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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 21 octobre 2025, n° 25/00403

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 25/00403

21 octobre 2025

ARRET



S.A.R.L. GARAGE EDISON

C/

Association ANRH

copie exécutoire

le 21 octobre 2025

à

Me Naanai

Me Garnier

FM

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 21 OCTOBRE 2025

N° RG 25/00403 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JIHY

ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TJ A COMPETENCE COMMERCIALE DE [Localité 5] DU 18 OCTOBRE 2024 (référence dossier N° RG )

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. GARAGE EDISON agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Noureddine NAANAI, avocat au barreau de SENLIS

ET :

INTIMEE

Association ANRH agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric GARNIER de la SCP LEQUILLERIER - GARNIER, avocat au barreau de SENLIS, substitué par Me Diane DEDIEU, avocat au barreau de SENLIS

***

DEBATS :

A l'audience publique du 02 Septembre 2025 devant Mme Florence MATHIEU, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 805 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2025.

GREFFIERE : Madame Elise DHEILLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Florence MATHIEU en a rendu compte à la cour composée de :

Mme Florence MATHIEU, présidente de chambre,

Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,

Mme Valérie DUBAELE, conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 21 Octobre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Florence MATHIEU, présidente a signé la minute avec Madame Elise DHEILLY, greffière.

*

* *

DECISION

Par acte sous seing privé en date du 1er juillet 2016, la SCI Immofibail, aux droits de laquelle intervient désormais l'association ANRH a donné à bail à la SARL Garage Edison un local commercial sis [Adresse 4] à Nogent sur Oise, pour une durée de 9 années, ayant pour destination l'achat et la vente de pièces automobiles, moyennant un loyer annuel d'un montant de 19.000 euros hors taxes et une provision trimestrielle pour charges de 600 euros hors taxes.

Par acte en date du 7 juin 2024, l'ANRH a fait délivrer à la SARL Garage Edison un commandement de payer la somme de 7.507,96 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 30 avril 2024 visant la clause résolutoire insérée au bail.

Par acte de commissaire de justice en date du 18 juillet 2024 l'ANRH a fait assigner la SARL Garage Edison devant le président du tribunal judiciaire de Senlis statuant en référé afin de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, ordonner l'expulsion de la société et la voir condamner au paiement de la somme de 11.361,14 euros au titre des loyers et charges restant dus au 8 juillet 2024 et au paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à libération totale des lieux et remise des clefs ainsi que des frais irrépétibles et des dépens.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire rendue le 18 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Senlis a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire':

- constaté la résiliation du bail commercial par l'effet de la clause résolutoire à compter du 8 juillet 2024,

- ordonné l'expulsion de la SARL Garage Edison dans un délai de huit jours, au besoin avec le concours de la force publique,

- condamné la SARL Garage Edison à payer à l'ANRH la somme de 11.361,14 euros à titre de provision à valoir sur les factures de loyers et charges impayées à la date de résiliation du bail le 8 juillet 2024,

- condamné la SARL Garage Edison à payer à l'ANRH la somme de 4.750 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation due à compter du 9 juillet 2024 jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamné la SARL Garage Edison à payer à l'ANRH la somme de 1000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Par un acte en date du 20 novembre 2024, la SARL Garage Edison a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 15 avril 2025, la SARL Garage Edison demande à la cour de':

- prononcer la nullité de l'ordonnance du 18 octobre 2024 pour défaut de signification au créancier, sur le fondement de l'article L 143-2 du code de commerce,

- subsidiairement d'infirmer la décision entreprise et de voir':

- suspendre l'acquisition de la clause résolutoire

- condamner l'association ANRH à lui communiquer les quittances de loyer entre le 1er janvier et le 31 décembre 2024 sous astreinte de 100 € par jour de retard,

- condamner l'association ANRH à lui payer la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

À titre principal, elle expose qu'il appartient au bailleur de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions de notifier sa demande de résiliation de bail aux créanciers antérieurement inscrits'; qu'à défaut de notification la résiliation est inopposable au créancier, de sorte que l'ordonnance entreprise encourt la nullité.

Subsidiairement, elle soutient qu'il existe une contestation sérieuse dans la mesure où elle a effectué un virement de 8.438,'33 euros le 2 août 2024, un deuxième de 7.835,18 euros le 11 décembre 2024 puis enfin de 4.000 euros le 3 mars 2025.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 16 mai 2025, l'ANRH conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise et sollicite le paiement à hauteur d'appel d'une somme de 3000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi que la condamnation de la SARL Garage Edison aux dépens.

