dates, des 14 et 24 mai 2017. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la demande de paiement du solde des travaux
La société Kbane soutient que M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] lui sont redevables du paiement du solde des travaux, à savoir la somme de 11 099,98 euros, que les travaux ont été exécutés et qu'à ce titre, il importe peu qu'un procès-verbal de réception ait fait l'objet d'une signature ou non. Elle fait valoir que les désordres ou les manquements invoqués par les intimés ne sont pas suffisamment graves pour justifier le non-paiement du solde.
Subsidiairement, elle soutient que seul peut être déduit du solde dû, le montant des travaux de finition tels qu'évalués par l'expert, à savoir la somme de 6 646,21 euros TTC et qu'ainsi, elle sollicite la compensation des sommes dues entre les parties. Elle fait également valoir que le montant de la condamnation ne saurait être revalorisé sur l'indice BT01 à compter du dépôt du rapport de l'expert étant donné qu'elle a été à l'initiative de la procédure.
M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Kbane de ses demandes compte tenu des désordres affectant les travaux. Ils font valoir que l'expert a affirmé que la pose des menuiseries n'était pas conforme et que celles-ci ne sont pas étanches. Ils précisent qu'aucune réception des travaux n'est intervenue alors que le devis prévoyait que le solde devait être payé qu'à compter de la réception.
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Il résulte des articles 1217 et 1219 du code civil, qu'une partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter sa propre obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
L'exception d'inexécution est un moyen de défense au fond ayant pour finalité le rejet de la demande de l'adversaire, il appartient à celui qui se prévaut de l'exception d'inexécution d'apporter la preuve de celle-ci.
Il est constant qu'il ne peut être procédé à l'indemnisation intégrale des conséquences des manquements d'une entreprise à ses obligations tout en dispensant le débiteur de payer le solde des travaux exécutés, sinon cela consisterait à réparer deux fois le même préjudice (Cass. 3e Civ., 14 mai 2020, n° 19-16.278 et 19-16.279).
En l'espèce, la créance de la société Kbane est justifiée par le devis du 12 décembre 2016 d'un montant de 18 500 euros TTC. Les parties ne contestent pas qu'un premier paiement représentant 40 % du total a été versé avant le commencement des travaux. La société Kbane produit également la facture du 31 décembre 2016 ' acompte n°1 d'un montant de 5 550 euros TTC et la facture du 18 mai 2017 ' acompte n°3 d'un montant de 5 549,98 euros, factures non payées.
Par courriel du 7 avril 2017 adressé à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G], la société Kbane leur a indiqué : « le paiement du solde interviendra lors de la réception de votre chantier ». Si le procès-verbal de réception a été annulé, il convient de vérifier si les travaux ont été achevés. Or, si l'expert a bien constaté des anomalies et des problèmes de pose des menuiseries, force est de constater que les travaux ont été réalisés ; de sorte que le solde des travaux est bien dû, soit la somme de 11 099,98 euros.
M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] opposent l'exception d'inexécution au paiement du solde ; ils doivent donc démontrer l'existence de manquements suffisamment graves causés par la société Kbane justifiant la non-exécution de son obligation de paiement.
Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 30 août 2017, qu'il est constaté « un défaut d'équerrage visible à l''il nu au niveau de la baie vitrée de la salle à manger » ; que la baie de la cuisine présente le même désordre » ; qu'au niveau de la grange, il est constaté que : « la pièce est en cours de rénovation », « la baie n'est pas pourvue de menuiserie » ; « un écart de cinq centimètres entre la partie haute du profilé et le linteau en bois et du côté droit, cet écart est de trois centimètres » ; « la porte d'entrée de façade sur cour ferme difficilement, la béquille se bloquant aux trois-quarts de sa course »
L'expert judiciaire indique : « pour la partie non habitée (grange) et avant le métré définitif, le métreur de la société Kbane aurait dû prendre les dimensions approximatives pour réaliser son devis. Avant la prise de dimensions définitives et surtout avant la pose des menuiseries, la société Kbane aurait dû s'assurer que les tableaux étaient conformes, puis prendre les dimensions définitives afin d'assurer une pose des menuiseries comme le prévoit le DTU 36-5 (mise en 'uvre des fenêtres et portes extérieures). Elle n'aurait jamais dû poser les menuiseries compte tenu que certains tableaux n'étaient pas conformes et la pose ne pouvait pas respecter le DTU 36-5.
