CA Versailles, ch civ.. 1-4 construction, 20 octobre 2025, n° 24/00157
VERSAILLES
Autre
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54G
Ch civ. 1-4 construction
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 OCTOBRE 2025
N° RG 24/00157
N° Portalis DBV3-V-B7I-WIVV
AFFAIRE :
[O] [V] veuve [W],
[A] [W] épouse [F],
[U] [W]
C/
[G] [R]
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 06 Juin 2019 par la Cour de Cassation de [Localité 17]
N° Pourvoi :Z 18-17.735
Expéditions exécutoires, Copies certifiées conforme délivrées le :
à :
Me Sami SKANDER
Me Mélina PEDROLETTI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDEURS devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (2ème chambre civile) du 6 juin 2019 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 5 mars 2018
Madame [O] [V] veuve [W] et agissant en outre en sa qualité d'ayant droit de [N] [W]
Chez Mme [A] [W] épouse [F]
[Adresse 5]
[Localité 11]
Représentant : Me Sami SKANDER, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 202
Madame [A] [W] épouse [F] et agissant en outre en sa qualité d'ayant droit de [N] [W]
[Adresse 5]
[Localité 11]
Représentant : Me Sami SKANDER, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 202
Monsieur [U] [W] et agissant en outre en sa qualité d'ayant droit de [N] [W]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Sami SKANDER, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 202
****************
DEFENDRESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [G] [R] agissant en sa qualité de mandataire ad'hoc de la Société CABINET D'ARCHITECTURE [R]
[Adresse 10]
[Localité 8]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626
Plaidant : Me Antoine TIREL de la SELAS LARRIEU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J073
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626
Plaidant : Me Antoine TIREL de la SELAS LARRIEU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J073
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente chargée du rapport et Madame Séverine ROMI, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffière lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [O] [V] épouse [W], M. [N] [W], et leur fille, Mme [A] [W] épouse [F] ont fait assigner à jour fixe, le 6 janvier 2015, la société Cabinet d'architecture [R] (ci-après « société [R] »), intervenue pour l'établissement des plans de la maison en cours de construction sur la parcelle cadastrée [Cadastre 12], située [Adresse 2] à [Localité 16] (95), appartenant à Mme [A] [W] et son frère, M. [U] [W], aux fins d'obtenir sa condamnation à leur payer diverses sommes en réparation de fautes de conception de la rampe d'accès au garage de cette maison, sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Selon eux, cette rampe ne permettrait pas d'accéder au sous-sol de la maison, compte tenu de la déclivité de la pente. En outre, ils prétendent que le point de départ de la descente du garage empiète sur une parcelle appartenant à la commune d'[Localité 16].
Par jugement contradictoire du 15 mai 2015, le tribunal de grande instance de Pontoise a :
- déclaré irrecevable l'action en responsabilité civile engagée par les demandeurs en l'absence de justification de l'autorisation de M. [U] [W] d'agir en justice,
- condamné les demandeurs à verser aux sociétés [R] et Mutuelle des architectes de France (ci-après « MAF ») la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande,
- condamné les demandeurs aux dépens.
Le tribunal a jugé que l'engagement d'une action en justice en vue d'obtenir la démolition de la maison ne constituait pas un acte d'administration et que cette saisine nécessitait l'intervention ou l'autorisation du dernier coïndivisaire, M. [U] [W], qui n'était pas partie à la procédure.
Il a retenu qu'il n'y avait pas lieu d'examiner la fin de non-recevoir tirée de l'éventuelle qualité de maître d'ouvrage des associations Rassemblement démocratique algérien pour la paix et le progrès (RDAP) et organisation arabe unie (OAU), cette question ayant déjà été tranchée par l'ordonnance du tribunal administratif du 15 novembre 2012 qui avait autorité de la chose jugée.
Concernant la demande reconventionnelle de M. [N] [W], dont le fondement juridique n'était pas précisé, il l'a rejetée en l'absence de démonstration d'une faute, en précisant que les associations RDAP et OAU étaient présidées par M. [N] [W], qu'elles avaient financé l'opération de construction et qu'elles avaient, en juillet 2009 signé le contrat de construction de la maison avec la société Ceco bâtiment, placée en liquidation judiciaire par jugement du 21 octobre 2010.
M. et Mme [W] et Mme [F] ont interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 25 septembre 2017, la cour d'appel de Versailles a ordonné la réouverture des débats pour entendre les parties sur le moyen soulevé d'office de la recevabilité de l'intervention volontaire de M. [U] [W] au regard des exigences de l'article 554 du code de procédure civile.
Par arrêt du 5 mars 2018, la cour d'appel de Versailles a :
- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes présentées par les époux [W] et Mme [F] dans leurs écritures signifiées le 12 octobre 2017 et par M. [G] [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R], et la société MAF, dans leurs conclusions signifiées 18 octobre 2017 qui ne répondaient pas à la seule et unique question juridique posée par cette cour dans son arrêt du 25 septembre 2017,
- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de M. [U] [W],
- confirmé le jugement,
- condamné in solidum les consorts [W] à payer à M. [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R] et à la société MAF la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné in solidum les consorts [W] aux dépens d'appel.
Par motifs adoptés, la cour a jugé que l'action en justice en vue d'obtenir la démolition de la maison n'était pas un acte d'administration et qu'elle nécessitait l'intervention ou l'autorisation du dernier coïndivisaire, M. [U] [W], qui n'était pas partie à la procédure, et qu'il n'était pas démontré qu'il avait été informé de celle-ci, ni qu'il l'avait autorisée expressément.
Elle a également retenu, au visa de l'article 554 du code de procédure civile, que M. [U] [W] ne justifiait pas de la qualité de tiers l'autorisant à intervenir volontairement en cause d'appel puisqu'il avait la qualité de coïndivisaire, qu'il avait omis d'agir en première instance avec les autres coïndivisaires pour défendre leurs intérêts alors que la régularité de la procédure litigieuse exigeait qu'il y soit appelé, de sorte qu'il ne pouvait sérieusement prétendre agir de son propre chef, comme partie nouvelle, sans y être obligé.
M. et Mme [W], Mme [F] et M. [U] [W] (ci-après « les consorts [W] ») ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Par arrêt du 6 juin 2019, la Cour de cassation a :
- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mars 2018,
- remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée,
- condamné la société MAF et M. [R], en qualité de mandataire ad hoc de la société [R], aux dépens et à payer aux consorts [W] la somme globale de 3 000 euros.
La Cour de cassation a jugé, au visa des articles 31 du code de procédure civile, 1147 ancien et 815-3 du code civil, que l'action personnelle tendant à l'allocation de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice subi n'entrait pas dans le champ de l'article 815-3 du même code et que la cour d'appel avait violé ces textes.
Elle a également jugé, au visa des articles 554 du code de procédure civile et 815-3 du code civil, que dès lors que M. [U] [W] n'avait été ni partie ni représenté par son coïndivisaire en première instance, la cour d'appel ne pouvait retenir qu'il ne justifiait pas de la qualité de tiers l'autorisant à intervenir volontairement en cause d'appel.
Par déclaration du 26 juin 2019, M. et Mme [W], Mme [W] épouse [F] et M. [U] [W] ont saisi la cour d'appel de renvoi.
L'affaire a été fixée à l'audience du 27 juin 2022 mais le conseil des consorts [W] a, le 14 juin, sollicité le renvoi au motif de la décharge de sa responsabilité et de l'état de santé de M. [N] [W].
L'affaire a été radiée par mention au dossier pour défaut de diligences.
Un nouvel avocat s'est constitué pour les appelants le 22 décembre 2023 et a sollicité la réintroduction de l'instance au rôle.
