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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 21 octobre 2025, n° 24/06311

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 24/06311

21 octobre 2025

2ème Chambre

ARRÊT N°354

N° RG 24/06311

N° Portalis DBVL-V-B7I-VMOY

(Réf 1ère instance : 24/00812)

S.C.I. LES VIOLETTES

C/

SELARL FIDES ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS L'OFFICINE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me ONGIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Valérie PICOT-POSTIC, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Rozenn COURTEL, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Juin 2025

devant Madame Valérie PICOT-POSTIC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 21 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.C.I. LES VIOLETTES

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Morgane ONGIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

SELARL FIDES ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS L'OFFICINE

[Adresse 3]

[Localité 1]

Assignée par acte du commissaire de justice en date du 31janvier 2025, délivré à personne morale, n'ayant pas constituée

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 24 juin 2021, la SCI Les Violettes a donné à bail commercial à la société L'Officine pour l'exercice d'une activité de restauration et de vente à emporter un local situé [Adresse 2] à Quimper, moyennant un loyer annuel de base, hors taxes et hors charges de 51 000 euros, soit un loyer mensuel de 5 708,40 euros TTC payable le 1er jour de chaque mois d'avance.

Par jugement du 2 février 2024, le tribunal de commerce de Quimper a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société L'officine et désigné la SELARL Fidès, prise en la personne de M. [F] [L], en qualité de mandataire judiciaire de la société L'Officine.

Par jugement du 15 mars 2024, le tribunal de commerce de Quimper a converti le redressement judiciaire de la société L'Officine en liquidation judiciaire, et désigné la SELARL Fidès, prise en la personne de M. [F] [L], en qualité de liquidateur judiciaire.

Invoquant le non-paiement des loyers et des charges postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective, la SCI Les Violettes a fait délivrer, le 25 mars 2024, à la société L'Officine, prise en la personne de son liquidateur, un commandement de payer visant la clause résolutoire pour avoir paiement de la somme de 8 559,66 euros correspondant au loyer couvrant la période du 3 février au 15 mars 2024.

Puis, elle a, suivant procès-verbal du 15 avril 2024, fait pratiquer une saisie conservatoire des biens mobiliers appartenant à la société L'Officine, en garantie d'une créance de loyers et d'une quote-part de taxe foncière de 18 800,66 euros.

Prétendant que la SCI Les Violettes ne disposerait d'aucun titre et que la saisie serait abusive en ce qu'elle porterait atteinte aux droits de l'ensemble des créanciers de la procédure collective, la SELARL Fidès, ès-qualités de liquidateur de la société L'Officine, a, par acte du 26 avril 2024, fait assigner la SCI Les Violettes devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Quimper, en annulation et mainlevée de la saisie-conservatoire.

Estimant que la saisie conservatoire a été pratiquée à une date postérieure à la date de cessation des paiements, alors que l'article L. 632-1 du code de commerce prescrit la nullité des mesures conservatoires diligentées postérieurement à cette date, le juge de l'exécution a, par jugement du

6 novembre 2024 :

déclaré nulle la saisie-conservatoire de meubles effectuée par procès-verbal de commissaire de justice en date du 15 avril 2024 à l'égard de la société L'Officine,

ordonné la mainlevée de la saisie-conservatoire de meubles effectuée par procès-verbal de commissaire de justice en date du 15 avril 2024 à l'égard de la société L'Officine,

condamné la SCI Les violettes à payer à la SELARL Fidès intervenant en tant que liquidateur de la société L'Officine la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la SCI Les Violettes au paiement des dépens,

débouté la SCI Les Violettes de sa demande de condamnation de la société Fidès à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Les Violettes a relevé appel de ce jugement le 25 novembre 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions du 21 février 2025, elle demande à la cour de :

infirmer le jugement du juge de l'exécution du 6 novembre 2024 en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

débouter la société Fidès de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

condamner la société Fidès, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société L'officine, à payer à la SCI Les Violettes la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SELARL Fidès, ès-qualités de liquidateur de la société L'Officine, à laquelle la SCI Les Violettes a signifié sa déclaration d'appel et d'avis de fixation à bref délai le 31 janvier 2025 et ses conclusions le 25 février 2025, n'a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par la SCI Les Violettes, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 juin 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, la cour, lorsque l'intimé ne comparaît pas, ne peut faire droit à la demande que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée.

La SCI Les Violettes fait grief au jugement d'avoir ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire au visa de l'article L. 632-1 du code de commerce pour avoir été pratiquée à une date postérieure à la cessation des paiements, alors que les actes susceptibles d'être déclarés nuls sur le fondement de cet article seraient uniquement ceux réalisés durant la période suspecte comprise entre la date de cessation des paiements, le 30 janvier 2024, et le jour du jugement d'ouverture de la procédure collective, le 2 février 2024.

Elle soutient que la saisie conservatoire réalisée par la SCI serait d'autant moins susceptible d'être déclarée nulle au visa de l'article L. 632-1 du code de commerce, qu'elle a été réalisée en conséquence du non-paiement des loyers postérieurs à l'ouverture de la procédure collective.