Le DTU 36-5 dit que les menuiseries posées doivent être étanches à l'air et à l'eau, ceci n'a pas été respecté lors de la pose des menuiseries chez M. [Z]. (') Nous avons constaté qu'une erreur de pose s'est produite pour les baies vitrées de cuisine et salon/salle à manger. Elles ont été posées en tableau alors qu'elles étaient prévues avec une pose en applique. Nous avons aussi constaté que certaines étanchéités avaient été réalisées en extérieur avec de la mousse polyuréthane. Cette solution n'est pas admise au DTU, cette matière est interdite en extérieur elle ne peut être utilisée qu'en complément d'isolation intérieur ».
Il en résulte que les travaux ne sont pas conformes au DTU et qu'il existe un problème de pose des menuiseries et d'étanchéité à l'air et à l'eau. Néanmoins, si le manquement à l'obligation de résultat dont est tenue la société Kbane est certain, M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] ne précisent pas en quoi ces désordres sont d'une gravité suffisante justifiant le non-paiement du solde. Il n'est pas apporté la preuve d'un manque très important d'étanchéité des fenêtres. M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] affirment qu'en raison des désordres, le logement est resté inhabitable, sans le justifier par aucune pièce, comme la location d'un autre logement, par exemple.
Dès lors, l'exception d'inexécution invoquée par M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] ne saurait être accueillie et ces derniers sont condamnés in solidum au paiement de la somme de 11 099,98 euros au titre du solde de marché de travaux, majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2018, date de l'assignation. La date du 1er septembre 2017, courrier de la première mise en demeure, ne peut être retenue en l'absence de preuve de sa réception.
En application de l'article 1154 du code civil, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la responsabilité contractuelle de la société Kbane
M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] soutiennent que la société Kbane doit voir sa responsabilité contractuelle engagée compte tenu de ses manquements à son obligation de résultat. Ils font valoir que le montant des travaux de reprise des désordres a été évalué par l'expert à la somme de 6 646,21 euros et ajoutent qu'ils subissent depuis juin 2017 un préjudice de jouissance important puisque la mauvaise pose des menuiseries empêche l'avancement du chantier et qu'ils sont contraints de dormir dans le salon ; ils évaluent leur préjudice de jouissance à la somme de 500 euros par mois, soit la somme de 22 000 euros pour la période de juin 2017 à ce jour.
La société Kbane fait valoir que M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] se sont dispensés de l'intervention d'un maître d''uvre alors qu'ils ont entrepris des lourds travaux de rénovation au sein de leur immeuble. Elle affirme qu'ils ont empêché son intervention pour procéder aux finitions des travaux, de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée.
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 30 août 2017 et du rapport de l'expertise judiciaire que les travaux réalisés par la société Kbane sont entachés de désordres et de non-conformités. Or, la société Kbane étant tenue à une obligation de résultat, sa responsabilité contractuelle est nécessairement engagée.
S'agissant de la reprise des désordres, l'expert a repris un devis établi par la société Kbane le 13 janvier 2020, devis établi suivant la note de travaux réalisée lors de l'expertise, et le montant des travaux est estimé à la somme de 6 646,21 euros.
La société Kbane est condamnée à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 642,21 euros au titre des travaux de reprise. Le jugement est confirmé de ce chef. Il y a lieu de constater que le devis des travaux de reprise date du 13 janvier 2020, or l'indexation à l'indice BT01 permet d'actualiser le coût de travaux de construction en fonction des fluctuations du marché. Le jugement est donc également confirmé en ce qu'il a dit que la somme allouée au titre des travaux de reprise est actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 7 janvier 2020, date du rapport d'expertise, jusqu'à la date du jugement.