[N] [W] est décédé le 27 octobre 2024.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives remises au greffe le 26 février 2025 (23 pages), Mme [V] veuve [W], Mme [W] épouse [F] et M. [U] [W], agissant à titre personnel et en leur qualité d'ayants-droits de [N] [W] demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement,
- de débouter la société MAF et M. [R] de toutes demandes,
- de dire et juger que la société [R] a commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle,
- de constater que les préjudices invoqués découlent des fautes commises par la société [R],
- à titre principal, de condamner in solidum M. [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R] et la société MAF à leur payer la somme de 440 000 euros au titre de la moins-value de la maison par rapport à celle initialement envisagée, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015, date de l'assignation,
- à titre subsidiaire, en cas de démolition de la construction au stade constaté par M. [D], de condamner in solidum M. [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R] et la société MAF à leur payer la somme de 433 236,92 euros (214 744,20 euros + 218 492,72 euros) au titre de la démolition et de la reconstruction du pavillon et des travaux effectués en pure perte,
- à titre très subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour, pour plus ample informée, souhaiterait instruire sur la perte de valeur vénale du pavillon non conforme, d'ordonner une expertise immobilière en vue de déterminer la perte de valeur du bien immobilier en raison des non-conformités visées au rapport d'expertise judiciaire de M. [D], aux frais de la société MAF, qui sera tenue de régler la consignation initiale et les suivantes,
- en tout état de cause, de condamner in solidum M. [R] ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R] et la société MAF à leur payer :
- la somme de 79 516,83 euros au titre de la poursuite de la location du bien de [Localité 14], avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015, date de l'assignation, pour la somme de 50 293,38 euros et à compter de la signification des présentes pour le surplus,
- la somme de 2 915 euros au titre des taxes d'habitation réglées par Mme [W] depuis 2012, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015, pour la somme de 2 090 euros et à compter de la signification des présentes pour le surplus,
- la somme de 10 133,48 euros au titre des consommations en eau, électricité, gaz et téléphone fixe de Mme [W] depuis 2012 jusqu'au mois d'octobre 2015, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015, pour la somme de 8 245,35 euros et à compter de la signification des présentes pour le surplus,
- la somme de 5 000 euros au titre du paiement d'un acompte versé en pure perte à M. [K], entrepreneur, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015,
- la somme de 23 500 euros TTC et 390 euros TTC au titre des honoraires de MM. [S] et [J], architectes, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015,
- la somme de 16 534,31 euros au titre des frais généraux exposés par les requérants du 1er février 2012 au 16 juin 2013, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015,
- la somme de 40 000 euros tous préjudices confondus liés à la privation d'une vie commune familiale, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts,
- de condamner in solidum M. [R] ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R] et la société MAF au paiement :
- d'une indemnité pour procédure abusive de 10 000 euros, outre une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- au remboursement des honoraires de M. [C] à hauteur de 1 800 euros,
- de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- aux entiers dépens de premier instance et d'appel, qui comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire réglés par les requérants qui s'élèvent à la somme de 9 463,31 euros, dépens qui seront recouvrés par Mme Minault, avocate, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives n°5 (49 pages) remises le 13 janvier 2025, M. [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R], et la société MAF, son assureur demandent à la cour de :
- rejeter des débats la pièce n° 3 produite par les appelants,
- juger qu'aucune des pièces produites par eux ne démontre la réalité du domicile de M. [U] [W] et de Mme [A] [W] épouse [F],
- en conséquence, juger irrecevables les conclusions d'intervention volontaire de M. [U] [W],
- juger irrecevables les conclusions d'appelante de Mme [F],
- juger irrecevable l'appel des consorts [W],
- les débouter de toutes demandes,
- à titre subsidiaire, juger que la cession de droit à agir consentie aux « consorts [W] » par les associations RDAP et OAU, constitue un pacte prohibé entre les associations et leurs dirigeants, convention étrangère à l'objet associatif, et en prononcer l'annulation,
- déclarer irrecevable l'appel des consorts [W] et les débouter de toute demande,
- à titre subsidiaire, sur leur responsabilité contractuelle :
- juger que la falsification des plans a entraîné la conviction de l'expert et des conclusions sur la responsabilité de l'architecte totalement erronées, la pièce n° 7 communiquée devant les premiers juges et à l'appui des conclusions d'appel, « arrêté de permis de construire », comportant un plan de rez-de-chaussée et un plan étage étrangers au dossier de demande de permis de construire, non revêtus du paraphe de Mme [O] [W] « mandataire » des consorts [W] et du tampon de la mairie,
- juger l'absence de responsabilité contractuelle pour manquement à son obligation de conseil,
- juger que l'exigence d'un accès au sous-sol pour une personne à mobilité réduite, en conformité de la loi du 11 février 2005, n'est pas un engagement contractuel du cabinet [R] mais une obligation contractuelle souscrite par la société Ceco bâtiment, dans un devis/marché du 2 juillet 2009, d'un montant de 73 937 euros TTC, excédant le projet de base établi par M. [R], accepté et financé par les associations OAU et RDAP, et dont M. [W] était signataire en simple qualité de « bénéficiaire », travaux non exécutés par la société Ceco bâtiment et non payés,
- en conséquence, juger l'absence totale d'engagement contractuel de la société [R] pour l'accessibilité à une personne à mobilité réduite au sous-sol et à l'étage, et de toute faute contractuelle de la société [R],
- constater que l'adaptation d'un accès PMR du garage au rez-de-chaussée par monte-personne avait été chiffré en cours d'expertise judiciaire à 57 637,24 euros, montant inférieur au devis accepté par la société Ceco bâtiment, non exécutée, et l'absence de tout préjudice.
- en conséquence, débouter les appelants de toute demande portant sur la responsabilité contractuelle du cabinet [R] dans une non-conformité d'une accessibilité des personnes handicapées au sous-sol et à l'étage,
Sur les demandes de réparation de préjudices financiers :
- juger infondées et abusives les demandes de réparation financière du coût d'une démolition- reconstruction alors que la construction parvenue hors d'eau s'est poursuivie jusqu'à son achèvement sous la maîtrise d''uvre de l'architecte M. [S] et les débouter de toute demande à ce titre,
- en conséquence, débouter les appelants de leurs demandes de condamnation aux sommes de 214 744,20 euros à titre de démolitions et de reconstruction, 444 000 euros au titre de moins-value de la maison, par rapport (sic),
- juger l'absence de toute faute cumul entre les préjudices allégués pour double charge (sic),
- débouter les appelants de leurs toutes demandes de paiement des sommes de 79 516,83 euros, 2 915 euros, 10 133,48 euros, 5 000 euros, 23 500 euros TTC et 390 euros TTC, 16 534,31 euros, 40 000 euros, 10 000 euros, 1 800 euros et 15 000 euros, ainsi qu'aux entiers dépens de premier instance et d'appel,
- débouter les appelants de leur demande de préjudice non fondée, et tout au moins, la réduire à de plus justes proportions.
- à titre très subsidiaire, débouter les consorts [W] de leur demande d'expertise immobilière en vue de déterminer la perte de la valeur du bien immobilier au regard du rapport d'expertise [D].
- dans l'hypothèse où la Cour s'estimerait insuffisamment informée, sur la falsification du dossier d'accord du permis de construire communiqué en pièce 7 par les consorts [W] pour faire preuve et soutenir une faute contractuelle du cabinet [R], d'enjoindre aux consorts [W] de communiquer l'original du dossier, complet du permis de construire que leur a adressé la mairie d'[Localité 16] avec l'arrêté d'autorisation, et des pièces jointes au courrier adressé à la mairie d'[Localité 16] le 16 octobre 2007, portant sur les modifications et demande de substitution de plans en cours d'instruction, afin de permettre que la cour puisse comparaître (sic) avec celui produit par les consorts [W] en pièce 7 pour faire preuve,
Sur les demandes à l'encontre de la MAF :
- juger que les garanties de la société MAF n'interviendraient que dans les conditions et limites de son contrat et spécialement sur le plafond de garantie et sur la franchise,
- dans tous les cas, condamner in solidum les appelants à leur payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Mme Pedroletti, avocate, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 mars 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 2 juin 2025 et elle a été mise en délibéré au 20 octobre 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « dire et juger » qui ne sont pas des prétentions juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Il y a lieu également de rappeler qu'aux termes de l'article 954 alinéa 3 du même code, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. En l'espèce, si le dispositif des conclusions des appelants mentionne le visa des articles 1147 et 1382 ancien du code civil, seuls des moyens au soutien de la responsabilité contractuelle de M. [R] sont développés dans les écritures.
La Cour de cassation a retenu que l'intervention en cause d'appel de M. [U] [W] était recevable.
Sur la recevabilité des conclusions d'intervention volontaire de M. [W] et de Mme [F]
Dans de longs développements assez confus, M. [R] et son assureur soutiennent que les conclusions d'intervention volontaire de M. [W], qui n'indiqueraient ni son lieu de naissance, ni sa profession, ni son adresse réelle, ne respectent pas les formes de l'article 960 du code de procédure civile. Ils soutiennent que le domicile mentionné sur son intervention volontaire n'était pas démontré. Ils ajoutent que les domiciles réels de M. [W] et celui de sa s'ur auraient été occultés.
Les appelants font valoir que Mme [W] réside aujourd'hui chez sa fille Mme [F] au [Adresse 6] à [Localité 13] (93), qu'elles y ont élu domicile et que M. [W] confirme résider [Adresse 4] (82) sans que ceci ne puisse porter préjudice.
Reprenant les divers actes produits dans le cadre de cette procédure, les intimés évoquent, sans pertinence, les divers domiciles prétendus de M. [W] en 2010, 2011, 2016, 2019 et produisent une enquête privée menée en 2019 qui n'est plus d'actualité.
Il ressort du dossier que le fils et la fille des époux [W] ont toujours fait état d'une domiciliation chez leurs parents à [Localité 14] (78), même s'ils n'y résidaient pas en permanence. Cette élection de domicile, et celle qui a suivi, ne sont pas de nature à vicier la procédure.
La cour constate que le domicile de Chatou, indiqué en son temps devant le tribunal, n'avait pas été contesté.
En outre, rien ne justifie que « la pièce n°3 produite par les appelants » qui correspond au contrat d'architecte signé le 16 juillet 2007 ne soit rejetée comme le demandent sans fondement les intimés.
En toute hypothèse, la cour constate que les mentions requises figurent aujourd'hui dans les conclusions qui saisissent la cour, que les intimés n'établissent pas que les domiciles mentionnés seraient fictifs et qu'ils ne démontrent aucun grief résultant d'une prétendue irrégularité aux articles 960 et 961 du code de procédure civile.
Le moyen est rejeté. Les conclusions de Mme [F] et de M. [W] sont jugées recevables comme l'appel des consorts [W].
Sur la fin de non-recevoir
M. [R] et son assureur soutiennent que les consorts [W] ont, à l'appui de leur action, produit une « assemblée générale de OAU-RDAP » datée du 1er septembre 2012, que la convention du 1er septembre 2012 est fondée sur des actes prohibés puisqu'elle valide a posteriori des usages abusifs de fonds associatifs et qu'elle ne peut fonder un droit à agir. Ils rappellent qu'il a été définitivement jugé que les associations OAU et RDAP étaient dépourvues d'intérêt à agir et qu'elles ne pouvaient donc avoir cédé leur droit. Ils ajoutent que M. [W] n'est pas bénéficiaire de cette cession du droit à agir.
Il n'est pas contesté que les associations OAU-RDAP, qui avaient financé les travaux de la maison, ont été écartées des opérations d'expertise par ordonnance du 9 juillet 2012 pour défaut de qualité à agir.
La cour retient que les consorts [W] justifient de leur qualité et d'un intérêt à agir directement à l'encontre de leur cocontractant et de son assureur pour obtenir réparation d'une faute contractuelle qui aurait été commise par l'architecte dans le cadre de sa mission et qu'il importe peu le lien avec l'organe financier de l'opération qui n'est pas partie à la procédure.
La fin de non-recevoir est rejetée.