A titre liminaire, c'est par d'exacts motifs que le juge de l'exécution a estimé que la mention 'contrat de bail écrit par le tribunal judiciaire de Quimper le 24 juin 2021' figurant sur le procès-verbal de saisie conservatoire était une erreur matérielle, dès lors que celui-ci évoquait un bail, ainsi que la date de sa signature, à savoir le 24 juin 2021, et que l'acte du commissaire de justice mentionnait que cet acte était fait à la demande du bailleur, à savoir la SCI Les Violettes, et il résultait donc sans ambiguïté que la saisie conservatoire était fondée sur le contrat de bail conclu entre les parties, d'où il en ressortait qu'une autorisation du juge de l'exécution n'était donc pas nécessaire pour être pratiquée.

Aux termes de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de son débiteur s'il justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

Par ordonnance du 5 septembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Quimper a, notamment, condamné la SELARL Fidès, prise en la personne de Me [F] [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société L'Officine, à payer, à titre de provision, à la SCI Les Violettes la somme de 18 755,87 euros correspondant aux loyers, charges et taxes foncières impayées pour la période du 3 février au 5 mai 2024, selon décompte arrêté au 3 juillet 2024.

Il en résulte que cette ordonnance de référé devenue définitive en l'absence de recours du liquidateur, justifie à tout le moins en son principe la créance de la SCI Les Violettes à l'égard de la liquidation judiciaire de la société L'Officine au titre des loyers, charges et taxes foncières impayées pour la période du 3 février au 5 mai 2024.

Cette décision rend de fait inopérant les moyens soulevés en première instance par le liquidateur de la société L'Officine sur la prétendue absence de titre de la SCI Les Violettes pour pratiquer une saisie conservatoire.

D'autre part, la survenance de la procédure de redressement judiciaire convertie rapidement en liquidation judiciaire constitue une menace de non-recouvrement de la créance de la SCI Les Violettes.

Par ailleurs, l'article L. 622-17 du code de commerce dispose que :

I.- Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.

II.- Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l'exception de celles garanties par le privilège établi aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du code du travail, des frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure et de celles garanties par le privilège établi par l'article L. 611-11 du présent code.

III.- Leur paiement se fait dans l'ordre suivant :

1° Les créances de salaires dont le montant n'a pas été avancé en application des articles L. 3253-6, L. 3253-8 à L. 3253-12 du code du travail ;

2° Les créances résultant d'un nouvel apport de trésorerie consenti en vue d'assurer la poursuite de l'activité pour la durée de la procédure ;

3° Les créances résultant de l'exécution des contrats poursuivis conformément aux dispositions de l'article L. 622-13 et dont le cocontractant accepte de recevoir un paiement différé ;

4° Les autres créances, selon leur rang (...)

Il s'ensuit qu'en application de l'article L. 622-17 I du code de commerce, les créances postérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective doivent être payées à leur échéance.

Il ressort à cet égard des énonciations de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Quimper du 5 septembre 2024, qu'en conséquence de ce principe, le liquidateur auquel est demandé le paiement de créances postérieures et qui dispose de fonds non consignés doit y procéder et que le paiement ne peut être refusé.

Ainsi, il appartient au liquidateur de justifier de l'indisponibilité des fonds pour refuser son paiement aux échéances des créances, ce qu'il ne justifie pas en l'espèce. Il ne peut donc pas être considéré que les créances ne pouvaient pas être payées à l'échéance, pour appliquer les dispositions de l'article L. 622-17 II et III du code de commerce afin qu'elles soient payées par privilège.

En effet, les créances de la SCI Les Violettes bénéficiaient du traitement préférentiel prévu à l'article L. 622-17, I du code de commerce, de sorte que celle-ci était en droit d'être payée à l'échéance et, à défaut, pouvait, dans l'exercice de son droit de poursuite individuelle, obtenir un titre exécutoire et le faire exécuter indépendamment dans l'ordre dans lequel s'exercent les privilèges.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, contrairement à l'appréciation du premier juge, la saisie conservatoire pratiquée pour garantir le paiement des loyers et charges postérieures à l'ouverture de la procédure collective était régulière.

L'appelante fait par ailleurs observer à juste titre que le mobilier saisi à titre conservatoire, tel que listé dans le procès-verbal du 15 avril 2024 estimé à un montant compris entre 6 000 euros et 8 000 euros TTC, il en résulte que la saisie pratiquée n'est en rien disproportionnée, au sens de l'article L. 117-1 du code des procédures civiles d'exécution, au regard du montant des loyers et charges en garantie duquel elle a été pratiquée (18 800,66 euros).

Il convient donc, après infirmation du jugement attaqué, de débouter la SELARL Fidès, ès-qualités de liquidateur de la société L'Officine, de l'ensemble de ses demandes et, notamment, de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire de meubles pratiquée le 15 avril 2024 par la SCI Les Violettes à l'égard de la liquidation judiciaire de la société L'Officine.

La SELARL Fidès, ès-qualités de liquidateur de la société L'Officine, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la SI Les Violettes l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion des procédures de première instance et d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 2 000 suros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 6 novembre 2024 par le juge de l'exécution de [Localité 4] ;

Déboute la SELARL Fidès, ès-qualités de liquidateur de la société SAS L'Officine, de l'ensemble de ses demandes ;

La déboute de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire de meubles pratiquée le 15 avril 2024 par la SCI Les Violettes à l'égard de la liquidation judiciaire de la société SAS L'Officine ;

Condamne la SELARL Fidès, ès-qualités de liquidateur de la société SAS L'Officine, à payer à la SCI Les Violettes la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SELARL Fidès, ès-qualités de liquidateur de la société SAS L'Officine, aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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