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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 21 octobre 2025, n° 25/07593

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Karadonna (SARL)

Défendeur :

Argos (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hébert-Pageot

Conseillers :

Mme Lacheze, M. Varichon

Avocats :

Me Lallement, Me Chene, Me Gallet, Me Thierry d'Argenlieu

T. act. écon. Paris, du 11 avr. 2025, n°…

11 avril 2025

FAITS ET PROCÉDURE:

La société à responsabilité limitée Karadonna, constituée en 2018, a pour activité « la fabrication, achat et vente import et export de tous articles de luxe que ce soit prêt-à-porter masculin, féminin, enfants et accessoire, la maroquinerie, chaussures et tous accessoires, bijoux, joaillerie, objets de création, articles de [Localité 8] et parfumerie, enfin tous accessoires de mode ; fabrication, achat, vente, import et export de tous articles de prêt-à-porter hommes, femmes, enfants, chaussures et toutes activités s'y attachant » selon son extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Elle emploie deux salariés.

Sur assignation du 24 avril 2024 du comptable du service des impôts des entreprises, invoquant une créance de 75 399,31 euros, et par jugement du 11 avril 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son égard, désigné en qualité de liquidateur la SELARL Argos, en la personne de Me [M], fixé au 11 octobre 2023 la date de cessation des paiements, dit que le présent jugement est exécutoire de plein droit, et dit que les dépens seront portés en frais privilégiés de procédure collective.

Le 17 avril 2025, la société Karadonna a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 8 septembre 2025, la société Karadonna demande à la cour :

- de la recevoir en son appel et l'y déclarée bien fondée,

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau, d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire sans administrateur à son bénéfice,

- en tout état de cause, de débouter tout contestant de l'ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions,

- de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 11 juillet 2025, la SELARL Argos, ès qualités, demande à la cour :

- de lui donner acte de ce qu'au bénéfice de ses observations et sous les plus expresses réserves, elle s'en rapporte à justice sur la demande principale de la société Karadonna tendant à être déclarée in bonis,

- à titre subsidiaire, d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Karadonna,

- de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Le 15 mai 2025, la déclaration d'appel a été signifiée à personne morale au Trésor public, qui ne s'est pas constitué.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 septembre 2025.

SUR CE,

La société Karadonna indique ne pas être en état de cessation des paiements, exposant :

- qu'au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2024, elle a réalisé un bénéfice de 14 972 euros, pour un chiffre d'affaires de 492 565 euros,

- que ses actifs se composent de sa trésorerie, d'un montant de 106 517 euros au 23 avril 2025, que cette somme est actuellement entre les mains du liquidateur pour 103 874,74 euros, et du fonds de commerce en ce compris le droit au bail portant sur les locaux du [Adresse 4] à [Localité 10] valorisé au bilan pour un montant de 1 933 120 euros, étant précisé qu'à ce jour la société n'a plus de stocks personnels,

- que sa dette fiscale au titre de la TVA s'élève à la somme de 61 319,31 euros au titre des droits et à 14 080 euros au titre de pénalités, dont elle se réserve la possibilité de solliciter une remise, ainsi qu'une somme de 11 506 euros au titre de la TVA du mois de janvier 2025 ayant fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement adressé au liquidateur le 30 avril 2025, de sorte que le montant total s'élève à 96 771,31 euros,

- qu'il existerait un passif privilégié de 45 701,91 euros résultant d'une déclaration de créance de l'Urssaf d'un montant de 32 100,75 euros et d'une déclaration de créance de l'Agirc-Arco de 13 601,16 euros, outre un passif chirographaire de 554,93 euros,

- que le Trésor public, pourtant demandeur à l'ouverture de la procédure collective, et régulièrement avisé, n'a pas déclaré sa créance, alors que le délai de déclaration a expiré au 29 juin 2025 et que le délai pour agir en relevé de forclusion n'expirera que le 29 octobre 2025,

- qu'elle n'est donc pas en état de cessation des paiements, sauf si le Trésor public obtenait un relevé de forclusion en vue de déclarer sa créance.

Elle sollicite néanmoins dans ses dernières écritures l'ouverture d'un redressement judiciaire sans administrateur, faisant valoir qu'elle a conclu, par acte du 1er septembre 2024, avec la société IBG Majestic [Localité 8], un contrat de mise à disposition des marchandises en consignation et d'équipement pour la vente au public, qu'aux termes de ce contrat, la société IBG Majestic [Localité 8], concédant, met à sa disposition des marchandises destinées à la vente au public en régime de consignation ainsi que le mobilier de présentation, le matériel de caisse et équipements nécessaires à la vente, que cette collaboration entre les deux sociétés a été fructueuse, qu'ainsi cette configuration sécurise parfaitement son activité et garantit son redressement, ce que le liquidateur reconnaît aux termes de ses conclusions.