Sur la responsabilité contractuelle de l'architecte
Les appelants font valoir que c'est M. [R] qui a établi les plans du permis de construire et la notice descriptive ayant donné lieu à la délivrance du permis, que les travaux ont été réalisés conformément aux plans du permis de construire, que l'expert a retenu que la rampe avait été édifiée en empiétant sur la parcelle appartenant au conseil départemental, que M. [R] s'est trompé sur la limite de la prestation alors qu'il avait connaissance du projet d'élargissement, que cette erreur d'implantation résulte d'une erreur d'appréciation sur l'emprise de la voirie et constitue une faute incontestable engageant la responsabilité de l'architecte, puisque la pente mesurée par le géomètre sapiteur à 23 % n'est pas conforme aux normes régissant les rampes et constitue une erreur de conception.
Ils ajoutent que M. [R] était parfaitement informé de la situation de handicap de [N] [W] et qu'il n'a pas tenu compte des normes relatives aux rampes d'accès, des conséquences prévisibles de l'élargissement de la RD 909 ni de leurs attentes en termes d'accessibilité.
Selon eux, cette erreur a rendu impraticable tout le sous-sol pour un accès véhicule, quel qu'il soit, alors que trois places de stationnement étaient prévues et elle a fait perdre une grande partie de la valeur de la maison composée de cinq chambres. Ils estiment que le pavillon n'est pas conforme aux normes PMR et n'est pas du tout adapté à une personne handicapée.
Ils réfutent toute immixtion de leur part, en leur qualité de maître d'ouvrage, dans l'établissement des plans.
En application des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
L'article 1315 devenu 1353 du même code ajoute que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
L'article 9 du code de procédure civile rappelle qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Il est admis que l'architecte, dont l'étendue des obligations est limitée par la mission qui lui est confiée par le maître d'ouvrage, est redevable envers lui d'une obligation générale de conseil et de renseignements ainsi que d'obligations techniques, financières, comptables, administratives et juridiques, tout au long de sa mission. Son obligation de moyens varie selon le contrat qui le missionne.
Il est rappelé que son obligation d'information ne s'applique pas aux faits connus de tous ou dont le maître d'ouvrage a lui-même connaissance.
La mise en jeu de sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige, est conditionnée à la preuve de sa faute, qui peut notamment résulter d'un manquement à son obligation de conseil, d'une faute dans sa mission de conception et de direction des travaux, d'un défaut de conformité, de dommages intermédiaires, de retard dans la réalisation des travaux ou encore de dépassement du coût des travaux. La charge de la preuve est inversée en matière de défaut de conseil, l'architecte devant démontrer qu'il a rempli cette obligation.
Il est admis que l'architecte chargé d'établir les documents du permis de construire doit proposer un projet réalisable, tenant compte des contraintes du sol et que le maître d'ouvrage doit avoir été clairement informé des risques inhérents à son choix.
Le manquement contractuel ou la faute invoqués doivent avoir causé un préjudice en lien direct avec le préjudice allégué.
En l'espèce, [N] [W] a pris contact avec M. [R] par courrier du 12 juillet 2007 comprenant la promesse de vente, une photo du type de façade souhaité, un plan établi personnellement (rez-de-chaussée, étage et sous-sol) et un plan de division. [N] [W], qui s'était bien renseigné, a précisé dans son courrier : « A titre d'information, il n'y a pas de [Localité 15], le PLU est OK pour les autres éléments techniques ou administratifs, ils sont ceux (sic) les mêmes que le projet d'ALDINO qui nous a remis vos coordonnées. »
Il n'est pas contesté que la société [R] est intervenue après la signature d'une promesse de vente sur le terrain situé à [Localité 16], soit bien avant la vente du terrain signée le 7 mars 2009. La promesse de vente n'a pas été communiquée par les consorts [W].
Le 16 juillet 2007, les consorts [W] ont signé avec la société [R], une « mission d'architecte » pour l'établissement du dossier de permis de construire d'une maison individuelle située [Adresse 2] à [Localité 16].
Le contrat (pièce n°3) prévoit :
« Suivant notre accord, ma mission se limitera à l'établissement du projet de votre pavillon et la constitution du dossier de permis de construire et son dépôt en mairie d'[Localité 16] conformément aux règles de ma profession.
Le projet sera établi conformément aux documents remis par vous et aux renseignements obtenus par la mairie d'[Localité 16].
Mes honoraires seront forfaitaires pour un montant de 1 500 euros TTC payables au dépôt du permis de construire ».
Il n'est pas contestable que l'architecte a reçu une mission expressément et strictement limitée à l'établissement d'un projet destiné à l'obtention du permis de construire d'une maison d'habitation, à l'exclusion de toute autre mission. Au demeurant, la surface souhaitée par les maîtres d'ouvrage étant supérieure à 170 m² (SHON 251 m²), les plans devaient obligatoirement être signés par un architecte.
S'il est manifeste que c'est bien M. [R] qui a remis les plans et la notice en mairie, il ressort du contrat que celui-ci a reçu les « documents remis par les consorts [W] ».
Après quelques modifications réclamées par [N] [W], la dernière version des plans établis par M. [R] et paraphés par Mme [W], bénéficiaire d'une délégation de signature du 7 octobre 2007, a été jointe à la demande de permis de construire reçue en mairie le 12 octobre 2007.
Le courrier du 16 octobre 2007 (pièce n°12) établit avec certitude que M. [R] avait connaissance de la situation de handicap de [N] [W] mais il est patent qu'aucune mission spécifique ne lui a expressément été confiée à ce titre dans le contrat initial liant les parties. Au demeurant, même M. [D], expert, s'est interrogé sur le « contenu de la commande » passée par le maître d'ouvrage qui a demandé un aménagement du rez-de-chaussée après la conclusion du contrat.
Il est rappelé que la notice PMR ne doit être jointe à une demande de permis de construire que lorsque la construction est destinée à la vente ou à la location, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
La dernière version du plan du rez-de-chaussée et de la coupe, signée et paraphée, mentionne bien une rampe d'accessibilité entre la voie et la porte d'entrée du rez-de-chaussée à 4 % et prévoit une accessibilité PMR, suite à la demande faite par [N] [W] à quelques jours du dépôt de la demande. Il ne peut donc être reproché à M. [R] de ne pas avoir réalisé des plans prévoyant une accessibilité PMR.
En toute hypothèse, il ressort du devis de la société Ceco bâtiment du 2 juillet 2009, en sa qualité d'entreprise générale, qu'étaient prévus des « travaux d'aménagement d'une chambre et salle de bain, ainsi que l'accès de la limite de propriété, suite à l'acceptation du PC numéro 095203 0700048 en date du 19 décembre 2007, pour une personne à mobilité réduite, accompagnés par des espaces de circulation en conformité de la loi du 11 février 2005 et monte personne du garage en sous-sol au rez-de-chaussée. »
Concernant l'accès habitation, le devis ajoute : « Réalisation d'un chemin d'accès en BA armé, avec un revêtement en dallage pierre, de la rue à la maison conformément au plan du permis de construire, avec une pente de 4 % ». Ces travaux ont été chiffrés à la somme de 73 937 euros TTC mais n'ont pas été réalisés par cette entreprise générale avant sa liquidation par jugement du 21 octobre 2010.
Ce devis montre que les plans de M. [R] prévoyaient cet accès mais l'obligation de les réaliser incombait à l'entrepreneur. Aucun manquement de conception ne peut être retenu à l'encontre de M. [R] à ce titre puisque les attentes ont été prises en compte par l'architecte dans le cadre du dépôt du permis de construire.
Des plans rectifiés à la demande de la mairie, mais non paraphés par Mme [W], ont été adressés le 16 octobre 2007, les modifications concernaient essentiellement le vitrage des fenêtres et aucunement le rez-de-chaussée. Le permis de construire a bien été accordé pour les plans du rez-de-chaussée et du premier étage datés du 16 octobre 2007, tamponnés par la mairie.
La demande de permis a été faite au nom des consorts [W] et accompagnée d'une notice et des plans, elle correspond au programme voulu par le maître d'ouvrage qui souhaitait que la construction occupe le maximum d'emprise et de hauteur autorisée par le PLU.
Par ailleurs, aucune faute de non-respect des règles d'urbanisme n'est démontrée à l'encontre de M. [R]. De même, il n'y avait pas d'autre implantation altimétrique et planimétrique que celle choisie par M. [R], [N] [W] souhaitant édifier une maison dans les limites maximum autorisées. À cet égard, l'instruction du permis de construire a bien porté sur l'aménagement extérieur et sur le respect du PLU, du gabarit maximal, des prescriptions d'implantation et de la marge de recul.
Le permis a été accordé par la mairie d'[Localité 16] le 19 décembre 2007 et transmis aux seuls consorts [W], date à laquelle la mission du maître d''uvre a pris fin.
Au surplus, contrairement à ce qui est soutenu par M. [R], ni [N] [W] qui aurait exercé des activités de « conseil en gestion » et qui a rédigé des requêtes devant le tribunal administratif, ni son épouse, gérante d'une société civile immobilière dont l'activité est l'acquisition et l'administration des biens immeubles et terrains, ne peuvent être considérés comme des professionnels de la construction. Les connaissances prétendues de [N] [W] en droit de l'urbanisme et en droit administratif ne sauraient lui conférer une qualité de sachant.
Il faut remarquer que ces travaux de construction d'un immeuble d'habitation ont débuté le 1er septembre 2009, sans que les maîtres d'ouvrage n'aient jugé nécessaire de s'adjoindre les services d'une maîtrise d''uvre complète comprenant l'assistance pour la passation des contrats de travaux, la direction de l'exécution des travaux et l'assistance à la réception des travaux. Ce choix économique interpelle au regard de l'importance du projet.
Il est rappelé que l'entrepreneur doit renseigner le maître d'ouvrage sur la faisabilité des travaux, sur leurs conséquences et sur les risques encourus et qu'en l'absence de maître d''uvre, le devoir de conseil de l'entreprise est renforcé : l'entrepreneur a l'obligation de vérifier la conformité de la construction au permis de construire et à la réglementation de l'urbanisme. Ainsi, il est admis que l'absence de prise en compte de la nature du sol constitue une faute de conception de l'ouvrage commise par l'entrepreneur intervenu en l'absence de maître d''uvre.
