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Cass. com., 27 septembre 2025, n° 24-12.392

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Alt

Avocat général :

M. Bonthoux

Avocats :

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Texidor, Périer

CA Orléans, du 12 déc. 2023

12 décembre 2023

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 12 décembre 2023), M. [V], exerçant l'activité de graphiste à titre indépendant, a confié, par un contrat conclu en 1990, une mission comptable, fiscale et sociale à une société aux droits de laquelle vient la société fidexpertise. Le 16 février 2017, il a constaté qu'il n'avait pas été affilié à la Caisse de retraite des professions libérales.

2. Le 29 août 2018, il a assigné la société fidexpertise en indemnisation.

 

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [V] fait grief à l'arrêt de déclarer que l'action en responsabilité contractuelle diligentée contre la société fidexpertise était prescrite pour les faits antérieurs au 29 août 1998 et de limiter à la somme de 136.816,07 euros la condamnation de la société fidexpertise en réparation de son préjudice matériel, alors « que le délai de prescription de l'action en responsabilité fondée sur l'obligation contractuelle pour un expert-comptable d'affilier le créancier à un régime de retraite ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, sans que puissent y faire obstacle les dispositions de l'article 2232 du code civil lorsque le délai butoir de 20 ans prévu par cet article, qui commence à courir à compter de la naissance du droit, a expiré antérieurement à la date où le créancier a eu connaissance de son dommage ; que pour déclarer en l'espèce l'action en responsabilité de M. [V] prescrite pour la période antérieure au 28 août 1998, la cour d'appel s'est fondée sur l'article 2232 du code civil et a estimé que M. [V] n'était pas empêché d'agir en responsabilité contre la société fidexpertise pour la période de 1998 à 2012, le délai butoir ne conduisant à déclarer prescrites que les demandes relatives à la période antérieure ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que M. [V] n'avait eu connaissance de son absence d'affiliation au régime de base par la société fidexpertise qu'en février 2017, que son dommage ne lui avait en conséquence été révélé qu'à cette date et son action n'était pas prescrite lorsqu'il a saisi le tribunal de grande instance de Tours le 29 août 2018, ce dont il se déduisait que la mise en oeuvre du délai butoir de 20 ans, qui avait commencé à courir au jour de la conclusion du contrat entre les parties le 11 septembre 1990 et avait expiré en 2010, soit antérieurement à la connaissance par M. [V] des faits lui permettant d'agir, était de nature à priver M. [V] de son droit d'action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société fidexpertise et ne pouvait en conséquence lui être opposé, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, ensemble l'article 2232 du code civil interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

 

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

5. Aux termes de l'article 2232 de ce code, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

6. La limitation du droit d'accès au juge qui en découle, qui a pour contrepartie le caractère « glissant » du point de départ du délai de prescription de l'action, ne restreint pas le droit d'accès au juge d'une manière ou à un point tels que ce droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elle répond à un but légitime de sécurité juridique et est proportionnée à ce but. Elle ne méconnaît donc pas les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

 

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. M. [V] fait le même grief à l'arrêt, alors que « selon l'article 2232 du code civil, en son alinéa 1er, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que, par l'effet du délai butoir, la demande de réparation de M. [V] ne pouvait porter que sur la période de 20 ans précédant la saisine du tribunal judiciaire de Tours, le 28 août 2018, et a jugé en conséquence que la prescription était acquise pour la période antérieure au 28 août 1998 ; qu'en statuant ainsi, quand le délai butoir se calcule à compter de la naissance du droit, soit la conclusion du contrat en matière contractuelle, la cour d'appel a violé l'article 2232 du code civil. »

 

Réponse de la Cour

9. Le point de départ du délai prévu à l'article 2232 du code civil, qui est distinct de celui prévu par l'article 2224 du même code, court, s'agissant d'une action en responsabilité d'un expert-comptable pour manquement à ses obligations contractuelles envers son client, à compter du fait générateur du dommage.

10. Après avoir relevé que M. [V] réclamait la réparation du préjudice causé par le défaut d'affiliation et de cotisation à la caisse de retraite des professions libérales imputable à la société fidexpertise, l'arrêt retient exactement que, par application des dispositions de l'article 2232 précité, il n'est pas recevable à obtenir la réparation du préjudice causé par l'absence, chaque année, d'affiliation et de cotisation pour la période antérieure aux vingt années précédant l'assignation.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et le condamne à payer à la société fidexpertise la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le dix-sept septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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