Subsidiairement, elle demande à la cour de condamner la SARL Garage Edison à lui payer une indemnité d'occupation égale au loyer contractuel majoré des charges récupérables jusqu'à la libération effective des lieux et restitution des clés.

Elle fait valoir que les conclusions de la SARL Garage Edison ne contiennent pas l'indication au sens de l'article 954 deuxième alinéa du code de procédure civile, de chef du dispositif de l'ordonnance critiquée de sorte que la cour n'est pas saisie d'une demande d'infirmation et ne peut que confirmer la décision entreprise.

Elle expose que l'impayé au 12 juillet 2024 subsiste.

Elle rappelle qu'en cas de solde de la dette au jour de l'audience, le juge doit constater la bonne foi du débiteur pour lui accorder des délais rétroactivement. Elle insiste sur le fait que la SARL Garage Edison ne justifie pas de sa capacité à honorer son loyer par aucune pièce et persiste dans l'acquittement irrégulier des loyers ce qui est exclusif de toute bonne foi.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juillet 2025.

Par conclusions notifiées électroniquement le 29 août 2025, la SARL Garage Edison demande à la cour de rabattre l'ordonnance de clôture pour lui permettre de produire ses pièces de 1 à 5 qui n'ont pas été communiquées en même temps que ses écritures du 15 avril 2025 ainsi que deux nouvelles pièces démontrant qu'elle est à jour du paiement de ses loyers.

Par écritures de procédure notifiées électroniquement le 29 août 2025, l'ANRH s'oppose au rabat de l'ordonnance de clôture, faisant valoir que la SARL Garage Edison ne justifie pas d'une cause grave.

MOTIFS DE LA DECISION

À titre liminaire, il y a lieu de souligner que l'avocat de la SARL Garage Edison a déposé le 1er septembre 2025 au secrétariat greffe de la cour un «'semblant de dossier'» constitué d'un fatras de pièces éparses tenues par un trombone et sans chemise.

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

En application de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Il est constant que cet article exige que la cause, de nature à justifier la révocation, se soit révélée postérieurement à la clôture.

En vertu de l'article 915-1 du code de procédure civile, les pièces doivent être communiquées simultanément aux conclusions d'appel.

En l'espèce, il est établi que la SARL Garage Edison n'a communiqué aucune pièce lors de la remise de ses conclusions au greffe le 15 avril 2025. L'association ANRH dans ses écritures en réplique notifiées électroniquement le 16 mai 2025 a notamment indiqué que l'appelante ne justifiait pas de sa capacité à honorer son loyer par aucune pièce.

C'est dans ces conditions qu'est intervenue l'ordonnance de clôture le 3 juillet 2025 conformément au calendrier de procédure transmis préalablement aux parties.

Dès lors, force est de constater que l'oubli de communication des pièces n°1 à 5 et que la communication de deux autres dont la date est antérieure au prononcé de l'ordonnance de clôture, ne constituent pas une cause grave au sens de l'article susvisé.

Par conséquent, il convient de rejeter la demande de rabat de l'ordonnance de clôture et d'écarter des débats les pièces communiquées postérieurement à ladite ordonnance.

Sur la demande de nullité de l'ordonnance

Au soutien de sa demande de nullité, la SARL Garage Edison invoque les dispositions de l'article L143-2 du code de commerce qui énonce que':

«'Le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscription doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu'après un mois écoulé depuis la notification. La résiliation amiable du bail ne devient définitive qu'un mois après la notification qui en a été faite aux créanciers inscrits, aux domiciles élus'».

Il est constant que cette notification est une obligation qui ne bénéficie qu'au créancier inscrit, de sorte que seuls les créanciers inscrits ont le pouvoir de se prévaloir de ce défaut de notification.

En l'espèce, la cour relève, d'une part, que l'association ANRH produit un état certifié des inscriptions daté du 15 juillet 2024 dont il ressort qu'il n'existe aucun nantissement sur le fonds de commerce dont s'agit, et d'autre part que la seule sanction prévue par le texte précitée est l'inopposabilité de la résiliation au créancier inscrit et non la nullité de l'ordonnance constatant la résiliation.

Par conséquent, il convient de débouter la SARL Garage Edison de sa demande de nullité de l'ordonnance entreprise.

