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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 21 octobre 2025, n° 25/00725

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 25/00725

21 octobre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4DC

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 OCTOBRE 2025

N° RG 25/00725 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W7YM

AFFAIRE :

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

C/

S.A.S. MASMA

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 Janvier 2025 par le Juge commissaire de [Localité 8]

N° RG : 2024M06266

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Elisa GUEILHERS

Me Asma MZE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT :

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Elisa GUEILHERS de la SELEURL ELISA GUEILHERS AVOCAT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 129 - N° du dossier 515/24

****************

INTIMES :

S.A.S. MASMA

Ayant son siège

[Adresse 7]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2576163 -

Plaidant : Me Baptiste DE FRESSE DE MONVAL de la SELAS OPLUS, avocat au barreau de PARIS - vestiaire : K 0170

Plaidant : Me Marie-valentine GERONIMI, avocat au barreau de PARIS

vestiaire : K 00170

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS mission conduite par Maître [V] [Z] en qualité de Mandataire judiciaire de la société MASMA désignée en cette qualité par Jugement du Tribunal de commerce de VERSAILLES du 14 novembre 2023

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2576163 -

Plaidant : Me Baptiste DE FRESSE DE MONVAL de la SELAS OPLUS, avocat au barreau de PARIS - vestiaire : K 0170

Plaidant : Me Marie-valentine GERONIMI, avocat au barreau de PARIS

vestiaire : K 00170

S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES mission conduite Maître [F] [O] en qualité de Commissaire à l'exécution du plan de la société MASMA désignée en cette qualité par Jugement du Tribunal de commerce de VERSAILLES du 10 décembre 2024

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2576163 -

Plaidant : Me Baptiste DE FRESSE DE MONVAL de la SELAS OPLUS, avocat au barreau de PARIS - vestiaire : K 0170

Plaidant : Me Marie-valentine GERONIMI, avocat au barreau de PARIS

vestiaire : K 00170

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Cyril ROTH, Président et Madame Véronique PITE, conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,

Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,

Madame Véronique PITE, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous-seing privé du 25 mai 2020, la société anonyme Crédit Industriel et Commercial (ci-après le CIC ou la banque) a consenti à la société à responsabilité limitée Masma un prêt de trésorerie de 102 000 euros sans intérêts, remboursable au terme d'un an, garanti par l'Etat.

Par avenant du 7 juin 2021, sa durée fut rééchelonnée sur 60 mois dont 12 en franchise d'amortissement, moyennent un taux fixe de 0,70 % l'an et des mensualités de 95,32 euros, puis de 2 191,33 euros.

Le 14 novembre 2023, le tribunal de commerce de Versailles a placé la SARL Masma, devenue société par actions simplifiée unipersonnelle, sous procédure de sauvegarde, désignant la SELARL ML Conseils comme mandataire judiciaire.

Le 21 décembre 2023, la société CIC a déclaré sa créance à la procédure collective.

En décembre 2024, le tribunal de commerce de Versailles a arrêté le plan de sauvegarde de la société Masma et désigné la SELARL Ajassociés en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Le 13 janvier 2025, par ordonnance, le juge-commissaire a :

- admis définitivement la société CIC au passif de la société Masma pour la somme de 67 312,06 euros à échoir à titre chirographaire et rejeté l'indemnité d'exigibilité ;

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.

Le 24 janvier 2025, la société CIC a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a rejeté l'indemnité d'exigibilité déclarée à hauteur de 4 634,07 euros et n'a pas admis les intérêts postérieurs à la procédure de sauvegarde au taux contractuel de 0,70 % l'an dès le jugement du 14 novembre 2023 sur le capital restant dû d'un montant de 66 201,06 euros jusqu'à parfait paiement au titre du prêt garanti par l'Etat d'un montant de 102 000 euros, conclu le 25 mai 2020 et modifié par avenant du 7 juin 2021.

Par dernières conclusions du 17 juin 2025, elle demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a admis la somme de 67 312,06 euros à échoir à titre chirographaire, au titre du capital restant dû (66 201,06 euros) et au titre de la commission de la garantie de l'Etat pour la période additionnelle (1 111 euros) ;

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle ;

- n'a admis l'indemnité d'exigibilité conventionnelle de 7 %, soit 4 634,07 euros ;

- a omis de statuer sur les intérêts postérieurs à la procédure de sauvegarde au taux contractuel de 0,70 % l'an dès le jugement du 14 novembre 2023 sur le capital restant dû de 66 201,06 euros jusqu'à parfait paiement au titre du prêt garanti par l'Etat d'un montant de 102 000 euros conclu le 25 mai 2020 et modifié par avenant du 7 juin 2021 ;

En conséquence, statuant à nouveau,

- admettre sa créance conformément à sa déclaration, à titre chirographaire, pour 72 040,08 euros, en ce compris l'indemnité conventionnelle de 7 % de 4 634,07 euros, outre les intérêts postérieurs à la procédure de sauvegarde au taux contractuel de 0,70 % l'an à compter du jugement du 14 novembre 2023 sur le capital restant dû de 66 201,06 euros jusqu'à parfait paiement au titre du prêt garanti par l'Etat d'un montant de 102 000 euros du 25 mai 2020, modifié par avenant du 7 juin 2021.