À ce titre, la cour relève également que dans son rapport, M. [D], expert, a noté (page 16) qu'en dépit d'une imprécision du plan de permis de construire, celui-ci a servi de plan d'exécution. Il a ajouté que l'absence de plans d'exécution était à mettre « au compte de l'entreprise de travaux ». Il est établi que la société Ceco bâtiment n'a réalisé aucun plan d'exécution et que durant cinq ans, jusqu'en 2012, aucune réclamation n'a été faite à M. [R], alors que le chantier se poursuivait. C'est par conséquent sans fondement que les consorts [W] reprochent à M. [R] un empiétement de la rampe sur la parcelle du conseil départemental qui n'avait à cette époque fourni aucune cote précise de ses travaux d'élargissement.
Il ressort également des débats que les maîtres d'ouvrage n'ont pas souscrit d'assurance dommages-ouvrage et, comme le relèvent les intimés, qu'aucun contrat de construction d'une maison individuelle n'a été signé.
Les consorts [W] reprochent également à la société [R] de n'avoir pas pris en considération le projet d'élargissement de la rue.
À l'appui de leur demande, ils produisent le rapport d'expertise ordonnée dans le cadre du litige administratif à l'encontre de la mairie et du conseil départemental du Val-d'Oise et déposé par M. [D] le 24 novembre 2013.
En effet, à l'occasion de la mise en 'uvre des travaux d'élargissement de la rue, entrepris par le conseil départemental, [N] [W], dont le chantier était déjà à l'arrêt, a déposé une requête en référé expertise devant le tribunal administratif, estimant que ces travaux de surélévation de la chaussée entraînaient des conséquences dommageables et irréparables en le privant de son accès au garage situé en sous-sol.
L'expert désigné par la juridiction administrative a retenu que le désordre résidait dans une pente trop importante pour accéder de la rue au garage enterré au sous-sol et constaté que l'élargissement de la RD 909 déplaçait le point de départ et augmentait la pente. Selon lui, le désordre résultait d'un défaut de conception du projet puisque la pente prévue initialement était déjà trop importante pour assurer un accès confortable au parking en sous-sol. Il a précisé que la norme NFP 91-120 d'avril 1996 prévoyait une pente limitée à 18 % alors que la pente mesurée par le géomètre sapiteur était de 23 %.
En conclusion, l'expert affirmait que la mairie avait sans aucun doute connaissance des travaux d'élargissement lors de la délivrance du permis de construire et que le concepteur aurait dû se renseigner sur ce projet d'urbanisme connu de longue date. Selon lui, la pente de la rampe du garage prévue dans le projet était hors normes -même sans difficulté de mobilité- mais les travaux d'élargissement avaient de toute évidence eu un impact sur l'accessibilité de la villa puisqu'ils ont aggravé une pente déjà excessive. Il ajoutait que les conséquences résultaient d'un défaut constructif et a estimé à tort que la seule solution vraiment acceptable consistait à déconstruire et reconstruire. Il imputait les responsabilités à 80 % pour M. [R] et à 20 % pour l'entreprise générale.
Les intimés reconnaissent avoir eu connaissance du projet d'élargissement de la [Adresse 18]. Néanmoins, il est constant que les plans d'exécution de la déviation de la RD 909 n'ont été établis par la SAFER que le 24 octobre 2012, soit cinq ans après la délivrance du permis de construire.
Ils contestent les conclusions de l'expertise en soutenant que l'expert aurait reçu des documents falsifiés ou tronqués. Ils ajoutent que la norme NFP 91-120, au demeurant non communiquée à la cour, n'a pas de caractère obligatoire et qu'elle n'a pas été contractualisée.
Il n'est pas à exclure en effet que la demande de permis de construire, telle que communiquée par les consorts [W] à l'expert désigné, n'ait pas permis à ce dernier de prendre une connaissance objective des plans, dans leur dernière version visée par le permis, ce qui limite le caractère probant de cette expertise. La cour constate de surcroît que malgré les longs développements des intimés sur ce point, les appelants n'ont pas jugé utile de communiquer le dossier complet du permis de construire comportant, sur l'intégralité des pièces, le tampon de la mairie. Contrairement à ce qu'indiquent les appelants, ce n'est pas M. [R] qui a transmis à cet expert les plans objets du permis. Les seuls plans transmis par M. [R] (pièces n° 12, 16 et 23) ne concernent pas les plans visés par le permis de construire. Dès lors, l'expert n'a pas tenu compte des plans du rez-de-chaussée matérialisant les aménagements pour personne à mobilité réduite.
D'autre part, l'expert a relevé en page 19 de son rapport, l'absence de cote d'altitude du garage et du nouvel alignement. À ce titre, il est rappelé que les plans litigieux ont été établis plus de cinq ans avant la réalisation des travaux d'élargissement envisagés et qu'à cette époque, si une enquête préalable avait été réalisée en 2004, il n'est pas démontré que des plans précis aient été accessibles pour l'architecte. On ne saurait à cet égard reprocher un manquement au maître d''uvre qui n'a pu être plus précis sur ce point en l'absence de cote certaine. S'il a pu y avoir une erreur d'appréciation sur l'emprise future de la voirie, elle est à relativiser au regard de ceci et de la mission ponctuelle et limitée confiée à l'architecte.
En outre, les maîtres d'ouvrage ne pouvaient ignorer la déclivité du terrain sur lequel ils entendaient édifier leur programme immobilier, cette information étant apparente et à la portée de tous.
Les pièces du dossier montrent enfin que la construction n'a finalement pas été démolie et qu'elle s'est poursuivie durant la procédure judiciaire, en conformité avec le permis accordé en 2007 et en maintenant l'implantation définie par M. [R]. Les maîtres d'ouvrage se sont adjoints cette fois les services de M. [S], architecte titulaire d'une mission complète pour la reprise et l'achèvement des travaux à partir du gros-'uvre réalisé et avec le gabarit autorisé par le permis de construire et la maison est achevée et réceptionnée depuis le 16 août 2017.
Il n'est pas contesté que les consorts [W] ont finalement décidé de supprimer la rampe d'accès au garage et finalement créer au sous-sol un appartement de 75,18 m² qui n'était pas autorisé par le permis délivré en 2007 ainsi que trois places de parking sur la façade avant. Les travaux d'achèvement ont été réalisés au prix de 218 492,72 euros TTC.
Au final, en l'état des pièces produites et au regard de l'étendue très limitée de la mission confiée à l'architecte, dans un contrat laconique, pour un montant total de 1 500 euros TTC, ce qui correspond à environ cinq jours de travail pour un architecte, il est retenu que les consorts [W] ne démontrent pas de manquements contractuels imputables à M. [R] dans la tâche qui lui a été confiée et à l'origine des préjudices qu'ils invoquent.
Au contraire, il est relevé que les maîtres d'ouvrage ne pouvaient ignorer les particularités de leur terrain, qu'ils ont pris le risque de faire l'économie d'une maîtrise d''uvre d'exécution malgré l'ampleur de leur projet et les difficultés apparentes, qu'ils n'ont pas souscrit d'assurance dommages-ouvrage malgré le conseil de leur architecte, qu'ils ont fait seul le choix d'une entreprise générale qui s'est trouvée en liquidation dès le mois d'octobre 2010 et qu'ils n'ont fait aucune réclamation à leur architecte avant de l'assigner en référé expertise en mars 2012, soit près de cinq ans après l'obtention du permis de construire.
Il est, par conséquent, jugé qu'aucun manquement contractuel n'est imputable à M. [R].
Les consorts [W] sont déboutés de toutes leurs demandes.
Sur la demande de dommages et intérêts et au titre d'une amende civile pour procédure abusive
Les appelants réclament une « indemnité pour procédure abusive de 10 000 euros, outre une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ».
Ils font valoir que les moyens des intimés excèdent manifestement le cadre d'une défense normale.
Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
En l'espèce, ni les circonstances du litige, engagé à l'initiative des consorts [W] dans un contexte de condamnation pénale de [N] [W] par jugement du 11 avril 2017, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l'encontre de M. [R] et de son assureur une faute de nature à faire dégénérer en abus, le droit de se défendre en justice. Il n'est pas fait droit à la demande de dommages intérêts formée à ce titre.
Les parties ne peuvent de surcroît avoir aucun intérêt moral au prononcé d'une amende civile. Il n'y a pas lieu d'en prononcer.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les consorts [W] qui succombent en appel sont condamnés aux entiers dépens d'appel.