S'agissant du préjudice de jouissance, M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] ne produisent pas de photographies plus récentes de leur maison. L'expert s'est cantonné a indiqué : « au dire de M. [Z], il n'a pas pu continuer ses travaux, que cela fait deux ans qu'il attend une réponse de la société Kbane ». Il n'est pas non plus produit de bail d'un autre logement. Toutefois, il est constant que la mauvaise pose des menuiseries a empêché M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] de jouir paisiblement de leur logement, que les travaux ont été bloqués dans leur avancement en raison de la mauvaise pose des menuiseries et qu'enfin, les travaux restant à accomplir risquent de durer un certain temps, dès lors c'est à juste titre que le premier juge a retenu l'estimation de 500 euros par mois de juin 2017 jusqu'à la date de l'assignation du 29 mai 2018, soit la somme de 6000 euros. Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6000 euros au titre de leur préjudice de jouissance
Sur les demandes accessoires
Le jugement est confirmé de ce chef.
M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] sont condamnés à payer à la société Kbane la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens, engagés en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 23 mai 2023 en ce qu'il a :
annulé le procès-verbal de réception de travaux du 24 mai 2017,
condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 646,21 euros au titre de la reprise des désordres,
dit que la somme allouée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 7 janvier 2020, date du rapport d'expertise, jusqu'à la date du présent jugement,
condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 000,00 euros au titre du préjudice de jouissance,
condamné la société Kbane aux entiers dépens,
condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles.
INFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 23 mai 2023 en ce qu'il a débouté la société Kbane de l'intégralité de ses demandes,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE in solidum M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] au paiement de la somme de 11 099,98 euros au titre du solde de marché de travaux, majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2018, date de l'assignation,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
ORDONNE la compensation des sommes dues entres les parties,
CONDAMNE in solidum M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] à payer à la société Kbane la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel,
CONDAMNE in solidum M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] aux entiers dépens, engagés en appel.
Le greffier
La présidente
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 16/10/2025
****
MINUTE ELECTRONIQUE
N° RG 23/03388 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VAUH
Jugement (N° 20/02196)
rendu le 23 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque
APPELANTE
La SA Kbane
prise en la personne de son président
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Claire Titran, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Madame [Y] [G]
née le 18 Juin 1976
Monsieur [T] [Z]
né le 21 janvier 1979
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentés par Me Dimitri Deregnaucourt, avocat au barreau de Lille, avocat constitué substitué par Me Manon Leuliet, avocat au barreau de Douai
DÉBATS à l'audience publique du 12 mai 2025, tenue par Véronique Galliot magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Véronique Galliot, conseiller
Carole Van Goetsenhoven, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 octobre 2025 après prorogation du délibéré en date du 25 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er avril 2025
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant devis du 19 décembre 2016, M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] ont confié à la société Kbane des travaux d'aménagement (fourniture et pose de menuiseries extérieures) au sein de leur immeuble d'habitation situé au [Adresse 2] à [Localité 6] pour un montant de 18 500 euros TTC.
Se plaignant de la présence de désordres et de malfaçons, M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] ont fait dresser le 30 août 2017 un procès-verbal de constat par un huissier de justice.
Par courrier recommandé du 1er septembre 2017, la société Kbane a mis en demeure M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] de payer le solde des travaux d'un montant de 11 099,98 euros.
Par courrier du 6 septembre 2017, la société Kbane accepte d'intervenir s'agissant de la porte d'entrée non-réglée, du soufflet de la partie grange et pour faciliter la fermeture de la porte-fenêtre uniquement si le solde de la facture est payé.
Par acte d'huissier du 28 mai 2018, la société Kbane a fait assigner M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] devant le tribunal de grande instance de Dunkerque aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum à lui payer les sommes suivantes :
11 099,98 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2017, date de la mise en demeure,
1200 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par une ordonnance rendu 4 juin 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Dunkerque a :
- rejeté la demande d'expertise en écriture en ce qu'elle est formulée devant le juge de la mise en état,
- fait injonction à M. [T] [Z] de verser aux débats tout élément permettant la comparaison de la signature figurant sur le procès-verbal de réception avec sa propre signature,
- ordonné une mesure d'expertise et a désigné Monsieur [D] [O] pour la réalisation des opérations d'expertise,
- sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- dit que pendant la durée du sursis à statuer, l'affaire sera retirée du rôle des affaires en cours,
- dit qu'elle sera réinscrite, à l'issue du sursis prononcé, à la requête de la partie la plus diligente,
- débouté la SARL KBANE de sa demande de provision.