Par dernières conclusions du 23 juin 2025, les sociétés Masma, ML Conseils et Ajassociés demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

- rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de la société CIC ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er septembre 2025.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur l'indemnité d'exigibilité

La société CIC poursuit l'admission au passif de l'indemnité d'exigibilité, en soutenant que, quoique éventuelle, elle doit être déclarée en cas de conversion de la procédure en liquidation judiciaire puisque, dérivant du contrat de prêt, elle est antérieure à la procédure de sauvegarde.

Les sociétés intimées lui opposent les dispositions de l'article L. 622-13 du code de commerce empêchant l'aggravation de la situation du débiteur du seul fait de la procédure collective, en observant que la dette n'est pas exigible.

Réponse de la cour

Selon l'article L. 622-24 du code de commerce, les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture doivent la déclarer, sur la base d'une évaluation si elles ne sont pas établies par un titre.

L'article L.622-25 du même code précise que la déclaration porte sur le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir.

Il est de principe que les créances éventuelles doivent être déclarées (Com., 24 octobre 1995, n° 93-21.211, diffusé ; Com 30 juin 2004 n°02-15.345, publié ; Civ. 3ème 23 mai 2007, n°06-14.988, publié).

La créance au titre de l'indemnité de résiliation d'un prêt naît le jour où il a été contracté, de sorte qu'elle doit être déclarée à la procédure collective bien que son montant ne puisse pas être précisément déterminé faute de déchéance du terme (Com, 27 juin 2006, n°05-12.306). Une indemnité de résiliation éventuelle peut être déclarée (Com., 24 octobre 1995, précité ; Com., 5 novembre 2013, n° 12-20.263, publié).

En l'occurrence, le contrat spécifie en cas de résiliation ou de déchéance du terme du prêt que le prêteur de deniers aura droit à une indemnité de 7% du capital restant dû à la date d'exigibilité anticipée du crédit.

Certes, aux termes du I, 1er alinéa de l'article L. 622-13 du code de commerce, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

Cependant, sans que la déchéance du terme ne soit intervenue, la banque était en droit de déclarer ses créances éventuelles au titre de la totalité du capital restant dû comme au titre des indemnités de résiliation, contractuellement nées avant le jugement d'ouverture, en sorte que le moyen de l'intimée sur l'aggravation de son sort est sans portée.

Etant ajouté que la société débitrice ne discute pas le quantum, la créance doit être admise pour le montant complémentaire correspondant à l'indemnité d'exigibilité, soit pour 4 634,07 euros. L'ordonnance du juge-commissaire sera partiellement infirmée de ce chef.

Sur les intérêts postérieurs au jugement de sauvegarde

Le CIC plaide l'admission de la créance d'intérêts postérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, du moment que la durée du prêt est supérieure à un an.

Les sociétés intimées lui objectent l'opacité de sa créance, en contravention avec les dispositions de l'article R.622-23 du code de commerce.

Réponse de la cour

L'article R. 622-23, 2°, du code de commerce dispose que la déclaration de créance contient les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté.

La déclaration d'une créance d'intérêts « pour mémoire », sans que soient mentionnés la base de calcul et le taux applicable, ne satisfait pas à cette exigence (Com., 9 juillet 2002, n°98-23.044, diffusé ; Com., 15 mars 2005, n° 03-18.607, publié) ; mais y satisfait la déclaration d'une créance « pour mémoire » complétée par l'indication du taux d'intérêt applicable et des modalités de son calcul (Com, 25 février 2004, n°02-18.314).

En l'occurrence, la déclaration de créance de la banque, à laquelle était joint son décompte détaillé, cite les intérêts « pour mémoire », en mentionnant leur taux : 0,70% l'an et leur point de départ : le 15 novembre 2023. Par ailleurs, elle produit aux débats le contrat modifié, et ainsi les justificatifs utiles étayant sa demande.

L'article L. 622-28 du code de commerce faisant échapper à l'arrêt du cours des intérêts les contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an, tel le prêt litigieux, cette créance, qui est légitimement déclarée, doit être admise.

Il convient de compléter l'ordonnance entreprise, qui a omis de statuer de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a écarté la créance de la société anonyme Crédit Industriel et Commercial au titre de l'indemnité conventionnelle de résiliation ;

La confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Admet au passif de la société Masma les créances de la société anonyme Crédit Industriel et Commercial, à titre chirographaire, de :

- 4 634,07 euros au titre de l'indemnité de résiliation ;

- Les intérêts conventionnels sur le capital restant dû au taux de 0,70% l'an à compter du 15 novembre 2023 ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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