CA Douai, ch. 1 sect. 2, 16 octobre 2025, n° 24/05285
DOUAI
Arrêt
Autre
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte authentique du 16 juillet 2021, M. [E] et Mme [N] ont acquis de M. et Mme [V] une maison à usage d'habitation située [Adresse 3] à [Localité 8] moyennant le prix principal de 324 000 euros.
L'acte de vente précisait que le bien était achevé depuis moins de dix ans. Figuraient en annexe des attestions d'assurance au nom de M. [T] exerçant des activités de construction. Il était également précisé au titre de l'origine de propriété que M. et Mme [V] avaient acquis ce bien de M. et Mme [I] le 11 mai 2018, lesquels l'avaient acquis de M. [J] le 26 août 2015.
Se prévalant de désordres multiples apparaissant dans l'habitation, M. [E] et Mme [N] ont notamment fait réaliser une expertise amiable.
Par ordonnance en date du 15 février 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Arras a, à la demande de M. [E] et Mme [N], ordonné une mesure d'expertise.
Par note du 7 juin 2024, l'expert a indiqué avoir besoin de la communication de certains documents de la part de M. [J] et de M. [T], ces derniers n'a pas donné une suite favorable à ses demandes.
Par exploits des 7 et 9 août 2024, M. [E] et Mme [N] ont attrait M. [J] et M. [T] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Arras aux fins notamment d'obtenir leur condamnation sous astreinte à la communication de documents relatifs aux travaux réalisés.
Par ordonnance en date du 3 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Arras a :
- enjoint M. [J] d'avoir à communiquer à M. [E] et à Mme [N] dans le délai de 15 jours à compter de la date de signification de l'ordonnance, les documents suivants :
Copie du contrat passé à M. [T] ' HDESIGN compris les pièces graphiques et CCTP
Copie de la comptabilité du chantier et tous échanges tels que courriers, SMS, emails passés avec la partie M. [T] ' HDESIGN
Un état d'avancement de l'immeuble lors de sa vente aux époux [I] (photographies, état descriptif etc')
Copie des procès-verbaux de réception
- dit que passé le délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance, M. [J] sera astreint à raison de 50 euros par jour de retard et ce pendant un délai de deux mois,
- enjoint à M. [T] d'avoir à communiquer à M. [E] et Mme [N], dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance, les documents suivants :
Copie du contrat passé avec M. [J], compris les pièces graphiques et CCTP
Copie des éventuels contrats de sous-traitance
Copie de comptabilité du chantier et tous échanges tels que courriers, SMS, emails passé avec la partie M. [J]
Copie du planning prévisionnel d'exécution validé par les intervenants
Copie des comptes rendus de chantier
Copie des documents d'exécution (plans, notes de calcul)
Copie des procès-verbaux de réception de chantier
- dit que passé le délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance, M. [T] sera astreint à raison de 50 euros par jour de retard et ce pendant un délai de deux mois,
- condamné M. [J] et M. [T] à payer à M. [E] et Mme [N] la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] et M. [T] aux dépens,
- rappelé l'exécution provisoire de droit.
Par déclaration reçue au greffe le 6 novembre 2024, M. [J] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 18 février 2025, M. [J] demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
* enjoint M. [J] d'avoir à communiquer à M. [E] et à Mme [N] dans le délai de 15 jours à compter de la date de signification de l'ordonnance, les documents suivants :
Copie du contrat passé à M. [T] ' HDESIGN compris les pièces graphiques et CCTP
Copie de la comptabilité du chantier et tous échanges tels que courriers, SMS, emails passés avec la partie M. [T] ' HDESIGN
Un état d'avancement de l'immeuble lors de sa vente aux époux [I] (photographies, état descriptif etc')
Copie des procès-verbaux de réception
* dit que passé le délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance, M. [J] sera astreint à raison de 50 euros par jour de retard et ce pendant un délai de deux mois,
* condamné M. [J] et M. [T] à payer à M. [E] et Mme [N] la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
* condamné M. [J] et M. [T] aux dépens
* rappelé l'exécution provisoire de droit
Statuant à nouveau,
- débouter M. [E] et Mme [N] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- les condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
Il soutient ne pas être en possession des documents qu'il a été enjoint à communiquer et précise qu'aucun texte ne contraint une personne privée à conserver des documents pendant une période de 10 ans.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées électroniquement le 25 février 2025, M. [E] et Mme [N] demandent à la cour de :
-à titre principal, confirmer l'ordonnance entreprise,
-à titre subsidiaire, condamner M. [J] au paiement d'une somme de 6 150 euros au titre de la liquidation de l'astreinte,
- en tout état de cause, condamner celui-ci au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que M. [J] a commandé les travaux de construction alors qu'il était propriétaire du terrain, de sorte qu'il était maître d'ouvrage et qu'il devait, au regard des délais de prescription de responsabilité édictés par les articles 1792 et suivants du code civil, nécessairement conserver les documents afférents à cette construction, et dont l'expert a besoin dans le cadre de sa mission. Ils ajoutent que M. [J] demeure taisant sur l'existence même de ces documents et la raison pour laquelle il n'est plus en leur possession.