Le 17 janvier 2020, l'expert a déposé son rapport.
Par jugement du 23 mai 2023, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :
- annulé le procès-verbal de réception de travaux du 24 mai 2017,
- débouté la société Kbane de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 646,21 euros au titre de la reprise des désordres,
- dit que la somme allouée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 7 janvier 2020, date du rapport d'expertise, jusqu'à la date du présent jugement,
- condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 000,00 euros au titre du préjudice de jouissance,
- condamné la société Kbane aux entiers dépens,
- condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Douai le 20 juillet 2023, la société Kbane a interjeté appel des chefs du jugement ayant :
- annulé le procès-verbal de réception de travaux du 24 mai 2017,
- débouté la société Kbane de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 646,21 euros au titre de la reprise des désordres,
- dit que la somme allouée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 7 janvier 2020, date du rapport d'expertise, jusqu'à la date du présent jugement,
- condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 000,00 euros au titre du préjudice de jouissance,
- condamné la société Kbane aux entiers dépens,
- condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 avril 2024, la société Kbane demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1193, 1217, 1219 et 1343-2 du code civil, de :
recevoir la société Kbane en son appel et l'en dire bien fondée,
réformer la décision entreprise en l'ensemble de ses dispositions,
À titre principal,
condamner in solidum M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] au paiement de la somme de 11 099,98 euros au titre du solde de marché de travaux, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2017, date de première mise en demeure,
ordonner la capitalisation des intérêts par année échue,
débouter M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] de toute demande plus ample ou contraire comme étant injustifiée et/ou mal fondée, en ce compris leur demande d'annulation du procès-verbal de réception des travaux,
À titre subsidiaire,
après compensation avec les travaux de finition tels qu'évalués par l'expert judiciaire, condamner in solidum M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] au paiement de la somme de 4 453,77 euros (11 099,98 euros - 6 646,21 euros), majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2017, date de première mise en demeure,
ordonner la capitalisation des intérêts par année échue,
En toute hypothèse,
débouter M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] de leur appel incident ;
débouter M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] de toute demande indemnitaire comme étant, si ce n'est mal fondée à tout le moins injustifiée,
décharger la société Kbane de toute obligation d'intervention à nouveau sur le site,
condamner in solidum M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] au paiement de la somme de 4 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
les condamner sous le même régime aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 janvier 2024, M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] demandent à la cour, au visa des articles 287, 288, 1231-1, 1792 et 1792-6 du code civil, de :
confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu'il a :
* annulé le procès-verbal de réception de travaux du 24 mai 2017,
* débouté la société Kbane de l'intégralité de ses demandes,
* condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 646,21 euros au titre de la reprise des désordres,
* dit que la somme allouée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 7 janvier 2020, date du rapport d'expertise, jusqu'à la date du présent jugement,
* condamné la société Kbane aux entiers dépens,
* condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles.
infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu'il a limité l'indemnisation du trouble de jouissance subi à la somme de 6 000 euros, soit jusqu'à l'acte introductif d'instance,
Par voie de conséquence :
annuler le procès-verbal de réception de travaux du 24 mai 2017,
débouter la société Kbane de l'intégralité de ses demandes,
condamner la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 646,21 euros au titre de la reprise des désordres,
dire que la somme allouée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 7 janvier 2020, date du rapport d'expertise, jusqu'à la date du présent jugement,
condamner la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 22 000euros au titre de leur préjudice de jouissance pour la période de juin 2017 à ce jour, somme à parfaire jusqu'au règlement des sommes mis à la charge de la société Kbane pour faire cesser les malfaçons affectant le logement,
condamner la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 5 000,00 euros au titre des frais irrépétibles de la présente instance,
condamner la société Kbane aux entiers dépens ,
ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.
La clôture a été prononcée le 1er avril 2025.