Selon l'article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Les consorts [W] sont condamnés à payer à la société [R] et à son assureur la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Rejette les fins de non-recevoir ;
Déclare recevables les conclusions d'intervention volontaire de M. [U] [W] et les conclusions d'appelante de Mme [A] [W] épouse [F] ;
Déclare recevable l'appel de Mme [O] [V] veuve [W], Mme [A] [W] épouse [F] et de M. [U] [W], agissant à titre personnel et en leur qualité d'ayant-droit de [N] [W] ;
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats « la pièce n°3 produite par les appelants » ;
Infirme le jugement seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en responsabilité civile engagée par Mme [O] [V] épouse [W], [N] [W], et leur fille, Mme [A] [W] épouse [F] en l'absence de justification de l'autorisation de M. [U] [W] d'agir en justice ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant de nouveau,
Dit que la responsabilité contractuelle de la société Cabinet d'architecture [R] n'est pas engagée ;
Déboute Mme [O] [V] veuve [W], Mme [A] [W] épouse [F] et M. [U] [W], agissant à titre personnel et en leur qualité d'ayant-droit de [N] [W], de toutes leurs demandes ;
Condamne in solidum Mme [O] [V] veuve [W], Mme [A] [W] épouse [F] et M. [U] [W] aux dépens de la procédure d'appel, dont distraction à Mme Pedroletti, avocate conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Mme [O] [V] veuve [W], Mme [A] [W] épouse [F] et M. [U] [W] à payer à M. [G] [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R], et la société Mutuelle des architectes français une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
DE
VERSAILLES
Code nac : 54G
Ch civ. 1-4 construction
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 OCTOBRE 2025
N° RG 24/00157
N° Portalis DBV3-V-B7I-WIVV
AFFAIRE :
[O] [V] veuve [W],
[A] [W] épouse [F],
[U] [W]
C/
[G] [R]
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 06 Juin 2019 par la Cour de Cassation de [Localité 17]
N° Pourvoi :Z 18-17.735
Expéditions exécutoires, Copies certifiées conforme délivrées le :
à :
Me Sami SKANDER
Me Mélina PEDROLETTI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDEURS devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (2ème chambre civile) du 6 juin 2019 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 5 mars 2018
Madame [O] [V] veuve [W] et agissant en outre en sa qualité d'ayant droit de [N] [W]
Chez Mme [A] [W] épouse [F]
[Adresse 5]
[Localité 11]
Représentant : Me Sami SKANDER, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 202
Madame [A] [W] épouse [F] et agissant en outre en sa qualité d'ayant droit de [N] [W]
[Adresse 5]
[Localité 11]
Représentant : Me Sami SKANDER, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 202
Monsieur [U] [W] et agissant en outre en sa qualité d'ayant droit de [N] [W]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Sami SKANDER, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 202
****************
DEFENDRESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [G] [R] agissant en sa qualité de mandataire ad'hoc de la Société CABINET D'ARCHITECTURE [R]
[Adresse 10]
[Localité 8]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626
Plaidant : Me Antoine TIREL de la SELAS LARRIEU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J073
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626
Plaidant : Me Antoine TIREL de la SELAS LARRIEU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J073
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente chargée du rapport et Madame Séverine ROMI, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffière lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [O] [V] épouse [W], M. [N] [W], et leur fille, Mme [A] [W] épouse [F] ont fait assigner à jour fixe, le 6 janvier 2015, la société Cabinet d'architecture [R] (ci-après « société [R] »), intervenue pour l'établissement des plans de la maison en cours de construction sur la parcelle cadastrée [Cadastre 12], située [Adresse 2] à [Localité 16] (95), appartenant à Mme [A] [W] et son frère, M. [U] [W], aux fins d'obtenir sa condamnation à leur payer diverses sommes en réparation de fautes de conception de la rampe d'accès au garage de cette maison, sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Selon eux, cette rampe ne permettrait pas d'accéder au sous-sol de la maison, compte tenu de la déclivité de la pente. En outre, ils prétendent que le point de départ de la descente du garage empiète sur une parcelle appartenant à la commune d'[Localité 16].
Par jugement contradictoire du 15 mai 2015, le tribunal de grande instance de Pontoise a :
- déclaré irrecevable l'action en responsabilité civile engagée par les demandeurs en l'absence de justification de l'autorisation de M. [U] [W] d'agir en justice,
- condamné les demandeurs à verser aux sociétés [R] et Mutuelle des architectes de France (ci-après « MAF ») la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande,
- condamné les demandeurs aux dépens.
Le tribunal a jugé que l'engagement d'une action en justice en vue d'obtenir la démolition de la maison ne constituait pas un acte d'administration et que cette saisine nécessitait l'intervention ou l'autorisation du dernier coïndivisaire, M. [U] [W], qui n'était pas partie à la procédure.
Il a retenu qu'il n'y avait pas lieu d'examiner la fin de non-recevoir tirée de l'éventuelle qualité de maître d'ouvrage des associations Rassemblement démocratique algérien pour la paix et le progrès (RDAP) et organisation arabe unie (OAU), cette question ayant déjà été tranchée par l'ordonnance du tribunal administratif du 15 novembre 2012 qui avait autorité de la chose jugée.
Concernant la demande reconventionnelle de M. [N] [W], dont le fondement juridique n'était pas précisé, il l'a rejetée en l'absence de démonstration d'une faute, en précisant que les associations RDAP et OAU étaient présidées par M. [N] [W], qu'elles avaient financé l'opération de construction et qu'elles avaient, en juillet 2009 signé le contrat de construction de la maison avec la société Ceco bâtiment, placée en liquidation judiciaire par jugement du 21 octobre 2010.
M. et Mme [W] et Mme [F] ont interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 25 septembre 2017, la cour d'appel de Versailles a ordonné la réouverture des débats pour entendre les parties sur le moyen soulevé d'office de la recevabilité de l'intervention volontaire de M. [U] [W] au regard des exigences de l'article 554 du code de procédure civile.
Par arrêt du 5 mars 2018, la cour d'appel de Versailles a :
- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes présentées par les époux [W] et Mme [F] dans leurs écritures signifiées le 12 octobre 2017 et par M. [G] [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R], et la société MAF, dans leurs conclusions signifiées 18 octobre 2017 qui ne répondaient pas à la seule et unique question juridique posée par cette cour dans son arrêt du 25 septembre 2017,
- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de M. [U] [W],
- confirmé le jugement,
- condamné in solidum les consorts [W] à payer à M. [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R] et à la société MAF la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné in solidum les consorts [W] aux dépens d'appel.
Par motifs adoptés, la cour a jugé que l'action en justice en vue d'obtenir la démolition de la maison n'était pas un acte d'administration et qu'elle nécessitait l'intervention ou l'autorisation du dernier coïndivisaire, M. [U] [W], qui n'était pas partie à la procédure, et qu'il n'était pas démontré qu'il avait été informé de celle-ci, ni qu'il l'avait autorisée expressément.
Elle a également retenu, au visa de l'article 554 du code de procédure civile, que M. [U] [W] ne justifiait pas de la qualité de tiers l'autorisant à intervenir volontairement en cause d'appel puisqu'il avait la qualité de coïndivisaire, qu'il avait omis d'agir en première instance avec les autres coïndivisaires pour défendre leurs intérêts alors que la régularité de la procédure litigieuse exigeait qu'il y soit appelé, de sorte qu'il ne pouvait sérieusement prétendre agir de son propre chef, comme partie nouvelle, sans y être obligé.
M. et Mme [W], Mme [F] et M. [U] [W] (ci-après « les consorts [W] ») ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Par arrêt du 6 juin 2019, la Cour de cassation a :
- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mars 2018,
- remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée,
- condamné la société MAF et M. [R], en qualité de mandataire ad hoc de la société [R], aux dépens et à payer aux consorts [W] la somme globale de 3 000 euros.
La Cour de cassation a jugé, au visa des articles 31 du code de procédure civile, 1147 ancien et 815-3 du code civil, que l'action personnelle tendant à l'allocation de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice subi n'entrait pas dans le champ de l'article 815-3 du même code et que la cour d'appel avait violé ces textes.
Elle a également jugé, au visa des articles 554 du code de procédure civile et 815-3 du code civil, que dès lors que M. [U] [W] n'avait été ni partie ni représenté par son coïndivisaire en première instance, la cour d'appel ne pouvait retenir qu'il ne justifiait pas de la qualité de tiers l'autorisant à intervenir volontairement en cause d'appel.
Par déclaration du 26 juin 2019, M. et Mme [W], Mme [W] épouse [F] et M. [U] [W] ont saisi la cour d'appel de renvoi.
L'affaire a été fixée à l'audience du 27 juin 2022 mais le conseil des consorts [W] a, le 14 juin, sollicité le renvoi au motif de la décharge de sa responsabilité et de l'état de santé de M. [N] [W].
L'affaire a été radiée par mention au dossier pour défaut de diligences.
Un nouvel avocat s'est constitué pour les appelants le 22 décembre 2023 et a sollicité la réintroduction de l'instance au rôle.