A titre subsidiaire, ils soutiennent que la liquidation de l'astreinte, en vertu du pouvoir d'évocation de la cour, doit être ordonnée jusqu'au jour des déclarations de M. [J] contenues dans ses écritures signifiées le 18 février 2025.
Par ordonnance en date du 3 avril 2025, la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard de M. [T] a été prononcée.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de production de pièces sous astreinte
L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il est constant qu'il entre dans les pouvoirs du juge des référés, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, d'ordonner, aux conditions prévues par ce texte, une communication de pièces (Com., 11 avril 1995, n°92-20.985).
Il résulte de l'acte authentique de vente dressé par Me [W] le 16 juillet 2021 que l'immeuble acquis par M. [E] et Mme [N] a été précédemment acquis par les vendeurs de M. et Mme [I] [K], lesquels l'ont eux-mêmes acquis de M. [J] selon acte reçu par Me [U] le 26 août 2015.
Il est mentionné dans l'acte de vente que le bien a fait l'objet d'un permis de construire délivré le 21 août 2014, lequel figure en annexe et a été sollicité par M. [J] pour la construction d'une maison individuelle, et d'une déclaration d'achèvement et de conformité des travaux déposée le 28 décembre 2017. L'acte mentionne également : « le bien objet des présentes, étant achevé depuis moins de dix ans, il est soumis aux dispositions des articles 1792 et suivants du code civil relatives aux diverses garanties et responsabilités attachés à cette construction ».
Pour faire droit à la demande de production de pièces sous astreinte, l'existence de ces pièces doit être établie ou à tout le moins vraisemblable (2è Civ., 17 novembre 1993, n°92-12.922).
Sur ce point, il n'est pas contesté par M. [J] que, dans le cadre des opérations de construction qu'il a commandées, un contrat ait été passé avec M. [T] exerçant sous l'enseigne HDESIGN, étant précisé que l'acte authentique de vente dressé le 16 juillet 2021 comporte en annexe une attestation d'assurance au nom de cette société pour, notamment, les activités de maçonnerie, charpente, couvreur, menuiserie intérieure et extérieure, façadier, plâtrier-plaquiste, poseur de revêtement souple, carreleur, électricien.
Ces éléments établissent le caractère certain, ou à tout le moins vraisemblable, de l'existence des pièces dont la production est sollicitée sous astreinte, lesquelles ont pour objet d'une part le contrat passé entre M. [J] et M. [T] et son exécution et, d'autre part, l'état de la construction lors de la vente réalisée par M. [J].
Bien que M. [J] conteste avoir l'obligation de rester en possession desdits documents, dont il ne conteste ainsi pas l'existence, il est toutefois établi qu'il est à l'initiative de la construction d'une maison d'habitation, de sorte que les travaux qu'il a fait mener sont susceptibles d'engager la responsabilité décennale des constructeurs, rendant nécessaire la conservation des documents relatifs à cette construction. Il ne peut ignorer l'existence de cette responsabilité décennale, laquelle est rappelée dans les actes authentiques de vente.
Enfin, M. [E] et Mme [N] versent aux débats, notamment, une expertise amiable non contradictoire du 26 septembre 2022, un procès-verbal de constat dressé le 29 novembre 2022, une expertise amiable du 1er mars 2023 déterminant l'existence de désordres dans l'habitation, lesquels ont conduit le juge des référés du tribunal judiciaire d'Arras à ordonner une expertise judiciaire sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, décision qui n'a pas été contestée.
L'existence d'un motif légitime au sens de l'article susvisé est ainsi établie.
Il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise en ses dispositions soumises à la cour.
Sur les demandes accessoires
L'ordonnance entreprise sera également confirmée de ce chef.
M. [J] sera condamné aux dépens de la procédure d'appel ainsi qu'à payer à M. [E] et Mme [N] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire d'Arras le 3 octobre 2024 en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne M. [X] [J] aux dépens de la procédure d'appel ;
Condamne M. [X] [J] à payer à M. [H] [E] et Mme [G] [N] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.