MOTIVATION DE LA DECISION
Sur le procès-verbal de réception
M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] sollicitent, en application des articles 287 et 288 du code civil, la confirmation du jugement en ce qu'il a annulé le procès-verbal de réception du 14 mai 2017 ; ils contestent avoir apposé leur signature sur ce document et affirment qu'aucune réception n'est intervenue. Ils font valoir qu'il convient de comparer la signature apposée sur le contrat conclu avec la société Kbane et celle du procès-verbal pour s'en convaincre. Ils produisent également la carte d'identité et différents documents portant la signature de M. [T] [Z]. Ils affirment que le chèque daté du 24 mai 2017 correspond au deuxième paiement d'un montant de 7 400,02 euros.
La société Kbane soutient que M. [Z] a bien signé le procès-verbal de réception le 24 mai 2017 en même temps qu'il remettait un chèque d'acompte. La société Kbane produit au débat la copie du chèque remis le 14 mai 2017.
Subsidiairement, si la cour confirme la nullité du procès-verbal de réception, la société Kbane fait valoir qu'il n'en demeure pas moins que les travaux étaient réalisés dans leur ensemble et que les finitions restantes à réaliser ne justifiaient pas le refus d'une réception de travaux, ni le non-règlement de près de 60% des travaux.
L'article 287 du code civil dispose que :« Si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l'écrit contesté n'est relatif qu'à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres ».
L'article 288 du code de procédure civile dispose qu' : « Il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture.
Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l'une des parties, qu'ils aient été émis ou non à l'occasion de l'acte litigieux ».
L'article 1792-6 du code civil dispose que : « la réception est l'acte par lequel le maître déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. »
En l'espèce, le procès-verbal de réception litigieux comporte deux dates, l'une du 14 mai 2017 au niveau de la signature du client et l'autre du 24 mai 2017 au niveau de la signature de la société Kbane. La signature qui figure à côté du mot client comporte une grosse boucle. Or, sur la carte nationale d'identité de M. [T] [Z], sur le chèque du 14 mai 2017 ou encore sur le devis du 26 décembre 2016 la signature comporte une petite boucle et deux signes arrondis distincts. La signature apposée sur le procès-verbal de réception dont la société Kbane affirme être celle de M. [T] [Z] est donc bien distincte de celle figurant sur les autres documents et appartenant à M. [T] [Z].
Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a annulé le procès-verbal de réception comportant ces deux dates, des 14 et 24 mai 2017. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la demande de paiement du solde des travaux
La société Kbane soutient que M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] lui sont redevables du paiement du solde des travaux, à savoir la somme de 11 099,98 euros, que les travaux ont été exécutés et qu'à ce titre, il importe peu qu'un procès-verbal de réception ait fait l'objet d'une signature ou non. Elle fait valoir que les désordres ou les manquements invoqués par les intimés ne sont pas suffisamment graves pour justifier le non-paiement du solde.
Subsidiairement, elle soutient que seul peut être déduit du solde dû, le montant des travaux de finition tels qu'évalués par l'expert, à savoir la somme de 6 646,21 euros TTC et qu'ainsi, elle sollicite la compensation des sommes dues entre les parties. Elle fait également valoir que le montant de la condamnation ne saurait être revalorisé sur l'indice BT01 à compter du dépôt du rapport de l'expert étant donné qu'elle a été à l'initiative de la procédure.
M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Kbane de ses demandes compte tenu des désordres affectant les travaux. Ils font valoir que l'expert a affirmé que la pose des menuiseries n'était pas conforme et que celles-ci ne sont pas étanches. Ils précisent qu'aucune réception des travaux n'est intervenue alors que le devis prévoyait que le solde devait être payé qu'à compter de la réception.
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Il résulte des articles 1217 et 1219 du code civil, qu'une partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter sa propre obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
L'exception d'inexécution est un moyen de défense au fond ayant pour finalité le rejet de la demande de l'adversaire, il appartient à celui qui se prévaut de l'exception d'inexécution d'apporter la preuve de celle-ci.
Il est constant qu'il ne peut être procédé à l'indemnisation intégrale des conséquences des manquements d'une entreprise à ses obligations tout en dispensant le débiteur de payer le solde des travaux exécutés, sinon cela consisterait à réparer deux fois le même préjudice (Cass. 3e Civ., 14 mai 2020, n° 19-16.278 et 19-16.279).