[N] [W] est décédé le 27 octobre 2024.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives remises au greffe le 26 février 2025 (23 pages), Mme [V] veuve [W], Mme [W] épouse [F] et M. [U] [W], agissant à titre personnel et en leur qualité d'ayants-droits de [N] [W] demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement,
- de débouter la société MAF et M. [R] de toutes demandes,
- de dire et juger que la société [R] a commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle,
- de constater que les préjudices invoqués découlent des fautes commises par la société [R],
- à titre principal, de condamner in solidum M. [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R] et la société MAF à leur payer la somme de 440 000 euros au titre de la moins-value de la maison par rapport à celle initialement envisagée, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015, date de l'assignation,
- à titre subsidiaire, en cas de démolition de la construction au stade constaté par M. [D], de condamner in solidum M. [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R] et la société MAF à leur payer la somme de 433 236,92 euros (214 744,20 euros + 218 492,72 euros) au titre de la démolition et de la reconstruction du pavillon et des travaux effectués en pure perte,
- à titre très subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour, pour plus ample informée, souhaiterait instruire sur la perte de valeur vénale du pavillon non conforme, d'ordonner une expertise immobilière en vue de déterminer la perte de valeur du bien immobilier en raison des non-conformités visées au rapport d'expertise judiciaire de M. [D], aux frais de la société MAF, qui sera tenue de régler la consignation initiale et les suivantes,
- en tout état de cause, de condamner in solidum M. [R] ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R] et la société MAF à leur payer :
- la somme de 79 516,83 euros au titre de la poursuite de la location du bien de [Localité 14], avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015, date de l'assignation, pour la somme de 50 293,38 euros et à compter de la signification des présentes pour le surplus,
- la somme de 2 915 euros au titre des taxes d'habitation réglées par Mme [W] depuis 2012, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015, pour la somme de 2 090 euros et à compter de la signification des présentes pour le surplus,
- la somme de 10 133,48 euros au titre des consommations en eau, électricité, gaz et téléphone fixe de Mme [W] depuis 2012 jusqu'au mois d'octobre 2015, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015, pour la somme de 8 245,35 euros et à compter de la signification des présentes pour le surplus,
- la somme de 5 000 euros au titre du paiement d'un acompte versé en pure perte à M. [K], entrepreneur, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015,
- la somme de 23 500 euros TTC et 390 euros TTC au titre des honoraires de MM. [S] et [J], architectes, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015,
- la somme de 16 534,31 euros au titre des frais généraux exposés par les requérants du 1er février 2012 au 16 juin 2013, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015,
- la somme de 40 000 euros tous préjudices confondus liés à la privation d'une vie commune familiale, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2015,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts,
- de condamner in solidum M. [R] ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R] et la société MAF au paiement :
- d'une indemnité pour procédure abusive de 10 000 euros, outre une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- au remboursement des honoraires de M. [C] à hauteur de 1 800 euros,
- de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- aux entiers dépens de premier instance et d'appel, qui comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire réglés par les requérants qui s'élèvent à la somme de 9 463,31 euros, dépens qui seront recouvrés par Mme Minault, avocate, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives n°5 (49 pages) remises le 13 janvier 2025, M. [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R], et la société MAF, son assureur demandent à la cour de :
- rejeter des débats la pièce n° 3 produite par les appelants,
- juger qu'aucune des pièces produites par eux ne démontre la réalité du domicile de M. [U] [W] et de Mme [A] [W] épouse [F],
- en conséquence, juger irrecevables les conclusions d'intervention volontaire de M. [U] [W],
- juger irrecevables les conclusions d'appelante de Mme [F],
- juger irrecevable l'appel des consorts [W],
- les débouter de toutes demandes,
- à titre subsidiaire, juger que la cession de droit à agir consentie aux « consorts [W] » par les associations RDAP et OAU, constitue un pacte prohibé entre les associations et leurs dirigeants, convention étrangère à l'objet associatif, et en prononcer l'annulation,
- déclarer irrecevable l'appel des consorts [W] et les débouter de toute demande,
- à titre subsidiaire, sur leur responsabilité contractuelle :
- juger que la falsification des plans a entraîné la conviction de l'expert et des conclusions sur la responsabilité de l'architecte totalement erronées, la pièce n° 7 communiquée devant les premiers juges et à l'appui des conclusions d'appel, « arrêté de permis de construire », comportant un plan de rez-de-chaussée et un plan étage étrangers au dossier de demande de permis de construire, non revêtus du paraphe de Mme [O] [W] « mandataire » des consorts [W] et du tampon de la mairie,
- juger l'absence de responsabilité contractuelle pour manquement à son obligation de conseil,
- juger que l'exigence d'un accès au sous-sol pour une personne à mobilité réduite, en conformité de la loi du 11 février 2005, n'est pas un engagement contractuel du cabinet [R] mais une obligation contractuelle souscrite par la société Ceco bâtiment, dans un devis/marché du 2 juillet 2009, d'un montant de 73 937 euros TTC, excédant le projet de base établi par M. [R], accepté et financé par les associations OAU et RDAP, et dont M. [W] était signataire en simple qualité de « bénéficiaire », travaux non exécutés par la société Ceco bâtiment et non payés,
- en conséquence, juger l'absence totale d'engagement contractuel de la société [R] pour l'accessibilité à une personne à mobilité réduite au sous-sol et à l'étage, et de toute faute contractuelle de la société [R],
- constater que l'adaptation d'un accès PMR du garage au rez-de-chaussée par monte-personne avait été chiffré en cours d'expertise judiciaire à 57 637,24 euros, montant inférieur au devis accepté par la société Ceco bâtiment, non exécutée, et l'absence de tout préjudice.
- en conséquence, débouter les appelants de toute demande portant sur la responsabilité contractuelle du cabinet [R] dans une non-conformité d'une accessibilité des personnes handicapées au sous-sol et à l'étage,
Sur les demandes de réparation de préjudices financiers :
- juger infondées et abusives les demandes de réparation financière du coût d'une démolition- reconstruction alors que la construction parvenue hors d'eau s'est poursuivie jusqu'à son achèvement sous la maîtrise d''uvre de l'architecte M. [S] et les débouter de toute demande à ce titre,
- en conséquence, débouter les appelants de leurs demandes de condamnation aux sommes de 214 744,20 euros à titre de démolitions et de reconstruction, 444 000 euros au titre de moins-value de la maison, par rapport (sic),
- juger l'absence de toute faute cumul entre les préjudices allégués pour double charge (sic),
- débouter les appelants de leurs toutes demandes de paiement des sommes de 79 516,83 euros, 2 915 euros, 10 133,48 euros, 5 000 euros, 23 500 euros TTC et 390 euros TTC, 16 534,31 euros, 40 000 euros, 10 000 euros, 1 800 euros et 15 000 euros, ainsi qu'aux entiers dépens de premier instance et d'appel,
- débouter les appelants de leur demande de préjudice non fondée, et tout au moins, la réduire à de plus justes proportions.
- à titre très subsidiaire, débouter les consorts [W] de leur demande d'expertise immobilière en vue de déterminer la perte de la valeur du bien immobilier au regard du rapport d'expertise [D].
- dans l'hypothèse où la Cour s'estimerait insuffisamment informée, sur la falsification du dossier d'accord du permis de construire communiqué en pièce 7 par les consorts [W] pour faire preuve et soutenir une faute contractuelle du cabinet [R], d'enjoindre aux consorts [W] de communiquer l'original du dossier, complet du permis de construire que leur a adressé la mairie d'[Localité 16] avec l'arrêté d'autorisation, et des pièces jointes au courrier adressé à la mairie d'[Localité 16] le 16 octobre 2007, portant sur les modifications et demande de substitution de plans en cours d'instruction, afin de permettre que la cour puisse comparaître (sic) avec celui produit par les consorts [W] en pièce 7 pour faire preuve,
Sur les demandes à l'encontre de la MAF :
- juger que les garanties de la société MAF n'interviendraient que dans les conditions et limites de son contrat et spécialement sur le plafond de garantie et sur la franchise,
- dans tous les cas, condamner in solidum les appelants à leur payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Mme Pedroletti, avocate, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 mars 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 2 juin 2025 et elle a été mise en délibéré au 20 octobre 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « dire et juger » qui ne sont pas des prétentions juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Il y a lieu également de rappeler qu'aux termes de l'article 954 alinéa 3 du même code, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. En l'espèce, si le dispositif des conclusions des appelants mentionne le visa des articles 1147 et 1382 ancien du code civil, seuls des moyens au soutien de la responsabilité contractuelle de M. [R] sont développés dans les écritures.
La Cour de cassation a retenu que l'intervention en cause d'appel de M. [U] [W] était recevable.
Sur la recevabilité des conclusions d'intervention volontaire de M. [W] et de Mme [F]
Dans de longs développements assez confus, M. [R] et son assureur soutiennent que les conclusions d'intervention volontaire de M. [W], qui n'indiqueraient ni son lieu de naissance, ni sa profession, ni son adresse réelle, ne respectent pas les formes de l'article 960 du code de procédure civile. Ils soutiennent que le domicile mentionné sur son intervention volontaire n'était pas démontré. Ils ajoutent que les domiciles réels de M. [W] et celui de sa s'ur auraient été occultés.
Les appelants font valoir que Mme [W] réside aujourd'hui chez sa fille Mme [F] au [Adresse 6] à [Localité 13] (93), qu'elles y ont élu domicile et que M. [W] confirme résider [Adresse 4] (82) sans que ceci ne puisse porter préjudice.
Reprenant les divers actes produits dans le cadre de cette procédure, les intimés évoquent, sans pertinence, les divers domiciles prétendus de M. [W] en 2010, 2011, 2016, 2019 et produisent une enquête privée menée en 2019 qui n'est plus d'actualité.
Il ressort du dossier que le fils et la fille des époux [W] ont toujours fait état d'une domiciliation chez leurs parents à [Localité 14] (78), même s'ils n'y résidaient pas en permanence. Cette élection de domicile, et celle qui a suivi, ne sont pas de nature à vicier la procédure.
La cour constate que le domicile de Chatou, indiqué en son temps devant le tribunal, n'avait pas été contesté.
En outre, rien ne justifie que « la pièce n°3 produite par les appelants » qui correspond au contrat d'architecte signé le 16 juillet 2007 ne soit rejetée comme le demandent sans fondement les intimés.
En toute hypothèse, la cour constate que les mentions requises figurent aujourd'hui dans les conclusions qui saisissent la cour, que les intimés n'établissent pas que les domiciles mentionnés seraient fictifs et qu'ils ne démontrent aucun grief résultant d'une prétendue irrégularité aux articles 960 et 961 du code de procédure civile.
Le moyen est rejeté. Les conclusions de Mme [F] et de M. [W] sont jugées recevables comme l'appel des consorts [W].
Sur la fin de non-recevoir
M. [R] et son assureur soutiennent que les consorts [W] ont, à l'appui de leur action, produit une « assemblée générale de OAU-RDAP » datée du 1er septembre 2012, que la convention du 1er septembre 2012 est fondée sur des actes prohibés puisqu'elle valide a posteriori des usages abusifs de fonds associatifs et qu'elle ne peut fonder un droit à agir. Ils rappellent qu'il a été définitivement jugé que les associations OAU et RDAP étaient dépourvues d'intérêt à agir et qu'elles ne pouvaient donc avoir cédé leur droit. Ils ajoutent que M. [W] n'est pas bénéficiaire de cette cession du droit à agir.
Il n'est pas contesté que les associations OAU-RDAP, qui avaient financé les travaux de la maison, ont été écartées des opérations d'expertise par ordonnance du 9 juillet 2012 pour défaut de qualité à agir.
La cour retient que les consorts [W] justifient de leur qualité et d'un intérêt à agir directement à l'encontre de leur cocontractant et de son assureur pour obtenir réparation d'une faute contractuelle qui aurait été commise par l'architecte dans le cadre de sa mission et qu'il importe peu le lien avec l'organe financier de l'opération qui n'est pas partie à la procédure.
La fin de non-recevoir est rejetée.