Sur la forme des conclusions de la SARL Garage Edison

Aux termes de l'article 954 alinéas 2 et 3 du code de procédure civile, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif dans lequel l'appelant indique s'il demande l'annulation ou l'infirmation du jugement et énonce, s'il conclut à l'infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués, et dans lequel l'ensemble des parties récapitule leurs prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes conclusions sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Une partie du dispositif des conclusions de la SARL Garage Edison est ainsi libellée':

«'A titre subsidiaire':

dire et juger qu'il existe une contestation sérieuse,

infirmer l'ordonnance du 18 octobre 2024, le président du tribunal judiciaire de Senlis,

suspendre l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail commercial entre la société «'Garage Edison'» et l'association ANRH, conformément aux dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce (')

Dans le corps écritures, la SARL Garage Edison cite l'article 834 du code de procédure civile, écrit qu'il existe une contestation sérieuse et qu'au jour de l'audience elle a régularisé sa situation.

Elle précise que les retards minimes de paiement ne peuvent justifier la résiliation judiciaire du contrat.

En l'espèce, malgré une rédaction alambiquée des conclusions critiquées, la cour relève que la SARL Garage Edison sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise et demande la suspension de la clause résolutoire, ce qui signifie qu'elle demande à la cour de constater qu'elle a régularisé le paiement des loyers postérieurement à la délivrance de l'assignation, étant précisé que dans le corps des écritures litigieuses, la SARL Garage Edison indique qu'elle a effectué des virements.

Dans ces conditions, par une appréciation souveraine, la cour estime être saisie d'une demande d'infirmation de l'acquisition de la clause résolutoire et des conséquences pécuniaires y afférentes.

Sur la demande de résiliation du bail et ses conséquences

Aux termes de l'article L 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux.Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Il convient de relever que lors de la délivrance du commandement de payer du 7 juin 2024 visant la clause résolutoire insérée au bail la SARL Garage Edison était redevable d'un arriéré locatif d'un montant de 7.507,96 euros correspondant aux loyers et charges du 2ème trimestre 2024 euros que la preneuse n'a pu apurer intégralement dans le mois de ce commandement et qu'elle n'a pas été en mesure de régler entièrement les loyers courants.

Elle était ainsi encore redevable au 12 juillet 2024 de la somme de 11.361,14 euros, le troisième trimestre étant exigible au 1er juillet 2024 et seul un virement de 4.000 euros ayant été effectué le 30 avril 2024 (suivant décompte daté du 12 juillet 2024 produit par l'ANRH).

A la suite de la délivrance de l'assignation en référé, aucune communication régulière de pièces par la SARL Garage Edison ne prouve que celle-ci a apuré postérieurement au mois du commandement de payer l'ensemble de l'arriéré locatif, ni ultérieurement bien qu'elle invoque des règlements jusqu'en mars 2025, sans pourtant en justifier. Elle n'est dès lors pas fondée à obtenir la suspension des effets de la clause résolutoire.

Si le bailleur est tenu de délivrer des quittances de loyer, toutefois, la non communication de celles-ci dans le cadre de la présente instance ne fait pas obstacle au jeu de la clause résolutoire, et ce d'autant plus, que la SARL Garage Edison ne critique pas la validité du commandement de payer mais sollicite uniquement la suspension des effets de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail.

Dans ces conditions, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 8 juillet 2024 et ordonné l'expulsion de la SARL Garage Edison à défaut de libération des lieux.

En application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, peut accorder une provision au créancier.

La SARL Garage Edison n'ayant pas payé l'intégralité de sa dette postérieurement au 8 juillet 2024, il convient de confirmer le jugement entrepris sur la fixation de l'arriéré locatif d'un montant provisionnel de 11.361,14 euros ainsi que sur la condamnation au paiement d'une indemnité provisionnelle d'occupation et de préciser que l'indemnité d'occupation provisionnelle due par la SARL Garage Edison à compter du 9 juillet 2024 jusqu'à la libération effective des lieux est égale au montant du loyer contractuel indexé majoré des charges récupérables.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la SARL Garage Edison succombant, elle sera tenue aux dépens d'appel.

La nature de l'affaire et les circonstances de l'espèce commandent de condamner la SARL Garage Edison à payer à l'association ANRH la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et de la débouter de sa demande en paiement sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 3 juillet 2025 formée par la SARL Garage Edison et écarte toutes les pièces produites postérieurement à ladite ordonnance.

Confirme l'ordonnance rendue le 18 octobre 2024 par le président du tribunal judiciaire de Senlis, en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Rejette la demande de suspension des effets de la clause résolutoire.

Dit que l'indemnité d'occupation provisionnelle due par la SARL Garage Edison à l'association ANRH à compter du 9 juillet 2024 jusqu'à la libération effective des lieux est égale au montant du loyer contractuel indexé majoré des charges récupérables.

Condamne la SARL Garage Edison à payer à l'association ANRH la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

La déboute de sa demande en paiement sur ce même fondement.

Condamne la SARL Garage Edison aux dépens d'appel.

La Greffière, La Présidente,

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