En l'espèce, la créance de la société Kbane est justifiée par le devis du 12 décembre 2016 d'un montant de 18 500 euros TTC. Les parties ne contestent pas qu'un premier paiement représentant 40 % du total a été versé avant le commencement des travaux. La société Kbane produit également la facture du 31 décembre 2016 ' acompte n°1 d'un montant de 5 550 euros TTC et la facture du 18 mai 2017 ' acompte n°3 d'un montant de 5 549,98 euros, factures non payées.
Par courriel du 7 avril 2017 adressé à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G], la société Kbane leur a indiqué : « le paiement du solde interviendra lors de la réception de votre chantier ». Si le procès-verbal de réception a été annulé, il convient de vérifier si les travaux ont été achevés. Or, si l'expert a bien constaté des anomalies et des problèmes de pose des menuiseries, force est de constater que les travaux ont été réalisés ; de sorte que le solde des travaux est bien dû, soit la somme de 11 099,98 euros.
M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] opposent l'exception d'inexécution au paiement du solde ; ils doivent donc démontrer l'existence de manquements suffisamment graves causés par la société Kbane justifiant la non-exécution de son obligation de paiement.
Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 30 août 2017, qu'il est constaté « un défaut d'équerrage visible à l''il nu au niveau de la baie vitrée de la salle à manger » ; que la baie de la cuisine présente le même désordre » ; qu'au niveau de la grange, il est constaté que : « la pièce est en cours de rénovation », « la baie n'est pas pourvue de menuiserie » ; « un écart de cinq centimètres entre la partie haute du profilé et le linteau en bois et du côté droit, cet écart est de trois centimètres » ; « la porte d'entrée de façade sur cour ferme difficilement, la béquille se bloquant aux trois-quarts de sa course »
L'expert judiciaire indique : « pour la partie non habitée (grange) et avant le métré définitif, le métreur de la société Kbane aurait dû prendre les dimensions approximatives pour réaliser son devis. Avant la prise de dimensions définitives et surtout avant la pose des menuiseries, la société Kbane aurait dû s'assurer que les tableaux étaient conformes, puis prendre les dimensions définitives afin d'assurer une pose des menuiseries comme le prévoit le DTU 36-5 (mise en 'uvre des fenêtres et portes extérieures). Elle n'aurait jamais dû poser les menuiseries compte tenu que certains tableaux n'étaient pas conformes et la pose ne pouvait pas respecter le DTU 36-5.
Le DTU 36-5 dit que les menuiseries posées doivent être étanches à l'air et à l'eau, ceci n'a pas été respecté lors de la pose des menuiseries chez M. [Z]. (') Nous avons constaté qu'une erreur de pose s'est produite pour les baies vitrées de cuisine et salon/salle à manger. Elles ont été posées en tableau alors qu'elles étaient prévues avec une pose en applique. Nous avons aussi constaté que certaines étanchéités avaient été réalisées en extérieur avec de la mousse polyuréthane. Cette solution n'est pas admise au DTU, cette matière est interdite en extérieur elle ne peut être utilisée qu'en complément d'isolation intérieur ».
Il en résulte que les travaux ne sont pas conformes au DTU et qu'il existe un problème de pose des menuiseries et d'étanchéité à l'air et à l'eau. Néanmoins, si le manquement à l'obligation de résultat dont est tenue la société Kbane est certain, M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] ne précisent pas en quoi ces désordres sont d'une gravité suffisante justifiant le non-paiement du solde. Il n'est pas apporté la preuve d'un manque très important d'étanchéité des fenêtres. M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] affirment qu'en raison des désordres, le logement est resté inhabitable, sans le justifier par aucune pièce, comme la location d'un autre logement, par exemple.
Dès lors, l'exception d'inexécution invoquée par M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] ne saurait être accueillie et ces derniers sont condamnés in solidum au paiement de la somme de 11 099,98 euros au titre du solde de marché de travaux, majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2018, date de l'assignation. La date du 1er septembre 2017, courrier de la première mise en demeure, ne peut être retenue en l'absence de preuve de sa réception.