Sur la responsabilité contractuelle de l'architecte
Les appelants font valoir que c'est M. [R] qui a établi les plans du permis de construire et la notice descriptive ayant donné lieu à la délivrance du permis, que les travaux ont été réalisés conformément aux plans du permis de construire, que l'expert a retenu que la rampe avait été édifiée en empiétant sur la parcelle appartenant au conseil départemental, que M. [R] s'est trompé sur la limite de la prestation alors qu'il avait connaissance du projet d'élargissement, que cette erreur d'implantation résulte d'une erreur d'appréciation sur l'emprise de la voirie et constitue une faute incontestable engageant la responsabilité de l'architecte, puisque la pente mesurée par le géomètre sapiteur à 23 % n'est pas conforme aux normes régissant les rampes et constitue une erreur de conception.
Ils ajoutent que M. [R] était parfaitement informé de la situation de handicap de [N] [W] et qu'il n'a pas tenu compte des normes relatives aux rampes d'accès, des conséquences prévisibles de l'élargissement de la RD 909 ni de leurs attentes en termes d'accessibilité.
Selon eux, cette erreur a rendu impraticable tout le sous-sol pour un accès véhicule, quel qu'il soit, alors que trois places de stationnement étaient prévues et elle a fait perdre une grande partie de la valeur de la maison composée de cinq chambres. Ils estiment que le pavillon n'est pas conforme aux normes PMR et n'est pas du tout adapté à une personne handicapée.
Ils réfutent toute immixtion de leur part, en leur qualité de maître d'ouvrage, dans l'établissement des plans.
En application des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
L'article 1315 devenu 1353 du même code ajoute que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
L'article 9 du code de procédure civile rappelle qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Il est admis que l'architecte, dont l'étendue des obligations est limitée par la mission qui lui est confiée par le maître d'ouvrage, est redevable envers lui d'une obligation générale de conseil et de renseignements ainsi que d'obligations techniques, financières, comptables, administratives et juridiques, tout au long de sa mission. Son obligation de moyens varie selon le contrat qui le missionne.
Il est rappelé que son obligation d'information ne s'applique pas aux faits connus de tous ou dont le maître d'ouvrage a lui-même connaissance.
La mise en jeu de sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige, est conditionnée à la preuve de sa faute, qui peut notamment résulter d'un manquement à son obligation de conseil, d'une faute dans sa mission de conception et de direction des travaux, d'un défaut de conformité, de dommages intermédiaires, de retard dans la réalisation des travaux ou encore de dépassement du coût des travaux. La charge de la preuve est inversée en matière de défaut de conseil, l'architecte devant démontrer qu'il a rempli cette obligation.
Il est admis que l'architecte chargé d'établir les documents du permis de construire doit proposer un projet réalisable, tenant compte des contraintes du sol et que le maître d'ouvrage doit avoir été clairement informé des risques inhérents à son choix.
Le manquement contractuel ou la faute invoqués doivent avoir causé un préjudice en lien direct avec le préjudice allégué.
En l'espèce, [N] [W] a pris contact avec M. [R] par courrier du 12 juillet 2007 comprenant la promesse de vente, une photo du type de façade souhaité, un plan établi personnellement (rez-de-chaussée, étage et sous-sol) et un plan de division. [N] [W], qui s'était bien renseigné, a précisé dans son courrier : « A titre d'information, il n'y a pas de [Localité 15], le PLU est OK pour les autres éléments techniques ou administratifs, ils sont ceux (sic) les mêmes que le projet d'ALDINO qui nous a remis vos coordonnées. »
Il n'est pas contesté que la société [R] est intervenue après la signature d'une promesse de vente sur le terrain situé à [Localité 16], soit bien avant la vente du terrain signée le 7 mars 2009. La promesse de vente n'a pas été communiquée par les consorts [W].
Le 16 juillet 2007, les consorts [W] ont signé avec la société [R], une « mission d'architecte » pour l'établissement du dossier de permis de construire d'une maison individuelle située [Adresse 2] à [Localité 16].
Le contrat (pièce n°3) prévoit :
« Suivant notre accord, ma mission se limitera à l'établissement du projet de votre pavillon et la constitution du dossier de permis de construire et son dépôt en mairie d'[Localité 16] conformément aux règles de ma profession.
Le projet sera établi conformément aux documents remis par vous et aux renseignements obtenus par la mairie d'[Localité 16].
Mes honoraires seront forfaitaires pour un montant de 1 500 euros TTC payables au dépôt du permis de construire ».
Il n'est pas contestable que l'architecte a reçu une mission expressément et strictement limitée à l'établissement d'un projet destiné à l'obtention du permis de construire d'une maison d'habitation, à l'exclusion de toute autre mission. Au demeurant, la surface souhaitée par les maîtres d'ouvrage étant supérieure à 170 m² (SHON 251 m²), les plans devaient obligatoirement être signés par un architecte.
S'il est manifeste que c'est bien M. [R] qui a remis les plans et la notice en mairie, il ressort du contrat que celui-ci a reçu les « documents remis par les consorts [W] ».
Après quelques modifications réclamées par [N] [W], la dernière version des plans établis par M. [R] et paraphés par Mme [W], bénéficiaire d'une délégation de signature du 7 octobre 2007, a été jointe à la demande de permis de construire reçue en mairie le 12 octobre 2007.
Le courrier du 16 octobre 2007 (pièce n°12) établit avec certitude que M. [R] avait connaissance de la situation de handicap de [N] [W] mais il est patent qu'aucune mission spécifique ne lui a expressément été confiée à ce titre dans le contrat initial liant les parties. Au demeurant, même M. [D], expert, s'est interrogé sur le « contenu de la commande » passée par le maître d'ouvrage qui a demandé un aménagement du rez-de-chaussée après la conclusion du contrat.
Il est rappelé que la notice PMR ne doit être jointe à une demande de permis de construire que lorsque la construction est destinée à la vente ou à la location, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
La dernière version du plan du rez-de-chaussée et de la coupe, signée et paraphée, mentionne bien une rampe d'accessibilité entre la voie et la porte d'entrée du rez-de-chaussée à 4 % et prévoit une accessibilité PMR, suite à la demande faite par [N] [W] à quelques jours du dépôt de la demande. Il ne peut donc être reproché à M. [R] de ne pas avoir réalisé des plans prévoyant une accessibilité PMR.
En toute hypothèse, il ressort du devis de la société Ceco bâtiment du 2 juillet 2009, en sa qualité d'entreprise générale, qu'étaient prévus des « travaux d'aménagement d'une chambre et salle de bain, ainsi que l'accès de la limite de propriété, suite à l'acceptation du PC numéro 095203 0700048 en date du 19 décembre 2007, pour une personne à mobilité réduite, accompagnés par des espaces de circulation en conformité de la loi du 11 février 2005 et monte personne du garage en sous-sol au rez-de-chaussée. »
Concernant l'accès habitation, le devis ajoute : « Réalisation d'un chemin d'accès en BA armé, avec un revêtement en dallage pierre, de la rue à la maison conformément au plan du permis de construire, avec une pente de 4 % ». Ces travaux ont été chiffrés à la somme de 73 937 euros TTC mais n'ont pas été réalisés par cette entreprise générale avant sa liquidation par jugement du 21 octobre 2010.
Ce devis montre que les plans de M. [R] prévoyaient cet accès mais l'obligation de les réaliser incombait à l'entrepreneur. Aucun manquement de conception ne peut être retenu à l'encontre de M. [R] à ce titre puisque les attentes ont été prises en compte par l'architecte dans le cadre du dépôt du permis de construire.
Des plans rectifiés à la demande de la mairie, mais non paraphés par Mme [W], ont été adressés le 16 octobre 2007, les modifications concernaient essentiellement le vitrage des fenêtres et aucunement le rez-de-chaussée. Le permis de construire a bien été accordé pour les plans du rez-de-chaussée et du premier étage datés du 16 octobre 2007, tamponnés par la mairie.
La demande de permis a été faite au nom des consorts [W] et accompagnée d'une notice et des plans, elle correspond au programme voulu par le maître d'ouvrage qui souhaitait que la construction occupe le maximum d'emprise et de hauteur autorisée par le PLU.
Par ailleurs, aucune faute de non-respect des règles d'urbanisme n'est démontrée à l'encontre de M. [R]. De même, il n'y avait pas d'autre implantation altimétrique et planimétrique que celle choisie par M. [R], [N] [W] souhaitant édifier une maison dans les limites maximum autorisées. À cet égard, l'instruction du permis de construire a bien porté sur l'aménagement extérieur et sur le respect du PLU, du gabarit maximal, des prescriptions d'implantation et de la marge de recul.
Le permis a été accordé par la mairie d'[Localité 16] le 19 décembre 2007 et transmis aux seuls consorts [W], date à laquelle la mission du maître d''uvre a pris fin.
Au surplus, contrairement à ce qui est soutenu par M. [R], ni [N] [W] qui aurait exercé des activités de « conseil en gestion » et qui a rédigé des requêtes devant le tribunal administratif, ni son épouse, gérante d'une société civile immobilière dont l'activité est l'acquisition et l'administration des biens immeubles et terrains, ne peuvent être considérés comme des professionnels de la construction. Les connaissances prétendues de [N] [W] en droit de l'urbanisme et en droit administratif ne sauraient lui conférer une qualité de sachant.
Il faut remarquer que ces travaux de construction d'un immeuble d'habitation ont débuté le 1er septembre 2009, sans que les maîtres d'ouvrage n'aient jugé nécessaire de s'adjoindre les services d'une maîtrise d''uvre complète comprenant l'assistance pour la passation des contrats de travaux, la direction de l'exécution des travaux et l'assistance à la réception des travaux. Ce choix économique interpelle au regard de l'importance du projet.
Il est rappelé que l'entrepreneur doit renseigner le maître d'ouvrage sur la faisabilité des travaux, sur leurs conséquences et sur les risques encourus et qu'en l'absence de maître d''uvre, le devoir de conseil de l'entreprise est renforcé : l'entrepreneur a l'obligation de vérifier la conformité de la construction au permis de construire et à la réglementation de l'urbanisme. Ainsi, il est admis que l'absence de prise en compte de la nature du sol constitue une faute de conception de l'ouvrage commise par l'entrepreneur intervenu en l'absence de maître d''uvre.