La SELARL Argos, ès qualités, conclut à l'absence d'état de cessation des paiements de la société Karadonna à la date à laquelle la cour est amenée à statuer, précisant :

- au titre du passif exigible, que le délai de déclaration de créance a expiré au 29 juin 2025, que le total du passif déclaré s'élève à 46 256,84 euros, dont 45 701,91 euros à titre privilégié, que le créancier poursuivant n'a pas déclaré sa créance malgré ses avertissements,

- au titre de l'actif disponible, qu'elle détient sur son compte carpa la somme de 103 874,74 euros après avoir réglé une cotisation d'assurance et des frais de greffe, soit une trésorerie sensiblement supérieure au montant du passif, de sorte que la société appelante ne serait pas en état de cessation des paiements,

- que la situation pourrait évoluer à raison des créances qui pourraient être déclarées dans le délai de relevé de forclusion et d'éventuelles créances salariales qui seraient portées à sa connaissance.

Le liquidateur considère que le redressement de la société Karadonna n'apparait pas manifestement impossible, soulignant la forte augmentation du chiffre d'affaires en 2024.

Aux termes de l'article L. 631-1 du code de commerce, il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements et le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. (')

Il résulte de l'article L. 640-1 du code de commerce que la procédure de liquidation judiciaire n'est ouverte qu'au débiteur en cessation des paiements dont le redressement est manifestement impossible.

En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.

Il résulte des chiffres susmentionnés que l'actif disponible de la société Karadonna (103 874,74 euros) permet de faire face au passif déclaré (46 256,84 euros).

Toutefois, le délai pour solliciter un relevé de forclusion n'est pas expiré et la société Karadonna ne conteste pas être débitrice d'une créance fiscale totalisant 96 771,31 euros dont 14 080 euros de pénalités pourraient éventuellement être déduits, ce qui porte le passif exigible à la somme de 128 948,15 euros (46 256,84 + 96 771,31 - 14 080 euros).

Dans ces conditions, l'actif disponible ne permet pas de faire face au passif exigible, de sorte que la société Karadonna se trouve en état de cessation des paiements.

Par ailleurs, il est constant que le redressement de la société Karadonna n'est pas manifestement impossible.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Karadonna avec une période d'observation d'une durée de six mois.

Il ressort du dossier que le premier avis à tiers détenteur demeuré infructueux remonte au 12 octobre 2023 mais aussi que la société était bénéficiaire au 31 décembre 2024, ce qui s'explique par le fait qu'elle a signé en septembre 2024 un contrat fructueux. Compte tenu du montant de son actif disponible, il n'est pas démontré qu'elle n'ait pas été en mesure de faire face à son passif exigible depuis lors. La date de cessation des paiements sera donc fixée au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Le chiffre d'affaires et le nombre de salariés de la société Karadonna sont inférieurs aux seuils prévus aux articles L. 621-4 et R. 621-11 du code de commerce et il n'y a pas lieu d'user de la faculté offerte par le premier de ces textes de désigner néanmoins un administrateur judiciaire.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ouvre une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Karadonna, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 841 882 350, et dont le siège social se situe au [Adresse 3] à Paris 16ème (75016) ;

Fixe la durée de la période d'observation à six mois à compter du présent arrêt ;

Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 21 octobre 2025 ;

Désigne la SELARL Argos, en la personne de Me [E] [M], en qualité de mandataire judiciaire ;

Désigne Me [B] [D], commissaire de justice, aux fins de réaliser, s'il y a lieu, l'inventaire prévu par l'article L. 622-6 du code de commerce et la prisée de l'actif du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent ;

Fixe à 4 mois à compter de la publication de l'arrêt au BODACC le délai pour établir la liste des créances mentionnée à l'article L. 624-1 du code de commerce ;

Fixe le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée à 12 mois ;

Invite les délégués du personnel ou les salariés s'il en existe à désigner un représentant dans les conditions prévues par les articles L. 621-4 et L. 621-6 du code de commerce et à en communiquer le nom et l'adresse au greffe du tribunal des activités économiques de Paris ;

Renvoie l'affaire devant le tribunal des activités économiques de Paris pour la poursuite de la procédure et la désignation du juge-commissaire ;

Rappelle que le greffe du tribunal des activités économiques de Paris devra procéder aux mentions et publicités prévues par la loi ;

Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.

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