En application de l'article 1154 du code civil, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la responsabilité contractuelle de la société Kbane
M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] soutiennent que la société Kbane doit voir sa responsabilité contractuelle engagée compte tenu de ses manquements à son obligation de résultat. Ils font valoir que le montant des travaux de reprise des désordres a été évalué par l'expert à la somme de 6 646,21 euros et ajoutent qu'ils subissent depuis juin 2017 un préjudice de jouissance important puisque la mauvaise pose des menuiseries empêche l'avancement du chantier et qu'ils sont contraints de dormir dans le salon ; ils évaluent leur préjudice de jouissance à la somme de 500 euros par mois, soit la somme de 22 000 euros pour la période de juin 2017 à ce jour.
La société Kbane fait valoir que M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] se sont dispensés de l'intervention d'un maître d''uvre alors qu'ils ont entrepris des lourds travaux de rénovation au sein de leur immeuble. Elle affirme qu'ils ont empêché son intervention pour procéder aux finitions des travaux, de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée.
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 30 août 2017 et du rapport de l'expertise judiciaire que les travaux réalisés par la société Kbane sont entachés de désordres et de non-conformités. Or, la société Kbane étant tenue à une obligation de résultat, sa responsabilité contractuelle est nécessairement engagée.
S'agissant de la reprise des désordres, l'expert a repris un devis établi par la société Kbane le 13 janvier 2020, devis établi suivant la note de travaux réalisée lors de l'expertise, et le montant des travaux est estimé à la somme de 6 646,21 euros.
La société Kbane est condamnée à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 642,21 euros au titre des travaux de reprise. Le jugement est confirmé de ce chef. Il y a lieu de constater que le devis des travaux de reprise date du 13 janvier 2020, or l'indexation à l'indice BT01 permet d'actualiser le coût de travaux de construction en fonction des fluctuations du marché. Le jugement est donc également confirmé en ce qu'il a dit que la somme allouée au titre des travaux de reprise est actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 7 janvier 2020, date du rapport d'expertise, jusqu'à la date du jugement.
S'agissant du préjudice de jouissance, M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] ne produisent pas de photographies plus récentes de leur maison. L'expert s'est cantonné a indiqué : « au dire de M. [Z], il n'a pas pu continuer ses travaux, que cela fait deux ans qu'il attend une réponse de la société Kbane ». Il n'est pas non plus produit de bail d'un autre logement. Toutefois, il est constant que la mauvaise pose des menuiseries a empêché M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] de jouir paisiblement de leur logement, que les travaux ont été bloqués dans leur avancement en raison de la mauvaise pose des menuiseries et qu'enfin, les travaux restant à accomplir risquent de durer un certain temps, dès lors c'est à juste titre que le premier juge a retenu l'estimation de 500 euros par mois de juin 2017 jusqu'à la date de l'assignation du 29 mai 2018, soit la somme de 6000 euros. Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6000 euros au titre de leur préjudice de jouissance
Sur les demandes accessoires
Le jugement est confirmé de ce chef.
M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] sont condamnés à payer à la société Kbane la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens, engagés en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 23 mai 2023 en ce qu'il a :
annulé le procès-verbal de réception de travaux du 24 mai 2017,
condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 646,21 euros au titre de la reprise des désordres,
dit que la somme allouée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 7 janvier 2020, date du rapport d'expertise, jusqu'à la date du présent jugement,
condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 6 000,00 euros au titre du préjudice de jouissance,
condamné la société Kbane aux entiers dépens,
condamné la société Kbane à payer à M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles.
INFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 23 mai 2023 en ce qu'il a débouté la société Kbane de l'intégralité de ses demandes,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE in solidum M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] au paiement de la somme de 11 099,98 euros au titre du solde de marché de travaux, majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2018, date de l'assignation,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
ORDONNE la compensation des sommes dues entres les parties,
CONDAMNE in solidum M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] à payer à la société Kbane la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel,
CONDAMNE in solidum M. [T] [Z] et Mme [Y] [G] aux entiers dépens, engagés en appel.
Le greffier
La présidente