À ce titre, la cour relève également que dans son rapport, M. [D], expert, a noté (page 16) qu'en dépit d'une imprécision du plan de permis de construire, celui-ci a servi de plan d'exécution. Il a ajouté que l'absence de plans d'exécution était à mettre « au compte de l'entreprise de travaux ». Il est établi que la société Ceco bâtiment n'a réalisé aucun plan d'exécution et que durant cinq ans, jusqu'en 2012, aucune réclamation n'a été faite à M. [R], alors que le chantier se poursuivait. C'est par conséquent sans fondement que les consorts [W] reprochent à M. [R] un empiétement de la rampe sur la parcelle du conseil départemental qui n'avait à cette époque fourni aucune cote précise de ses travaux d'élargissement.
Il ressort également des débats que les maîtres d'ouvrage n'ont pas souscrit d'assurance dommages-ouvrage et, comme le relèvent les intimés, qu'aucun contrat de construction d'une maison individuelle n'a été signé.
Les consorts [W] reprochent également à la société [R] de n'avoir pas pris en considération le projet d'élargissement de la rue.
À l'appui de leur demande, ils produisent le rapport d'expertise ordonnée dans le cadre du litige administratif à l'encontre de la mairie et du conseil départemental du Val-d'Oise et déposé par M. [D] le 24 novembre 2013.
En effet, à l'occasion de la mise en 'uvre des travaux d'élargissement de la rue, entrepris par le conseil départemental, [N] [W], dont le chantier était déjà à l'arrêt, a déposé une requête en référé expertise devant le tribunal administratif, estimant que ces travaux de surélévation de la chaussée entraînaient des conséquences dommageables et irréparables en le privant de son accès au garage situé en sous-sol.
L'expert désigné par la juridiction administrative a retenu que le désordre résidait dans une pente trop importante pour accéder de la rue au garage enterré au sous-sol et constaté que l'élargissement de la RD 909 déplaçait le point de départ et augmentait la pente. Selon lui, le désordre résultait d'un défaut de conception du projet puisque la pente prévue initialement était déjà trop importante pour assurer un accès confortable au parking en sous-sol. Il a précisé que la norme NFP 91-120 d'avril 1996 prévoyait une pente limitée à 18 % alors que la pente mesurée par le géomètre sapiteur était de 23 %.
En conclusion, l'expert affirmait que la mairie avait sans aucun doute connaissance des travaux d'élargissement lors de la délivrance du permis de construire et que le concepteur aurait dû se renseigner sur ce projet d'urbanisme connu de longue date. Selon lui, la pente de la rampe du garage prévue dans le projet était hors normes -même sans difficulté de mobilité- mais les travaux d'élargissement avaient de toute évidence eu un impact sur l'accessibilité de la villa puisqu'ils ont aggravé une pente déjà excessive. Il ajoutait que les conséquences résultaient d'un défaut constructif et a estimé à tort que la seule solution vraiment acceptable consistait à déconstruire et reconstruire. Il imputait les responsabilités à 80 % pour M. [R] et à 20 % pour l'entreprise générale.
Les intimés reconnaissent avoir eu connaissance du projet d'élargissement de la [Adresse 18]. Néanmoins, il est constant que les plans d'exécution de la déviation de la RD 909 n'ont été établis par la SAFER que le 24 octobre 2012, soit cinq ans après la délivrance du permis de construire.
Ils contestent les conclusions de l'expertise en soutenant que l'expert aurait reçu des documents falsifiés ou tronqués. Ils ajoutent que la norme NFP 91-120, au demeurant non communiquée à la cour, n'a pas de caractère obligatoire et qu'elle n'a pas été contractualisée.
Il n'est pas à exclure en effet que la demande de permis de construire, telle que communiquée par les consorts [W] à l'expert désigné, n'ait pas permis à ce dernier de prendre une connaissance objective des plans, dans leur dernière version visée par le permis, ce qui limite le caractère probant de cette expertise. La cour constate de surcroît que malgré les longs développements des intimés sur ce point, les appelants n'ont pas jugé utile de communiquer le dossier complet du permis de construire comportant, sur l'intégralité des pièces, le tampon de la mairie. Contrairement à ce qu'indiquent les appelants, ce n'est pas M. [R] qui a transmis à cet expert les plans objets du permis. Les seuls plans transmis par M. [R] (pièces n° 12, 16 et 23) ne concernent pas les plans visés par le permis de construire. Dès lors, l'expert n'a pas tenu compte des plans du rez-de-chaussée matérialisant les aménagements pour personne à mobilité réduite.
D'autre part, l'expert a relevé en page 19 de son rapport, l'absence de cote d'altitude du garage et du nouvel alignement. À ce titre, il est rappelé que les plans litigieux ont été établis plus de cinq ans avant la réalisation des travaux d'élargissement envisagés et qu'à cette époque, si une enquête préalable avait été réalisée en 2004, il n'est pas démontré que des plans précis aient été accessibles pour l'architecte. On ne saurait à cet égard reprocher un manquement au maître d''uvre qui n'a pu être plus précis sur ce point en l'absence de cote certaine. S'il a pu y avoir une erreur d'appréciation sur l'emprise future de la voirie, elle est à relativiser au regard de ceci et de la mission ponctuelle et limitée confiée à l'architecte.
En outre, les maîtres d'ouvrage ne pouvaient ignorer la déclivité du terrain sur lequel ils entendaient édifier leur programme immobilier, cette information étant apparente et à la portée de tous.
Les pièces du dossier montrent enfin que la construction n'a finalement pas été démolie et qu'elle s'est poursuivie durant la procédure judiciaire, en conformité avec le permis accordé en 2007 et en maintenant l'implantation définie par M. [R]. Les maîtres d'ouvrage se sont adjoints cette fois les services de M. [S], architecte titulaire d'une mission complète pour la reprise et l'achèvement des travaux à partir du gros-'uvre réalisé et avec le gabarit autorisé par le permis de construire et la maison est achevée et réceptionnée depuis le 16 août 2017.
Il n'est pas contesté que les consorts [W] ont finalement décidé de supprimer la rampe d'accès au garage et finalement créer au sous-sol un appartement de 75,18 m² qui n'était pas autorisé par le permis délivré en 2007 ainsi que trois places de parking sur la façade avant. Les travaux d'achèvement ont été réalisés au prix de 218 492,72 euros TTC.
Au final, en l'état des pièces produites et au regard de l'étendue très limitée de la mission confiée à l'architecte, dans un contrat laconique, pour un montant total de 1 500 euros TTC, ce qui correspond à environ cinq jours de travail pour un architecte, il est retenu que les consorts [W] ne démontrent pas de manquements contractuels imputables à M. [R] dans la tâche qui lui a été confiée et à l'origine des préjudices qu'ils invoquent.
Au contraire, il est relevé que les maîtres d'ouvrage ne pouvaient ignorer les particularités de leur terrain, qu'ils ont pris le risque de faire l'économie d'une maîtrise d''uvre d'exécution malgré l'ampleur de leur projet et les difficultés apparentes, qu'ils n'ont pas souscrit d'assurance dommages-ouvrage malgré le conseil de leur architecte, qu'ils ont fait seul le choix d'une entreprise générale qui s'est trouvée en liquidation dès le mois d'octobre 2010 et qu'ils n'ont fait aucune réclamation à leur architecte avant de l'assigner en référé expertise en mars 2012, soit près de cinq ans après l'obtention du permis de construire.
Il est, par conséquent, jugé qu'aucun manquement contractuel n'est imputable à M. [R].
Les consorts [W] sont déboutés de toutes leurs demandes.
Sur la demande de dommages et intérêts et au titre d'une amende civile pour procédure abusive
Les appelants réclament une « indemnité pour procédure abusive de 10 000 euros, outre une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ».
Ils font valoir que les moyens des intimés excèdent manifestement le cadre d'une défense normale.
Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
En l'espèce, ni les circonstances du litige, engagé à l'initiative des consorts [W] dans un contexte de condamnation pénale de [N] [W] par jugement du 11 avril 2017, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l'encontre de M. [R] et de son assureur une faute de nature à faire dégénérer en abus, le droit de se défendre en justice. Il n'est pas fait droit à la demande de dommages intérêts formée à ce titre.
Les parties ne peuvent de surcroît avoir aucun intérêt moral au prononcé d'une amende civile. Il n'y a pas lieu d'en prononcer.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les consorts [W] qui succombent en appel sont condamnés aux entiers dépens d'appel.
Selon l'article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Les consorts [W] sont condamnés à payer à la société [R] et à son assureur la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Rejette les fins de non-recevoir ;
Déclare recevables les conclusions d'intervention volontaire de M. [U] [W] et les conclusions d'appelante de Mme [A] [W] épouse [F] ;
Déclare recevable l'appel de Mme [O] [V] veuve [W], Mme [A] [W] épouse [F] et de M. [U] [W], agissant à titre personnel et en leur qualité d'ayant-droit de [N] [W] ;
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats « la pièce n°3 produite par les appelants » ;
Infirme le jugement seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en responsabilité civile engagée par Mme [O] [V] épouse [W], [N] [W], et leur fille, Mme [A] [W] épouse [F] en l'absence de justification de l'autorisation de M. [U] [W] d'agir en justice ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant de nouveau,
Dit que la responsabilité contractuelle de la société Cabinet d'architecture [R] n'est pas engagée ;
Déboute Mme [O] [V] veuve [W], Mme [A] [W] épouse [F] et M. [U] [W], agissant à titre personnel et en leur qualité d'ayant-droit de [N] [W], de toutes leurs demandes ;
Condamne in solidum Mme [O] [V] veuve [W], Mme [A] [W] épouse [F] et M. [U] [W] aux dépens de la procédure d'appel, dont distraction à Mme Pedroletti, avocate conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Mme [O] [V] veuve [W], Mme [A] [W] épouse [F] et M. [U] [W] à payer à M. [G] [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la société [R], et la société Mutuelle des architectes français une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,